Séance du
vendredi 17 mars 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
6e
session -
14e
séance
IN 114-B
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
25 juin 1999
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
25 septembre 1999
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
25 mars 2000
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
25 décembre 2000
5
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
25 décembre 2001
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La Commission législative a examiné la validité de l'initiative114 « Pour le libre choix du mode de transport », tant sur le plan formel que matériel.
Certains députés ont fait valoir qu'à leur avis l'alinéa 3 de l'article 160B proposé dans l'initiative 114, du moins les paragraphes a) et b), était contraire au droit fédéral, dans la mesure où leur rédaction extrêmement contraignante empêchait concrètement des mesures de restriction du trafic que l'Etat serait tenu d'ordonner en vertu de la loi fédérale sur la protection de l'environnement et de ses ordonnances d'application, soit l'ordonnance sur la protection de l'air (OPAIR) et l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB).
En effet, l'OPAIR contraint les autorités cantonales à prendre des mesures contre les immissions excessives en vertu des articles 31 et suivants OPAIR, sous forme d'adoption d'un plan de mesures. L'article 32 OPAIR fixe le contenu du plan de mesures. Son alinéa 1, lettre c), impose l'adoption de « mesures propres à réduire les immissions excessives ou à y remédier ». L'alinéa 2, lettre b), précise que par mesure, au sens de l'alinéa 1, lettre c) précité, il faut entendre...« pour les installations destinées aux transports, des mesures touchant la construction ou l'exploitation de ces infrastructures ou visant à canaliser ou à restreindre le trafic ».
Il est notoire que l'air est fortement pollué dans notre canton et que le trafic automobile est l'une des causes principales de cette pollution. Il en résulte que pour répondre aux normes OPAIR, des mesures de réduction de la circulation automobile doivent être prises. Or, le texte de l'alinéa 3 de l'article 160B de l'initiative est à ce point contraignant qu'il vise à empêcher toute mesure de réduction de trafic, même provisoire (par exemple sous forme de restriction de l'usage des automobiles en période de pollution atmosphérique) ou très modeste (par exemple diminution du temps de passage à des carrefours munis de feux de signalisation). En effet, le texte de l'article 160B, alinéa 3, de l'initiative prévoit qu'aucune mesure ne pourra être mise en place avant que « des mesures de substitution et d'accompagnement adéquates soient mises en place pour améliorer la fluidité du trafic ». Le paragraphe b) va jusqu'à prévoir que toute réduction du trafic pendulaire vers le centre ville, qui est l'une des causes principales de la pollution atmosphérique, et toute canalisation du trafic de transit à l'extérieur du centre ville « ne peuvent être décidées que si des mesures de substitution et d'accompagnement sont préalablement mises en place, notamment par la réalisation d'ouvrages routiers ».
Il en résulte que le plan de mesures OPAIR, que le canton est tenu d'adopter pour contribuer à l'assainissement de l'air, sera inapplicable si les mesures de substitution prévues à l'alinéa 3 précité, et qui visent à maintenir le statu quo en matière de trafic automobile doivent être mises en place avant toute mesure de réduction du trafic.
Cette exigence est manifestement contraire aux exigences de l'OPAIR, comme à celles de l'article 19, alinéa 2, lettre d) de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB). Elle vise, en effet, à empêcher toute mesure de réduction du trafic avant la mise en place de mesures de substitution. Les mesures d'assainissement peuvent ainsi être bloquées, si les mesures de substitution, notamment la construction de nouvelles routes, ne sont pas réalisées, par exemple parce qu'elles s'avèrent irréalisables, ou parce que les communes concernées, tout particulièrement la Ville de Genève qui est maître de son réseau routier, s'y refusent ou parce qu'une mesure de substitution serait annulée sur recours par une autorité judiciaire du fait qu'elle serait contraire aux exigences OPAIR et OPB.
Pire, les mesures de substitution doivent être mises en place avant celles destinées à réduire le trafic automobile et les mesures de réduction du trafic pendulaire vers le centre ville ne pourront pas être décidées avant que les mesures de substitution n'aient été mises en place. Or, ces mesures de substitution aggraveront la situation, sans que l'on soit certain que les mesures de réduction puissent être concrétisées !
Les exigences des paragraphes a) et b) de l'alinéa 3 du projet de l'article 160 B sont à ce point impératives et restrictives qu'il n'y a aucune possibilité de les interpréter d'une manière permettant de respecter les exigences du droit fédéral rappelées plus haut. Cela est d'autant plus gênant qu'il s'agit de normes constitutionnelles, hiérarchiquement supérieures aux lois d'application, qui ne peuvent donc pas y déroger.
En ce qui concerne l'OPB, il y a lieu de souligner que le cadastre du bruit du canton de Genève, que les cantons ont l'obligation d'établir en vertu de l'article 37 OPB, a recensé environ 300 km du réseau routier cantonal, - dont la plus grande partie est située en ville de Genève -, dépassant les valeurs limites d'immission de bruit extérieur provenant de la circulation routière fixées dans l'annexe 3 de l'OPB, dont 30 km environ dépassent même la valeur d'alarme.
Des mesures d'assainissement doivent donc être prises impérativement. Le remplacement, particulièrement onéreux pour les collectivités publiques, du revêtement des voies de circulation pour ramener les immissions à des valeurs inférieures aux valeurs limites fixées par l'OPB ne permettra pas, dans certains cas, de ramener le bruit en dessous des valeurs limites. Il n'y aura donc aucun autre moyen pour répondre aux exigences du droit fédéral, que de prendre des mesures réduisant le trafic routier et plus particulièrement celui généré par les pendulaires et le trafic de transit.
Il est évident que la réduction du trafic routier, notamment en ce qui concerne la protection de l'air, devra intervenir de manière globale, de sorte que les mesures de substitution exigées par l'article 160 B, alinéa 3, pour chaque mesure de réduction du trafic routier ou de maintien de sa fluidité (ce qui signifie le maintien du même volume de trafic en le faisant passer ailleurs) ne pourra être mise en place sans violer le droit fédéral, ce d'autant plus que l'adoption de mesures de substitution préalablement à toute réduction du trafic aggravera encore la situation illégale dans laquelle se trouve déjà notre canton.
Le but de l'initiative est clair et il est confirmé par son exposé des motifs. Il s'agit d'empêcher toute réduction du trafic automobile et même de le développer en garantissant le libre choix du mode de transport. C'est la raison pour laquelle un certain nombre de députés ont considéré que l'alinéa 3 de l'article 160B proposé qui définit les moyens de concrétiser l'objectif du texte constitutionnel proposé viole le droit fédéral, y compris le paragraphe c) qui demande que « le stationnement des véhicules automobiles (soit) organisé de manière à répondre aux besoins propres des divers types d'usagers ».
En effet, pour répondre aux besoins des divers types d'usagers comme le demande cette disposition, il faudrait augmenter de façon vertigineuse le nombre de places de parking au centre ville, comme le réclament les organisations qui ont lancé l'initiative 114, ce qui aurait pour effet d'attirer encore plus de voitures automobiles au centre-ville. La politique du stationnement et la limitation de ce dernier est l'un des éléments-clé pour une gestion du trafic automobile permettant de réduire les nuisances qu'il provoque. Créer, par exemple, des places de stationnement supplémentaires pour satisfaire les besoins du type d'usager que constituent les pendulaires, entraînerait une très forte augmentation du trafic automobile et des nuisances qui doivent impérativement être diminuées. Cet afflux de voitures supplémentaires annihilerait tous les efforts déployés pour favoriser le transfert modal en incitant les pendulaires à utiliser les transports publics précisément dans le but de réduire le trafic automobile et les nuisances générées par ce dernier et ne permettrait pas de répondre aux exigences OPAIR et OPB.
D'autres députés, tout en reconnaissant que la lucarne qui existe pour légiférer dans le respect du droit fédéral est extrêmement étroite, ont considéré qu'il est possible, malgré la rédaction très contraignante du projet d'article 160B, d'interpréter le texte d'une manière compatible avec le droit fédéral. Ils considèrent que la recevabilité de l'initiative 114 doit, en conséquence, être admise.
