Séance du jeudi 18 mai 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 8e session - 21e séance

RD 332-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'évaluation des effets de la loi relative aux établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées (J 7 20). ( -) RD332
Mémorial 1999 : Rapport, 8151. Renvoi en commission, 8184.
Rapport de Mme Dolorès Loly Bolay (AG), commission des affaires sociales
M 1272-A
Proposition de motion de Mme et MM. Alberto Velasco, Erica Deuber Ziegler, Gilles Godinat et Pierre-Alain Champod : Qu'en est-il des droits humains dans les établissements médico-sociaux genevois ? ( -) M1272
Mémorial 1999 : Développée, 3562. Renvoi en commission, 3582.
Rapport de Mme Dolorès Loly Bolay (AG), commission des affaires sociales
M 1326
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Louiza Mottaz, Esther Alder, Roger Beer, Janine Berberat, Dolorès Loly Bolay, Juliette Buffat, Marie-Françoise de Tassigny, Gilles Godinat, Cécile Guendouz, Mireille Gossauer-Zurcher, Pierre Marti, Catherine Passaplan, Véronique Pürro, Albert Rodrik et Jean Rémy Roulet pour des soins de qualité dans les établissements médico-sociaux (EMS). ( )M1326

8. a) Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier les objets suivants :

Sous la bienveillante présidence de M. Pierre Marti, la Commission sociale s'est réunie à dix reprises, soit les 9 et 30 novembre, 7 et 14 décembre 1999, 11, 18 et 25.janvier et 1er, 8 et 15 février 2000, afin d'étudier le RD 332 du Conseil d'Etat, relatif à l'évaluation des effets de la loi concernant les EMS et la motion 1272 intitulée « qu'en est-il des droits humains dans les EMS ? »

M. Michel Gonczy, directeur de l'action sociale (DASS), ainsi que M. Paul-Olivier Valloton, directeur de cabinet du DASS, ont assisté aux séances ; pour sa part, M. Guy-Olivier Segond, président du département, a assisté à la séance de présentation qui a eu lieu le 9 novembre 1999.

Je tiens à remercier Mme Nicole Seyfried, qui a tenu les procès-verbaux avec rigueur et précision.

Introduction

Conformément à la loi votée le 3 octobre 1997 relative aux EMS, le Département de l'action sociale et de la santé a confié à Mme Marthe Erismann (ORES), le mandat d'une première évaluation des effets de la loi, après une année.

Cette étude porte sur les effets de la nouvelle loi genevoise relative aux EMS. Le rapport de Mme Erismann couvre la période allant du 1er janvier 1998 au 31 mars 1999.

Pour remodeler le domaine des EMS et renforcer les normes en vigueur dans ces institutions, le Conseil d'Etat a pris deux types de mesure : en premier lieu, l'adoption successive de deux moratoires, le premier allant de 1992 à 1996 et le second de 1996 à fin 2000 et, en second lieu, l'introduction d'une nouvelle législation.

Données démographiques

Aujourd'hui, on assiste à une augmentation sensible de la population du troisième et du quatrième âge. Plusieurs phénomènes s'additionnent : les progrès de la médecine grâce auxquels l'allongement de la durée de vie s'accompagne d'une amélioration des capacités, l'augmentation du niveau de vie qui permet une retraite active fort différente de celle vécue il y a quelques décennies et, enfin, le développement des soins à domicile qui permettent aux personnes âgées de rester plus longtemps chez elles. La moitié des personnes de plus de 80 ans qui vivent chez elles sont parfaitement à même d'assumer les tâches de la vie quotidienne, une proportion identique ne présente pas de troubles physiques marqués et est en bonne santé psychique.

Ce développement des soins à domicile a eu comme conséquence l'alourdissement des cas entrant en EMS ; en effet, les personnes sont dans un état beaucoup plus dépendant et nécessitent donc une prise en charge nettement plus lourde. Selon les statistiques, seules 17 % des personnes du 3e et 4e âge vivent aujourd'hui à Genève dans les EMS.

Rapport de Mme Erismann (ORES)

Evolution de l'assistance

En 1995, près de deux tiers des résidents d'EMS étaient pris en charge par l'assistance publique pour couvrir une partie de leurs frais d'hébergement.

Seules les personnes non dépendantes (catégorie A) pouvaient, en général, couvrir leurs frais par leurs ressources personnelles (AVS, OCPA). Pour de nombreuses personnes âgées, le placement en institution, déjà souvent mal ressenti, prenait la forme d'un naufrage où étaient englouties les économies de toute une vie. Pour pouvoir bénéficier d'une assistance, les personnes devaient avoir épuisé la totalité de leur patrimoine (sous réserve d'une somme de 6'000 F) et leurs familles étaient mises à contribution au titre de la dette alimentaire.

Aujourd'hui, le statut d'assisté est supprimé au bénéfice d'une subvention aux EMS ; par conséquent la personne âgée est moins affectée par son entrée dans un établissement médico-social. Les familles ne verront plus littéralement fondre leur patrimoine et les relations entre les générations ne seront plus altérées par des questions financières.

Panorama des EMS

L'ouverture et l'exploitation d'un EMS sont soumises à un régime d'autorisation. Afin d'obtenir le droit d'exploiter un tel établissement, certaines conditions doivent être remplies.

Il y existait, durant la période considérée, 58 EMS pouvant accueillir 3'500 personnes à Genève. Parmi ces institutions, 52 bénéficiaient d'une autorisation d'exploitation et étaient reconnues par la LAMaL, 5 n'étaient au bénéfice que de l'autorisation d'exploiter.

Les 58 EMS reconnus ou non reconnus au sens de la LAMaL sont inégalement répartis sur le territoire du canton de Genève. L'implantation des établissements est forte en Ville de Genève et dans les communes de Chêne.

Les normes imposées par le canton ou l'OFAS font que les constructions récentes, datant des années 1980/1990, sont pratiques et bien équipées ; certains établissements ont su s'adapter aux nouvelles exigences ; spacieux, parfois luxueux, ces bâtiments comprennent des lieux communs propices à la convivialité et des chambres individuelles équipées de confort.

Le recensement des chambres du réseau d'hébergement montre que :

80 % des chambres sont individuelles ;

19,2 % des chambres sont à 2 lits ;

0,5 % des chambres comprennent 3 lits ;

0,2 % des chambres comptent 4 lits.

Or, chaque personne âgée devrait se voir offrir une pièce individuelle ou, au minimum pouvoir choisir réellement une place dans une chambre à deux lits.

Un grand nombre d'EMS sont bien, voire superbement équipés, du point de vue de l'architecture et du mobilier. Quelques établissements présentent des insuffisances et plusieurs d'entre eux (5), non reconnus au sens de la LAMaL, figurent parmi les cas critiques.

Base légale de subvention et de surveillance des EMS

Le texte légal rappelle que la contribution financière de l'Etat peut prendre deux formes : les subventions d'investissement et les subventions de fonctionnement.

Une commission cantonale des EMS (la CCEMS) assiste le Conseil d'Etat dans l'élaboration et la mise en oeuvre de sa politique en faveur des EMS.

Cet organe, composé de 16 membres, élit un bureau de 4 personnes qui règle les affaires courantes.

Mais c'est le DASS qui est désigné pour assurer la surveillance des établissements.

Chaque année et comme demandé dans l'art. 40 de la loi, le Conseil d'Etat est tenu de présenter au Grand Conseil un rapport sur les résultats de l'évaluation effectuée.

La direction générale de l'action sociale (DGAS), l'OCPA et le SMC sont les trois organes de surveillance. La coordination de l'ensemble de ces activités est réservée à la DGAS.

Les activités de contrôle, après la suppression des CICPA (centre d'information et de coordination pour personnes âgées) en janvier 1997, ont été reprises par l'OCPA et le SMC. Le premier traite les questions administratives et financières, le second les données médicales et infirmières.

Les contrôles de l'OCPA permettent de s'assurer de la bonne utilisation des fonds disponibles ; cet organisme contrôle aussi les dépenses personnelles des résidents lorsque ceux-ci bénéficient de prestations complémentaires.

Ces derniers reçoivent un montant de 300 F par mois à titre d'argent de poche ; si cette somme n'est pas dépensée par le résident et que le solde disponible dépasse 1'200 F, cet argent doit être restitué à l'Etat.

L'instrument de mesure des soins requis (PLAISIR)

Par un arrêté du 12 novembre 1997, le Conseil d'Etat désignait la méthode PLAISIR (Planification informatisée des soins infirmiers requis) comme outil de mesure.

L'adoption de la méthode PLAISIR a été rendue nécessaire à plus d'un titre ; pour le calcul des subventions aux EMS, pour l'adaptation périodique de la planification et enfin pour satisfaire aux normes de la LAMaL.

Par ailleurs, si l'instrument de mesure des soins requis (PLAISIR) est introduit, l'analyse de la charge en soins sera plus adaptée aux besoins réels, la dotation en personnel plus finement attribuée, une meilleure allocation des ressources introduite et, par là, une maîtrise accrue des coûts de l'hébergement devrait être réalisée.

La majorité des directeurs d'EMS estime que la dotation en personnel est satisfaisante en situation normale, mais que cette situation peut devenir insuffisante quand des collaborateurs malades, accidentés ou en formation doivent être remplacés.

Selon l'évaluation PLAISIR, la dotation actuelle des EMS ne permet d'assurer que 75 % des soins requis.

Dotation en personnel

La dotation est attribuée en fonction du nombre de résidents des catégories A, B ou C.

Par ailleurs, plusieurs responsables font état des difficultés qui résultent de la règle imposant la présence d'un infirmier diplômé pour la nuit, quelle que soit la taille de l'établissement, et 24 heures sur 24 pour les établissements de plus de 50 lits.

Après de longues négociations, une CCT a été signée par la FEGEMS et cinq associations professionnelles.

