Séance du jeudi 25 mai 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 8e session - 26e séance

M 1349
21. Proposition de motion de M. John Dupraz concernant le transfert de la salle pour jeunes «Jackfil» dans une zone inhabitée à la périphérie de la ville. ( )M1349

EXPOSÉ DES MOTIFS

C'est le 21 janvier 1997, dans sa séance de nuit, que le Grand Conseil votait un crédit complémentaire de construction s'élevant à 7 251 000 fr. pour l'aménagement de diverses salles au 2e sous-sol du bâtiment Uni-Mail (salle de répétitions pour l'OSR et salle pour les jeunes « Jackfil »).

Lors de cette même séance, les députés prenaient acte des doléances des voisins épuisés par les nuisances de « Jackfil » alors situé au bord de l'Arve dans un bâtiment de l'ancien Palais des Expositions (dans le parc public aujourd'hui existant). Dans son rapport, notre collègue Barro affirmait « les craintes des pétitionnaires sont semble-t-il infondées, les représentants du DTPE (aujourd'hui DAEL) assurent que le nouvel emplacement occasionnera moins de nuisances que celui en vigueur actuellement ».

Or, force est de constater que les faits donnent raison aux pétitionnaires. Si l'OSR ne cause aucun problème, il n'en est pas de même pour « Jackfil ». L'entrée de la salle de concert se trouve sur l'esplanade d'Uni-Mail, côté boulevard du Pont-d'Arve. Cette réalisation est magnifique, mais elle n'a pas été conçue à l'origine pour une entrée de salle de concert. Ainsi, le week-end, des voitures sont garées sur cette zone piétonne. L'entrée et la sortie des jeunes auditeurs de Jackfil, provoquent un tintamarre nocturne jusqu'au petit matin, ce qui est insupportable pour le voisinage.

Malgré les nombreuses interventions des habitants (pétitions - lettres aux autorités cantonales et de la Ville de Genève), il faut constater qu'il n'y a pas de solutions et que l'emplacement choisi par le Conseil d'Etat et le Grand Conseil est inadéquat : Jackfil doit donc déménager dans un lieu approprié.

Lorsque le projet fut présenté au Grand Conseil le 13 septembre 1996, en préconsultation, deux députés (dont le soussigné) avaient attiré l'attention du Parlement sur les ennuis que pourraient provoquer l'installation de cette salle dans le bâtiment d'Uni-Mail.

Pour régler un problème (construction du parc public), le Conseil d'Etat, premier responsable, et le Grand Conseil ont pris une décision catastrophique créant un problème encore plus grand. Il ne s'agit pas de faire le procès de la musique rock et de ses jeunes auditeurs, il faut réparer l'erreur commise et transférer cette salle dans un autre lieu, à la périphérie de la Ville afin de redonner aux habitants du quartier la tranquillité qui leur est due.

Débat

M. John Dupraz (R). Je sais qu'actuellement la commission des pétitions traite un dossier concernant l'épineux problème de cette discothèque. Ce n'est bien sûr pas la première fois que ce parlement en discute.

Lorsque le Conseil d'Etat avait, il y a trois ans, déposé un crédit d'étude pour réaménager les sous-sols d'Uni-Mail en vue d'y installer des locaux de répétition pour l'OSR et cette discothèque, deux députés dans ce parlement - M. Grobet et votre serviteur - avaient émis les plus extrêmes réserves, soulevant l'ire de cette assemblée qui demandait de quoi nous nous mêlions, pourquoi nous ne faisions pas confiance au Conseil d'Etat, etc. M. Barro, rapporteur de la commission des travaux qui avait examiné le crédit de construction de ces deux salles et la pétition des voisins, soutenait que ce serait fantastique et bien mieux qu'avant. Or, loin de là, on s'aperçoit qu'il y a des problèmes graves avec le voisinage. Le week-end, une caravane est installée sur l'esplanade et vend des billets d'entrée à la salle de concert, les jeunes clients vont s'approvisionner en sandwiches dans une sandwicherie tout près, si bien que c'est le barnum toute la nuit. Il n'est pas acceptable que, dans un quartier d'habitation, il y ait des établissements de ce type, qui portent un grave préjudice à la qualité de vie et à la tranquillité des habitants. Il me semble que les habitants ont droit à la tranquillité durant la nuit et il n'est pas acceptable que cette situation perdure.

