Séance du
jeudi 13 avril 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
7e
session -
16e
séance
R 420
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
l'impact positif de l'utilisation des transports publics sur la qualité de vie, l'environnement et la circulation en milieu urbain ;
le prix élevé des titres de transports publics, facteur qui n'encourage pas leur utilisation et favorise indirectement l'usage de moyens de transport individuels ;
la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA) du 2 septembre 1999 ;
la probable augmentation à terme du taux de TVA suisse afin de le rapprocher de la moyenne européenne, ce qui aurait pour conséquence, dans les conditions actuelles, d'augmenter le tarif des transports publics ;
l'exonération intégrale en Italie, en Irlande, en Norvège et au Danemark de la TVA sur les transports publics, et le taux zéro appliqué en Grande-Bretagne ;
la réduction du taux de TVA accordée sur les prestations des transports publics dans tous les pays membres de l'Union européenne ;
l'existence en Suisse d'un taux de TVA différencié, avec application d'un taux intégral sur les prestations de transports publics ;
invite les autorités fédérales
à réviser la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA) afin que les prestations des transports publics soient soumises à un taux de TVA réduit, en maintenant la pleine récupération de l'impôt payé au préalable pour les entreprises prestataires.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été introduite le 1er janvier 1995 en remplacement de l'impôt sur le chiffre d'affaire (ICHA). Le taux maximal était alors fixé à 6.5 %. L'article constitutionnel prévoyait cependant une augmentation de 1 % si le financement des assurances sociales n'était plus assuré. Le législateur a fait usage de cette possibilité en fixant le taux maximal de TVA à 7.5 % le 1er janvier 1999.
Mais ce taux est maximal. En Suisse comme ailleurs, le taux est différencié selon les biens et services. La loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA) du 2 septembre 1999 prévoit ainsi différentes catégories :
un taux de 7.5 % appliqué à la plupart des biens et services, avec possibilité pour l'entreprise prestataire de récupérer l'impôt préalable payé sur les frais consentis ;
un taux de 3.5 % sur les prestations du secteur de l'hébergement, avec possibilité de récupérer l'impôt préalable ;
un taux de 2.3 %
LTVA, article 36
l'exclusion de la taxe pour certains biens et services.
LTVA, article 18
l'exonération de la taxe.
LTVA, article 19
l'exemption de la taxe.
LTVA, article 25
Le taux de TVA n'est donc pas uniforme en Suisse. En particulier, certains biens et services sont soumis à une TVA plus basse afin de faciliter voire encourager leur consommation. En général, ce sont des produits de première nécessité ou des prestations que les autorités veulent promouvoir.
C'est le cas des nombreuses exceptions prévues dans la loi. Cependant, les prestations de transports publics n'en font pas partie. Pourtant, l'impact positif de leur utilisation sur l'environnement et la qualité de la vie n'est plus à démontrer. On en veut pour preuve que la TVA appliquée aux transports publics est réduite partout ailleurs en Europe !
Ainsi, tous les Etats membres de l'Union européenne appliquent une TVA préférentielle. Le Danemark, l'Irlande, l'Italie et la Norvège (hors UE), exemptent totalement les transports publics, sans toutefois que la TVA payée au préalable puisse être récupérée. En Grande-Bretagne, l'incitation est encore plus grande puisque le taux est nul et la taxe récupérable sur les frais. Enfin, comme vous pouvez le constater sur le tableau annexé, la TVA est réduite dans tous les autres pays de l'Union européenne, de moitié au minimum, toujours avec la possibilité de récupérer l'impôt préalable.
La Suisse est donc un des seuls pays européens dont la politique fiscale n'encourage pas l'utilisation des transports publics ! De plus, avec un taux qui risque bien d'augmenter ces prochaines années afin de le rapprocher des normes européennes, le prix des transports publics pourrait être renchéri d'autant.
Au début de cette année, sans une motion votée par ce Grand Conseil, les prix des transports publics genevois auraient pu augmenter. Or, si l'on souhaite encourager l'usage des transports publics, il est urgent d'agir tant au niveau de l'offre de transport que de son prix. La proposition d'une TVA réduite, sur l'un des modèles actuellement en vigueur en Europe, va dans cette direction. La formulation de cette motion est volontairement ouverte, afin de laisser libre cours à la créativité de nos parlementaires fédéraux. Nous vous signalons que le Grand Conseil zurichois a déjà adressé une demande similaire aux autorités fédérales.
En vous remerciant de réserver un bon accueil à cette résolution, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à l'envoyer directement aux autorités fédérales.