Recommandations

Après avoir effectué la visite de ces 58 EMS, Mme Erismann propose 48 recommandations, dont voici quelques exemples :

renforcer l'organisation, surtout au niveau de la coordination,

être plus rigoureux dans les énoncés concernant les procédures et les exigences,

donner plus d'informations précises sur les EMS,

définir la relation de partenariat entre l'Etat et la FEGEMS,

planifier la suppression progressive des chambres à 2, 3 et 4 lits,

dresser un état des lieux architectural et d'équipement des chambres d'EMS,

inciter les EMS à adapter un projet institutionnel et un plan de formation,

mandater un médecin pour étudier l'évolution des cas psychiatriques de l'âge avancé,

intervenir fermement en cas de non-respect des normes de gestion,

diminuer les écarts existants entre les prix journaliers,

établir une liste fiable des places vacantes,

adopter une politique claire à l'égard des EMS non reconnus au sens de la LAMAL.

Le rapport de Mme Erismann met en évidence une gamme de situations qui va de la meilleure à la moins bonne et elle conclut que le monde des EMS oscille entre deux pôles : l'excellence ou l'incurie. Dans ce contexte, l'action de l'Etat consiste donc autant à valoriser le positif qu'à remédier au négatif, voire dans des situations intolérables à exclure l'EMS concerné.

Auditions

Audition de Mme Erismann

Auteure de l'excellent rapport sur les EMS, Mme Erismann rappelle, en préambule, que la nouvelle loi sur les EMS a été introduite début 1998. Il est important de rappeler qu'il ne s'agit pas simplement d'une révision cosmétique, mais que la nouvelle loi implique des changements importants dans le domaine de la gestion administrative. Il faut savoir aussi que, presque en même temps que l'entrée en vigueur de cette loi, la LAMaL a introduit de nouvelles exigences, demandant notamment l'utilisation d'un plan comptable identique dans tous les établissements et que les EMS soient inclus dans la planification sanitaire cantonale.

Aujourd'hui, deux problèmes sont en jeu, à savoir celui des coûts de la santé et celui de la situation des personnes âgées dont on veut supprimer la fréquence des recours à l'assistance publique.

Actuellement, selon Mme Erismann, le réseau répond aux besoins, avec cependant parfois quelques « embouteillages » à la sortie de l'hôpital de gériatrie. Par conséquent, le nombre de places est suffisant, même s'il faut revoir la demande par rapport aux chambres à 1, voire à 2 lits.

Audition des représentants de la FEGEMS MM. Berg, Beysard, Gueninchault, Wampfler, Quaglia et Mme Wolf

Les représentants de la FEGEMS considèrent que les considérants de la motion 1272 sont excessifs et ne concernent pas l'immense majorité des EMS.

Par contre, les responsables de la FEGEMS reconnaissent que les questions soulevées par la motion 1272, relatives à la formation, sont pertinentes. La formation constitue effectivement un problème majeur.

Mais le problème réside dans le financement de cette formation. En effet, seul 0,5 % de la masse salariale est attribué à la formation, ce qui est tout à fait insuffisant pour financer une formation importante.

Les représentants de la FEGEMS sont satisfaits des résultats dégagés par le rapport de Mme Erismann, qui constate que 80 % des EMS sont classés bons, 10 % très bons et 10 % doivent corriger leur fonctionnement. Pour ce qui est de la loi, celle-ci est pour eux très contraignante (contrôles très serrés) et met en place une structure qui bat en brèche l'initiative d'organes dépendant directement des EMS.

Au niveau de la gestion des EMS, les problèmes de dotation en personnel doivent, selon M. Quaglia, être résolus, notamment pour les animations, ces prestations ne devant pas être mélangées avec les soins.

A la question d'un député sur le problème de la mixité des personnes fortement handicapées avec d'autres, M. Beysard répond que la mixité fait surgir effectivement des problèmes plus ou moins supportables, mais cet aspect préoccupe en effet la FEGEMS, qui a récemment mandaté un bureau d'architectes afin de se pencher sur cette problématique.

Pour sa part, M. Gueninchault relève que la population qui s'inscrit dans les EMS a complètement changé durant cette période ; aujourd'hui une personne qui entre à moins de 92 ans dans un EMS est une personne « jeune ».

Le problème est que depuis quelques années il y a de plus en plus de personnes handicapées à l'entrée, la question de la mixité est dès lors difficile à poser.

La préoccupation de la FEGEMS concerne la longueur des démarches concernant les autorisations de pratique et les permis de travail. Actuellement l'attente est de 2 ou 3 mois avant de pouvoir engager du personnel frontalier.

Audition des syndicats : MM. Häring-Mugny et Mmes Klappenbach et Maupetit

Pour les syndicats, la question de la formation est très importante, mais malheureusement, affirment-ils, la formation dépend du bon vouloir des directeurs d'établissement. Et avec le 0,5 % de la masse salariale consacré à la formation, les petits EMS ne peuvent pas forcément assurer cette formation. Pour eux, l'Etat devrait faire un effort dans ce domaine.

Ils déplorent les résultats de l'outil PLAISIR qui parviennent avec 4 mois de retard ; de ce fait il est difficile, selon eux, d'assurer le suivi en matière de dotation. Il faut au contraire pouvoir assurer le déplacement rapide du personnel. De plus, PLAISIR concerne prioritairement les soins infirmiers, les animateurs ne sont pris en charge ni par la grille CICPA, ni par l'outil PLAISIR. Il faut savoir que les grilles CICPA datent des années 70 et ne correspondent plus à la réalité.

Les responsables des syndicats relevent que les cas C ont augmenté de 24 % en 10 ans, avec comme conséquence directe le renforcement de l'encadrement, cela d'autant plus que les personnes meurent de plus en plus dans les EMS, d'où l'incidence sur la dotation et la nécessaire qualification du personnel en matière de soins palliatifs.

Selon M. Mugny, le problème est qu'on cherche à pallier au plus urgent, avec une vision à court terme. Cela se traduit dans les faits par une augmentation du temps de travail et donc du nombre de postes. La pétition déposée au Grand Conseil par les syndicats réclame 400 postes supplémentaires pour pouvoir préparer l'avenir. Selon lui, il faut se donner les moyens nécessaires pour répondre aux besoins de la population du 3e âge.

Les syndicats déplorent que la charte éthique de la FEGEMS ne soit qu'une charte d'employeurs.

Les représentants des syndicats évoquent enfin les « moutons noirs » que constituent certains EMS, en matière de gestion du personnel. En effet, il arrive souvent que les horaires soient modifiés à la dernière minute et ne puissent pas être discutés.

Par ailleurs, les syndicats observent dans certains EMS un antisyndicalisme primaire qui s'exprime par du mobbing.

Quant à la question traitée par la motion 1272 sur la maltraitance, M. Haring indique qu'il n'y a pas, à sa connaissance, de maltraitance volontaire. Par contre, à cause justement du manque de formation et du stress du personnel, il existe effectivement une certaine forme de maltraitance.

Les représentants des syndicats déplorent le fait que certains EMS n'appliquent la convention collective que pour pouvoir toucher des subventions.

Audition de Mme B. Grillet, du service du SMC (service du médecin cantonal)

Durant l'année 1997, le SMC a été chargé d'évaluer 14 établissements qui ne figuraient pas sur la liste des EMS et ceci avec un effectif réduit, soit deux infirmières à 100 % et Mme Grillet qui consacre seulement 30 % de son temps au travail sur le terrain, dans les EMS. Sur les 14 établissements évalués, reconnus au sens de la LAMal, 5 n'ont pas été évalués de manière positive.

Mme Grillet dit avoir été frappée par la mauvaise qualité des soins de manière générale. La situation était insatisfaisante. Il s'agit en priorité d'améliorer la qualité des soins ; actuellement, affirme-t-elle, le manque de qualité des soins peut conduire à des situations de maltraitance, risque qui, selon elle, sera toujours présent, mais peut être limité. Cette amélioration passe par la dotation en personnel qualifié (infirmière en priorité).

Le constat fait par Mme Grillet rejoint les remarques du rapport Erismann, à savoir que sur les 58 EMS, certains sont excellents et d'autres beaucoup moins bons. Par ailleurs, le SMC est intervenu à partir de plaintes, concernant souvent l'alimentation, le rythme des journées et le suivi médical.

Elle ajoute que, depuis que la convention collective a été introduite, du personnel qualifié est de nouveau attiré par les EMS.

Un problème important à relever est le fait qu'on a énormément de peine à obtenir des EMS qu'une infirmière soit présente durant la nuit, alors qu'il s'agit d'une demande de la LAMal et qu'en plus la plupart des décès ont lieu la nuit.

Audition de la Fédération genevoise d'assurance maladie (FGAM), MM. Ciriell, Liebmann et Mme Trutten

M. Ciriello indique que la FGAM est favorable à la motion 1272, estimant que les EMS doivent être des lieux de vie offrant une grande qualité de soins ; par ailleurs, les assureurs jugent positive l'introduction de l'outil PLAISIR. La FGAM aurait souhaité que les EMS deviennent des centres pris en charge de manière plus importante par l'Etat, pas au niveau des soins, puisqu'il s'agit d'une obligation de la LAMal, non au niveau social. La FGAM estime que la prise en charge du résident devrait être totale et suivie par le médecin répondant. Le but est de garantir une bonne qualité des soins et aussi la maîtrise des coûts, sachant que ces derniers se répercutent sur les primes.

M. Ciriello indique que la charge des EMS pour les assureurs est actuellement de 90 millions de francs, une augmentation de 10 % signifie 9 millions à répartir entre les 400'000 assurés genevois. En ce qui concerne le système de forfaits, la FGAM ne dispose pas de chiffres. Avec l'introduction de la Lamal et l'obligation pour les assureurs de prendre en charge les soins de base, les coûts ont augmenté.

Audition des représentants de Pro Senectute, de l'association des pensionnaires des établissements pour personnes âgées et de leurs familles (APAF)

Pour Mme Humbert, représentant Pro Senectute, 70 % des personnes placées en EMS n'ont pas pu choisir leur établissement à l'avance et 30 % d'entre elles, qui ont choisi un EMS durant leur hospitalisation, n'ont pas pu être placées dans l'établissement qu'elles désiraient.

En ce qui concerne la qualité de vie, le principe des chambres à un lit a toujours été défendu par Pro Senectute ; actuellement, 19 % des chambres en EMS disposent de 2 à 4 lits ; la suppression des chambres à plusieurs lits est jugée par Pro Senectute comme une mesure essentielle.