Le Conseil d'Etat a fait une grave erreur d'aménagement en proposant ce crédit de construction : le Grand Conseil a fait une grave erreur en le votant. Maintenant, il faut constater les faits et décider si on veut maintenir de l'habitat dans ce quartier, ou en faire un lieu de détente et de distraction, ouvert à tout vent et à tous, quitte à ce que les habitants déménagent et aillent habiter ailleurs. En l'occurrence, ce n'est pas l'objectif puisque nous voulons plutôt maintenir l'habitat en ville. Il nous faut donc prendre les décisions qui s'imposent. Je n'ai rien contre la musique rock, je n'ai rien contre les jeunes, j'ai moi-même été jeune en son temps... (Rires et exclamations.) Je n'ai d'ailleurs pas toujours été un jeune homme tranquille et il m'arrive encore aujourd'hui d'être un perturbateur dans cette enceinte !

Quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs, certains m'ont fait un reproche en disant qu'il était bien facile de conseiller au Conseil d'Etat de trouver un autre endroit. Je ne siège pas au Conseil d'Etat et c'est à lui de faire des propositions, mais je vais quand même lui souffler une solution : il y a un endroit qui me paraît «adéquat», c'est l'ancienne brasserie Feldschlössen, à la route des Jeunes. C'est un bâtiment qui est vide, inutilisé depuis deux ans, qui n'est pas loin du centre-ville et proche des transports publics. Vous me direz sans doute que c'est une zone industrielle et qu'on ne peut pas installer une discothèque en zone industrielle, mais il faut savoir si, dans cette République, on est tombé sur la tête ou pas ! Il faut savoir si les lois d'aménagement du territoire sont faites pour le confort, le bien-être, la vie et les activités des femmes et des hommes qui habitent ce canton, ou si on va en rester stricto sensu aux textes légaux, si ceux-ci sont rigides au point qu'on ne puisse pas décider un assouplissement pour trouver une solution qui satisfasse à la fois les habitants du quartier du pont d'Arve et les utilisateurs des locaux en question. Ceux-ci pourraient très bien être mis à disposition de groupes de théâtre, pour des répétions ou d'autres activités qui n'entraînent pas de nuisances nocturnes, comme c'est le cas actuellement.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai déposé cette motion pour que le débat soit relancé devant ce parlement, pour mettre le Conseil d'Etat et le parlement face à leurs responsabilités. Je rappelle qu'à l'époque le rectorat de l'université était contre cet aménagement, qui a été proposé à la dernière minute, un peu à la sauvette en quelque sorte. Je crois qu'il nous faut prendre nos responsabilités : nous avons commis une erreur, réparons-la ! Je vous invite par conséquent à suivre cette motion, pour trouver une solution qui donne satisfaction aux jeunes et surtout aux habitants de ce quartier, qui ont droit à la tranquillité.

M. Pierre Meyll (AdG). Nous abondons évidemment dans le sens de M. Dupraz dans ce cas. Je tiens à préciser qu'au cours des débats autour du rapport de la commission des travaux, nous avions émis des réserves. Nous avions d'ailleurs dû, à l'époque, si je me souviens bien, restreindre l'offre proposée à l'OSR et insonoriser la salle de répétitions au maximum pour qu'il n'y ait pas trop de bruit. Ce petit projet de pas grand-chose de l'ère Joye nous avait quand même coûté 7 250 000 F !

