Séance du
jeudi 8 juin 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
8e
session -
28e
séance
IU 869
Le président. Je donne la parole à M. Vanek pour son interpellation !
M. Pierre Vanek (AdG). Merci, Monsieur le président. J'en ai deux, une plus grosse et une petite qui viendra après... (Rires.) La première interpellation urgente s'adresse bien sûr au Conseil d'Etat, mais concerne plus particulièrement M. Gérard Ramseyer.
Vous vous souvenez, Monsieur Ramseyer, que, début mars, je vous interpellais concernant les dérapages ayant eu lieu à l'occasion de la répression assez «énergique», pour dire le moins, exercée par la police, lors de la manifestation, devenue traditionnelle, dite Critical Mass.
Je n'entends pas rouvrir le débat là-dessus, nous aurons l'occasion de le faire, mais, lors de ladite interpellation, je vous questionnais afin de savoir si cette attitude de la police ne correspondait pas à une dérive vers l'application de ces théories dites de la «tolérance zéro», fort à la mode aux Etats-Unis et relayées dans toute une série de milieux politiques européens de droite, comprenant Tony Blair qui les reprend à son compte.
A l'époque, vous ne m'aviez pas explicitement répondu sur ce point. J'ai trouvé un élément de réponse dans la «Feuille d'avis officielle» du vendredi 2 juin, plus précisément dans votre discours à l'occasion de la prestation de serment des écoles de police, le 31 mai 2000, qui y est reproduit. Vous y dites toutes sortes de choses qui mériteraient d'être discutées. Je n'en retiendrai qu'une, Monsieur le président du département de justice et police, je cite : «Quant au corps de police, il se sait soumis à la non moins célèbre théorie de la tolérance zéro.»
Vous instituez donc cette théorie de la tolérance zéro comme doctrine officielle dans cette République. Pour moi, ceci est inadmissible, car notre police doit être une police citoyenne. Elle se sait soumise à nos lois, aux intentions du législateur, mais elle n'est en aucune manière soumise - c'est le terme que vous avez employé - à des théories, fussent-elles en vogue aux Etats-Unis. En tout cas, elle ne peut pas être soumise à ce genre de chose, sans qu'il y ait eu un débat public et politique et un débat dans cette enceinte sur cette question.
Cette théorie de la tolérance zéro est née vers 1993, à New York, au moment où le nouveau maire Giuliani a instauré une politique ultra-sécuritaire qui a correspondu à la mise en oeuvre d'une vaste opération de criminalisation de la pauvreté et à un harcèlement policier systématique ciblant les «nuisances» dites mineures : petite délinquance, toxicomanie, les sans-abri, les prostituées, etc. Cette opération s'inscrivait dans le cadre du développement général de l'appareil répressif américain, amorcé dans les années 80, dont, entre parenthèses, le symptôme le plus parlant est l'accroissement fulgurant de la population carcérale...
Le président. Monsieur Vanek, je m'excuse, mais vous devez poser votre question, car trois minutes se sont écoulées. S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Ai-je épuisé mon temps de parole ?
Le président. Oui, Monsieur !
M. Pierre Vanek. Alors, je vais poser ma question, mais je reviendrai sur cette théorie de la tolérance zéro. Ma question à M. Ramseyer et à ses collègues du Conseil d'Etat est la suivante :
Etes-vous prêts à retirer cette déclaration instituant cette théorie comme doctrine officielle et, cas échéant, si vous tenez effectivement à ce qu'elle devienne la doctrine officielle de notre police dans ce canton, êtes-vous prêts à venir en débattre devant ce parlement, pour qu'il y ait un minimum de contrôle démocratique sur cette question-là ? Et que nous puissions la refuser...
Réponse du Conseil d'Etat
M. Gérard Ramseyer. D'après votre interpellation, Monsieur le député Vanek, je pense que vous n'avez pas du tout lu le texte dont vous parlez. Ce qui est soumis à la tolérance zéro, ce n'est pas le public, mais la gendarmerie ! Relisez mon texte, s'il vous plaît ! Vous constaterez que j'ai dit, lors de cette prestation de serment, que nous ne tolérions aucun écart, aucun dérapage de la police. Pas du public ! Je l'ai dit parce que, dans les cas récents où il y a eu dérapage, nous avons immédiatement sévi sur le plan disciplinaire dans le cadre des rapports que nous avons avec notre police. C'est donc bien de la police qu'il s'agit en matière de tolérance zéro ; non pas de la police par rapport au public, mais de la police par rapport à la police.
Cette interpellation urgente est close.