En ce qui concerne les cas de maltraitance soulevé par la motion 1272, Mme Huissoud, représentant l'APAF, considère que les cas de maltraitance peuvent exister dans n'importe quel EMS, même si son directeur est excellent, et cela en raison de la situation de faiblesse dans laquelle se trouvent les pensionnaires. L'équipe du SMC peut intervenir dans de telles circonstances, mais il est difficile de tout contrôler et lorsque les cas de maltraitance sont enfin constatés, les dispositions légales pour fermer l'établissement manquent. Elle ajoute que le dernier EMS à avoir été fermé se trouvait confronté à des problèmes financiers, mais également à des cas de maltraitance. Mais ces actes sont plus difficiles à constater pour le département qu'une fraude.

Mme Humbert déplore que la distinction entre les bons et les mauvais établissements ne figure pas dans les listes adressées aux institutions spécialisées ; elle précise que le département devrait fixer des normes minimales et en assurer le respect.

Audition des motionnaires : Mme Deuber-Ziegler et M. Velasco

Mme Deuber Ziegler rappelle que la société actuelle doit faire face à la situation des personnes âgées et dépendantes, pour lesquelles tout reste à inventer.

Les motionnaires ne remettent pas en cause l'existence des EMS. Cette motion fait suite à des expériences individuelles et constate que certaines personnes sont arrachées à leur cadre de vie familier pour être internées dans des EMS, souvent sans leur consentement. Cet internement est pour ces personnes âgées un événement totalement dramatique.

Mme Deuber Ziegler dit être frappée par le caractère anonyme de la prise en charge de ces personnes.

Les motionnaires jugent important que soit réalisé une meilleure prise en compte de l'individualité de chaque pensionnaire, par le biais notamment de la formation du personnel d'encadrement. Les aspects plus fins de la relation humaine sont aussi importants et c'est dans ce sens que cette motion a été conçue.

Les motionnaires estiment urgent d'établir une charte éthique émanant de l'ensemble des partenaires et non seulement des employeurs.

Les EMS en chiffres

Le prix de pension pour 1999 était de 82 F à 238 F par jour (prix facturé au résident) En 2000 la fourchette se situe entre 125 F et 231 F. par jour.

Environ 22 % de pensionnaires paient entièrement le prix de leur pension et ne sont pas aidés par l'OCPA.

La variation des coûts s'explique non pas par les salaires mais par l'amortissement et le loyer des bâtiments. Il faut savoir que certains EMS ne paient pas de loyer.

En ce qui concerne les subventions, elles se sont élévées à 41 millions en 1998 ; pour l'année 2000, elles sont de 40 millions pour l'Etat et 123 millions pour les prestations complémentaires.

Pour la masse salariale, l'évolution est la suivante :

pour 1998, 214 millions ont été dépensés pour 20'861 postes ;

pour 1999, 231 millions représentant 2'903 postes ;

pour 2000, 234 millions pour 2'903 postes (chiffre budgeté).

La différence entre 1998 et 1999 est de 17 millions ; cette différence s'explique par la création de 40 postes supplémentaires.

Enfin, concernant les priorités du département par rapport aux 48 recommandations de Mme Erismann, le département en a déjà réalisé 5 et en a désigné 11 comme objectifs pour l'an 2000.

Pour ce qui est des plaintes, il y a eu 35 plaintes en 1998 sur les 57 EMS existants:

57 % provenaient des familles des pensionnaires, 23 % des employés, 14 % de tiers et 5 % des pensionnaires. 26 % des plaintes concernaient les conditions de travail et le mobbing, 14 % la maltraitance, 11 % le prix de pension et la facturation et enfin 8 % les soins

Sur les 57 EMS, 17 sont concernés par ces plaintes, certains plusieurs fois ; par contre 40 EMS n'ont jamais été mentionnés.

Discussion sur la motion 1272. Qu'en est-il des droits humains dans les EMS ?

La motion 1272 a provoqué depuis son dépôt une levée de boucliers de la part d'un grand nombre de députés. Même si certains jugent cette motion excessive à plusieurs égards et considèrent la formulation inadéquate, il faut bien reconnaître qu'elle a au moins eu le mérite d'ouvrir le débat sur certains problèmes, notamment la maltraitance à l'égard des pensionnaires et le manque de formation du personnel.

Pour ce qui est de la maltraitance, la motion 1272 n'avait pas pour but de jeter le discrédit sur l'ensemble des EMS mais de dénoncer une certaine forme de maltraitance qui existe dans certains EMS.

Il est indéniable que le déficit en personnel soignant, le stress lié à la surcharge de travail et le manque de disponibilité peuvent conduire à une certaine forme de maltraitance.

Même si certains députés se demandent où commence et où finit la maltraitance.

Ce problème posé, reste la question de savoir comment le résoudre, étant précisé que les personnes qui arrivent aujourd'hui dans les EMS sont de plus en plus dépendantes et que le manque d'encadrement se fait sentir avec acuité.

La motion 1272 a provoqué, au sein du personnel des EMS, indignation et colère, ce qui est compréhensible. Le dépôt de la motion a sans doute été un cri du coeur pour dénoncer certaines pratiques, certes rares, car il faut bien reconnaître que la grande majorité du personnel qui prend soin des personnes fragilisées par le temps et la maladie effectue un travail admirable.

Pour différentes raisons, plusieurs députés ont proposé lors de la fin des travaux de la commission, de rédiger une nouvelle motion qui reprenne l'essentiel des préoccupations partagées par les commissaires.

Une synthèse des différentes propositions a été rédigée en commission.

Sans entrer dans tous les détails de la rédaction de la nouvelle motion 1326, il faut souligner ici la volonté d'aboutir à un texte qui traduise fidèlement les réflexions des députés.

En ce qui concerne le problème de la formation soulevé par la motion, le constat est frappant.

Le manque de personnel qualifié fait défaut dans la grande majorité des EMS, et le problème de formation est important, car il devient de plus en plus difficile de trouver des gens qualifiés pour travailler dans les EMS. En effet, les salaires dans les EMS sont inférieurs à ceux pratiqués dans d'autres hôpitaux, sans parler de la problématique des soins, car travailler avec des personnes âgées, qui plus est dans la grande majorité des cas, très dépendantes, est une approche bien spécifique qui nécessite une formation appropriée.

Conclusions

L'Etat de Genève a consenti des efforts importants pour assurer à nos aînés des conditions de vie dignes, en développant l'aide à domicile et en subventionnant de manière plus adéquate les EMS.

Le constat fait par Mme Erismann dans son rapport démontre que beaucoup de choses ont été réalisées ; la grande majorité des EMS sont bons, voire très bons ; reste néanmoins une minorité d'entre eux où des problèmes se posent.

Par conséquent, le Conseil d'Etat et plus particulièrement, le Département de l'action sociale et de la santé doit veiller à mettre en place un dispositif qui permette rapidement à l'ensemble des EMS de répondre aux besoins des personnes âgées, en tenant compte de leur situation, surtout lorsqu'elles se trouvent dans un état de totale dépendance.

Les EMS ne doivent pas être des mouroirs, mais des lieux de vie dignes et conviviaux, avec un personnel adéquat et en nombre suffisant.

Les priorités décrites dans la rapport de Mme Erismann doivent être réalisées à court terme, la formation doit devenir une priorité, la qualité des soins doit être primordiale.

Il devient urgent de développer des structures adaptées aux personnes souffrant de troubles démentiels. Il s'agit de développer une approche spécifique des personnes démentes, les besoins vont par ailleurs se faire sentir ces prochaines années.

Il serait également souhaitable de développer une politique de concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux.

Par ailleurs, actuellement la Chambre de tutelle n'accepte pas de prendre en charge les personnes âgées qui ne disposent pas de fortune, c'est au directeur de l'EMS qu'incombe une telle décision. Par conséquent, il devient indispensable de trouver une base légale à ce « no man's land juridique ».

Pour conclure, et en tenant compte de nos travaux en commission, je vous demande d'accepter ce rapport, qui n'a pas la prétention d'être exhaustif, mais qui reflète l'esprit positif et constructif qui à prévalu tout au long de nos travaux en commission

A l'unanimité, la Commission des affaires sociales vous prie, Mesdames et Messieurs les députés :

de prendre acte du rapport sur le RD 332 ;

de demander aux auteurs de la motion 1272 de bien vouloir la retirer ;

de voter la proposition de motion résultant des travaux de notre commission.

Proposition de motion(1272)

Qu'en est-il des droits humains dans les établissements médico-sociaux genevois ?

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

les efforts importants que l'Etat consent pour assurer à nos aînés des conditions de vie dignes ;

les situations de maltraitance et de mauvaise gestion constatées dans certains établissements médico-sociaux ;

les carences de la structure d'encadrement, l'absence de formation de base pour certaines catégories de personnel et de politique de formation continue cohérente dont devrait bénéficier l'ensemble du personnel de ces établissements pour garantir la qualité des soins ;

que les carences citées ci-dessus ont pour conséquence, dans certains établissements médico-sociaux, que l'on traite de manière infantilisante les personnes âgées, alors que celles-ci doivent être reconnues comme personnes uniques et adultes, capables d'opérer des choix sur des objets ayant trait à leur personnalité ;

invite le Conseil d'Etat

à faire en sorte que les établissements médico-sociaux soient, comme la loi le demande, non pas des établissements hospitaliers ou des hôtels, mais des lieux de vie qui devraient assurer non seulement des soins adéquats, mais également un cadre respectant la personnalité des personnes âgées en lien avec la communauté ;

à mettre en place, au même titre que pour les formations sociales, une véritable formation de directeur ou directrice qui intègre entre autres une éthique de l'accompagnement dans le cadre de la gestion de ces établissements ;

à mettre en place des moyens permettant l'accès, pour certaines catégories d'employés, à une formation de base ;

à favoriser l'élaboration d'une charte détaillée et concrète reconnue par l'ensemble des partenaires qui, dans ces lieux, garantirait le respect de l'individu et son appartenance à la société, assurerait les règles de déontologie du personnel, et valoriserait leur activité professionnelle ;

à mettre en place une instance pluridisciplinaire de médiation (comprenant la société civile) qui serait chargée de veiller au respect et à la mise en oeuvre de la charte, de promouvoir un projet d'accompagnement des personnes âgées, et de garantir la qualité de vie dans ces établissements ;

à exiger des établissements, en contrepartie de la subvention accordée, le respect de la charte et la mise en place :

de structures favorisant la formation continue du personnel et de la direction, afin de disposer d'un personnel qualifié et en nombre suffisant ;

de conditions permettant le dialogue entre la direction, le personnel et les pensionnaires, par exemple sous la forme d'un forum ;

d'une politique active de sensibilisation et de lutte contre la maltraitance.