Nous avions donc émis des réserves, je le répète. Nous aurions préféré installer cet établissement à l'extérieur de la ville, mais on nous disait qu'il n'était pas possible de mettre des jeunes à l'extérieur. Aujourd'hui, on se rend compte qu'ils viennent quand même avec des voitures, qu'il se consomme dans ce lieu passablement d'alcool et d'autres produits que je ne nommerai pas... Je pense donc que ce serait une bonne initiative que de trouver des locaux qui permettent de canaliser quelque peu l'énergie déployée dans ces lieux, afin de laisser un peu de tranquillité aux habitants de ce quartier. Je précise que j'avais même proposé, à l'époque, qu'on n'appelle pas cette salle Jackfil, car j'estimais que le propriétaire n'était pas digne de voir cette appellation figurer dans une loi, mais cela avait été également refusé.

En conclusion, il faut étudier ce problème au plus vite et le résoudre de la manière qu'a décrite M. Dupraz, soit en trouvant un lieu en zone industrielle.

M. Florian Barro (L). Une petite précision à l'intention de M. Dupraz. Dans l'exposé des motifs, il mentionne qu'à l'époque j'ai été prudent dans mon rapport, et il me cite : «Les craintes des pétitionnaires sont, semble-t-il, infondées...», alors que ce soir, en plénière, il prétend que j'aurais affirmé que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. En fait, j'ai préféré être prudent et j'ai utilisé le conditionnel dans mon rapport !

S'agissant de Jackfil, il me semble que le problème n'est pas tellement un problème de localisation, mais bien un problème de fonctionnement. En effet, ce sont les débordements à l'extérieur de la discothèque qui posent problème. Ayant eu l'occasion de m'occuper d'un autre cabaret en transformation, je peux vous dire que le propriétaire du cabaret en question devait, lui aussi, résoudre surtout un problème à l'extérieur du cabaret. Dans le cas de Jackfil, la technologie de construction a permis de résoudre passablement de problèmes qui avaient été évoqués et de répondre aux craintes émises par l'université.

Un autre rappel pour le Mémorial : si on a installé l'OSR et cette discothèque dans les sous-sols de l'université, c'est précisément parce que le Conseil d'Etat avait renoncé à la construction de parkings et que ces sous-sols étaient disponibles. C'était une affectation qui paraissait, en tout cas pour l'OSR et accessoirement pour Jackfil, assez logique, pour des questions de proximité par rapport aux bâtiments qu'ils exploitaient. Pour ma part, je pense que le problème principal à régler - avant de dire que Jackfil doit absolument partir ailleurs - c'est essentiellement un problème entre l'utilisateur et le propriétaire du bâtiment, c'est-à-dire l'Etat de Genève. Je pense qu'une des conditions de l'exploitation harmonieuse de Jackfil dans cette zone, c'est le respect de la tranquillité du bâtiment et du voisinage. Mais je ne m'opposerai pas à cette motion, qu'on la renvoie en commission ou directement au Conseil d'Etat.

M. Christian Brunier (S). Quelles que soient les positions de l'époque - et je suis bien placé pour en parler, puisque je n'étais pas là ! - nous devons constater qu'il y a à l'évidence des problèmes et qu'aujourd'hui la cohabitation entre la discothèque - telle qu'elle est gérée, il faut le préciser - et les habitants est très conflictuelle. D'ailleurs, les plaintes se multiplient tant auprès de la police que du Conseil d'Etat - les conseillers d'Etat le reconnaîtront certainement tout à l'heure. Le monde politique doit donc reconnaître ces problèmes et les traiter, c'est notre responsabilité, comme l'a très bien dit M. Dupraz tout à l'heure. Nier ces problèmes en fermant les yeux, ou en renvoyant de service en service les citoyens et citoyennes qui se plaignent, comme le font malheureusement certains services de l'administration, est naturellement inacceptable. Alors, que faire ?

Vous le savez peut-être, M. Ramseyer a proposé à ses collègues du Conseil d'Etat de fermer purement et simplement ce lieu - je ne trahis pas un secret du Conseil d'Etat, puisque M. Ramseyer a diffusé largement la lettre qu'il a envoyée à un de ses collègues aux habitants du quartier. M. Ramseyer n'est malheureusement pas là, mais, s'il avait été là, je lui aurais expliqué que lorsqu'on tranche dans le vif, sans dialogue et surtout sans réflexion, on se plante ! Imaginez les réactions des jeunes, qui ont besoin d'un tel lieu, qui s'y sentent bien et qui s'y amusent : quelle serait leur réaction ? Cette idée simpliste provoquerait plus de protestations et d'émeutes qu'elle ne résoudrait de problèmes.