Mme Christine Sayegh, dans un avis de droit très bien étayé et aimablement produit à l'attention de la Commission législative, a estimé dans ses conclusions « A la lecture de l'article 160B, al. 1, qu'il est proposé d'introduire dans la Constitution genevoise, il est bien précisé que les réseaux routiers des communes et des cantons sont conçus et organisés dans les limites du droit fédéral ; l'alinéa 2 rappelle également les limites du droit fédéral et l'alinéa 3 fait référence à l'alinéa 2. Toutefois la compétence cantonale est limitée à des mesures tendant exclusivement à la modération du trafic. Dans l'hypothèse où les mesures de substitution qui seraient prises en application de l'alinéa 3 a) et b) avaient pour but de faire obstacle à une réduction du trafic voire l'interdisaient, il y aurait contradiction avec le droit supérieur. Il s'agit donc d'une question d'application qui pourrait être contestée par voie de recours le cas échéant ».
Votes de la commission
Les points de vue étant assez tranchés, le président mit au vote la question de la recevabilité de l'initiative. Sur les neuf membres de la commission, quatre (2 L, 1 DC, 1 R) ont voté en faveur de la recevabilité et quatre autres (2 AdG, 1 S, 1 Ve) ont voté contre la recevabilité, un député socialiste s'abstenant. L'égalité des voix entraînant, selon le règlement du Grand Conseil, le rejet de la proposition, la recevabilité de l'initiative a été refusée.
Le président de la commission a alors relevé que le résultat du vote aurait été inverse si la question posée avait portée sur l'irrecevabilité de l'initiative. Certains députés ont estimé qu'il aurait été plus judicieux de voter d'abord sur les articles litigieux et ensuite sur la recevabilité.
Afin d'y voir plus clair, la commission a pris connaissance des articles 64 et suivants de la Constitution relatifs à l'exercice du droit d'initiative et, plus particulièrement, de l'article 66 relatif à l'invalidation d'une initiative populaire.
Cet article dispose, en son alinéa 4, que le « Grand Conseil déclare nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit ». La commission aurait dû se prononcer sur l'invalidation de l'initiative et non sur sa recevabilité, selon le président. Les membres de la commission n'ont toutefois pas partagé cette opinion, en faisant valoir que le rapport du Conseil d'Etat, dont la commission avait été saisie, porte sur la recevabilité de l'initiative.
Le président a alors relevé que l'alinéa 3 de l'article 66 de la Constitution prévoit que le Grand Conseil déclare partiellement nulle l'initiative si la partie ou les parties de celle-ci qui subsistent sont en elles-mêmes valides. Il en est résulté un second vote sur la question de savoir si l'initiative devait être considérée comme partiellement valable moyennant l'annulation uniquement de l'alinéa 3 de son article 160B.
Les partisans de l'initiative ayant déclaré que, dans cette hypothèse, ils considéraient que l'initiative serait vidée de toute substance, deux libéraux, un PDC et un radical ont voté contre la recevabilité partielle de l'initiative. Seuls trois députés (2 AdG, 1 Ve) ont voté en faveur de celle-ci, les députés socialistes s'abstenant.
Au vu de ce qui précède et de l'incertitude de la procédure à suivre du fait que le rapport du Conseil d'Etat n'indique pas la question sur laquelle le Grand Conseil doit se prononcer, il serait souhaitable que le Bureau du Grand Conseil examine la manière dont le Grand Conseil doit prendre sa décision.
J'estime pour ma part, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il serait judicieux que le Grand Conseil se prononce d'abord sur la question de la non conformité au droit fédéral de l'alinéa 3 de l'article 160B de l'initiative et, ensuite, selon le résultat du vote, sur la recevabilité ou l'invalidation partielle ou totale de l'initiative.
Etant entendu que le présent rapport de majorité, pour les raisons de procédures énoncées ci-dessus, conclut à l'irrecevabilité de l'initiative 114.
ANNEXE
Le Groupement Transports et Economie a lancé l'initiative populaire intitulée "; Pour le libre choix du mode de transport ", qui a abouti.
Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
25 juin 1999
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
25 septembre 1999
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
25 mars 2000
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
25 décembre 2000
5
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
25 décembre 2001
Initiative populairePour le libre choix du mode de transport
Les citoyens et citoyennes soussignés, électeurs et électrices dans la République et canton de Genève, demandent, en vertu des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, que la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) soit modifiée comme suit :
Article unique
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:
Art. 160A Choix du mode de transport (nouveau, l'art. 160A actuel devenant l'art. 160C)
La liberté individuelle du choix du mode de transport est garantie.
Art. 160B Principes (nouveau, l'art. 160B actuel devenant l'art. 160D du titre XC)
1 Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral, de manière à assurer un équilibre entre les divers modes de transport. Il doit répondre aux besoins de mobilité de la population, des entreprises et des visiteurs par une bonne accessibilité de l'agglomération urbaine et de l'ensemble du territoire cantonal.
2 Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral, par les autorités cantonales de manière à assurer la meilleure fluidité possible du trafic privé, ainsi qu'une accessibilité optimale au centre ville en complémentarité avec les transports publics.
3 L'objectif énoncé à l'alinéa 2 est réalisé de la manière suivante :
EXPOSÉ DES MOTIFS
La conception globale de la circulation à Genève (C2000) ainsi que la nouvelle version encore en discussion (C2005) ont pour but de rendre encore plus difficile le trafic privé et cela dans des proportions inacceptables et contraires au principe de complémentarité voté par le peuple en 1975. Pour preuve la diminution du volume du trafic qui est prévue (30 à 50 %) par le biais de mesures contraignantes (rétrécissement de la chaussée, suppression de voies de circulation, etc.).
Ces mesures ont clairement pour but de porter atteinte à la liberté de choix du mode de transport et de décourager les utilisateurs d'un véhicule privé, afin de les contraindre à se rabattre sur les transports publics ! De nombreuses personnes ont un besoin impératif d'un véhicule privé dans le cadre de leurs activités sociales et professionnelles, lesquelles se trouveraient considérablement entravées. Dans de nombreux cas, la voiture représente le mode de transport le plus rapide et le plus approprié, dans la mesure où les transports publics ne couvrent de loin pas tous les besoins.
Dans l'absence d'un cadre constitutionnel fixant les principes à respecter, les conceptions globales de circulation (C2000 et C2005) reflètent trop d'options technocratiques et de pressions partisanes. Elles pourraient aller largement au-delà de l'objectif déclaré. En voulant supprimer, sans mesures d'accompagnement et de substitution appropriées, les trafics pendulaires et de transit, par exemple par la simple création artificielle de discontinuités d'axes et de poches étanches, les mesures envisagées pénaliseront lourdement l'accès même à certains secteurs, notamment en ville, ainsi que la circulation des véhicules privés et professionnels à l'intérieur de certains quartiers.
C'est pourquoi l'initiative vise à donner un cadre constitutionnel - à préciser ultérieurement par la loi - qui permettra notamment d'organiser la hiérarchie du réseau des routes de manière claire et précise, et ceci dans le respect des institutions démocratiques. La garantie du libre choix du mode de transport assurera l'accessibilité à l'ensemble du territoire, à l'agglomération urbaine comme à la campagne, par un équilibre entre les différents modes de transport. On réconciliera ainsi les besoins de mobilité avec les contraintes de la gestion du trafic et de la préservation du cadre de vie.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Les 9 membres de la Commission législative n'ayant pas réussi à se départager (4 contre 4 et 1 abstention), le préavis de la commission sur la recevabilité de l'initiative 114 est donc négatif. Par conséquent, la minorité tient à faire valoir son point de vue.
Conformément au principe de la force dérogatoire du doit fédéral, les initiatives cantonales doivent respecter l'ensemble du droit fédéral
Voir par exemple, ATF 117/1991 Ia 147, Verein « Kantonales Komitee gegen Sondermülldeponien im Kanton Basel-Landschaft »
En principe, pour qu'une initiative ne soit pas conforme au droit supérieur, il est nécessaire que son objectif et les moyens pour l'atteindre violent ce droit
ATF 109/1983 Ia 134/141, Bieler und Mitbeteiligte
De plus, en toute hypothèse, l'initiative doit être interprétée de manière conforme à la Constitution.
Le Tribunal fédéral a confirmé ces principes dans son récent arrêt concernant l'initiative 109, « Genève République de Paix ». Il a jugé que :
« De manière générale, une initiative populaire cantonale ne doit rien contenir qui viole le droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international (cf. ATF 124 I 107 consid. 5b p. 118/119).