Débat

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG), rapporteuse. Tout d'abord, j'aimerais rectifier une erreur à la première page de mon rapport, concernant la présidence de la commission : il ne s'agit pas de M. Pierre Martin, mais de notre collègue Pierre Marti !

Cela dit, j'aimerais tout d'abord faire un constat : c'est une évidence qu'aujourd'hui l'espérance de vie augmente et qu'il y a une augmentation sensible des personnes des troisième et quatrième âges. Selon les statistiques, il y a actuellement, dans le canton de Genève, 17% des personnes du troisième et du quatrième âge qui se trouvent dans des EMS, soit environ 3700 personnes. Le développement des soins à domicile a eu pour effet que de plus en plus de personnes restent chez elles et qu'il y a une augmentation sensible des cas lourds : parmi les gens qui entrent dans des EMS, les cas C ont augmenté d'environ 24% en dix ans.

Le problème aujourd'hui se situe au niveau de la pénurie de personnel, raison pour laquelle les syndicats ont déposé une pétition au Grand Conseil demandant que les postes de travail soient augmentés de 400 unités, afin que le personnel dans les EMS puisse faire son travail correctement. La motion 1272 met d'ailleurs en évidence ces déficiences en personnel, qui peuvent provoquer, à cause d'un manque de disponibilité, d'un manque de temps, certaines formes de maltraitance - j'y reviendrai tout à l'heure. A cet égard, dans l'excellent rapport de Mme Erismann, à la page 148 notamment, figurent quarante-huit recommandations, dont j'ai donné quelques exemples à la page 6 de mon rapport.

Par ailleurs, il faut relever que les EMS manquent de chambres à un lit. Souvent, les familles demandent que les personnes soient mises dans une chambre toutes seules. Or, il y a pénurie de chambres à un lit et le fait de mettre des personnes très atteintes dans des chambres à plusieurs lits peut poser beaucoup de problèmes. En effet, ce sont justement ces personnes qui se réveillent souvent la nuit et cela provoque des problèmes entre les patients eux-mêmes. Il faut aussi dire que beaucoup de personnes n'ont pas actuellement la possibilité de choisir dans quel EMS elles aimeraient aller. 70% des personnes n'ont pas pu choisir l'établissement et 30% n'ont pas pu aller dans l'EMS qu'elles avaient choisi.

J'aimerais également relever que, selon la méthode PLAISIR - qui est un peu contestée aujourd'hui - les soins ne sont assurés qu'à 75%, ce qui est relativement bas. La méthode PLAISIR permet de mesurer l'état bio-psychosocial du patient et de déterminer la charge des soins requis de manière individuelle, de produire des statistiques sanitaires, de définir l'allocation de ressources et de personnel et une prise en charge de qualité.

Je reviendrai tout à l'heure sur d'autres questions. Pour l'instant, Monsieur le président, je m'arrêterai là.

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Tout d'abord, une remarque d'ordre formel. Monsieur le président, vous avez remarqué que les auteurs de la motion 1272 n'ont pas retiré leur texte. Cela est dû à la simple raison que nous avons d'abord un amendement à proposer à la motion qui sort des travaux de la commission. L'hypothèse pourrait être que nous débattions et que nous votions d'abord sur la motion qui sort des travaux de la commission, que nous vous soumettions notre amendement - que je tiens à votre disposition - et qu'ensuite, cas échéant, nous retirions notre motion pour éviter un second débat. Ou alors, si notre amendement était refusé, nous nous battrions évidemment pour notre motion, afin d'avoir l'opportunité de justifier notre position. C'est au Bureau qu'il incombe de choisir la méthode et je reprendrai la parole dans une minute, dès que vous aurez pris une décision à ce sujet.

Le président. Madame, il est prévu, dans l'ordre de nos travaux, que nous nous prononcions sur la nouvelle motion 1326 issue de la commission, en traitant bien entendu votre amendement, et qu'ensuite, selon l'acceptation ou non de cet amendement, vous preniez position. S'agissant de la motion 1272, je précise qu'elle est sortie des travaux des affaires sociales sans préavis de la commission, si bien que, quoi qu'il arrive, si elle n'était pas retirée, je vous proposerais de la renvoyer en commission pour que cette dernière puisse prendre position, ce qu'elle n'a pas fait.

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Je vous remercie d'avoir noté, en effet, cette particularité du rapport !

Cela dit, je remercie la commission des affaires sociales pour son travail et Mme Loly Bolay pour son rapport sur notre motion 1272, dont l'intitulé, vous vous en souvenez, mettant en cause la situation des droits humaines dans les EMS de Genève, sous-entendu certains EMS, et qui parlait de maltraitance, avait fait scandale et suscité de très violentes et injustifiées réactions. Celles-ci m'avaient personnellement d'autant plus choquée que je venais de faire l'expérience de tels mauvais traitements et en étais encore profondément touchée.

La motion issue du travail de la commission et soumise ce soir à notre approbation, si elle est rédigée de manière plus prudente que la nôtre et n'évoque plus les termes affreux que je viens de rappeler, va pourtant plus loin sur un certain nombre de points. Elle s'attache mieux, parce que de manière mieux informée, aux problèmes de la formation des personnels et à l'évaluation de l'application de la charte éthique à laquelle doivent se conformer les EMS. Elle précise mieux le mandat du médecin cantonal et, surtout, elle soulève la question des mesures tutélaires à prendre à l'intention des personnes âgées. Sur ce dernier point, les membres de la commission ont bien fait de faire ressortir le vide juridique actuel constaté dans un certain nombre de situations : par exemple, le bail à loyer de personnes âgées déplacées dans les EMS peut être résilié purement et simplement par un membre de la famille, ou, par exemple encore, d'autres décisions de nature juridique touchant à la vie de la personne déplacée peuvent être prises sans mesures tutélaires, pourtant traditionnellement nécessaires et autrefois scrupuleusement respectées.

A côté des motifs de satisfaction des auteurs de la motion 1272, il faut dire ici les réserves. Premièrement, qu'en est-il de la définition des droits humains de la personne âgée ? L'exigence de droits diminue-t-elle avec l'âge et l'apparition de signes de ce que la médecine a pris coutume de désigner comme de la démence - en réalité, quand la mémoire et la parole s'affaiblissent, quand le contrôle de soi décline ? Tutoyer les résidants, ne pas les soigner correctement, refuser qu'ils se couchent pendant la journée s'ils sont indisposés, leur imposer une promiscuité dans un lieu de vie qui n'a pas été construit pour cela et dont il faut bien s'accommoder, en dépit de certains caractères attractifs - jardin, salle à manger, etc. - infantiliser des personnes qui ont déjà trop conscience d'avoir perdu la face, leur fierté, leur cadre de vie familier et qui sont souvent en état de détresse, nous appelons cela, quant à nous, un non-respect des droits humains de la personne âgée dans un certain nombre d'EMS. D'autres députés, lorsque nous avons été auditionnés par la commission des affaires sociales, ont jugé que nous étions à côté de la plaque, qu'en réalité il ne s'agissait pas de violation des droits humains. Cela dépend évidemment où l'on met la barre du respect de la personne ! Les conditions d'urgence dans lesquelles se font souvent les installations dans ces établissements, l'ouverture d'urgence même de certains de ces établissements, comme cela s'est produit avant le moratoire, au moment où précisément il a fallu faire face à la montée du nombre des personnes âgées à prendre en charge, contribuent certainement à ce non-respect des personnes, souvent très vivement et très rapidement déplacées sans être du tout partie prenante de la décision.

Deuxièmement, je ne suis pas sûre que notre demande de relations plus adéquates entre le personnel et les hôtes des EMS, qui est fondée sur la reconnaissance culturelle des résidants, sur la reconnaissance de leur parcours de vie, ait été suffisamment comprise par la commission. Le rapport de Mme Bolay insiste bien évidemment - comme d'ailleurs toutes les personnes auditionnées - sur la vie quotidienne dans les EMS, sur la satisfaction des besoins sociaux et culturels des résidants, sur le nécessaire développement des activités dites d'animation, avec l'appui de professionnels compétents. Les animateurs qui interviennent dans les EMS sont d'ailleurs en train de s'organiser et visent les mêmes objectifs que ceux que nous poursuivons. Les personnes âgées sont portées, pourtant, à se replier sur leur mémoire, leurs traditions, leur récit de vie, souvent leur langue d'origine, tous souvenirs qui réapparaissent en fin de vie. Il est impératif que toutes ces qualifications de leur vie, c'est-à-dire leur histoire, leur culture, leurs souvenirs, leur langue, trouvent leur place au plein sens du terme dans les EMS, puisque ce sont des lieux de vie. Qu'en est-il quand il s'agit de personnes âgées d'origine étrangère, venant de sociétés où la personne âgée est infiniment plus respectée ? Qu'en sera-t-il quand un grand nombre de ces personnes d'origine étrangère fréquenteront nos EMS ? Les laissera-t-on s'exprimer dans leur langue sans s'entendre dire qu'elles sont devenues démentes, ce qui est arrivé à plusieurs personnes de mon entourage ?

Troisièmement, notre motion demandait une charte éthique concertée avec le personnel des EMS ; la mise en place d'une instance pluridisciplinaire de médiation, chargée de veiller au respect et à la mise en oeuvre de cette charte, de promouvoir un projet d'accompagnement des personnes âgées et de garantir la qualité de vie dans ces établissements ; enfin, d'exiger des EMS, en échange des subventions qui leur sont accordées, la mise en place des conditions d'un dialogue entre la direction, le personnel et les pensionnaires. Nous ne sous-entendions pas, ou nous ne voulions pas dire que cela n'était pas possible et que cela n'était pas déjà réalisé dans un certain nombre d'établissements médico-sociaux. Mais il en est d'autres où ces éléments sont absents. Nous proposions donc, à travers une législation adéquate, d'obtenir des garanties pour que ce soit la règle partout.