La deuxième solution est celle préconisée par notre collègue Dupraz, à savoir déménager cette discothèque. C'est peut-être une solution, mais je crois qu'il ne faut pas balader la population : il y a peu de chances que le Conseil d'Etat trouve un lieu à brève échéance. Il faut donc, vous avez raison, Monsieur Dupraz, mandater le Conseil d'Etat pour qu'il étudie une solution plus adéquate, mais en étant conscient que le problème doit être réglé à court terme, car la tolérance de la population sur place commence à atteindre ses limites. Il faut donc d'urgence, je dis bien d'urgence, trouver une solution, le statu quo étant bien sûr impensable. Il faut agir vite et prendre des mesures rapides.

Une de ces mesures a été évoquée aujourd'hui, c'est d'examiner de près, par exemple, le remplacement du détenteur du lieu, ou en tout cas de lui faire respecter un certain nombre de règles de vie. Une autre mesure vraisemblablement urgente aussi, c'est de réglementer le parcage et le trafic, puisque les voitures, lors des discos, dérangent sensiblement les habitants. Il y a également des mesures à prendre au niveau de l'urbanisme, en matière d'éclairage notamment. Il y a un certain nombre de mesures à prendre au titre de la prévention et au titre des contrôles de police. Enfin, il y a des mesures à prendre en matière de consommation d'alcool, consommation qui est actuellement importante. Je vais arrêter là cet inventaire, en soulignant qu'il y a en l'occurrence un certain nombre d'idées à mettre en application d'urgence, car autrement le climat va devenir intolérable dans ce quartier.

Tout ceci passe naturellement par une implication plus grande des pouvoirs publics dans ce dossier. Je crois que le Conseil d'Etat ne pourra pas faire l'économie d'une médiation, d'un arbitrage dans le conflit qui existe actuellement dans le quartier. Il devra réunir un jour ou l'autre, mais le plus rapidement possible, les habitants, les responsables de la discothèque, les jeunes et la police pour essayer de trouver les meilleures solutions. En ce moment, la commission des pétitions étudie une pétition des habitants du quartier ; le groupe socialiste propose donc que la motion de M. Dupraz soit transmise à la commission des pétitions, pour un traitement groupé du problème. Le travail est en cours, il faut que la commission aille vite et trouve d'urgence les meilleure solutions, avec l'aide, je l'espère, du Conseil d'Etat.

M. John Dupraz (R). J'ai entendu les remarques faites par les préopinants : vous pouvez prendre toutes les mesures que vous voudrez, le lieu reste inadéquat ! En effet, la salle est en sous-sol et, pour des raisons de sécurité, elle ne peut pas contenir plus de X personnes. Lorsque ce nombre est atteint, les portes sont fermées et les jeunes restent dehors, en attendant que d'autres sortent de la salle pour pouvoir y entrer à leur tour. Dernièrement, on m'a fait savoir qu'un laser éclairait tout le quartier. Par ailleurs, des mesures ont bien été prises pour empêcher les voitures d'accéder à l'esplanade, mais comme le bâtiment n'a pas été prévu pour cela, le jour où la surveillance se relâchera, il y aura à nouveau des problèmes, tôt ou tard.

Je veux bien qu'on renvoie cette motion à la commission des pétitions, mais celle-ci a déjà entendu tout le monde. Les gérants disent qu'ils font tout ce qu'ils peuvent, je le crois volontiers. De plus, vous ne pouvez pas exiger de la police qu'elle soit présente toutes les nuits, tous les week-ends, pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de bruit et que tout se passe bien. C'est donc un problème vraiment insoluble et si cette motion est renvoyée en commission des pétitions, le débat reprendra au mois de septembre. Il faut que le Conseil d'Etat prenne le taureau par les cornes et trouve une solution, et la solution, c'est le déménagement.

