Séance du
vendredi 17 mars 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
6e
session -
14e
séance
PL 8194
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit extraordinaire d'investissement
Un crédit extraordinaire d'investissement de 107 500 000 F est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition d'actions nominatives de la Banque cantonale de Genève.
Art. 2 Inscription au patrimoine administratif
Les actions nominatives seront inscrites dans le bilan de l'Etat de Genève au patrimoine administratif.
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit extraordinaire est, au besoin, assuré par le recours à l'emprunt hors cadre du volume d'investissement « nets-nets » fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts sont à couvrir par l'impôt et/ou le produit des dividendes distribués.
Art. 4 Amortissement
En raison de la nature de cet investissement, celui-ci ne donne pas lieu à amortissement.
Art. 5 Autorisation d'acquisition
Le Conseil d'Etat est autorisé à acquérir, au nom de l'Etat de Genève, des actions au porteur de la Banque cantonale de Genève pour un montant de 138 700 000 F.
Art. 6 Financement et couverture des charges financières
Le financement de cette acquisition est, au besoin, assuré par le recours à l'emprunt, dont les charges financières en intérêts sont à couvrir par l'impôt et/ou le produit des dividendes distribués.
Art. 7 Inscription au patrimoine financier
Les actions au porteur seront inscrites dans le bilan de l'Etat de Genève au patrimoine financier.
Art. 8 Transfert des actions au porteur au patrimoine administratif
Le Conseil d'Etat est habilité à transférer les actions au porteur au patrimoine administratif si les circonstances le justifient.
Art. 9 Clause conditionnelle
L'entrée en vigueur de la présente loi est conditionnée par l'adoption de la modification des statuts régissant la composition du capital social.
Art. 10 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Vu son développement depuis la fusion, et afin de poursuivre son activité et répondre à la demande, la Banque cantonale de Genève a besoin aujourd'hui de procéder à une augmentation de capital.
L'augmentation de capital projetée consiste à porter le capital social de 225 millions de CHF à désormais 337,5 millions de CHF, par émission de 1'325'516 nouveaux titres nominatifs B au nominal de 50 CHF chacun et de 462'242 nouveaux titres au porteur au nominal de 100 CHF chacun.
La Banque cantonale de Genève se propose de faire appel aux actionnaires existants en leur offrant la possibilité de participer à l'opération dans les proportions suivantes :
1 nouvelle action nominative B pour 2 anciennes actions nominatives ;
1 nouvelle action au porteur pour 2 anciennes actions au porteur.
La nouvelle catégorie d'actions nominatives B qui serait ainsi créée permettrait à la Banque cantonale de Genève de les rémunérer par un dividende proportionnellement identique à celui versé pour les actions au porteur, soit à un rendement de l'ordre de 4,5 % à l'heure actuelle. Ce dividende devrait permettre de couvrir tout ou partie d'un éventuel emprunt consenti pour l'acquisition de ces nouvelles actions.
Concrètement ce schéma offre la possibilité de souscription suivante pour les principaux actionnaires :
Cette manière de procéder permet de conserver les mêmes proportions de participation au capital-actions de la Banque, à savoir 33,35 % pour l'Etat de Genève, 20,65 % pour la Ville de Genève et 8,80 % pour les communes, soit un total de 62,80 % en mains des collectivités publiques.
En terme de nombre de voix, les proportions demeureront également les mêmes, soit 39,52 % pour l'Etat de Genève, 25,99 % pour la Ville de Genève et 11,08 % pour les autres communes, ce qui donne un total de 76,59 %.
Les actions nominatives B qui seront nouvellement acquises seront inscrites au patrimoine administratif, tandis que les actions au porteur feront l'objet d'une inscription au patrimoine financier, avec possibilité de les transférer au patrimoine administratif si les circonstances le justifient.
Du point de vue financier, et avec un prix de souscription envisagé maximum de 150 CHF pour les actions nominatives B et de 300 CHF pour les actions au porteur, cette opération devrait permettre à la Banque cantonale de Genève d'engranger un montant de 337'500'000 CHF. La part minimale qui incomberait à l'Etat devrait dès lors s'établir à 112'538'700 CHF, correspondant à la souscription des 662'758 actions nominatives B de nominal 50 CHF au prix d'émission de 150 CHF et des 43'750 actions au porteur de nominal 100 CHF au prix d'émission de 300 CHF.
Toutefois, ne connaissant pas à ce jour l'intérêt que manifesteront les actionnaires privés, ni même certaines communes par rapport à cette augmentation de capital, l'Etat pourrait être amené à compléter son apport afin que l'opération puisse être menée à terme. Cette hypothèse a été évaluée. C'est pourquoi il a été tenu compte, d'une part, d'une souscription émanant des autres communes de l'ordre de 75 % - les 25 % restant étant inclus dans la demande de crédit extraordinaire - et d'autre part, d'une prise en charge possible par l'Etat de Genève de l'intégralité des actions au porteur, soit 138 672 600 F.
A noter enfin qu'il n'est pas nécessaire de modifier la loi sur la Banque cantonale pour cette opération mais que seuls les statuts le seront lors de l'assemblée générale des actionnaires afin de les mettre en conformité avec le nouveau capital social.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi.
567Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). L'Alliance de gauche se félicite de la présentation de ce projet de loi par le Conseil d'Etat et du fait que celui-ci ait pris ses responsabilités en demandant à ce Grand Conseil d'accorder les moyens financiers nécessaires pour que la Banque cantonale de Genève puisse assurer son avenir, auquel notre formation politique - et je ne doute pas que ce soit le cas des autres - est particulièrement attachée.
La réalité - nous l'avions dit depuis plusieurs années - c'est que la Banque cantonale de Genève avait dû assumer des pertes considérables plus importantes que celles qui avaient été admises au moment de la fusion des deux banques, des pertes qui nécessitaient un assainissement. Ce dernier ayant trop tardé, l'équilibre financier de la banque s'est dégradé. Il est évident que notre canton doit faire ce qui a été fait dans d'autres cantons, plus particulièrement le canton de Berne, mais il n'est jamais trop tard pour réagir comme il le faut. Et nous espérons que les sommes qui ont été calculées répondront effectivement aux besoins.
Nous avions déjà dit, lors de la création de la Banque cantonale de Genève, que c'étaient les pouvoirs publics qui avaient apporté l'essentiel des actifs et que c'est grâce à eux que la banque a pu être créée. Il s'agit donc d'une banque publique. Mais, contrairement à ce qu'il en est dans la plupart des autres cantons, le canton ne dispose pas du pouvoir majoritaire au sein de cette banque, puisque le capital-actions est réparti de telle manière que l'Etat ne dispose que d'environ 30% des voix.
Ailleurs, et plus particulièrement en Suisse alémanique, le canton dispose si ce n'est de tous les pouvoirs en tout cas de la très grande majorité des pouvoirs. Nous n'en demandons pas tant ! Tout ce que nous demandons, c'est qu'au moment où le canton est appelé à apporter une seconde importante contribution - celle qui sera à vrai dire décisive pour sauver la banque - celui-ci dispose de la majorité des voix. Cela paraît naturel, et c'est ce qui se passe dans n'importe quelle société privée ! Cela nous paraît indispensable aujourd'hui parce qu'une banque, et surtout lorsqu'elle se trouve en difficulté, ne peut pas être gérée de manière efficace s'il n'y a pas de majorité à l'assemblée générale.
Or, la situation actuelle fait que, pour des raisons historiques, le capital-actions est dispersé entre l'Etat, les communes et des particuliers. C'est une singularité de Genève, puisque dans le cadre de la révision de la loi fédérale sur les banques à laquelle j'ai participé il y a une année le Sonderfall Genf a été expressément consacré dans la loi fédérale sur les banques, concernant précisément cette dispersion du capital entre l'Etat et les communes. Mais lorsqu'il faut prendre des décisions, qui plus est des décisions importantes, il convient d'avoir une vraie majorité. Cette majorité se justifie non seulement par rapport à la participation financière de l'Etat mais, surtout, pour que des décisions qui ont trop tardé puissent effectivement être prises et pour garantir cette prise de décisions.
Bien entendu, ce projet de loi, dont nous souhaitons également le renvoi en commission, devra être examiné attentivement. Il faudra que nous sachions exactement quelles sont les exigences émises par la Commission fédérale des banques et nous assurer que les participations prévues sont suffisantes. Nous attendons évidemment également de connaître l'autre volet législatif que le Conseil d'Etat promet, à savoir la création de cette entité... Faut-il l'appeler «entité de défaisance», comme le fait la Commission fédérale, ou faut-il l'appeler «entité de valorisation» de biens, qui sont réels mais qui sont grevés de dettes ? Peu importe ! Il s'agit là de l'autre volet très important sur lequel nous ne pourrons pas nous prononcer ce soir.
Nous voudrions toutefois souligner, vu l'apport financier de l'Etat, qu'il est important que les actifs qui seront remis à cette entité ne soient pas bradés et que le Conseil d'Etat puisse donner son accord aux solutions qui seront trouvées par cette entité. En effet, il serait très grave, après que l'Etat eut apporté deux fois des contributions financières particulièrement importantes, que certains actifs soient bradés et que des intérêts publics qui ont été lésés continuent à l'être, comme cela a été le cas dans le cadre de la gestion malheureusement défaillante des deux banques qui ont fusionné dans la Banque cantonale de Genève, sans parler d'un certain nombre d'erreurs qui ont été commises par la suite.
Mme Christine Sayegh (S). Ce projet de loi fait partie des mesures d'assainissement proposées par le Conseil d'Etat. Nous remarquons avec satisfaction que le Conseil d'Etat a pris conscience de son devoir de contrôle, non seulement en tant qu'autorité exécutive de notre canton mais également en tant qu'actionnaire et en tant que garant de la Banque cantonale de Genève.
Ce premier projet de loi répond déjà partiellement à la motion que nous avons mise en conclusion du rapport de la commission d'enquête, aussi nous le soutenons et acceptons bien évidemment son renvoi en commission.
