Séance du vendredi 14 avril 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 7e session - 18e séance

I 2021
14. Interpellation de Mme Elisabeth Reusse-Decrey : Subventionner un Bureau d'aide au départ, c'est bien. Tenir compte de son travail, ce serait mieux. ( ) I2021
Mémorial 2000 : Annoncée, 544.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je voudrais vous poser une question, Monsieur Ramseyer, au sujet du Bureau d'aide au départ.

Les autorités sont très fières de ce Bureau d'aide au départ qui soutient les requérants qui doivent quitter notre pays, soit pour retourner dans leur propre pays soit pour trouver un pays tiers. Notre Grand Conseil vote du reste un crédit de 600 000 F par année pour le fonctionnement de ce Bureau d'aide au départ.

Ma question est simple : le Conseil d'Etat entend-il faire en sorte que cet argent soit véritablement utile en respectant le travail de ce Bureau d'aide au départ ? Il a en effet une fâcheuse tendance à mettre un certain nombre de requérants dans l'avion, alors même que des démarches ont été entreprises pour trouver un pays tiers...

J'aimerais juste ici donner le dernier exemple en date. Il s'agit d'une femme d'ex-Yougoslavie dont la communauté est devenue minoritaire dans son canton d'origine et qui a argumenté sur le fait qu'elle ne pouvait pas retourner dans son pays. Le Bureau d'aide au départ qui effectue également une sélection, suite à une analyse de la situation, a en effet confirmé qu'il fallait l'aider à trouver un pays tiers. Le Bureau d'aide au départ a donc entrepris des démarches, mais les fonctionnaires de M. Ramseyer décident qu'il faut impérativement la mettre dans l'avion...

Le groupe de parrainage prend pourtant cette femme entièrement en charge, c'est-à-dire qu'il la loge, lui fournit l'assistance nécessaire de manière qu'elle n'émarge plus à l'assistance de l'Etat. Le groupe de parrainage demande un report du délai, délai qui est refusé... J'interviens moi-même auprès de M. Ramseyer... Inutile, j'ai perdu ! Puis, le départ est confirmé. Par chance, un réalisateur de «Temps présent» se trouve dans le groupe de parrainage. Alors, quand il se présente à la police, les collaborateurs à qui il a affaire sont un peu gênés à l'idée qu'une émission pourrait être faite sur ce cas, et le départ est reporté jusqu'en janvier.

Pendant ce temps, Mme X passe de nombreux tests pour confirmer son départ sur un pays tiers - il s'agit en général du Canada ou des Etats-Unis - qui sont tous positifs. Elle obtient donc un rendez-vous, en guise de dernier test, à l'Ambassade des Etats-Unis pour le mois de février. Mais le départ doit impérativement avoir lieu au mois de janvier, et, de nouveau, nous nous trouvons confrontés à une intransigeance totale des services du département qui veulent absolument la mettre dans l'avion. Il a fallu négocier des heures ! Il a fallu menacer de cacher cette femme pour qu'enfin un nouveau délai soit obtenu ! Je tiens à dire que cette dame a maintenant le droit d'immigrer aux Etats-Unis, ce qui est bien la preuve que c'était un cas solide. En effet, vous savez comme moi qu'il est extrêmement difficile pour des requérants de trouver une possibilité d'entrer aux Etats-Unis après qu'une demande d'asile en Suisse a été déboutée. Cette personne, je le répète, a reçu l'autorisation d'immigrer aux Etats-Unis.

Je pense que lorsque le Bureau d'aide au départ prend en charge un dossier il faut impérativement laisser les délais s'écouler jusqu'à ce qu'une réponse définitive soit donnée, d'autant plus que dans le cas présent cette personne s'était engagée, si la réponse était négative, à quitter la Suisse. En outre, comme je l'ai déjà dit, elle ne coûtait rien à l'Etat.