On a fait une erreur à l'époque : il fallait maintenir le hangar du Palais des expositions qui abritait cette salle auparavant - ce qui n'empêchait pas d'aménager le parc - puis trouver un lieu adéquat pour déménager cette salle et, ensuite seulement, démolir ce hangar et finir l'aménagement du parc. Pour donner satisfaction à la Ville de Genève, on a travaillé à la va-vite et nous sommes maintenant dans une situation inextricable, qui nuit à la qualité de la vie des habitants du quartier. Certains disent que ceux-ci supportent bien le bruit des voitures et qu'ils peuvent donc supporter ces nuisances ; pour ma part, je crois que, la nuit, les gens ont droit à la tranquillité !

M. Bernard Lescaze (R). Il est clair que mon sentiment est un peu différent de celui de M. Dupraz. Je suis d'ailleurs ravi que M. Dupraz déclare aujourd'hui, comme d'autres, que le projet de construction de la seconde étape d'Uni-Mail a peut-être été traité à la va-vite. Je suis heureux de l'entendre, parce que j'ai été le seul ici à le refuser, notamment à cause d'une cafétéria beaucoup trop coûteuse - plus de 2 millions. Cela dit, je tiens aussi à préciser que sur les projets de salle de musique et de salle de répétitions pour l'OSR, qui remplaçaient d'ailleurs une vaste salle de concert, tout le monde était d'accord. Tout le monde trouvait à l'époque, à juste titre, que les jeunes devaient avoir un endroit à Genève où ils puissent s'éclater.

D'autre part, j'aimerais relever qu'il y a, chose curieuse, bien davantage de sollicitude pour le quai Ernest-Ansermet et ses abords qu'il n'y en a eu, sur divers bancs de ce Grand Conseil, pour les habitants du quartier de la Coulouvrenière par exemple, qui se plaignaient de nuisances de même nature, mais inhérentes finalement à la vie urbaine et à la vie nocturne urbaine. Il n'est donc pas question ici de faire deux poids, deux mesures, d'autant plus que nous avons dépensé 7 250 000 F pour cet aménagement et que je ne doute pas que la commission des travaux, dont la rapporteuse était Mme Alexandra Gobet, ait travaillé sérieusement. De plus, comme le dit d'ailleurs le motionnaire et comme l'a relevé M. Barro - qui lit les textes, contrairement à M. Dupraz, qui ne lit pas forcément les textes qu'il signe ! (Rires.) - je rappelle que c'est «l'entrée et la sortie des jeunes auditeurs de Jackfil qui provoquent un tintamarre nocturne». Ce n'est donc pas la salle. Il y a du bruit au sortir et aux abords de la salle, c'est donc un problème de police.

En conséquence, nous pouvons renvoyer cette motion à la commission des pétitions. Mais, pour ma part, j'affirme haut et fort que je ne saurais accepter que ces jeunes soient délogés d'un endroit auquel ils sont habitués et dans lequel ils trouvent beaucoup de plaisir le soir.

M. Christian Grobet (AdG). Comme M. Lescaze l'a indiqué, nous étions unanimes, dans ce Grand Conseil, pour profiter des surfaces en sous-sol à Uni-Mail - récupérées sur un parking démesuré - et pour y aménager notamment des locaux de répétions pour l'OSR. En revanche, il n'y a aucune comparaison possible, Monsieur Lescaze, entre des locaux de répétitions, de danse, de réunion réalisés dans les sous-sols de l'université - comme ceux qu'on réalise, à l'instigation de M. Segond, dans beaucoup d'écoles - et un établissement public tel que celui de Jackfil. Je crois que ce sont deux choses totalement différentes.