ANNEXE
Tableau - 13 pays européensTVA standard, TVA transp. publics, Réduction accordée
Pays
TVA standard, %
TVA transp. Publics, %
Réduction accordée, %
Allemagne
15
7
53
Autriche
20
10
50
Belgique
21
6
71
Danemark
25
Exonération
100
Espagne
16
7
56
France
20,6
5,5
73
Grèce
18
8
56
Irlande
Exonération
100
Italie
19
10
Transp. Urbain : Exonération
47
100
Luxembourg
15
3
80
Pays-Bas
17,5
6
66
Royaume-Uni
17,5
0
100
Suisse
7,5
7,5
0
Source : Tableau publié dans "; Public Transport International, mai 1995, page 80, et complété par nos propres informations.
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). A l'heure où les normes OPAir et OPB doivent être respectées, il est impératif que le transfert modal se pratique aisément et que les automobilistes laissent leur voiture au parc-relais et prennent les transports publics. Or, les prix des transports publics genevois ne sont pas particulièrement bas, les normes OPAir et OPB ne sont pas respectées et la TVA en Suisse risque d'augmenter.
Tout ceci nous a amenés à demander, via cette résolution, à nos autorités fédérales d'envisager une TVA réduite pour les transports publics. Cela n'a rien d'extraordinaire, si l'on regarde ce qui se passe en Europe à ce sujet et c'est une chose indispensable à l'heure où la votation sur les bilatérales approche. On voit que c'est une pratique courante en Italie, en Irlande, en Norvège et au Danemark. En Grande-Bretagne, mieux encore, on applique le taux zéro. La démarche, en Suisse, d'une TVA différenciée est depuis longtemps entrée dans les moeurs. Le taux maximal est de 7,5%, rappelons-le. Un taux de 3,5% se pratique dans l'hôtellerie, de 2,3% sur de nombreux produits, dont je ne citerai que quelques-uns : produits comestibles, boissons, fleurs, livres, journaux, etc. L'exonération et l'exemption de la taxe se pratique aussi. Dès lors, pourquoi ne pas envisager une TVA réduite pour les transports publics ? L'impact positif de leur utilisation sur l'environnement et la qualité de la vie n'est plus à démontrer.
Nous vous demandons d'envoyer cette résolution non pas à Berne, comme demandé dans le texte que vous avez sous les yeux, mais à la commission législative. Celle-ci examinera sous quelle forme elle travaillera à cette résolution, afin qu'elle soit considérée comme une initiative cantonale et qu'elle ne termine pas sa route dans une corbeille à papier !
M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais dire, au nom de l'Alliance de gauche, que nous soutenons cette résolution. Mais il y a effectivement un problème en ce qui concerne la suite donnée à de telles résolutions visant à concrétiser le droit d'initiative cantonale. Je crois que notre sautière, Mme Hutter, s'en est préoccupée. Quant à moi, en ma qualité de conseiller national, je puis dire que, ces cinq dernières années, les résolutions votées dans ce Grand Conseil entendant faire usage du droit d'initiative n'ont jamais été traitées à Berne comme initiatives cantonales.
Il y a donc effectivement un problème de forme à résoudre, si nous voulons que nos démarches à Berne visant à utiliser le droit d'initiative aient la suite que nous souhaitons. C'est pourquoi nous appuyons le renvoi de cette résolution à la commission législative. Il serait intéressant que Mme Hutter assiste aux débats et nous indique peut-être, avec l'expérience qu'elle a du parlement fédéral, quelles seraient les solutions les plus appropriées sur le plan formel.
M. Jean-Marc Odier (R). L'argument principal de cette demande de réduction de TVA, c'est l'encouragement des moyens de transports occasionnant moins de nuisances au niveau de l'environnement et de la qualité de vie. Cela dit, si l'objectif poursuivi est tout à fait correct, parce qu'il correspond à un intérêt public, je pense que les transports publics ne sont pas la seule entreprise effectuant des transports collectifs et ce qui est juste pour une entreprise publique devrait aussi l'être pour une entreprise privée. C'est pourquoi je vous propose un amendement consistant à remplacer dans l'invite les termes «transports publics» par «transports collectifs». Avec cet amendement, le groupe radical votera la résolution.
M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais faire deux observations. La première sur le fond : il est clair que la TVA appliquée aux transports soulève une série de questions, notamment par rapport au reste des pays européens. Ainsi, les transporteurs suisses paient la TVA, mais les transporteurs de voyageurs étrangers qui traversent le pays en transit n'en paient pas ou moins, selon le pays d'où ils viennent. Il y a là un problème de concurrence et d'égalité de traitement entre des modes de transport identiques. En l'occurrence, le problème est débattu à Berne : le rapport sur la modification de la loi sur la TVA va être présenté prochainement au Conseil national et il y a, parmi la liste des initiatives des cantons en suspens à Berne, une initiative à ce sujet déposée par le canton de Zurich.