Alors, j'aimerais savoir quelle politique le Conseil d'Etat entend mener avec ce Bureau d'aide au départ... Soit on le subventionne et on le laisse travailler soit il faut le fermer ! 

M. Gérard Ramseyer. Madame la députée, vous faites allusion à un cas particulier. Je ne sais donc que ce que vous en dites, mais je n'ai pas vu le dossier. Je suis toutefois heureux de savoir que ce dossier est maintenant réglé et que cette personne a pu se rendre aux Etats-Unis.

Néanmoins, ce n'est pas parce qu'un cas isolé a connu un parcours chaotique qu'il faut jeter l'opprobre sur le fonctionnement général de ce Bureau d'aide au départ de la Croix-Rouge genevoise... (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.) Vous devez savoir que ce bureau est à la disposition des requérants d'asile qui sont déboutés de leur demande et qui sont obligés de partir. Il propose un accompagnement psychologique, technique et financier, et n'intervient qu'avec l'accord des personnes intéressées.

Il arrive - ce n'est pas tellement fréquent - que ce bureau s'entremette pour organiser un départ à destination d'un pays tiers. Cet accompagnement est considéré comme particulièrement délicat et donc particulièrement utile. Il faut en effet s'occuper de personnes qui doivent faire le deuil de rester en Suisse et qui bien sûr appréhendent leur départ. C'est précisément ce bureau qui privilégie la discussion, le dialogue, l'assistance à la contrainte.

Notre modèle d'intervention, dans le cadre de l'aide au retour, a été repris dans toute la Suisse, et vous avez eu raison de commencer votre intervention en disant que nous en étions fiers... Nous sommes en effet très fiers d'avoir mis en place un modèle qui a été repris dans toute la Suisse, cela à la demande de l'ODR et à l'instigation de l'Organisation internationale pour les migrations. Le Bureau d'aide au départ a été très actif dans la préparation du départ des Bosniaques, dont l'admission provisoire collective a été levée. Il est également très sollicité dans le retour des Kosovars. La systématisation de l'aide financière individuelle au retour accordée par la Confédération a également fortement augmenté le volume d'activité. Enfin, il est exact de rappeler que ce Bureau d'aide au départ est subventionné par le département de l'action sociale et de la santé à hauteur de 600 000 F.

Ma conclusion, Madame la députée, est la suivante : j'ai répondu à votre question sur la base des renseignements que j'avais à disposition. Vous me parlez d'un cas spécial, alors si vous le souhaitez je vous répondrai, mais je devrai au préalable examiner le dossier. Dites-moi donc simplement si j'ai répondu à votre interpellation, si je dois vous apporter un complément d'information ou si vous préférez que j'apporte une réponse en séance du Grand Conseil... 

Le président. Souhaitez-vous répliquer, Madame ? En principe, vous avez la possibilité de le faire lors de notre prochaine séance... Mais ce soir nous pouvons assouplir notre règlement, Madame Reusse-Decrey !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je vous remercie, Monsieur le président, de m'accorder un régime de faveur...

Monsieur Ramseyer, vous laissez sous-entendre qu'il s'agit d'un cas unique... J'ai pourtant dit au début de mon intervention qu'il s'agissait du dernier exemple en date, ce qui veut dire qu'il y en a d'autres, et vous le savez pertinemment, puisque j'interviens personnellement assez souvent ! D'ailleurs, vous dites de moi - ce qui en est la preuve - que je suis «l'incontournable Reusse-Decrey» ! 

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, voulez-vous dupliquer ?

M. Gérard Ramseyer. J'ai utilisé le mot «isolé» et pas «unique»... (Exclamations.) En effet, sur l'énorme quantité de cas traités, si un ou deux cas seulement ne sont pas bons, les nonante-huit autres sont excellents.

Je voudrais que vous répondiez à ma question : considérez-vous que ma réponse est suffisante, ou dois-je revenir avec une réponse plus spécifique lors d'une prochaine séance ? 

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous pourrez revenir à votre guise... (Rires.)

Cette interpellation est close.