Ensuite, je rappelle que nous avions prévu dès le départ ce qui allait se passer et qu'évidemment M. Moutinot s'est retrouvé prisonnier du vote de ce Grand Conseil. Je vous rappelle aussi que la gauche et les Verts avaient souhaité qu'on modifie le titre de la loi, pour éviter d'en faire une loi ad personam au profit de Jackfil. En effet, ce qui est assez déplaisant dans cette affaire, c'est qu'on a donné cette salle, qui a entraîné un investissement assez important des contribuables, à une entreprise commerciale qui agit à sa guise. A l'origine, la salle située en bordure du quai Ernest-Ansermet était destinée plus particulièrement aux jeunes en dessous de 18 ans - même si ce n'était pas officiel - qui ne pouvaient pas aller dans les autres établissements publics ; c'était une salle sans alcool qui, normalement, devait fermer à minuit. Or, Jackfil n'exploite pas du tout la salle de cette manière, soit une salle pour des jeunes de 14 à 18 ans, où les parents pourraient envoyer leurs enfants en confiance, en se disant que c'est un établissement sans alcool, qui ferme à une heure raisonnable, etc. C'est en réalité quelque chose de totalement différent.

Aussi, nous soutenons la motion de M. Dupraz, mais nous proposons un petit amendement pour donner satisfaction à M. Brunier. Monsieur Brunier, renvoyer cette motion en commission des pétitions, alors que vous-même déclarez qu'il y a urgence, signifie qu'on ne la traitera qu'au mois de septembre. Je vous suggère donc, si vous êtes d'accord, Monsieur Dupraz, de rajouter à la fin de votre invite : «ou de trouver d'urgence toute autre solution adéquate».

Enfin, je ferai encore deux remarques. Si la salle se libère, je suis persuadé, Monsieur Lescaze, que de multiples associations à la recherche de locaux de répétitions ou autres pourront utiliser ce local beaucoup plus fréquemment que Jackfil, qui ne l'utilise, sauf erreur, qu'une ou deux fois par semaine au maximum. La salle pourrait être utilisée tous les soirs et donc beaucoup mieux rentabilisée. D'autre part, vous avez raison de rappeler qu'à la Coulouvrenière il y a aussi des problèmes. C'est dire qu'il ne faut pas multiplier les problèmes à travers la ville et que le raisonnement de M. Dupraz à cet égard est judicieux.

Monsieur le président, je dépose sur le bureau l'amendement que je viens de présenter.

M. Claude Blanc (PDC). Je ne voulais pas intervenir dans ce débat, mais l'intervention de notre excellent collègue M. Lescaze m'a fait monter la moutarde au nez. Comme il le fait souvent, il a insinué et même plus qu'insinué que la commission des travaux passe son temps à bâcler ses travaux et qu'elle a voté au pas de charge le crédit pour Uni III. Il nous reproche une fois encore le prix de la cafétéria, qui lui est resté en travers de la gorge. Bref, il cherche tous les prétextes pour accabler la commission des travaux, parce que les députés radicaux membres de cette commission ont refusé d'être à sa botte ! (Rires et exclamations.) Voilà pour poser le décor !

Cela dit, je rappelle que la commission des travaux, contrairement à ce qu'insinue M. Lescaze, a passé de longues heures sur le problème du transfert des activités situées dans les anciens locaux de l'Arsenal, sous ce qui est aujourd'hui le parc public. La Ville de Genève voulait construire ce parc public et disposer de toute la surface ; elle était relayée par les députés de l'Alternative, qui étaient minoritaires à l'époque. Quant aux députés de la majorité, ils voulaient concilier les deux, c'est-à-dire maintenir les locaux, en les adossant au parc public, avec vue sur l'Arve. Cette solution aurait évidemment permis la continuation des activités de Jackfil sans nuisances pour les habitants du quartier, puisque la salle aurait été adossée au parc public avec vue sur l'Arve. De négociations en négociations - car lorsque nous étions majoritaires, nous négociions ! A présent, c'est fini ! - nous avons trouvé une solution de compromis et mis tout le monde d'accord en proposant d'installer Jackfil dans les locaux disponibles dans les sous-sols d'Uni III.