Les syndicats nous ont écrit à ce sujet et je tiens à votre disposition une lettre que le Grand Conseil a reçue et où ils demandent, bien entendu, de pouvoir être partie prenante de la charte éthique. «La charte éthique mise en place par la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux est bien une charte éthique selon nos voeux, elle est une émanation patronale et en aucun cas, dit cette lettre, nous n'accepterons qu'elle devienne une référence universelle sur le canton de Genève, référence à laquelle les personnels soignants n'auraient pas été incités à participer.» Nous demandons donc, dans l'amendement que j'ai déposé, une correction à l'invite No 5 :

«- à introduire dans la loi J 7 20 une charte éthique paritairement négociée et à prévoir l'évaluation de son application».

Ce n'est pas une demande exorbitante, mais cela nous paraît suffisant a priori pour que le dialogue s'installe sous la garantie de notre parlement, que les établissements soient contraints à ce dialogue : ce dialogue a déjà lieu dans un certain nombre de grands établissements, mais souvent, dans les petits établissements, ce n'est pas le cas. Nous demandons donc qu'il ait lieu, de manière à améliorer ce que chacun - et en particulier le rapport sorti de la commission - reconnaît comme étant un ensemble de lacunes dans le dispositif actuel. Nous proposons donc cet amendement et nous nous rallierons, si cet amendement est accepté, à la motion 1326 telle qu'elle est sortie des travaux de la commission.

M. Albert Rodrik (S). La commission des affaires sociales était en réalité saisie de deux objets fort différents : le rapport d'évaluation des EMS et une motion qui a suscité beaucoup d'émotion, qui a choqué, paraît-il, une partie de cette salle, les motionnaires, en retour, étant choqués qu'elle en ait été choquée !

Disons que cette motion contenait un certain nombre d'aspérités. Le travail de la commission a consisté à élaborer un texte qui intègre un certain nombre de préoccupations résultant à la fois du rapport d'évaluation remis par le Conseil d'Etat et de la motion qui, en dépit de ses aspérités, tirait une sonnette d'alarme et nous parlait de choses d'une gravité non négligeable. C'est le mérite de la commission, de son président, de ses membres, d'avoir rédigé un texte dans lequel ces préoccupations, cette nécessité d'un cadre politique pour l'avenir des EMS se retrouvent.

Quand j'ai relu le rapport de Mme Erismann et ses propositions, j'ai bien dû constater que, dans ma nouvelle vie de député, 90% de ce qu'elle disait ne me concernait plus et concernait le Conseil d'Etat, le département, la direction générale de l'action sociale. Qu'allions-nous proposer comme directives politiques pour donner un cadre d'évolution d'avenir ? Eh bien, ce travail a pu être fait, grâce en particulier à un ou deux collègues qui connaissent bien la situation.

Nous avons également essayé d'aller au fond du nouvel instrument qu'est l'outil PLAISIR, pour voir dans quelle mesure il permet aujourd'hui, ou ne permet pas pour l'avenir, de prendre en compte les nécessités quotidiennes. Et c'est pourquoi nous insistons pour que l'animation retrouve sa place comme partie intégrante de la prise en soins. Cela d'autant plus que, en dépit du vieillissement de la population, en dépit de l'état de santé dégradé des pensionnaires, les établissements médico-sociaux sont et doivent rester des lieux de vie. Je dirai même que plus la dégradation avance, plus l'âge s'élève, plus nous devons nous accrocher au caractère lieu de vie et plus la prise en compte adéquate de l'animation à l'intérieur de l'outil PLAISIR est primordiale. En effet, aujourd'hui, prendre en compte convenablement l'animation fait faire des acrobaties de gestion à des directeurs de maison, parce que l'OCPA ne prend pas en compte, dans l'outil PLAISIR, cet aspect. A mon sens, on doit même aller plus loin, dans les trois grands établissements, et considérer la notion d'un cadre animateur, pour qu'il y ait une référence hiérarchique pour cette activité - ce qui ne veut pas dire exclure les bénévoles.

Quelques mots sur l'amendement. Mesdames et Messieurs, cet amendement fut le mien en commission. Je pensais qu'il s'agissait d'un amendement anodin et si je ne l'ai pas repris pour la séance plénière, c'est que je n'ai pas eu de nouvelles du front me disant que les fronts avaient varié ! Je m'explique : on parle à deux reprises, dans la motion sortie des travaux de la commission, de la charte éthique. La première fois dans les considérants où il est naturel que l'on évoque la situation actuelle, le Istzustand, c'est-à-dire la charte éthique que la FEGEMS a publiée - c'est tout à son honneur - quelques mois après sa constitution et quelques mois après l'entrée en vigueur de la loi. Nous nous référons une deuxième fois à cette charte éthique dans les invites au gouvernement, soit le dispositif qui concerne l'avenir. Or, il me paraissait, dans mon infinie naïveté, que dire que cette charte éthique du futur devait être, comme c'est la coutume dans ce pays, négociée entre les partenaires sociaux pour qu'elle ait toute l'autorité de la chose négociée, était l'affaire la plus banale du monde ! Eh bien, non : j'ai trouvé un tollé en face de moi, dont je ne comprends toujours pas le sens !

Mesdames et Messieurs, dans ce pays, pour que les choses aient une autorité, on les négocie et les partenaires sociaux s'y mettent. M. le conseiller d'Etat Segond sait ce que c'est que faire négocier les partenaires sociaux des EMS et l'a fait en particulier avant l'entrée en vigueur de la loi. Mais, en dépit de cela, si nous voulons qu'une charte éthique d'avenir ait l'autorité voulue, le côté contraignant voulu, il est indéniable qu'elle doit être issue d'un consensus de l'ensemble des personnes, des partenaires qui font vivre la constellation des EMS. Cela me paraissait évident, cela ne semble pas l'être : cela me réjouit beaucoup, cela veut dire que je suis encore jeune et que j'ai beaucoup à apprendre !

Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous demande d'approuver cet amendement. Il a été très surpris de ne pas être suivi par ses alliés, mais persiste à vouloir que nous ayons une charte éthique dans laquelle se reconnaissent l'ensemble des travailleurs et des employeurs des EMS, comme c'est la tradition dans ce pays. Pour le surplus, nous pensons qu'il y a ample moisson dans le rapport Erismann pour le Conseil d'Etat, pour le chef du département de l'action sociale et de la santé, pour conduire les EMS sur un chemin au bout duquel, dans quelque temps, les disparités soient moindres, au bénéfice de la meilleure qualité.

Le président. Je salue la présence, à la tribune, de nos anciennes collègues Béatrice Luscher et Gabrielle Maulini-Dreyfus, qui continuent de suivre nos travaux ! (Applaudissements.)

Mme Louiza Mottaz (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, en complément du rapport de Mme Bolay, permettez-moi de vous rappeler que la majorité de la commission a refusé de prendre en considération le contenu de la motion 1272 et laissé aux motionnaires le soin de la retirer. Ce qui fut dans un premier temps apparemment admis, mais au prix, peu après, d'une nouvelle motion, laquelle reprenait par trop le contenu de la motion 1272, ce qui empêchait l'ensemble de la commission d'avancer dans ses travaux.

De fait, Mesdames et Messieurs, nous avions tous le souci de voir respectés les droits de la personne, de protéger l'identité et l'intégrité des personnes accueillies dans les établissements médico-sociaux, de considérer la maltraitance comme inacceptable. Aucun de nous ne souhaitait voir les quelques EMS qui ne donnent pas satisfaction ternir l'image de l'ensemble et nous refusions de jeter l'opprobre sur tous les soignants, parce que quelques-uns ne font pas leur devoir. Dans ce contexte, il fallait un nouveau document qui prenne en compte non seulement les aspirations de chaque commissaire, les préoccupations des auditionnés, mais surtout qui donne concrètement au DASS les orientations, en termes de soins, que nous voulions voir le plus rapidement possible mises en oeuvre. C'est ainsi, Mesdames et Messieurs, que j'ai pu proposer à la commission la motion 1326 et, bien que d'aucuns, au sein de l'Alternative, m'aient demandé de laisser mon habit d'infirmière au vestiaire, cette motion a été acceptée et travaillée point par point, comme le relève Mme Bolay, dans un esprit constructif.

Le seul point d'achoppement fut celui de la charte éthique à introduire dans la loi. Fallait-il imposer sans tergiverser l'existant, à savoir la charte éthique de la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux, ou bien inventer autre chose, avec le risque de rester encore de longs mois, voire des années, dans le flou et la suspicion de soins inadéquats dans les EMS ? L'option prise par la majorité des commissaires, hors l'AdG et les socialistes, a été d'aller au-delà du seul fait que cette charte ait été élaborée par des directeurs d'EMS, principal argument utilisé par ses détracteurs pour la refuser. Seul son contenu a été prépondérant dans notre choix. Cette charte donne à la fois un cadre et explicite les principes fondamentaux à respecter dans le travail d'accompagnement et, comme chacun s'accorde à reconnaître qu'une part essentielle des soins dans les EMS sont des soins infirmiers, alors permettez-moi de dire en toute connaissance que les valeurs et options qui y sont décrites sont étroitement liées au code déontologique et aux valeurs régissant les actions infirmières à l'égard d'autrui.

Madame Deuber Ziegler, vous revenez en plénière avec le même amendement qui a été refusé en commission, pour les raisons que je viens d'évoquer. Alors, je répète que vous ne pouvez pas dire, comme vous le faites dans votre motion 1272, que les personnes âgées sont maltraitées dans les EMS et, dans le même temps, refuser ce qui peut les protéger. Si une charte est reconnue nécessaire et indispensable et qu'elle existe - car elle existe, Madame, et vous le savez - il serait criminel de ne pas l'appliquer, sous contrôle de l'autorité, tout en glosant sur d'autres formulations, par d'autres formulateurs possibles, pour mieux vous plaindre ensuite de l'absence de points de repère quand il y a dérapages dans la réalité ! En refusant l'introduction immédiate de la charte de la FEGEMS dans la loi, vous n'assurez pas la protection de ceux qu'a priori vous voulez défendre.

