Séance du
jeudi 13 avril 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
7e
session -
15e
séance
M 1018-A
La motion concernant une Maison de la musique à Genève a été déposée le 22 septembre 1995 et renvoyée au Conseil d'Etat.
Sa teneur est la suivante :
Le GRAND CONSEILconsidérant :
- que le domaine de la Touvière, situé au Carre-d'Aval (commune de Meinier), dont la constitution remonte au XVIesiècle, représente un élément important du patrimoine architectural et domanial genevois ;
- que le Festival Amadeus, qui se tient chaque année à la Touvière, dans les espaces de la grange et des remises de l'exploitation agricole, a créé à la Touvière une tradition, en donnant au lieu une affectation culturelle dont le maintien est unanimement souhaité ;
- qu'une division du domaine a séparé l'exploitation agricole, en pleine activité, de la maison de maître, laquelle a été acquise par un tiers et se trouve aujourd'hui mise en vente par l'Office des poursuites et faillites ;
- qu'un projet de Maison de la musique a été conçu pour cette maison de maître, qui viendrait renforcer le pôle musical créé par le Festival Amadeus ;
- que ce projet serait de nature à contribuer à la conservation de ce patrimoine, en préservant l'unité spatiale du lieu, constitué d'une grande cour desservant dans son axe la maison de maître, et sur son pourtour la maison d'habitation de l'agriculteur et les dépendances ;
- que la mise en vente par l'Office des poursuites et des faillites peut survenir à chaque instant, mettant définitivement un terme à l'espoir qu'incarne le projet de Maison de la musique de donner à ce lieu imprégné d'histoire une nouvelle jeunesse et de préserver l'avenir du Festival Amadeus ;
- que la Maison de la musique offrirait une salle de 150 places destinée à des concerts, ainsi que des espaces de résidence pour des artistes, d'ateliers, de stages, de répétitions, de conférences et de colloques, au service d'une politique d'accueil, d'échanges, d'ouverture et de rencontres autour de la musique ;
- que la Maison de la musique constituerait un outil culturel pour les communes environnantes, le canton et la région ;
- que la Maison de la musique permettrait à Genève et à la Suisse d'entrer dans le réseau des centres culturels installés dans des monuments historiques, selon la déclaration de M. Daniel Girard, président du Forum des réseaux culturels européens du Conseil de l'Europe, et de mettre à profit les synergies dont ces lieux de grande qualité sont porteurs ;
- que les communes genevoises riveraines et l'Association des communes genevoises sont sollicitées pour prendre ce projet en considération ;
- que le fonds d'équipement communal, actuellement bien doté, pourrait être appelé à seconder l'effort des communes,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier le projet de Maison de la musique en vue de lui accorder son appui et de le promouvoir auprès des communes genevoises ;
- à étudier la possibilité d'une mise à contribution du fonds d'équipement communal en vue de contribuer à l'acquisition par les communes intéressées de la maison de maître mise en vente par l'Office des poursuites et faillites.
En 1994, la Fondation culturelle de la Touvière proposait de créer, dans ce domaine situé au Carre-d'Aval, à Meinier, un site culturel et artistique. Se basant sur le succès du Festival biennal Amadeus, les initiateurs du projet proposaient d'acquérir et d'aménager une maison de maître, inscrite dans le demi-cercle des bâtiments de l'exploitation agricole. Sur le modèle des centres culturels installés dans des monuments historiques de différents pays d'Europe, les auteurs imaginaient une Maison de la musique qui serait un lieu de rencontres, de recherche et de résidence pour les artistes. Pour réaliser cette idée, une recherche de fonds, tant publics que privés, était lancée et, à ce titre, l'Etat de Genève était sollicité. La clef de la réussite de cette entreprise était l'achat de la maison de maître, celle-ci étant promise à une mise en vente par l'Office des poursuites et des faillites.
Dans sa motion 1018 du 9 novembre 1995, le Grand Conseil invitait le Conseil d'Etat à étudier le projet de Maison de la musique en vue de lui accorder son appui et de le promouvoir auprès des communes genevoises, auxquelles il apportera ses bons offices.
Différents contacts et séances ont eu lieu pour parvenir à réaliser le plan financier d'acquisition qui se montait à 1,2 Mio et supposait l'apport des communes, des privés, de l'Etat de Genève et des banques créancières. Les tractations n'ont pas abouti, le groupement des quinze communes Arve et Lac ayant refusé, lors de sa séance du 17 avril 1998, à entrer en matière ; quant au canton, il s'est efforcé à servir d'intermédiaire, mais a exclu tout engagement financier dans le contexte de crise budgétaire régnant.
Le projet de Maison de la musique s'est vidé de sens lorsque l'Office des poursuites et des faillites a procédé à la vente de la maison de maître qui a été adjugée, le 21 novembre 1996, à M. et Mme Papadimitriou. Les nouveaux propriétaires avaient obtenu l'autorisation, de la part du Département de l'aménagement, équipement et logement, de transformer la demeure.
Au vu de ces différents développements, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à considérer que les conditions de réalisation du projet de centre culturel à Meinier ne sont plus remplies, rendant caduques les préoccupations de la motion 1018.
Débat
M. Albert Rodrik (S). Je ne voudrais pas allonger les débats, car nous sommes certainement conviés ici à une formalité, pour sortir de la liste des objets en suspens, quelque chose qui date de quatre ans et demi. Mais vous permettrez que l'on en fasse l'oraison funèbre, car l'affaire n'est pas sans importance.
Un bout du patrimoine rural genevois, une entreprise aussi méritoire que le Festival de musique de la Touvière et une tentative d'implanter à Genève un festival de musique de grande envergure, le tout pouvant rejaillir sur Genève, tout ceci a été raté. On n'a pas pu, on n'a pas su, on n'a pas voulu ! Ce n'est pas mon intention de chercher des boucs émissaires, car les boucs seraient prolifiques et il y en aurait un peu trop ! Mais permettez-moi de dire encore une fois, au risque de radoter, que tant que, dans ce canton, les collectivités publiques n'auront pas le réflexe, tel le chien de Pavlov, de faire les choses ensemble, de travailler en commun, de sortir de leur pré carré, nous louperons des occasions pareilles. Dans ce sens, j'espère bien qu'on arrivera à répondre avant quatre ans et demi à la motion 1216 - qui a fait l'objet d'un excellent rapport de M. Spinucci - avant qu'elle ne devienne aussi une vieillerie à enlever des objets en suspens, par une formalité.
Je prie donc le Conseil d'Etat et tous les exécutifs de ce canton, c'est-à-dire les 144 membres des multiples exécutifs de ce canton, de bien vouloir enfin commencer à développer le réflexe du «faire ensemble», pour que de telles occasions ne soient plus ratées, pour que nous ne nous trouvions plus dans la situation où le Conseil d'Etat dit : «Au vu de ces différents développements, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à considérer que les conditions de réalisation du projet de centre culturel à Meinier ne sont plus remplies, rendant caduques les préoccupations de la motion 1018.» Non, Mesdames et Messieurs ! Peut-être ce projet est-il mort, mais les préoccupations de la motion 1018 ne sont pas caduques ! Et j'espère bien qu'au XXIe siècle ce canton saura avoir des méthodes et des volontés pour qu'il n'y ait plus ces caducités-là ! (Applaudissements.)
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.