L'autorité appelée à statuer sur la validité matérielle d'une initiative doit en interpréter les termes dans le sens le plus favorable aux initiants. Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple.
L'interprétation conforme doit permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité. Lorsque seule une partie de l'initiative apparaît inadmissible, la partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout cohérent et qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants (ATF 124 I 107 consid. 5b p. 117, 121 I 334 consid. 2a p.338 et la jurisprudence citée)
ATF 125/1999 I 227/231-232, G
En l'espèce, l'article 160B, alinéa 3, de l'initiative propose un catalogue de moyens destinés à mettre en oeuvre le but défini à l'article 160B, alinéa 2, soit une meilleure fluidité du trafic privé ainsi qu'une accessibilité maximale au centre ville en complémentarité avec les transports publics. Ces moyens doivent être interprétés en relation avec le but qu'ils permettent d'atteindre.
Dans ce sens, l'article 160B, alinéa 3, se réfère expressément à l'alinéa 2 : « l'objectif énoncé à l'alinéa 2 est réalisé de la manière suivante… ». Il existe donc un lien intrinsèque clair entre ces deux dispositions.
Or, l'article 160B, alinéa 2, mentionne expressément le nécessaire respect du droit fédéral en utilisant les termes « dans les limites du droit fédéral ». La référence au respect du droit fédéral démontre que les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif doivent être conformes au droit fédéral. Il s'agit d'un argument fort en faveur de la conformité de l'article 160B, alinéa 3, au droit supérieur, comme l'a admis le Tribunal fédéral dans son arrêt concernant l'initiative 109, même s'il n'est pas suffisant
ATF 125/1999 I 227/232, G
En premier lieu, l'article 160B, alinéa 3, litt. a, prévoit la mise en place prioritaire de mesures de substitution ou d'accompagnement adéquates pour assurer la fluidité du trafic avant l'adoption de mesures restrictives pour le trafic privé.
Cette norme n'exclut pas toute mesure restrictive. Elle se limite à imposer aux autorités un examen de toutes les solutions possibles puis, conformément au principe de la proportionnalité, de n'adopter des dispositions restrictives que si d'autres mesures sont exclues.
En conséquence, cette disposition n'entrave pas l'application de l'OPB ou de l'OPAIR. Bien au contraire, elle peut être interprétée de manière conforme à ces ordonnances en permettant normalement la mise en place de mesures de substitution compatibles avec celles-ci ou, lorsqu'elles sont insuffisantes ou inadéquates, l'adoption de mesures restrictives.
En deuxième lieu, l'article 160B, alinéa 3, litt. b impose de compenser la canalisation du trafic de transit à l'extérieur du centre-ville par des mesures d'accompagnement ou de substitution.
A nouveau, la seule lecture de ce texte ne permet pas d'affirmer que ce moyen serait contraire au droit fédéral. Ce projet de norme doit, au regard de la jurisprudence du tribunal fédéral que nous avons mentionné ci-dessus, être interprété dans un sens conforme au droit fédéral et, notamment, à la loi fédérale sur la protection de l'environnement et ses ordonnances d'exécution. Le projet n'exclut pas toute canalisation du trafic de transit, il impose uniquement aux autorités de réfléchir aux solutions permettant de porter le moins atteinte aux droits des citoyens conformément au principe de la proportionnalité.
Cette règle ne peut pour ce seul motif violer le droit fédéral.
Enfin, l'article 160B, alinéa 3, litt. c prévoit que le stationnement des véhicules soit organisé de manière à tenir compte des besoins des usagers. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, ce projet ne contient pas une obligation à charge du canton qui soit contraire au droit fédéral. Il impose uniquement aux autorités d'effectuer les choix politiques et juridiques en matière de stationnement d'une manière non seulement conforme aux exigences de la protection de l'environnement, mais aussi aux besoins des usagers.
Pour ces raisons, l'article 160B, alinéa 3 est donc conforme au droit supérieur. Les représentants de la minorité n'ont pas accepté lors d'un second vote de la commission la recevabilité partielle de l'initiative à l'exclusion dudit article.
En effet, privée de l'art. 160B, alinéa 3, l'initiative est complètement vidée de sa substance et ne mérite pas d'être soumise au peuple.
La minorité de la commission regrette que la majorité ait refusé de se prononcer en droit, préférant livrer un préavis de pure opportunité politique : les buts de l'initiative nous dérangent, nous les déclarons donc non conformes au droit fédéral. L'analyse ne va pas plus loin et fait preuve d'un véritable mépris à l'égard des citoyens qui ont signé l'initiative.
Notre collègue, Mme Christine Sayegh, a eu l'amabilité de remettre aux membres de la commission le texte résultant d'une étude juridique à laquelle elle s'est livrée. Vous le trouverez en annexe au présent rapport. Par d'autres voies, il rejoint exactement les conclusions de la minorité de la commission.
Pour toutes ces raisons, les 4 représentants de la minorité (2 L, 1 R, 1 DC) vous prient, Mesdames et Messieurs les députés, de déclarer recevable l'initiative 114 dans son intégralité.
Annexe : mentionnée
15
16
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18
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le traitement de cet objet par la commission législative a interpellé votre Bureau qui a souhaité mettre en place ce soir une procédure claire pour l'ensemble des parties concernées, pour vous, Mesdames et Messieurs les députés, les initiants, les citoyens ou encore la presse. La procédure choisie a été présentée aux chefs de groupe, aux rapporteurs ainsi qu'au président de la commission législative et a été acceptée.
Il s'agit en l'occurrence de soumettre tout d'abord à votre approbation, tout à l'heure après le débat, l'article contesté qui ne serait pas en conformité avec le droit fédéral, à savoir l'article constitutionnel 160B, alinéa 3, lettres a) et b). Votre acceptation ou votre refus permettra d'engager la procédure menant soit à la recevabilité totale, soit à la recevabilité partielle, soit enfin à l'irrecevabilité. Je vous recommande par ailleurs d'orienter le débat exclusivement sur la validité de l'initiative populaire 114 et non pas sur le fond. En effet, c'est le rôle de la commission des transports d'être saisie de cet objet en suivi de procédure, s'il est accepté ce soir, pour la prise en considération et sur l'opposition éventuelle d'un contre-projet.
Merci de votre collaboration.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. La commission législative a examiné la validité de l'initiative 114 tant sur le plan formel que sur le plan matériel. La commission confirme le rapport du Conseil d'Etat en ce qui concerne la recevabilité formelle. L'unité de la matière est conforme, puisqu'il peut être répondu par oui ou par non aux modifications constitutionnelles proposées qui sont l'objet d'une unique question.
L'unité de la forme est également respectée... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît !
Mme Fabienne Bugnon, rapporteuse de majorité. ...puisqu'il s'agit d'une initiative constitutionnelle rédigée au sens de l'article 65A de la constitution genevoise.
Enfin, l'unité du genre est respectée, puisque l'initiative propose exclusivement une révision partielle de la constitution genevoise par une modification de ses titres XB, XC et XD et l'adjonction de deux nouveaux articles 160A et 160B.
La recevabilité formelle est donc conforme en tout point et la commission législative partage les conclusions du Conseil d'Etat à ce sujet. Le problème posé par cette initiative, selon la majorité de la commission législative, concerne la recevabilité matérielle et, plus particulièrement, sa conformité au droit supérieur. Ce n'est pas tant l'objectif poursuivi par l'initiative qui n'est pas conforme au droit supérieur - puisque la commission n'a pas combattu la liberté de choix du mode de transport tel que proposé dans le chapitre I, article 160A, le droit à la liberté de mouvement étant par ailleurs garanti par l'article 10, alinéa 2 de la Constitution fédérale révisée -mais bien les moyens pour parvenir à cet objectif que nous contestons.
Le chapitre II ensuite pose les principes en son article 160B. Il fait référence dans son alinéa 1 aux limites du droit fédéral, ce qui le rendrait donc conforme au droit supérieur. Malheureusement, comme je viens de le dire, les moyens pour atteindre les objectifs découlant de ces principes sont libellés d'une manière tellement restrictive et contraignante qu'ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme conformes au droit supérieur.