De plus, par ce biais, vous niez l'existence de la FEGEMS, alors qu'elle est, par une volonté politique, reconnue dans la loi comme partenaire de l'Etat. En effet, Madame, dans son article 20, alinéa 1, lettre e), l'Etat fait obligation à tout EMS d'être membre de la FEGEMS pour bénéficier d'un subventionnement. Dans le fond, je me demande où est votre réel souci. En tout cas, là où vous pensiez faire bien, vous faites mal ! Car enfin, Mesdames et Messieurs les auteurs de la motion 1272, vous avez mis en émoi les personnes en attente d'entrer en EMS ; vous mettez dans l'embarras et vous augmentez la culpabilité des familles qui n'ont d'autres solutions que d'y accompagner un des leurs. De plus, vous démoralisez les soignants qui travaillent déjà en EMS, sans compter que vous découragez tout simplement ceux qui auraient imaginé pouvoir y travailler.

Madame Deuber Ziegler, je vous redis qu'une charte éthique existe déjà, que les soignants se la sont appropriée - sans avoir votre avis - et travaillent avec elle depuis deux ans, que cette charte est une bonne base sur laquelle s'appuyer pour préciser, après son évaluation, les domaines de soins dans lesquels des améliorations seraient souhaitables ou, au besoin, exigibles, tant de la part des soignants que des responsables d'EMS. Mesdames et Messieurs, jamais nous n'avons refusé la création d'une commission paritaire à l'issue de la première évaluation de la charte de la FEGEMS. Nous souhaitons seulement ne pas perdre de temps, mais surtout nous voulons dire aux personnels des EMS qu'au-delà des «bavures» - comme on le dit dans les services de M. Ramseyer - qui doivent être réprimées sans pitié, nous savons que nous pouvons compter sur eux, afin que par leur comportement et le développement de leurs compétences professionnelles, ils créent et maintiennent un climat de confiance intergénérationnel et contribuent par leur dévouement à la cohérence de notre communauté.

De fait, Mesdames et Messieurs les députés, devant ce difficile fait de société, je vous laisse face à votre responsabilité et votre conscience, tout en me permettant tout de même de vous exhorter à vous unir autour de la motion 1326, conçue dans un souci d'éthique, au-delà de toute polémique ou clivage manichéen gauche-droite. Pour ces motifs, notre groupe prendra acte du rapport du Conseil d'Etat, rejettera la motion 1272 et l'amendement de Mme Deuber Ziegler, et renverra au Conseil d'Etat la motion 1326. Et je demande le vote nominal sur la motion 1272, sur l'amendement de Mme Deuber Ziegler et sur la motion 1326. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Il y a ce soir une nouvelle majorité, une nouvelle minorité, et je vais intervenir comme je l'avais prévu, sans tenir compte de l'intervention de Mme Mottaz.

Mesdames et Messieurs les députés, la propreté des lieux, la netteté des lits, c'est un point d'honneur pour certains EMS et c'est en quelque sorte une caution. Seulement, voilà, s'il est vrai que cet aspect fait partie du respect de la dignité, il ne donne pas une caution quant à d'autres atteintes. J'ai lu, comme certains d'entre vous, l'excellent article de Myriam Meuwly dans le «Temps». Il y a un passage où elle dit avoir surpris sa mère dans le hall déserté après le souper, tous les résidants couchés avant les poules, en plein été, quand le soleil luit encore dans le jardin. C'est un constat que j'ai pu faire, mais qui m'a aussi été rapporté à maintes reprises. C'est l'isolement, involontaire mais isolement quand même. Quant aux horaires stricts de lever et coucher, c'est une atteinte à l'autonomie de la personne et ceci est une réalité, qu'on le veuille ou non ! Mais il y a encore un aspect qui ne doit pas nous échapper, c'est le sentiment d'inutilité qui, pour toutes les personnes pouvant exercer la capacité citoyenne, veut dire aussi exclusion. Quand elles se sentent effectivement inutiles, ces personnes se sentent exclues et ce d'autant plus quand elles sont plus âgées.

Je dois dire ici, Monsieur le président du département, que, quand nous parlons de droits de la personne, nous ne visons ni votre département, ni vous, évidemment. Mais revenons à la motion. Je constate que les représentants de la FEGEMS, tout en considérant excessifs les considérants de la motion, admettent néanmoins que «l'immense majorité» des EMS ne sont pas concernés par celle-ci. L'immense majorité, cela veut dire qu'il existe quand même un petit nombre, une minorité qui est concernée : puisqu'il y a une majorité, il y a donc une minorité. Or, le critère de respect des droits de la personne ne doit pas s'accommoder et ne s'accommode pas, pour nous, d'un plafond minimal.

A cet égard, je le répète, dans la revue No 1909 de «Balises», on pouvait lire qu'en 1998 les EMS faisaient l'objet de trente-cinq plaintes et que 14% de celles-ci concernaient la maltraitance. M. de Saussure, qui m'avait à l'époque interpellé avec véhémence dans ce parlement, a néanmoins reconnu quelques jours plus tard à la Télévision l'existence de la maltraitance. Mme Erismann reconnaît également que le monde des EMS oscille entre les pôles de l'excellence et de l'incurie. Enfin, Mme Grillet dit avoir été frappée, et là je cite le rapport de Mme Bolay, «par la mauvaise qualité des soins de manière générale. La situation était insatisfaisante. Il s'agit en priorité d'améliorer la qualité des soins : actuellement, affirme-t-elle, le manque de qualité des soins peut conduire à des situations de maltraitance, risque qui, selon elle, sera toujours présent, mais peut être limité. Cette amélioration passe par la dotation en personnel qualifié (infirmières en priorité)».

Je dois aussi regretter que certaines entités comme le Foyer de Soubeyran, ou que M. Dominique Favrod, sociologue, n'aient pas été invités à s'exprimer lors des travaux de la commission.

Cela dit, nous pourrions nous rallier à la motion proposée par la commission, comme l'a dit Mme Deuber Ziegler, à la condition que l'on adopte au moins l'amendement que nous avons présenté, reprenant la notion figurant dans notre motion et faisant référence à la rédaction d'une charte élaborée paritairement par tous les partenaires. Ceci, pour nous, est fondamental, car c'était une revendication des organisations des travailleurs ; je fais référence ici au courrier du syndicat SIT envoyé à la FEGEMS, dont Mme Deuber vous a lu tout à l'heure un passage. La réponse de la FEGEMS, d'une grande arrogance, a consisté en une fin de non-recevoir. C'est dommage, car les syndicats étaient prêts à collaborer pour une charte, mais je suppose que la FEGEMS devait connaître par avance le traitement que subirait notre motion...

Si j'ai dit «au moins» en parlant de notre amendement, c'est que d'autres invites de notre motion n'ont pas été reprises, notamment celle demandant la mise en place d'une instance pluridisciplinaire de médiation comprenant la société civile. Ceci n'a pas été repris, de même que le forum qui devait permettre le dialogue entre la direction, les pensionnaires et le personnel. C'est dommage, car ce sont des propositions qui vont dans le sens d'une amélioration de la qualité de ces lieux, mais nous reviendrons avec une autre proposition, afin que ces suggestions soient reprises.

Je tiens enfin à dire que j'ai reçu un courrier de citoyennes qui, effectivement, me font part de maltraitances à l'égard de leurs parents. J'ai ce courrier ici, mais je ne le lirai pas, parce qu'on m'a demandé de ne pas en révéler la teneur. Toutefois, je répète que ces maltraitances existent et quand on parle de droits humains, ce n'est pas forcément pour accuser telles personnes ou telles entités, mais pour souligner qu'on doit, à tout moment, faire attention à cette notion. Voilà, pour le moment j'en ai terminé. Si d'aventure, ce Conseil acceptait notre amendement, nous serions d'accord de retirer notre motion. Comme Mme Mottaz, nous demandons également le vote nominal, car il nous semble important de savoir qui votera l'une ou l'autre des propositions.

M. Pierre Marti (PDC). Je suis quelque peu navré que nous reprenions quasiment l'ensemble des discussions que nous avons eues au moment où la motion 1272 a été présentée !

En tant que président de la commission des affaires sociales, j'aimerais remercier infiniment l'ensemble des membres de la commission et Mme Bolay, ainsi que Mme Mottaz qui ont vraiment fait un gros travail. En commission, nous avons repris tout l'excellent rapport de Mme Erismann et nous y avons joint l'étude de la motion 1272. Il faut reconnaître que nous avons véritablement pu faire un travail constructif ; nous avons cherché toutes les solutions qui pouvaient permettre de répondre aux diverses exigences que les personnes âgées, dans les EMS, peuvent demander. Nous avons prospecté toutes les ouvertures que proposait Mme Extermann... Mme Erismann, excusez-moi, je me trompe... Un inspecteur Extermann m'a marqué pendant mes années primaires !

Le travail a été fait très finement. Tout a été repris et nous avons prévu suffisamment de temps pour une discussion saine et constructive. En fin de compte, nous sommes arrivés à cette proposition de motion 1326. Celle-ci n'a pas été rédigée comme cela, par hasard : nous avons vraiment recherché quelles étaient les priorités des priorités du rapport du Conseil d'Etat, en essayant d'y intégrer aussi les questions qui étaient posées par nos deux collègues motionnaires.

Je reviens ici sur l'amendement qui nous est proposé et qui invite «à favoriser l'élaboration d'une charte détaillée et concrète reconnue par l'ensemble des partenaires qui, dans ces lieux, garantirait le respect de l'individu et son appartenance à la société... etc.» Je pense que, si vous relisez bien la proposition de motion 1326, vous constaterez qu'on a déjà répondu à votre amendement. Il n'y a aucun problème : vous demandez qu'une charte détaillée soit rédigée, mais la charte de la FEGEMS existe actuellement ; appliquons-la et prenons le temps d'étudier une charte détaillée et élaborée avec l'ensemble des partenaires. Je ne vois pas du tout pourquoi vous proposez cet amendement.