En l'occurrence, il ne faut pas oublier, Monsieur Brunier, que les mêmes qui soutiennent Jackfil aujourd'hui voulaient à l'époque tout simplement fermer cette salle. Ils estimaient déjà que cette société ne méritait pas d'être soutenue, sous prétexte qu'elle était organisée en société anonyme. En réalité, il fallait bien que la société ait une forme et on avait choisi la société anoynme. Depuis, je n'ai pas suivi ses activités, mais je comprends qu'elles ont peut-être évolué défavorablement. A l'époque, c'était vraiment un endroit pour les jeunes jusqu'à 18 ans, qui ne servait pas d'alcool et qui présentait toutes les garanties. Il paraît que ce n'est plus ainsi aujourd'hui et je suis le premier à le regretter. Ici, je me tourne vers le chef du département de justice et police - qui est naturellement absent ! - pour demander pourquoi les choses qu'on avait autorisées à un certain moment ont évolué de cette manière et pourquoi on n'y met pas bon ordre. Est-ce à dire qu'on laisse faire n'importe quoi ? Vous me direz qu'il n'y a pas que Jackfil qui fait n'importe quoi en tant que débit de boissons sauvage : il y en a bien d'autres en ville de Genève ! Et si on se bornait à distribuer des boissons alcooliques, ce ne serait qu'un demi-mal, mais certains en face ont dit à demi-mot qu'il ne s'y distribuait pas que cela...

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, nous sommes placés devant le dilemme suivant : ou bien on ferme ce machin, ou bien on continue à indisposer les habitants du quartier. Fermer ce machin purement et simplement, on ne peut pas. L'installer ailleurs, c'est difficile, je le reconnais. Il faut donc trouver une solution. Quelques-uns de mes collègues ici, presque radicaux, m'ont soufflé qu'il y a, dans la région de Soral, des ruraux désaffectés... (Rires et exclamations.) ...qui pourraient être rentabilisés grâce à Jackfil : M. Dupraz pourrait peut-être organiser le transfert de Jackfil à Soral ! Nous viendrions tous à l'inauguration.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande un peu de silence, pour que nous puissions finir ce débat sur cette motion !

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). La commission a effectivement commencé à étudier le problème. Je ne sais pas si une motion peut être renvoyée à la commission des pétitions... Quoi qu'il en soit, notre idée était de la renvoyer au Conseil d'Etat ; aussi, qu'on la renvoie maintenant ou qu'on attende le rapport sur la pétition ne fait guère de différence pour nous.

Cela dit, j'aimerais signaler à M. Lescaze qu'il y a quand même une différence fondamentale entre une société comme Jackfil et les autres lieux de divertissement du quartier de la Coulouvrenière. Le quartier de la Coulouvrenière est dévolu aux jeunes et a, de ce fait, une sorte de fonction socio-culturelle, alors qu'à Jackfil - je ne sais pas si M. Lescaze fréquente ce lieu, mais si c'est le cas il l'aura remarqué - il n'y a absolument plus de jeunes entre 14 et 18 ans, comme c'était prévu. C'est une société purement commerciale dont je ne vois pas pourquoi nous sauvegarderions à tout prix les intérêts.

M. Christian Brunier (S). Après l'amendement proposé par Christian Grobet, nous retirons naturellement notre proposition de renvoi en commission, vu l'urgence du problème. Par contre, nous appelons vraiment les membres de la commission des pétitions à découvrir quels sont les responsables, ou plutôt les irresponsables, qui ont accordé une dérogation - c'est en tout cas ce que prétend Jackfil - permettant à cette disco de vendre de l'alcool et de reculer ses heures de fermeture. Je crois que c'est là une faute grave et que la commission a le devoir de découvrir qui a accordé cette dérogation.

M. John Dupraz (R). J'accepte bien entendu l'amendement proposé par M. Grobet. Par cette motion, je souhaitais poser le problème et inciter les acteurs de cette situation désastreuse à trouver une solution adéquate, qui convienne à tous les gens concernés et surtout aux habitants du quartier.

