Séance du
jeudi 25 mai 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
8e
session -
26e
séance
PL 7929-A
Sous la présidence de M. Michel Balestra, la Commission judiciaire a examiné le projet de loi 7929 lors de sa séance du 2 mars 2000. M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du DJPT, a assisté aux travaux. Le procès-verbal a été tenu par Mme Pauline Schaefer.
Introduction
Ce projet tend à donner la possibilité à des personnes de nationalité étrangère, moyennant des conditions de séjour définies dans la loi, d'effectuer, de manière analogue aux ressortissants suisses, leur stage d'avocat dans le but d'obtenir le brevet d'avocat et par voie de conséquence l'accès au barreau.
Le dépôt de ce projet de loi a été motivé par la position prise par le Tribunal fédéral en 1993 estimant qu'un étranger, au bénéfice d'un permis d'établissement, peut invoquer l'article 31 aCst. (Constitution fédérale du 29 mai 1874) garantissant la liberté du commerce et de l'industrie et notamment pour l'exercice de la profession d'avocat, dans la mesure où le candidat démontre qu'il est suffisamment intégré et digne de confiance. Il résulte de cette jurisprudence qu'une loi excluant la possibilité pour un requérant étranger d'avoir accès au barreau d'un canton est contraire à la Constitution fédérale.
Consultation des milieux concernés
L'accès au barreau pour les requérants étrangers a été accueilli favorablement par la profession, représentée par l'ordre des avocats et l'association des juristes progressistes, qui ont fait part unanimement de leur adhésion au projet tant à la forme qu'au fond lors d'une réunion avec M. Bernard Duport sur le sujet.
Travaux de la commission
Après avoir passé en revue les différentes questions suscitées par ce projet et plus particulièrement celles relatives aux conditions de séjour, les député(e)s ont estimé qu'il ne fallait pas attendre que les travaux parlementaires fédéraux sur la libre circulation des avocats soient terminés pour légiférer sur le plan cantonal et qu'il fallait sans tarder harmoniser notre loi avec la Constitution fédérale. De la sorte, la pratique genevoise recevra une base légale laquelle offrira en outre une plus grande souplesse en matière d'appréciation du séjour. Le projet de loi 7929 vient s'ajouter aux conditions déjà existantes de la disposition dont la teneur actuelle est la suivante :
Art. 24 Brevet d'avocat
Vote d'entrée en matière : unanimité (2 AdG, 1 DC, 2 R, 1 L, 1 Ve, 2 S).
Suite des travaux
Après un dernier tour de table, l'ensemble des commissaires, convaincu(e)s du bien-fondé de ce projet en regard non seulement de l'arrêt du Tribunal fédéral dont des extraits étaient annexés à l'exposé des motifs mais encore de l'accord sans modification de la part des organismes représentatifs de la profession, il fut décidé de passer sans plus attendre au vote article par article :
l'article 1 a été accepté à l'unanimité,
l'article 2 a été supprimé, à l'unanimité également, suite à l'intervention d'un député alléguant qu'il n'y avait aucune raison de déroger au processus normal d'entrée en force du projet de loi à l'échéance du délai référendaire et qu'il n'y a donc pas lieu de confier au Conseil d'Etat la compétence de fixer l'entrée en vigueur de ce projet.
Vote d'ensemble et conclusions
Ainsi par un vote d'ensemble unanime (2 AdG, 1 DC, 2 R, 1 L, 1 Ve, 2 S), seul l'article 1 du projet modifiant l'article 24, lettre a de la loi sur la profession d'avocat a été retenu, l'article 2 ayant été supprimé.
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, la commission vous propose d'accepter ses conclusions et de voter le projet de loi 7929 dans la teneur retenue à l'issue de ses travaux.
Premier débat
Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Le projet de loi 7929 a pour but de permettre à un étranger ayant fait ses études de droit en Suisse, ainsi que son stage, soit six ans d'études - quatre ans d'université, deux ans de stage - d'obtenir l'autorisation de pratique à Genève. Le Tribunal fédéral a admis qu'un étranger intégré peut faire valoir le principe de la liberté du commerce et de l'industrie garantie constitutionnellement pour obtenir son droit de pratique. Ainsi, le projet ne fait que donner une base légale à une situation déjà existante.
Tous les organismes professionnels acceptent ce principe, à l'exception très nuancée du Conseil de l'ordre des avocats, qui a une petite réticence sur l'opportunité du moment pour légiférer. A ce sujet, nous avons reçu une lettre datée du 6 avril 2000, dans laquelle le conseil dit : «En effet, si le conseil (de l'ordre des avocats) n'a manifesté aucune hostilité sur le principe contenu dans ce projet, il a fait valoir, par ma voix (la voix du bâtonnier, M. Benoît Chappuis) dans le cadre d'une commission chargée de la révision de la loi sur la profession d'avocat en vue de la prochaine entrée en vigueur de la loi sur la libre circulation des avocats, qu'il était inopportun de traiter cette question isolément.» La commission a néanmoins décidé, à l'unanimité, non seulement de légiférer sans attendre le résultat de la loi fédérale, mais d'inclure également les permis B. C'est-à-dire que sont concernés non seulement les permis C, mais également les permis B. A noter que pour les pays limitrophes, on obtient déjà un permis C après cinq ans de résidence.