En s'appuyant notamment sur l'article 93 de la Constitution, le canton de Zurich a en effet déposé une initiative aux Chambres fédérales - je rappelle que l'initiative des cantons a la même valeur qu'une initiative déposée par un député des Chambres fédérales, ou qu'une initiative populaire - et que cette dernière demande qu'il soit appliqué aux transports publics une taxe sur la valeur ajoutée d'un taux réduit et qu'il leur soit accordé la possibilité de déduire la totalité de l'impôt préalable. L'initiative zurichoise lie donc le problème du montant de la TVA à prélever et de la déduction de l'impôt préalable. En effet, il est plus intelligent de demander une réduction du taux plutôt que la suppression de la TVA, puisque si on supprime la TVA - comme cela a été demandé par exemple par les sportifs - cela implique qu'on ne peut plus déduire ensuite l'impôt préalable. Le texte qui nous est proposé prévoit, en l'occurrence, un taux réduit plutôt que la suppression et je pense que c'est intelligent. Reste à prévoir aussi le problème de l'impôt préalable.
Sur la forme, en fonction de la rédaction des textes tels qu'ils ont été présentés, il y a en ce moment deux initiatives cantonales genevoises qui sont à l'ordre du jour des Chambres fédérales et qui ont été, toutes deux, adressées au Conseil des Etats. Il s'agit de l'initiative concernant la garantie du salaire en cas de congé maternité et de l'initiative sur la révision de l'assurance-maladie. Seules ces deux initiatives ont passé le cap et il est donc effectivement intelligent d'examiner la procédure pour que cette résolution aboutisse. A part l'initiative du canton de Zurich, le rapport sur la modification de la loi sur la TVA va être traité prochainement au Conseil national et il faudrait donc faire assez vite. Si on utilise la même démarche que pour les deux initiatives que je viens de citer, la présente initiative aboutira et ensuite le Conseil national et une commission décideront laquelle des deux Chambres est prioritaire. Dans les deux initiatives évoquées, c'est le Conseil des Etats qui l'était. Il faut savoir qu'à Berne les objets parlementaires qui ne sont pas traités dans un délai de deux ans sont automatiquement mis au rebut et qu'il faut, dans ce cas, revenir à la charge. C'est le sort qui a été réservé à quelques-unes de nos initiatives ; il n'en reste que deux aujourd'hui dans les annales fédérales.
Ce problème de la TVA ayant déjà été soulevé par Zurich, il conviendrait d'adresser le plus rapidement possible notre texte à Berne. Il suffit de l'amender et qu'il soit conforme à la législation pour qu'il aboutisse. Lorsque la commission législative examinera la conformité du texte, qu'elle essaie d'y inclure le problème de l'impôt préalable, ainsi on aura un texte complet.
M. Pierre Ducrest (L). Il est vrai que payer la TVA, cet impôt indirect, n'est jamais très satisfaisant quand il s'agit de transports publics. Nous pourrions le concevoir si Mme Schenk-Gottret n'avait prononcé certaines phrases dirigées contre la voiture : la voiture provoque des nuisances, il faut donc absolument prendre les transports publics et pour ce faire il faut baisser la TVA ! Il y a d'autres arguments que nous aurions pu admettre pour baisser la TVA.
Par ailleurs, je relève une incohérence dans certaines démarches. Voilà une résolution qui est déposée par des gens qui font partie de la commission des transports et notamment de la majorité de la commission des transports. Or, la majorité de cette commission a tripatouillé le contrat de prestations des TPG que ce parlement doit bientôt voter, avec la complicité du Conseil d'Etat, puisque ce dernier a avalisé les desiderata de la majorité de la commission. D'une part, le contrat de prestations interdit dorénavant d'augmenter le prix des billets et il faudra, par conséquent, augmenter la subvention. Mais, en plus, le Conseil d'Etat a commis l'erreur de retirer les deux projets de lois relatifs au transfert d'actifs des TPG, que ceux-ci réclamaient à hauts cris puisque ce transfert aurait permis d'avoir une réduction de TVA. Cette réduction de TVA aurait bien sûr agi sur les frais d'exploitation des TPG, laissant ainsi plus de marge de manoeuvre sur les prix des billets.
En conclusion, nous sommes d'accord avec l'amendement déposé par M. Odier au nom des radicaux. Nous verrons ce qu'il adviendra de cette résolution, mais nous aimerions quand même voir une meilleure cohérence dans les démarches des proposants, qui proposent quelque chose d'un côté et exactement le contraire, de l'autre !
Mise aux voix, cette proposition de résolution est renvoyée à la commission législative.