M. Laurent Moutinot. Je partage l'opinion du Grand Conseil, en ce sens que la situation actuelle pour les habitants du quartier n'est pas tolérable. J'observe que les nuisances dont ils souffrent ont lieu à l'extérieur de la salle et non pas à l'intérieur. En effet, cette salle est fort bien insonorisée et ce n'est pas le bruit des activités qui s'y déroulent qui dérange le voisinage, mais les arrivées et les sorties et la présence, sur l'esplanade, de personnes qui ne sont d'ailleurs pas forcément des clients de Jackfil.

A ce stade, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons pris un certain nombre de mesures, dont certaines ne sont pas encore opérationnelles. Je vais vous en donner la liste. Il va de soi que des mesures doivent interdire l'accès des véhicules à l'esplanade et le parking. Des mesures d'éclairage sont aussi susceptibles de dissuader les rassemblements qui s'y tiennent. A cela, en collaboration entre le département de justice et police et des transports et le mien, nous avons ajouté un renforcement des contrôles de police ; l'obligation pour Jackfil de conclure un contrat avec une société de surveillance privée, afin de participer au maintien de l'ordre à l'extérieur ; enfin, un système de prélocation, car un des problèmes qui se pose en matière de bruit, c'est qu'il y a plus de candidats à l'entrée qu'il n'y a de places dans la salle. Pour éviter ce genre de rassemblement, la solution que nous avons retenue, c'est le système de prélocation pour toutes les manifestations de Jackfil, ce qui devrait éviter que des gens attendent dehors jusqu'à ce qu'ils puissent éventuellement entrer. L'ensemble de ces mesures devrait permettre de ramener la paix et la tranquillité auxquelles ont droit les habitants du quartier.

A cela s'ajoute une mesure qui est à plus long terme, c'est la construction d'Uni-Pignon, dont votre commission des travaux a voté le crédit. Uni-Pignon joue un rôle important dans l'urbanisation de ce quartier et les signataires de la pétition actuellement examinée par la commission des pétitions réclament précisément la construction d'Uni-Pignon, considérant qu'elle est susceptible de mettre un peu de distance entre leurs logements et les personnes qui fréquentent Jackfil. Cette construction est évidemment une mesure à plus longue échéance que celles dont je viens de vous donner la liste.

A partir de là, soit ces mesures donnent satisfaction et nous ne pourrons que nous en réjouir ; soit elles ne donnent pas satisfaction et nous ne pourrons alors tolérer la poursuite des activités de Jackfil dans ces conditions. Ceci impliquera, avec toutes les difficultés que cela comporte, une fermeture de la salle, accompagnée, si possible, d'une délocalisation immédiate, parce que la fermeture sans solution de rechange, comme M. Blanc l'a relevé, n'est certainement pas la meilleure solution.

Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez l'occasion, sur la base du rapport de la commission des pétitions, de reparler de Jackfil. A ce moment-là, nous saurons si les mesures que je viens de vous annoncer sont efficaces. Si elles ne le sont pas, il faudra alors que vous appuyiez la décision - dont je peux dire qu'elle est d'ores et déjà prise - de fermer cet établissement, du moment que la tranquillité à laquelle ont droit les habitants n'est pas rétablie dans les meilleurs délais.

Le président. La proposition de renvoyer cette motion en commission ayant été retirée, je mets aux voix l'amendement déposé par M. Grobet, visant à ajouter à la fin de l'invite :

«... ou à trouver d'urgence toute autre solution adéquate.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1349)

concernant le transfert de la salle pour jeunes "; Jackfil " dans une zone inhabitée à la périphérie de la ville

 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant d'interrompre la séance, j'ai deux communications à vous faire. Premièrement, je rappelle que les membres de la commission fiscale sont attendus en ce moment même à la salle Nicolas-Bogueret à propos d'un point concernant l'IN 112-C. Deuxièmement, je vous informe que, compte tenu de l'efficacité de vos travaux - et je vous en remercie - le Bureau a décidé que nous ne siégerions pas ce soir à 20 h 30.

Nous reprendrons nos travaux à 17 h 10.

La séance est levée à 16 h 50.