La décision de la commission quant à l'opportunité de légiférer aujourd'hui est tout à fait pertinente, puisque ce projet de loi concerne les avocats stagiaires et non les avocats et que pour les avocats stagiaires, à l'évidence, la compétence est cantonale. Il n'y a donc pas d'obstacle à voter maintenant ce projet de loi. Je rappelle que la lettre de l'ordre des avocats concerne les avocats étrangers et non les étudiants étrangers licenciés en droit souhaitant faire leur stage d'avocat à Genève.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je souhaiterais d'abord remercier Mme Sayegh pour la rapidité avec laquelle elle a rendu ce rapport. Ce projet de loi avait été déposé fin 1998, mais il n'a pas été traité car il se trouve que c'est moi qui présidais la commission judiciaire. Nous avons donc perdu une année, mais ensuite il a été traité rapidement...
M. Michel Balestra. Grâce à qui ?
Mme Fabienne Bugnon. Grâce au nouveau président de la commission, M. Balestra ! (Rires et applaudissements.)
Lorsque nous avons déposé ce projet de loi en novembre 1998, c'était pour mettre fin à une injustice, constituée par le non-accès au barreau pour certains avocats pour cause de nationalité. En effet, la loi actuelle prévoit, dans son article 24, lettre a), que le brevet d'avocat ne peut être délivré qu'aux requérants possédant la nationalité suisse. La jurisprudence fédérale a eu l'occasion de montrer que cette loi était anticonstitutionnelle, puisque le Tribunal fédéral déclarait qu'un étranger bien intégré et démontrant avoir autant de connaissances sur la situation politique et sociale de la Suisse qu'un citoyen suisse ne pouvait se voir interdire l'accès à la profession d'avocat.
C'est dire si cette loi anticonstitutionnelle aurait dû être corrigée déjà depuis longtemps. Car c'est bien là que réside le problème, Mesdames et Messieurs les députés : dans le domaine du droit, comme dans bien d'autres domaines d'ailleurs dont nous avons largement l'occasion de parler dans ce parlement, les étrangers sont victimes d'un ostracisme, non pas lié à leurs compétences ou à leur intégration, mais bien à leur nationalité. Le projet qui nous est soumis aujourd'hui nous permet d'y mettre un terme au moins dans le domaine du droit. Pour toutes ces raisons je vous demande de suivre le rapport de Mme Sayegh et je vous en remercie.
M. Claude Blanc (PDC). Je n'ai pas participé aux travaux de la commission, je ne connais rien au droit, comme vous le savez - et Dieu me garde d'en connaître davantage ! - mais je suis de ceux qui, dimanche dernier, ont voté les bilatérales. Or, je m'aperçois que les avocats en somme ne se sentent pas concernés par les bilatérales. En effet, quand je lis qu'il faut avoir cinq ans de résidence en Suisse au moins, je me demande comment vous allez traiter les citoyens de l'Union européenne par rapport à la liberté qui vient de leur être accordée de travailler librement les uns chez les autres. Réservez-vous une nouvelle modification de la loi, ou bien pensez-vous avoir répondu par cette modification-là ?
Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Ce projet répond exactement à la situation d'un étudiant en droit qui a terminé son droit à Genève et qui veut obtenir son droit de pratique. Il doit effectuer encore deux ans de stage, qui sont de la compétence cantonale dans le cadre de la formation professionnelle et, vu que les bilatérales vont être appliquées en trois phases de quatre ans, il est opportun de légiférer maintenant.
M. Gérard Ramseyer. Deux mots d'explication, Mesdames et Messieurs. L'Office fédéral de la justice nous a déjà fait savoir qu'en cas d'adoption des accords bilatéraux, auxquels se réfère M. le député Blanc, il conviendra d'abolir, s'agissant du séjour en Suisse, toute discrimination entre nationaux et ressortissants de l'UE pour ce qui concerne l'accès aux stages d'avocat. En tout état de cause, le texte que vous vous apprêtez à voter ne pourra donc subsister qu'à l'égard des ressortissants non membres de l'Union européenne.
Nous sommes en train de rédiger une nouvelle loi sur la profession d'avocat dans la perspective de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2001, de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats. Dans ce cadre, les conditions d'accès aux stages d'avocat à Genève devront donc être rediscutées. De sorte que vous allez voter un texte qui s'applique essentiellement aux ressortissants des pays non membres de l'Union européenne et qui va régler une situation transitoire jusqu'à la fin de l'année. S'agissant du travail qui a été fait en commission pour ce projet de loi, ce sera naturellement tout cela de déjà étudié sur le nouveau projet de loi relatif à la profession d'avocat qui vous sera soumis très rapidement.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur la profession d'avocat, du 15 mars 1985, est modifiée comme suit :
Art. 24, lettre a (nouvelle teneur)