En effet, la lettre a) de l'alinéa 3 prévoit que : « avant toute mesure restrictive affectant le trafic privé, des mesures de substitution et d'accompagnement adéquates sont mises en place pour améliorer la fluidité du trafic ». Ce qui sous-entend, Mesdames et Messieurs les députés, que toute mesure de restriction du trafic que notre canton souhaiterait entreprendre - ne serait-ce que pour tenter de respecter les normes OPair et OPB édictées par le Conseil fédéral - devrait être précédée de mesures de substitution pour améliorer la fluidité du trafic. Cela aurait pour conséquence de ne rien diminuer du tout, mais au contraire d'augmenter les émissions excessives, puisque les mesures visant la fluidité du trafic devraient être réalisées préalablement aux mesures de restriction.
On conçoit sans peine à la lecture de cet article qu'une telle démarche irait en sens contraire de ce que la Confédération souhaite imposer au canton pour respecter les normes édictées. En effet, les normes OPair contraignent les autorités à prendre des mesures contre les émissions excessives en vertu des articles 31 et suivants sous forme d'adoption d'un plan de mesures. Pour les installations stationnaires, la loi fédérale prévoit des délais d'assainissement plus courts ou une limitation des émissions complémentaire ou plus sévère. Pour les installations destinées au transport, elle prévoit des mesures touchant la construction ou l'exploitation de ces infrastructures ou visant à canaliser ou à restreindre le trafic.
Il n'est un secret pour personne, Mesdames et Messieurs les députés, que notre canton a pris un retard considérable dans ce plan de mesures. Si l'initiative était appliquée telle quelle, nous n'y arriverons tout simplement jamais... C'est la raison pour laquelle les moyens annoncés à l'alinéa 3 ne sont pas conformes au droit fédéral. L'assainissement serait compromis et les normes contre le bruit, selon l'ordonnance pour la protection contre le bruit, ne pourraient pas, elles non plus, être respectées, puisqu'en empêchant toute mesure de réduction du trafic avant la mise en place de mesures de substitution on bloquerait toute mesure d'assainissement, ce qui ne permettrait pas de respecter les normes fédérales.
Il y a lieu, à titre d'exemple, et je l'ai mentionné dans mon rapport, de souligner que le cadastre du bruit du canton de Genève, que les cantons ont l'obligation d'établir en vue de l'article 37 OPB, a recensé environ 300 km du réseau routier cantonal, dont d'ailleurs la plus grande partie est située en Ville de Genève. Sur ces 300 km de réseau routier cantonal dépassant les valeurs limites d'immissions de bruits extérieurs, ceux-ci provenaient de la circulation routière fixée dans l'annexe 3 de l'OPB et 10% environ - soit 30 km - dépassent même la valeur d'alarme.
On voit bien à travers cet exemple - et je pourrais en donner d'autres - que des mesures d'assainissement doivent être prises impérativement. Le changement des revêtements des voies de circulation ne suffira pas et, de plus, il est très onéreux. Le seul moyen pour parvenir à prendre des mesures efficaces pour répondre aux exigences fédérales restent donc les mesures de restriction de circulation. Autre exemple que nos voisins français et italiens connaissent bien : c'est la mesure de restriction provisoire lors des pics de pollution. Cette mesure, qui a montré son efficacité lorsque la pollution atteint des taux inquiétants, ne pourrait même pas être mise en place, car il faudrait là encore qu'elle soit précédée de mesures de substitution.
Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, la majorité de la commission législative ne rejoint pas le Conseil d'Etat sur la recevabilité matérielle. Elle estime, sur la base de ces exemples, que les lettres a) et b) de l'alinéa 3 de l'article 160B de cette initiative empêchent notre canton de répondre aux normes fédérales contraignantes et, de ce fait, qu'elles doivent être reconnues non conformes à ce droit et retirées de l'initiative.
Nos travaux en commission, comme cela est relaté dans les deux rapports, ont manqué de clarté. Etant donné les délais très courts, nous n'avons eu qu'une heure de séance pour traiter cet objet. Après un débat sur la conformité, les avis étant assez tranchés, le président a immédiatement mis aux voix la question de la recevabilité de l'initiative. Le résultat étant l'égalité, l'initiative a été déclarée irrecevable. Les votes se sont arrêtés là, ce qui explique qu'il y ait ce soir un rapport de majorité et un rapport de minorité.
De mon point de vue, il aurait fallu voter d'abord sur l'article visé par la non-conformité, soit l'article 160B, alinéa 3, et, au vu du résultat, mettre aux voix la recevabilité partielle de l'initiative. Pour en avoir discuté par la suite, autant avec M. Christian Grobet, président de la commission, qu'avec les autres membres de la majorité, cet avis est partagé. D'ailleurs, Monsieur le président du Grand Conseil, vous avez annoncé en préambule que vous étiez d'accord avec cette procédure, et je vous en remercie.
J'insiste enfin sur un point sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au cours du débat : nous sommes très attachés à l'usage du droit démocratique que représente l'initiative. Par conséquent, nous n'entendons pas priver les initiants d'un verdict populaire sur les objectifs de l'initiative, et nous pouvons tout à fait concevoir, comme le Tribunal fédéral en a décidé pour l'initiative «Genève, République de paix», de déclarer cette initiative partiellement recevable.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai en conclusion d'accepter de déclarer l'initiative partiellement recevable, à l'exclusion de l'alinéa 3, en particulier des lettres a) et b) - l'exclusion de la lettre c) relevant plutôt du débat politique.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de minorité. Malgré l'intervention liminaire du président du Grand Conseil, Mme la rapporteuse de majorité s'est livrée à un exposé complet sur le fond de l'initiative, tel qu'il aurait dû ou pu être fait lors de la discussion sur le fond. En réalité, il ne s'agit pas aujourd'hui de discuter sur le fond, mais vous voulez évidemment confondre le fond et la forme, parce que cela vous arrange ! Mais lorsque les autres le font, vous les accusez d'enfreindre les lois démocratiques...
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, que dit l'article en quelque sorte incriminé - l'article 160B, alinéa 1, précisément - «Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé dans les limites du droit fédéral, de manière à assurer...». «Dans les limites du droit fédéral...» ! Lorsque vous dites que cet alinéa n'est pas conforme au droit fédéral, vous vous contredisez vous-mêmes !
Mme Fabienne Bugnon, rapporteuse de majorité. Ce n'est pas celui-là, c'est le 3 !
M. Claude Blanc, rapporteur de minorité. Ce n'est pas celui-là, mais comme l'alinéa 3 précise : «L'objectif énoncé à l'alinéa 2... - car l'alinéa 2 indique les moyens - ...est réalisé de la manière suivante...», les articles 2 et 3 sont donc indissociables de la condition posée par l'alinéa 1. La bonne foi l'impose ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)
D'ailleurs, l'excellente Mme Sayegh, dans une étude à laquelle elle s'est livrée et qu'elle a remise aimablement aux membres de la commission, arrive à la même conclusion. Vous ne pouvez pas dire a priori que les mesures prévues aux alinéas 2 et 3 n'entrent en aucun cas dans le cadre du droit fédéral ! Je vous concède que la porte est étroite, que le nombre des mesures qui pourront être prises en application du droit fédéral sera peut-être limité... Mais même si la porte est étroite, Mesdames et Messieurs les députés, même si un fil seulement nous permettait de rejoindre le droit fédéral, vous n'avez pas le droit de couper ce fil, parce que le peuple doit pouvoir se prononcer sur ce fil ! Je veux bien reconnaître que la porte est étroite, mais ce n'est pas une raison pour la fermer. Pourtant, c'est ce que vous faites d'entrée de cause, parce que vous ne voulez pas entrer en matière sur le fond, parce que vous ne voulez pas que le peuple ait à se prononcer sur le fond.
C'est votre droit, puisque vous êtes majoritaires, mais enfin vous savez très bien que chaque fois qu'une initiative populaire est un peu contestée dans ce canton elle finit où elle doit finir : au Tribunal fédéral ! En effet, dans la plupart des cas le parlement cantonal est totalement incapable de faire la part des choses, c'est-à-dire de séparer le formel du fond. Le parlement cantonal est toujours embarqué dans ce qu'il veut ou ne veut pas, mais il ne se préoccupe absolument pas de la manière dont cela doit être présenté ; il ne se préoccupe absolument pas du droit fédéral. Et pourtant, il l'invoque souvent ! Alors, faites ce que vous voulez... Faites comme vous voulez... Il n'en reste pas moins que le droit primera !