M. Jean-Marc Odier (R). Ce projet de loi est une nouvelle possibilité pour le groupe radical de réaffirmer la nécessité, pour l'économie genevoise et en particulier pour les PME, de pouvoir compter sur l'appui d'une collaboration bancaire différente : une collaboration de proximité, une collaboration affinée aux particularités des acteurs de la vie économique genevoise. Une collectivité publique qui s'engage dans le capital d'une banque cantonale n'attend pas de cette banque qu'elle accorde des conditions financières de faveur. La collectivité souhaite que la banque développe une motivation particulière envers la clientèle cantonale individuelle ou PME, notamment par la promotion active de produits capables de générer un essor économique direct ou indirect, ou par des spécificités complétant le service bancaire ordinaire en apportant un réel soutien logistique.
Atteindre les objectifs d'une banque cantonale peut comporter des risques spécifiques notamment pour deux raisons :
La première est le risque de subir, d'une manière ou d'une autre, une influence politique au détriment de la pure analyse financière.
La deuxième raison est que les moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs d'une banque cantonale sont coûteux et que la propre rentabilité de la banque ne lui permet pas forcément de dégager un bénéfice suffisant à la constitution de réserves et, par la suite, à l'augmentation de son capital.
Aidés par une conjoncture de crise économique, ces deux facteurs risques ont agi, nécessitant aujourd'hui de consolider le bilan de la banque. L'augmentation du capital doit permettre le développement des affaires donc du cash-flow et, d'un autre côté, la société de valorisation recueillera les mauvaises créances. La décision de la banque, soutenue par le Conseil d'Etat, de proposer un assainissement sur les deux facteurs : capital et créances, est une proposition certes brutale, mais juste. Car une demi-mesure ne permettrait pas à la banque de poursuivre sur une base saine.
Nous devons aller de l'avant, et c'est dans l'intérêt général que l'Etat, la Ville et l'ensemble des communes doivent impérativement rester solidaires par leur nouvel engagement. Si les erreurs du passé ne doivent pas nous empêcher d'aller de l'avant, en revanche nous devons en tirer certaines conclusions.
S'il est entendu que la recherche du profit maximum d'une banque cantonale est pondérée par sa vocation de collaboration à l'essor économique du canton, la direction d'une telle banque doit absolument se dégager de l'influence politique. La répartition actuelle entre l'actionnariat public et privé n'est pas propice à la diminution de cette influence politique, et il serait important à l'avenir de penser à ouvrir davantage le capital de l'actionnariat privé.
Le groupe radical approuve l'orientation du Conseil d'Etat, et soutiendra sa proposition après une étude attentive en commission du projet de loi.
Mme Micheline Calmy-Rey. Je ferai simplement quelques remarques.
La volonté du Conseil d'Etat est d'avoir une banque cantonale forte, capable d'assumer son rôle dans le développement économique local. D'ailleurs, la loi sur la banque cantonale précise que son but principal est : de contribuer au développement économique du canton et de la région. Et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat se tient aujourd'hui au côté de la banque pour la soutenir dans sa démarche d'assainissement.
La deuxième chose que je voulais vous dire a trait à la surveillance de la banque. Pendant longtemps, il a été dit que la surveillance de la banque était entièrement à la charge de la Commission fédérale des banques. Aujourd'hui, nous sommes conscients de la responsabilité que doit assumer également le canton dans la surveillance de la banque : le canton en tant qu'actionnaire principal, qui détient 39% des voix - 33% du capital - et le canton qui assure une garantie de plus de 4 milliards sur les dépôts d'épargne.
Par conséquent, aujourd'hui, nous nous donnons les moyens de pouvoir assurer cette surveillance ; nous en prenons et nous en assumons la responsabilité.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat donne les moyens nécessaires à la banque pour la rendre capable de faire table rase de son passé. Et le projet de loi qui vous est soumis ce soir n'est qu'une des mesures d'assainissement qui est prévue. Cette mesure sera assortie d'une série d'autres mesures et en particulier de la plus spectaculaire d'entre elles : la création d'une société de «défaisance», avec la garantie de l'Etat ! Du reste, j'espère pouvoir vous présenter le projet de loi sur la garantie de l'Etat d'ici peu, mais il doit être précédé d'un inventaire de tous les biens à transférer, des provisions y relatives, pour que nous puissions fixer l'enveloppe de transfert.
Enfin, les mesures prises sont une bonne chose pour la banque. Nous espérons qu'elles lui permettront de continuer et de repartir sur de bonnes bases, avec des fonds propres corrects, pour assurer le développement de ses nouvelles activités et pour lui garantir un développement de son cash-flow.
Par rapport à la politisation - ce sera ma conclusion - le canton, alors qu'il assume la totalité des risques liés à l'assainissement, est actuellement dans une situation d'actionnaire minoritaire, ce qui est évidemment la situation la plus défavorable possible pour assumer correctement les prises de risques liées à cette opération d'assainissement.
Je vous remercie du bon accueil que vous réserverez à ce projet, et je me réjouis d'en parler avec vous en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Présidence de M. Daniel Ducommun, président
Le président. M. le député Grobet a fait la proposition, qui n'a pas été contestée, de traiter ce soir le point 71 de notre ordre du jour, projet de loi 8149-A.