Par contre, je reviens sur un problème évoqué par nos deux collègues qui ont déposé la motion 1272. Permettez-moi de vous dire que, si vous avez connaissance de cas très précis de maltraitance, vous avez une responsabilité vis-à-vis des autorités, celle de dénoncer ces cas, comme le prévoit la loi que nous avons votée il y a trois ou quatre ans. C'est votre responsabilité. En revanche, déposer tout à coup cette motion et dire quasiment qu'il y a des maltraitances dans l'ensemble des EMS, c'est vraiment jeter l'opprobre sur l'ensemble du personnel des EMS et c'est vraiment inadmissible, je vous le répète ! Vous n'avez pas le droit de parler ainsi du travail qui est fait par l'ensemble du personnel. Cette façon de faire a été reprise par un certain nombre de syndicats, entre autres par un syndicat qui maintenant veut faire je ne sais quelle étude. Même l'AVIVO est obligée de passer des encarts publicitaires payants pour recommander à ceux qui connaissent de tels cas de les dénoncer rapidement ! Vis-à-vis du personnel qui fait son travail, je ne comprends pas du tout l'attitude d'un certain nombre de personnes, d'un certain nombre d'associations et de syndicats.

Une autre question a été soulevée, qui est effectivement un des points sur lequel on devrait pouvoir aller de l'avant, c'est celle des chambres à un lit. Là, je m'adresse à M. le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond. Il faudra bien sûr attendre la fin du moratoire, mais sachez que si on veut éliminer les chambres à deux ou trois lits, ce sont à peu près vingt-cinq nouveaux EMS qu'il faudra construire. Je vous laisse imaginer quel en sera le coût pour les personnes âgées et surtout pour l'Etat. Voilà, je termine là pour l'instant, en vous demandant de suivre les conclusions de la commission des affaires sociales et de ne pas voter cet amendement.

Le président. Mesdames, Messieurs, puis-je vous demander d'utiliser la salle des Pas Perdus pour vos discussions ? Monsieur Brunschwig, Madame Calmy-Rey... S'il vous plaît, vos discussions perturbent nos travaux !

M. Gilles Godinat (AdG). Je ne reviendrai pas sur les travaux en commission, qui ont été bien décrits par mes prédécesseurs, mais sur le contexte politique créé par cette motion.

Effectivement, cette motion s'apparente à un cri du coeur, voire à un coup de gueule. C'est une évidence que, dans ce genre de question, il y a des excès de langage, qu'il peut y avoir des généralisations abusives et c'est bien pour éviter ce piège qu'en commission nous avons pris soin d'étayer avec prudence certaines affirmations, sur la base des observations faites par Mme Erismann. Celle-ci avait un mandat tout à fait indépendant et a fait un excellent travail, qui a effectivement permis de nuancer certains propos et de mieux cibler les problèmes que nous voulions viser au départ dans la motion 1272, tant remise en question ce soir.

L'outil PLAISIR nous a également permis d'évaluer le travail qui avait été fait, grâce à une toute première évaluation qui nous a été communiquée en commission. Cet outil nous permet d'avoir un regard plus affiné sur le fonctionnement des institutions et ce qu'il faut relever, c'est que, globalement, la qualité des soins dans les EMS s'est améliorée. Cela a déjà été dit en commission, mais je tiens à le redire, car c'est une vérité. Il subsiste pourtant, et c'est malheureux, un certain nombre de carences, notamment au niveau de l'attitude de certaines personnes, qui sont parfois du personnel soignant et parfois d'autres membres du personnel, voire de certaines directions, carences qui posent problème. Alors, il ne s'agit ici d'accuser personne, il s'agit de comprendre ce qui se passe. Ce que l'on observe, c'est une charge de travail qui va en s'accentuant. On sait que la formation de base a été parfois insuffisante, que des améliorations ont été apportées, mais que les efforts doivent continuer. On sait également que la problématique des personnes âgées qui entrent en EMS tend de plus en plus à être compliquée par des problèmes psychiques. Or, la complexité de tels problèmes fait que les relations deviennent toujours plus délicates à gérer. Et c'est pour prévenir ces difficultés, dans une réflexion d'avenir, que nous avons cherché, en commission, à trouver des solutions.

J'en viens à l'amendement. D'abord, la FEGEMS, en tant que telle, est reconnue, puisqu'elle est citée dans les considérants de notre motion. Nous la reconnaissons comme une entité, nous ne la remettons pas en question, mais nous disons la chose suivante. Sachant les difficultés à venir, si on ne prévoit pas une participation du personnel - qui est le premier en charge auprès des patients, qui a la responsabilité de la continuité de la présence, des soins et de l'animation - si le personnel n'est pas clairement impliqué dans la conception d'une charte éthique et convaincu de devoir l'appliquer parce qu'il s'en sent responsable, on risque d'être à côté de la question. On risque d'avoir une charte éthique qui sera assimilée aux ordres de la direction et qui ne sera pas réellement intégrée comme une responsabilité que doit prendre l'ensemble du personnel. Or, c'est ce piège-là que nous voulons éviter et c'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la charte de la FEGEMS soit vraiment un outil qui serve à un débat, qu'elle puisse être remise sur la table et que la participation à propos de cette charte soit effective.

Voilà ce que nous voulons et c'est pourquoi nous soutenons l'amendement. M. Rodrik expliquera sans doute mieux que moi tout à l'heure qu'il n'est pas question de supprimer la charte de la FEGEMS, de la mettre à la poubelle en disant qu'on n'en veut plus et qu'on va travailler à un autre texte. Il va revenir sur cette question. Pour l'instant, notre groupe, évidemment, soutiendra la motion issue des travaux de la commission, soutiendra l'amendement proposé concernant la charte éthique qui devrait être paritairement retravaillée et, pour ce qui est de la motion initiale, nous verrons, selon le déroulement des travaux.

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Je suis obligée de répondre à l'intervention de Mme Mottaz et j'aurais envie de le faire en lui envoyant une volée de bois vert ! Je ne le ferai pas, parce que je veux croire qu'il s'agit de sa part d'une confusion des rôles. Elle est infirmière dans un EMS, elle s'est à tort sentie visée par notre motion, elle n'a cessé de la combattre, tout en admettant d'y retravailler. J'ai eu d'ailleurs la correction, Madame Mottaz, de vous remercier pour le travail accompli en commission : vous auriez pu avoir la correction de me reconnaître le mérite d'avoir lancé cette motion avec mes collègues Godinat et Velasco.

Cela dit, comme mon collègue Velasco l'a relevé, n'y aurait-il qu'un EMS qui viole les droits humains à Genève, ce serait un EMS de trop et vous devriez, Madame la députée Mottaz, le dénoncer. Pour ma part, n'ayant pas de propension à des dénonciations policières, n'étant pas non plus dans les conditions, ayant quelqu'un de proche dans un EMS, d'aggraver sa situation en procédant aux dénonciations policières auxquelles vous nous incitez, Monsieur Marti, j'ai préféré dénoncer ces cas ici, devant ce parlement, tant il vrai que c'est ce parlement qui a donné le mandat de développer les EMS, qui accorde les subventions aux EMS et qui va être saisi d'une relance des EMS, au moment où le moratoire sera levé. Et c'est bien dans ce contexte où les choses se complexifient, comme on l'a très bien décrit, que nous avons estimé nécessaire de dire que quelque chose n'allait pas, vu le trop grand nombre de cas de violation du respect de la personne humaine survenus dans les EMS.

Madame Mottaz, vous faites une confusion entre votre voeu pieux que tout aille bien et une réalité qui s'obstine à ne pas être idéale. L'enquête vaudoise sur les EMS a bien démontré que, dans le canton de Vaud, il y avait de graves problèmes. Je ne veux pas croire qu'une enquête du même type à Genève mènerait aux mêmes conclusions ; pourtant, toutes les personnes que nous avons contactées et avec lesquelles nous avons parlé ont relevé des cas et ces cas sont de trop. Nul ne peut être assuré d'être épargné par la barbarie ; lorsque les personnes sont en situation de détresse, sont affaiblies, se sentent moins que rien parce qu'elles ont perdu les moyens de leur autonomie, elles sont atteintes par la barbarie de certains procédés.

J'aimerais dire encore que nous allons, en effet, à la fin de cette année, assister à la levée du moratoire et à la reprise de construction, ou en tout cas d'équipement en EMS. Je ne sais pas combien il en faudra si l'on veut supprimer les chambres à plusieurs lits, c'est un voeu en tout cas que je partage, mais j'ai entendu des architectes, confrontés aujourd'hui par mandat du DASS à une enquête sur la situation architecturale et l'équipement des EMS, admettre qu'ils avaient constaté un certain nombre de carences dues à la période où on a installé des EMS dans des établissements où le personnel n'a pas d'espace pour lui, où les conditions de la vie quotidienne ne sont pas les bonnes, et être en même temps frappés - ils ont utilisé le terme sans savoir que je l'avais utilisé avant eux - de la violation trop fréquente des droits humains dans les EMS.

Quant à moi, je n'ai pas, Madame Mottaz, prétendu vous haïr pour m'avoir attaquée de cette manière, pour la manière dont vous avez dénoncé le droit que nous avons pris de déposer cette motion dans les termes où nous l'avons fait. Ceux-ci correspondaient peut-être, en effet, à un coup de gueule, ils étaient peut-être excessifs, nous aurions peut-être dû enquêter avant de lancer cette motion, mais nous n'en avons pas eu les moyens. Nous avons interrogé un certain nombre de personnes et n'avons pas fait un inventaire systématique des établissements. Nous n'avons d'ailleurs jamais pensé à celui dans lequel vous travaillez, quand nous avons mis en cause un certain nombre de ces établissements, et j'aurais souhaité que vous nous compreniez, que vous compreniez notre indignation face aux cas absolument inacceptables qui se présentent, et que vous les dénonciez avec nous. Je vous remercie néanmoins d'avoir contribué à la proposition de motion 1326 et j'en viens au dernier point.