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). La référence au droit supérieur est abondamment utilisée dans le texte de l'initiative. Si cette même référence ne nous était pas venue à l'esprit à propos des ordonnances fédérales OPair et OPB, l'insistance avec laquelle elle a été utilisée dans l'initiative nous y aurait amenés inéluctablement.
Voyons donc quelle est la politique des transports dans notre canton, cela précisément dans le suivi de l'application des ordonnances OPair et OPB. Depuis de nombreuses années, une politique des transports à la fois globale et conforme aux exigences du développement durable a été engagée, tout en répondant aux légitimes besoins de la mobilité de tous les habitants du canton, non seulement des 30% de la population ne disposant pas d'un véhicule privé - ceux-là représentent un pourcentage plus important qu'on ne pourrait le croire - mais aussi des automobilistes dont la mobilité est de plus en plus limitée par la densité de la circulation.
Il convient de rappeler les exigences de base d'une telle politique, lesquelles sont aujourd'hui pour l'essentiel formulées par le droit en vigueur et concrétisées par les décisions du Conseil d'Etat, telles que le plan de mesures OPair de 1991, les plans de circulation et la planification du développement des transports collectifs.
Ces exigences sont :
- la nécessaire réduction des atteintes à l'environnement en matière de bruit et de pollution de l'air ;
- un usage économe et rationnel de toutes les formes d'énergie ;
- l'amélioration de la sécurité pour tous les usagers, notamment pour les plus faibles : les personnes âgées, les enfants, les piétons et les cyclistes ;
- un partage équitable de l'espace disponible par une répartition modale équilibrée ;
- la limitation de l'engorgement dans les quartiers urbains et l'amélioration de leur habitabilité par des mesures de modération de la circulation ;
- l'amélioration importante de l'offre en transports collectifs et l'encouragement des déplacements à vélo et à pied ;
- le respect de l'histoire de l'urbanisation et du patrimoine bâti.
Ces objectifs indispensables pour retrouver un milieu urbain attractif et vivant impliquent une diminution importante des déplacements en véhicule automobile privé, lesquels avaient été unilatéralement favorisés jusqu'au début des années 80 au détriment de toute autre forme de mobilité.
En parallèle, il est impératif que soient entièrement réalisés les programmes d'extension des transports publics plébiscités en votations populaires et que soient améliorées sans discontinuité les conditions de déplacement des piétons et des vélos.
Si ces principes ont été reconnus et adoptés par les pouvoirs législatif et exécutif genevois, force est de constater que les mesures retenues n'ont été que partiellement réalisées contrairement aux affirmations mensongères de l'initiative «Pour le libre choix du mode de transport».
En réalité, sous des aspects faussement anodins et trompeurs, cette initiative a pour but d'enlever toute signification et possibilité de réalisation au programme de mesures adopté.
Permettons donc la pleine réalisation de ces mesures dans toute leur envergure, restons fidèles à ces références à ce droit supérieur qu'est le droit fédéral et aux ordonnances OPair et OPB et déclarons irrecevable l'alinéa 3 de l'article 160B proposé dans l'initiative !
Le président. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir vous concentrer sur la forme et la validité de l'initiative et d'éviter de nous rapporter les débats de la commission des transports...
Je vous donne la parole, Monsieur Halpérin.
M. Michel Halpérin (L). Ce débat hors du fond présente l'intérêt pour moi de constater qu'une fois de plus, lorsque nous sommes en prise avec un problème qui nous interpelle politiquement et qui nous pose une question de principe nous donnons ou non la priorité au politique sur les principes en fonction de la place que ce problème occupe dans notre propre échelle des valeurs...
Nous le voyons souvent dans toutes sortes de débats, mais je dois dire que pour celui qui nous occupe ce soir et qui est rigoureusement un problème de recevabilité formelle d'une initiative, j'ai connu la commission législative mieux inspirée. Il fut un temps pas très éloigné où la commission législative s'imaginait - cela tenait peut-être à la composition qui était alors la sienne - que son devoir, lorsqu'elle examinait la recevabilité d'une initiative, était de faire abstraction des questions politiques pour tenter, puisque c'est son rôle, de faire du droit et par conséquent de faire prévaloir les quelques principes juridiques finalement assez simples à la bonne application desquels elle doit veiller. J'ai dit que je l'ai connue mieux inspirée, parce qu'en lisant le rapport de majorité, ou en écoutant tout à l'heure Mme Bugnon, rapporteur - ou rapporteuse - j'ai eu le sentiment, mais sans en être autrement surpris, que, contrairement à son habitude, Mme Bugnon - et avec elle le groupe qu'elle représente - a cette fois-ci fait le choix du politique plutôt que celui des principes.
Au chapitre de la recevabilité, Mesdames et Messieurs les députés, une seule question est posée : le texte de cette initiative est-il ou non conforme au droit supérieur ? Et la réponse se trouve très simple et en toutes lettres sous la plume du Tribunal fédéral, correctement et exactement cité par le rapporteur de minorité, M. Blanc, qui nous dit des choses d'une simplicité évangélique, et c'est sans doute pourquoi il a su les citer avec tant de verve... (Rires.) Par exemple : «Une initiative populaire cantonale ne doit rien contenir qui viole le droit supérieur». Et le Tribunal fédéral ajoute : «L'autorité appelée à statuer sur la validité matérielle d'une initiative doit... - doit, pas peut ! - ...en interpréter les termes dans le sens le plus favorable aux initiants. Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une interprétation en la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit... - elle doit, pas elle peut ! - ...être déclarée valable et être soumise au peuple. La règle du jeu est donc parfaitement simple, elle est limpide, elle est accessible à chacun, et il se trouve que les membres de la commission législative que je connais, à commencer par son président, pratiquent ces principes en général avec bonheur, sauf lorsqu'ils contredisent leurs priorités politiques.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, la seule question que nous ayons à nous poser est de savoir si l'alinéa 3 est ou non conforme aux principes du droit supérieur et s'il existe plusieurs interprétations possibles de cet alinéa 3, pour autant qu'il y en ait une qui soit conforme au droit supérieur, nous devons - pas nous pouvons - la soumettre au souverain.
Le titre de cet alinéa 3 est «Moyens». D'où l'on comprend, parce qu'on est intelligent et rédacteur de textes, qu'il s'agit des moyens à mettre en oeuvre pour réaliser les principes qui sont définis à l'alinéa 1 et les objectifs qui sont définis à l'alinéa 2, lesquels principes et objectifs sont répétitivement soumis expressément au droit fédéral supérieur. Il suffit de lire - mais je ne vous ferai pas l'injure de les relire à votre place, parce que vous l'avez certainement fait avant de venir ce soir... - les lettres a), b) et c) pour comprendre qu'elles fixent un programme d'accompagnement en cas de mesures restrictives de la circulation et que la définition de ces mesures d'accompagnement ne permette nullement de dire, comme l'ont fait tout à l'heure Mme Schenk-Gottret ou Mme Bugnon, que le droit supérieur est violé : tout dépendra des mesures concrètes qui seront prises ! Il se peut que des mesures concrètes soient prises qui violent le droit fédéral, auquel cas elles devront être combattues et elles le seront victorieusement devant le Tribunal fédéral. Il se peut au contraire que l'autorité d'exécution choisisse parmi l'éventail des mesures à sa disposition celles qui seront conformes au droit supérieur, et il n'y aura pas de problème.
Tout simplement, à ce stade, nous pouvons dire ceci : puisqu'il existe des hypothèses abstraites et donc nombreuses - ça n'est même pas une porte étroite, Monsieur Blanc, c'est une porte large : une porte cochère, par laquelle le département ou les autorités qui devront appliquer cette initiative auront le choix des moyens ; puisque ce choix des moyens existe et qu'il comporte des méthodes qui seront conformes au droit supérieur, nous n'avons tout simplement pas le droit de subtiliser cette initiative et de la soustraire à la volonté populaire, fût-ce partiellement.
J'ajoute - ce sera ma conclusion - Mesdames et Messieurs les députés, et en particulier ceux qui préconisent aujourd'hui, par une abstention occasionnelle et par une égalité des voix en commission, le rejet de la recevabilité de cette initiative, que dans d'autres débats vous êtes plus soucieux de la volonté populaire... Je ne suis donc pas peu surpris d'entendre tout à l'heure Mme Schenk-Gottret faire référence à des textes voulus par le peuple comme pour les opposer à d'autres qui seraient également voulus par le peuple... Il y aurait à vous entendre - du moins entre les lignes - non pas un bon et un mauvais peuple mais des bons textes qui seraient votés par la bonne fraction du peuple et d'autres qui, pour être votés par l'autre fraction, ne seraient, eux, pas de la même veine...
Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas être un peu démocrate... On l'est ou on ne l'est pas ! Notre choix à nous, c'est de l'être ici comme nous l'avons été à vos côtés, en d'autres circonstances !
M. Christian Grobet (AdG). J'ai écouté vos propos, comme d'habitude avec beaucoup d'attention, Monsieur Halpérin. Et je n'ai pas pu m'empêcher, cher collègue, de sourire, car depuis 1969 que je fréquente les bancs de cette salle... (Exclamations.) ...je pourrais énumérer le nombre d'initiatives dont vos amis politiques ont remis en cause la validité par rapport au droit fédéral.
Je ne vous ferai pas l'injure - pour reprendre votre expression favorite - de vous rappeler ces nombreux débats. En certaines circonstances, votre majorité a eu gain de cause. En de nombreuses autres occasions cela n'a pas été le cas. Je ne veux pas dire que la majorité à l'époque faisait des choix politiques - ce que vous nous accusez de faire ce soir - mais j'avoue avec vous qu'en matière de recevabilité d'une initiative, dans le sens d'apprécier sa compatibilité avec le droit fédéral, l'exercice n'est pas facile. Mais il a été fait, je le rappelle, depuis trente ans et même probablement avant par ce Grand Conseil.
Un exemple me revient à l'esprit qui date de 61 : il s'agissait d'un arrêté cantonal à l'époque des arrêtés législatifs interdisant les démolitions de maisons d'habitation qui avaient été portées au Tribunal fédéral. Il y a donc longtemps que ce Grand Conseil examine non pas, Monsieur Blanc, la question formelle par rapport au fond mais la question de la validité de l'initiative par rapport au droit fédéral.
Nous pensons aujourd'hui simplement que deux phrases de l'alinéa 3 du projet d'article 160B ne sont pas compatibles avec le droit fédéral. Bien entendu nous connaissons comme vous la jurisprudence du Tribunal fédéral qui a rappelé, comme vous l'avez dit, que : l'autorité appelée à statuer sur la validité matérielle d'une initiative doit en interpréter les termes dans le sens le plus favorable aux initiants. C'est vrai ! Mais faut-il encore, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y ait une marge d'interprétation du texte ! C'est très souvent le cas. Certains textes sont rédigés de telle manière qu'on peut les interpréter et, dans certains cas, une interprétation conforme au droit fédéral peut être trouvée.
Mais dans le cas présent, les deux paragraphes en cause sont rédigés avec une telle précision et, surtout, un tel pouvoir contraignant que je ne vois pas comment on pourrait les interpréter de manière qu'ils soient conformes au droit fédéral. Alors, c'est vrai, Monsieur Blanc, vous avez fait preuve d'un trésor d'imagination. Vous nous dites : en ce qui concerne le premier des paragraphes...
M. Claude Blanc, rapporteur de minorité. Vous voulez que je vous aide ?
M. Christian Grobet. Oui, oui, vous pouvez m'aider ! (Rires.) Je voulais simplement vous relire, Monsieur Blanc. Vous dites : «Cette norme n'exclut pas toute mesure restrictive. Elle se limite à imposer aux autorités un examen - un examen, écrivez-vous ! - ...de toutes les solutions possibles...». Mesdames et Messieurs les députés, reprenez le texte de l'initiative qui figure à la page 9 du rapport de Mme Bugnon et qui dit à l'alinéa 3, lettre a) «L'objectif énoncé à l'alinéa 2 est réalisé de la manière suivante : a) avant toute mesure restrictive affectant le trafic privé, des mesures de substitution et d'accompagnement adéquates sont mises en place pour améliorer la fluidité du trafic ;». Il ne s'agit pas du tout, Mesdames et Messieurs, d'examiner ce que l'on pourrait faire. Pas du tout ! C'est pour toute mesure et pas simplement certaines !
Monsieur Halpérin, vous nous dites qu'il y a probablement certaines mesures restrictives de circulation pour lesquelles on pourrait prendre des mesures de substitution. Vous avez peut-être raison, mais nous, nous disons qu'il n'est pas possible de prendre des mesures de substitution dans tous les cas. Et c'est cela que demande l'initiative ! Elle est malheureusement mal rédigée. Si elle avait dit qu'il faut examiner dans chaque cas si des mesures de substitution peuvent être prises et les prendre, si c'est possible, nous n'aurions bien entendu pas contesté la recevabilité de l'initiative... (Exclamations.) Mais votre formulation implique de prendre des mesures de substitution dans tous les cas. Et nous, nous disons qu'il n'est pas possible dans tous les cas de prendre des mesures de substitution telles qu'elles sont prévues !
Mais je dois dire que votre imagination, Monsieur Blanc, dont on sait qu'elle est toujours très fertile, a montré toute sa mesure à la lettre b). Votre description dépasse tout ce qui peut valablement, cher collègue, entrer dans le cadre des principes juridiques que M. Halpérin et vous-même êtes en train de nous rappeler avec beaucoup d'autorité... Vous dites, en ce qui concerne la lettre b) : «Le projet n'exclut pas toute canalisation du trafic de transit, il impose uniquement aux autorités de réfléchir... - de réfléchir ! - ...aux solutions permettant de porter le moins atteinte aux droits des citoyens conformément au principe de la proportionnalité.»
Alors, j'ose espérer qu'il n'y a pas besoin de rappeler dans la loi aux autorités qu'elles doivent réfléchir avant de faire quelque chose ! (Exclamations.) Vis-à-vis de M. Ramseyer, votre texte ne fait pas preuve de la plus grande courtoisie, Monsieur Blanc ! (Rires.) Mais vous arrangerez vos affaires entre vous ! Je vous en prie, lisez à nouveau la lettre b) ! Où parle-t-on de réfléchir ? Nulle part ! Il est dit - ce qui est encore plus restrictif - que : «la réduction du trafic pendulaire vers le centre ville et la canalisation du trafic de transit à l'extérieur du centre ville ne peuvent... (L'orateur insiste sur le mot «peuvent».) ...être décidées que si des mesures de substitution et d'accompagnement sont préalablement mises en place...». Mais enfin, Mesdames et Messieurs, on ne parle pas là de réfléchir ! On dit qu'il faut mettre des mesures en place pour toute mesure de réduction du trafic !
Alors, nous disons : non ! Nous pouvons nous tromper, Monsieur Halpérin...
M. Michel Halpérin. Oh, oui !
M. Christian Grobet. Nous verrons bien ce que dira le Tribunal fédéral ! Car nous sommes certains que les initiants interjetteront recours. De toute façon, chaque fois que le texte d'un initiant est légèrement retoqué par le Grand Conseil, il recourt au Tribunal fédéral. A notre avis, ces deux paragraphes sont tellement contraignants qu'ils ne sont pas compatibles avec le droit fédéral.
C'est vrai - j'en terminerai par là, Monsieur le président - avec ce que vous croyez être une subtilité, vous dites, Monsieur Blanc, que l'alinéa 2 stipule que : «Le réseau routier des communes et du canton est conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral...». Reste encore à savoir exactement ce que veut dire cette phrase et si cette référence s'applique à la fin de l'alinéa, mais peu importe.
Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas rédiger un texte de loi cantonale manifestement contraire au droit fédéral et rajouter à la fin que, bien entendu, le droit fédéral est réservé... Ce serait trop facile ! On ferait comme les juges de paix il y a soixante ans, lorsqu'ils s'arrogeaient le droit de prononcer... - maintenant on peut prononcer le divorce - ...le divorce ! On ne peut pas s'arroger des compétences et dire ensuite que c'est dans le cadre du droit fédéral ! Du reste, ce simple renvoi à un autre alinéa n'est pas suffisant. Il faut véritablement bien examiner dans quelle mesure il y a effectivement une possibilité d'interprétation du texte qui permettrait une application dans un certain nombre de cas.