Vous avez dit, Madame Mottaz, que les infirmières étaient astreintes, non seulement à la charte éthique de la Fédération genevoise des EMS, mais en plus à l'éthique de leur métier. Cela, j'en suis convaincue. Mais il se trouve précisément que ce que nous demandons, c'est que l'ensemble du personnel des EMS, c'est-à-dire les aides, qui sont de plus en plus nombreux, et les animateurs, également de plus en plus nombreux - nous appelons d'ailleurs de nos voeux cette augmentation du personnel - soient associés à cette charte éthique. En effet, nous estimons que c'est dans un véritable cadre pluridisciplinaire que s'entreprennent aujourd'hui les soins, l'encadrement, l'accompagnement et la gestion de la vie quotidienne des personnes âgées dans les EMS. Et, en aucun cas, les infirmières n'y ont le pouvoir ; c'est une affaire qui concerne l'ensemble du personnel et c'est pour que l'ensemble du personnel se sente concerné que j'approuve éminemment les termes employés par notre collègue Rodrik : il s'agit bien d'un contrat social à conclure pour une tâche difficile.

Madame Mottaz, vous m'avez dit il y a quelques mois, sur un ton virulent, en aparté hors de cette salle, qu'on voyait bien que je n'étais pas infirmière dans un EMS et que je n'avais pas à m'occuper de ces personnes. Vous l'avez dit sur un ton qui laissait entendre que le soin de ces personnes était une tâche épouvantable. Vous avez raison, je ne suis pas infirmière, mais je suis susceptible d'entrer un jour dans un EMS, mes contemporains le sont, notre entourage l'est et je souhaite vraiment ardemment que nous nous attelions tous ensemble à la tâche, de façon que cet encadrement se fasse dans les meilleures conditions possibles. Notre amendement ne vise qu'un but, c'est d'associer, dans un esprit démocratique, l'ensemble des personnels à cette charte éthique, à laquelle les infirmières sont en effet déjà soumises.

M. Albert Rodrik (S). Cela fait une heure que nous nous livrons à une guerre civile qui n'a pas de sens. D'abord, il y a des gens qui, dans cette salle, utilisent délibérément des termes excessifs, pour parler de réalités complexes mais qui ne justifient pas l'excès du vocabulaire, et cela des deux côtés !

Ensuite, permettez-moi de tordre le cou à une histoire de vide. Je crois savoir que, d'ici la fin de l'année, nous aurons à revoir la loi sur les EMS. Nous mettrons un article dans la loi sur les EMS qui prévoie obligatoirement une charte pour les EMS et nous annexerons à la loi - comme autrefois les pages saumon du recueil systématique - la charte de la FEGEMS telle qu'elle existe. Pendant ce temps, les partenaires négocieront et, dès qu'ils auront fini de négocier, on remplacera l'ancienne charte par la nouvelle. Il n'y a donc pas de vide, il ne s'agit pas de récuser quoi que ce soit. Il y a une charte, on lui reconnaît sa place, on s'y réfère pendant que les partenaires travaillent et quand ils auront fini de négocier on substituera l'une à l'autre. Est-ce que cela mérite d'utiliser le vocabulaire qu'on utilise ? Est-ce que cela mérite de se lancer les bassines à la tête ? Seigneur, arrêtons maintenant !

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Madame Deuber Ziegler, je vais prendre le contre-pied de votre intervention : je félicite Mme Mottaz pour la finesse de son intervention ! Nous cautionnons point par point la pertinence de ses propos. Ceux-ci ont reflété l'ensemble du travail de la commission et surtout la réalité du travail dans les EMS.

La charte de la FEGEMS est une bonne procédure ; elle représente un pas en avant, un cadre de référence qui fera encore avancer la qualité. Laissons cette procédure faire ses preuves et attirons plutôt l'attention de nos concitoyens sur l'excellence de l'encadrement dans les EMS et sur la générosité et la compétence des professionnels et autres qui entourent nos personnes âgées. Nous devons prendre la mesure de la chance dont bénéficient nos anciens, c'est ainsi que nous aiderons le mieux les EMS ! Le parti radical se rallie aux conclusions de la commission des affaires sociales.

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG), rapporteuse. J'aimerais revenir sur la maltraitance. Tous les commissaires de la commission sociale ont en tête les auditions que nous avons menées : la maltraitance existe. On l'a dit tout à l'heure, 14% des plaintes déposées en 1998 concernaient des cas de maltraitance. Mais c'est un problème marginal et en tout cas - nous l'avons aussi entendu au cours des auditions - elle n'est pas du tout volontaire.

Pourquoi cette maltraitance ? Nous l'avons dit tout à l'heure. Manque sérieux de personnel : les syndicats réclament 400 postes supplémentaires, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas rien ! Carence de personnel soignant, de personnel qualifié : aujourd'hui, on consacre à la formation seulement 0,5% de la masse salariale, ce qui est largement insuffisant.

De plus, quand on sait que de plus en plus de personnes démentes, de personnes dépendantes entrent dans les EMS, on imagine qu'il faut développer des structures adéquates pour s'occuper de ces gens-là. Or, aujourd'hui, s'il n'existe qu'une structure dans un seul EMS, c'est qu'il y a véritablement un problème. Il faut développer une approche spécifique pour les personnes qui sont trop dépendantes. Celles qui entrent aujourd'hui dans les EMS le sont de plus en plus et les besoins vont se faire sentir ces prochaines années. Voilà ce que je voulais ajouter à mon rapport.

M. Alberto Velasco (S). Je voudrais répondre au président de la commission, M. Marti. Je salue votre travail, Monsieur le président, mais lorsque vous dites que nous parlions de tous les EMS, ce n'est pas vrai. Dans notre motion, nous disions : «certains EMS». Je tenais à le préciser parce que c'est important.

Maintenant, sur la question de l'outil PLAISIR : c'est un outil de gestion et, bien souvent, un outil de gestion n'intègre pas des éléments tels que le respect des droits humains. J'attire donc l'attention sur le fait qu'on doit utiliser cet outil en essayant d'intégrer cet aspect-là. J'espère qu'on le fera !

M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Deux mots brièvement, l'un sur l'approche quantitative et l'autre sur l'approche qualitative de ce qui se passe dans les EMS.

L'approche quantitative tout d'abord : la méthode PLAISIR est une méthode qui est utilisée dans l'ensemble du monde occidental, pour plusieurs centaines d'EMS, aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne, en Italie et, chez nous, dans tous les cantons de Suisse romande. Les résultats sont dépouillés de façon centralisée en un seul endroit au Canada. Les résultats montrent, en comparaison intercantonale et internationale, que c'est à Genève qu'il y a la plus forte dotation de postes de personnel.

Ensuite, l'approche qualitative : tout le monde, parmi vous, a reconnu l'excellence du rapport de Mme Erismann. Aussi, je voudrais vous lire l'une des conclusions de Mme Erismann, qui dit que 10% des EMS genevois sont excellents, que 80% sont bons et que 10% sont insuffisants, ce qui veut dire que cinq établissements, que le département de l'action sociale et de la santé connaît bien, avec lesquels il travaille à l'amélioration des prestations, sont insuffisants.

Pour le reste, je citerai Talleyrand qui disait que «tout ce qui est excessif est insignifiant» !

M 1326

Le président. Nous allons, comme convenu lors de l'organisation de nos travaux, nous prononcer sur la motion 1326. Nous sommes saisis de l'amendement de Mme Erica Deuber Ziegler, consistant à modifier l'invite No 5 :

«- à introduire dans la loi J 7 20 une charte éthique paritairement négociée et à prévoir son évaluation.»

L'appel nominal avait été demandé. Est-il appuyé ? Visiblement non ! Nous votons donc à main levée.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1326)

pour des soins de qualité dans les établissements médico-sociaux (EMS)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

la vulnérabilité des personnes âgées accueillies dans les établissements médico-sociaux et le risque potentiel de maltraitance à leur égard ;

les efforts importants consentis par les pouvoirs publics pour assurer à nos aînés des conditions de vie dignes ;

le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'évaluation des effets de la loi J 7 20 relative aux établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées ;

la mise en place en 1998 de l'outil d'évaluation PLAISIR ;

la charte éthique de la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux ;

les progrès effectués par la majorité des établissements mais les carences en soins, formations, structures observées encore dans quelques autres ;

invite le Conseil d'Etat

à faire en sorte que tous les EMS s'appuient sur la démarche de soins, telle que décrite dans le rapport sur l'évaluation des effets de la loi J 7 20 aux pages 89/90/95 notamment, afin d'assurer des soins tenant compte des dimensions biologiques, psychologiques, sociales, culturelles propres à chacune des personnes prises en soins ;

à s'assurer du développement de la formation de base (type Croix-Rouge par ex.) pour tout le personnel des EMS dans un but de pratiques communes ;

à favoriser les formations post - graduées spécifiques à la prise en soins des personnes âgées ( soins palliatifs, troubles du comportement, etc..) ;

à considérer l'animation comme partie intégrante des soins et à s'assurer de sa professionnalisation indépendamment du travail des bénévoles ;

à introduire dans la loi J 7 20 la charte éthique de la Fédération genevoise des EMS et à prévoir son évaluation ;

à dénoncer et sanctionner avec rigueur toute malveillance, quelle qu'elle soit, susceptible de nuire aux personnes âgées ;

à clarifier le mandat du service du médecin cantonal afin d'accroître sa présence sur le terrain ;

à vouer une attention particulière au problème des mesures tutélaires , dans l'intérêt des personnes âgées et dans le respect du code civil suisse ;

à prendre toutes les mesures utiles pour une transparence des coûts ;

RD 332-A

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

M 1272

Le président. En ce qui concerne la motion 1272, je suis obligé de la renvoyer à la commission des affaires sociales, puisque ce soir il n'y a pas d'annonce formelle de retrait de la part de ses auteurs. Le Grand Conseil avait chargé la commission de nous faire rapport sur cette motion ; la commission n'a pas pris position et nous ne pouvons donc pas conclure nos travaux sur cette motion. Elle est renvoyée à la commission des affaires sociales.

Cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.

Le président. Nous passons maintenant au point 19 de notre ordre du jour. Je vous rappelle que, comme convenu, le point 18, projet de loi 8203 concernant le cycle d'orientation, sera traité au point 55 de l'ordre du jour, en même temps que le projet de loi 7697 et la motion 1336.