Alors, nous voulons bien admettre qu'il y a des applications dans certains cas, mais en l'occurrence le texte nous précise que des mesures de substitution doivent être prises dans tous les cas - dans tous les cas ! Pour nous, ce n'est pas possible : il n'y a pas de marge d'interprétation pour trouver une solution de substitution dans tous les cas de mesures restrictives. Il sera parfois nécessaire, même temporairement, de prendre certaines mesures, comme par exemple d'interdire la circulation pendant quarante-huit heures en raison de pollution atmosphérique et il ne sera pas possible de prendre des mesures de substitution préalables, comme le demande l'initiative.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons le rapport de majorité.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Je m'aperçois qu'à chaque fois que nous parlons de la recevabilité d'une initiative populaire, nous sommes très mauvais. Nous l'avons été sur l'initiative : «Genève, République de paix», je le conçois volontiers sur un mouvement d'humeur... (Exclamations.) Oui, nous l'avions renvoyée telle quelle ! Nous avons aussi été très mauvais quand on essayait de faire du juridisme s'agissant de l'affaire Kasper... (L'orateur est interpellé.) Très mauvais ! Si vous me le permettez, c'est mon opinion ! Ce n'était peut-être pas une initiative, mais à chaque fois qu'on essaye de faire du juridisme et du juridique on est mauvais, parce qu'on utilise des arguments qui sont d'ordre purement juridiques pour essayer de défendre une thèse qui, en fin de compte, est une thèse politique !
Il faudrait peut-être revoir à l'occasion la manière dont on traite de la recevabilité ou de la non-recevabilité des initiatives populaires, dont on traite d'un certain nombre de compétences judiciaires que le Grand Conseil peut avoir en matière d'aménagement, en matière de grâces, ou en matière de responsabilité ou non de magistrats. Il serait également peut-être judicieux de donner cette faculté d'apprécier si oui ou non une initiative est conforme au droit supérieur à une autorité judiciaire qui, elle, est débarrassée des contraintes qui sont les nôtres. En effet, au même titre que lorsqu'on veut tuer son chien on dit qu'il a la rage, quand on ne veut pas d'une initiative, on explique avec délice, et en s'imaginant être un grand jurisconsulte, qu'elle n'est pas recevable.
Ce débat en est l'illustration, puisque sur vos bancs, Mesdames et Messieurs, vous expliquez dans la joie, la bonne humeur et la componction que le texte va à l'encontre de normes qui ont été voulues par le législateur et le constituant fédéral, normes que vous soutenez parce que vous ne souhaitez pas que l'on puisse ne pas réduire la circulation ou ne pas limiter les immissions les immixtions, ce que vous voudrez... Mais en fait d'immixtions, on fait une immixtion ou une immission, car on se débrouille pour faire un débat de fond à l'occasion d'un débat de préconsultation.
Là encore, nous sommes à mon sens dramatiquement mauvais. Le Tribunal fédéral tranchera une fois de plus, là n'est pas le problème. Vous pouvez décider ou choisir de faire comme vous le voulez. Monsieur Grobet, à mon avis, c'est pourtant à la portée d'un étudiant en droit qui a fait trois mois de droit en première année... Ne vous en déplaise, lorsque dans une disposition constitutionnelle proposée par voie d'initiative on réserve par deux fois l'application et le droit fédéral, j'imagine mal qu'on puisse dire que ces dispositions permettent ensuite d'édicter des normes qui soient contraires à la Constitution fédérale... Trois mois de droit à l'uni, ça suffit, Monsieur Grobet ! Vous êtes suffisamment brillant avocat et juriste émérite pour le savoir et je n'aurai pas le front de vous le rappeler !
Mesdames et Messieurs, essayons ce soir d'être intelligents, même si j'ai conscience que cela sera difficile pour un certain nombre d'entre nous... (Rires.) Acceptons la recevabilité de cette initiative, et nous verrons ensuite, dans le cadre des dispositions d'application qui seront propres à cette initiative, de quoi il en ira. Sinon, je suggère à chacun d'entre nous d'aller suivre quelques semaines à la faculté de droit - je le répète, je pense que trois mois suffiront - ou un stage dans l'une ou l'autre des études des avocats, qui sont représentées autour de la table ce soir, pour apprendre les rudiments de la lecture d'un texte juridique, ce que certains d'entre nous ont manifestement grand besoin de faire ! Je vous remercie et je vous saurais gré de bien vouloir...
M. Pierre Marti. Tu payes bien tes stagiaires ?
M. Bénédict Fontanet. Ah, ce serait un bonheur pour moi d'avoir M. Grobet avec moi, parce qu'il est tellement pugnace quand il veut quelque chose que je suis sûr qu'il serait un avocat très efficace au sein de mon étude, mais je ne suis pas certain qu'il se ferait une joie de nous rejoindre... Mais, Monsieur Grobet, on peut toujours discuter si vous le souhaitez... (Rires.)
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, soyons intelligents : acceptons la recevabilité de cette initiative des deux mains et faisons en sorte que notre Conseil tranche sur le fond de cette initiative pour que le peuple puisse se prononcer sans restriction.
M. Pierre Froidevaux (R). Je rejoins les propos de M. le député Fontanet sur le fait qu'il n'est pas nécessaire de faire du juridisme ici.
En entendant vos propos, Monsieur le député Grobet, je pense à un débat télévisé auquel vous aviez participé à propos d'une initiative populaire et qui consistait à interdire le génie génétique. C'était une initiative fédérale dont nous avions débattu il y a quelques années. Je me souviens, alors que vous expliquiez que cette initiative consistait vraiment à interdire tout génie génétique, que vous disiez aussi qu'il ne fallait pas s'inquiéter car des lois seraient faites ensuite au niveau national pour permettre tout de même de sauvegarder certains développements au niveau de l'industrie. Et vous appeliez le peuple à soutenir cette initiative...
Je rejoins les propos de M. Fontanet. On voit effectivement que lorsque se mêlent le juridisme et la politique, il vaut mieux faire des choix ! Le groupe radical fait un choix politique : il se veut démocratique en toutes circonstances, et il soutiendra donc cette initiative sur le plan d'une acceptation formelle, sans aucune... (L'orateur est interpellé.) On pourra toujours parler de l'initiative «Genève, République de paix»... Effectivement, l'initiative «Genève, République de paix» est arrivée dans un contexte très particulier... (Exclamations.) ...très particulier, qui fait qu'un certain laps de temps s'est écoulé...
Je souhaite exprimer la position du parti radical : nous avons été très surpris de voir que cette initiative qui ne contenait pas véritablement d'arguments juridiques a été refusée par la commission législative qui aurait dû accomplir un acte législatif et non un acte politique. Le groupe radical estime quant à lui que l'initiative 114 est recevable et souhaite que le débat politique ait lieu tout d'abord à la commission des transports, puis devant notre Conseil et, enfin, devant le peuple.
Je dirai très brièvement sur le fond ce qui suit. Les radicaux considèrent que l'initiative déposée par le groupement «Transports et économie» est justifiée et doit être débattue. En effet, alors que les mesures contraignantes à l'égard du trafic privé ont été prises ces dernières années et que la subvention accordée aux Transports publics genevois augmente chaque année, il nous semble important qu'un débat ait lieu au niveau cantonal sur la liberté du choix du mode de transport. Nous relevons également que l'initiative prévoit expressément le respect du droit fédéral. De plus, elle mentionne que la fluidité du trafic privé doit se faire en complémentarité avec les transports publics.
Nous vous remercions donc, Mesdames et Messieurs les députés, de considérer l'initiative 114 comme entièrement recevable et de la renvoyer à la commission des transports, où nous nous réjouissons de pouvoir en discuter avec vous tous.
M. Michel Balestra (L). L'initiative 114 «Pour le libre choix du mode de transport» est une initiative équilibrée. Son objectif, sous réserve du droit fédéral - ne vous en déplaise - est d'assurer un équilibre entre les divers modes de transport. C'est son principe, que vous ne contestez pas.
L'objectif de cette initiative c'est de concevoir et d'organiser, dans les limites du droit fédéral toujours, le réseau routier pour assurer la fluidité du trafic et, plus exactement, pour assurer la meilleure fluidité du trafic possible dans les limites du droit fédéral.
Les moyens, ce sont les mesures de substitution et d'accompagnement adéquates pour atteindre ces objectifs dans les limites du droit fédéral.
Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif OPAir, ordonnance sur la protection de l'air, et OPB, ordonnance sur la protection contre le bruit, ne sont pas des ordonnances visant à interdire des mesures de substitution adéquates pour assurer la fluidité du trafic, sous réserve du droit fédéral, mais bien des ordonnances visant, dans les limites que permet la technique, d'atteindre une meilleure qualité de l'air et une moindre pollution sonore.
Mesdames et Messieurs les députés, dans l'initiative «Rétro trafic» les initiants voulaient diminuer le trafic de moitié. Elle n'a pas été déclarée irrecevable ni même partiellement recevable, malgré son objectif utopique, excessif et irréalisable. Par contre la population - et là nous sommes dans le droit supérieur - a heureusement déclaré cette initiative irrecevable à 80%, ce qui, vous le reconnaîtrez, redéfinit la volonté populaire générale au niveau de la nation en matière de droit supérieur et de circulation.
Il n'en sera pas de même, Mesdames et Messieurs les députés, au sujet de l'initiative 114. Et c'est pourquoi la majorité de la commission législative, qui d'ailleurs soutenait «Rétro trafic», entend la priver de son caractère contraignant qui est rédigé à l'alinéa 3.
Mesdames et Messieurs, comme on vous l'a déjà dit, la majorité de la commission législative ne respecte pas la pratique de notre Conseil en matière de recevabilité. Elle avait l'esprit beaucoup plus large lorsque les sujets étaient plus proches de ses aspirations et de sa pensée politique, Madame le rapporteur de minorité...
Une voix. Ce sera dans une année !
Des voix. De majorité !
M. Michel Balestra. Je devrais dire, Madame le rapporteur de majorité : plus proches de vos fantasmes politiques... (Exclamations.) Le peuple vous fait peur, Mesdames et Messieurs de la majorité de gauche, mais le peuple vous fait plus peur encore depuis que, dimanche dernier, à 80% il a refusé la modération du trafic... Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, si vous avez peur du peuple le peuple vous le rendra, et il vous le rendra au centuple ! Vous seriez donc bien inspirés de respecter ses droits en général et l'esprit du droit d'initiative en particulier ! Avant que le Tribunal fédéral ait redonné le droit au peuple souverain de Genève et pour que le peuple sache qui a peur de lui, nous demandons l'appel nominal !
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de minorité. Permettez à un non-spécialiste de dire que plus on fait de droit plus on avance de travers ! (Rires.) En réalité, les éminents juristes siégeant sur les divers bancs de ce parlement, comme toujours d'ailleurs - ce n'est pas nouveau - essayent d'assaisonner le droit en fonction de leurs opinions politiques. La majorité actuelle n'a pas l'apanage de ce genre d'attitude. Il est vrai que par le passé - il faut le reconnaître, mes chers collègues - nous avons aussi tenté d'utiliser l'argument de l'irrecevabilité pour éviter de soumettre certains problèmes au peuple...
M. Christian Grobet. C'est le confessionnal ! (Le président agite la cloche.)
M. Claude Blanc, rapporteur de minorité. Ce n'est pas une raison pour continuer !
Une voix. C'est trop leur demander !
M. Claude Blanc, rapporteur de minorité. Vous nous avez tant accusés de jouer ce jeu et de manquer de démocratie... Alors, pourquoi aujourd'hui agissez-vous de la même manière ? Pourquoi entrez-vous dans le même jeu ? C'est parce que vous n'êtes pas meilleurs... - j'allais dire pas meilleurs que nous - ...que les autres et le jeu est malheureusement toujours le même.
J'en reviens maintenant à la dernière initiative qui avait été déclarée irrecevable par la majorité d'alors du Grand Conseil, je veux parler de l'initiative : «Genève, République de paix» qui était un foutoir - passez-moi l'expression - tous azimuts. Le Grand Conseil à l'époque avait jugé que cela ne valait pas la peine de trier ce qui était acceptable de ce qui ne l'était pas. Il avait préféré la déclarer globalement irrecevable. Vous avez fait recours au Tribunal fédéral qui vous a donné partiellement raison - partiellement ! Parce qu'en réalité le Tribunal fédéral a enlevé dans votre initiative tout ce qui à ses yeux était irrecevable ; il a enlevé l'essence même de cette initiative. Il n'en restait que les intentions ! D'ailleurs, je disais à quelques-uns de vos amis, avant le scrutin de dimanche, que dans le fond si on lisait le texte tel qu'il est sorti du Tribunal fédéral sans idée politique préconçue, honnêtement, on pouvait le voter...
Une voix. C'est trop tard !
M. Claude Blanc, rapporteur de minorité. ...parce qu'il est totalement vidé de sa substance. Ce qui m'a étonné par contre, c'est que, même vidé de sa substance, le peuple n'en ait pas voulu... Mais ça, ça vient probablement plus de l'opinion que le peuple se fait de la personnalité des initiants que du texte qu'il aura lu !
Maintenant, Mesdames et Messieurs, revenons-en à notre texte. Franchement, nous devrions arriver à le lire avec des yeux sans a priori politiques. Il y a une seule juriste dans ce Grand Conseil qui s'est donné cette peine... Il faut quand même que je le dise ! Mme Sayegh n'était pas obligée de faire ce qu'elle a fait... Elle était encore moins tenue de livrer le résultat de son travail à la commission législative... (L'orateur est interpellé.) Oui, elle l'a fait aimablement, et elle n'était nullement obligée de le faire ! Elle l'a fait parce qu'elle est honnête ! Elle l'a fait parce qu'elle a voulu lire l'initiative avec des yeux - j'allais dire vierges... (Rires.) Avec un état d'esprit qui excluait toute idée préconçue. Puisque nous en sommes à faire des relectures ce soir, car tout le monde sait bien que la majorité des députés ne lisent pas les rapports et encore moins les annexes, je me permets quand même de vous relire la conclusion de Mme Sayegh au sujet de l'initiative 114.
Elle dit ceci : «A la lecture de l'article 160B, alinéa 1, qu'il est proposé d'introduire dans la constitution genevoise, il est bien précisé que les réseaux routiers des communes et des cantons sont conçus et organisés dans les limites du droit fédéral ; l'alinéa 2 rappelle également les limites du droit fédéral et l'alinéa 3 fait référence à l'alinéa 2. Toutefois, la compétence cantonale est limitée à des mesures tendant exclusivement à la modération du trafic. Dans l'hypothèse où les mesures de substitution qui seraient prises en application de l'alinéa 3 a) et b) avaient pour but de faire obstacle à une réduction du trafic voire l'interdisaient, il y aurait contradiction avec le droit supérieur. Il s'agit donc d'une question d'application qui pourrait être contestée par voie de recours le cas échéant. Aussi, au stade pur de la recevabilité, l'IN 114 n'est pas incompatible avec le droit supérieur.»
Mais, évidemment, si pour des raisons politiques vous continuez à vouloir déclarer cette initiative incompatible, nous serons une fois de plus obligés d'aller nous ridiculiser devant le Tribunal fédéral, qui finit par n'avoir plus que nous comme clients et qui sait bien que nous sommes incapables d'apprécier le droit nous-mêmes et que nous essayons toujours d'apprécier le droit en fonction de nos idées préconçues.
Mme Christine Sayegh (S). Nous avons eu une brillante démonstration sur le fait que nous étions totalement incapables en tant que députés de prendre une décision non politique...
Je crois que nous avons aussi été un peu utopiques à la commission législative, il y a pas mal d'années maintenant, lorsque nous avons revu le droit pour contrôler les initiatives... Nous avions notamment estimé que nous pouvions prendre assez de recul par rapport à l'objectif d'une initiative pour en analyser la recevabilité formelle et matérielle. Tout a été dit ce soir sur la pratique de la commission, sur des éléments qui n'ont effectivement rien de juridiques. Cela me fait réfléchir et me dire que nous devons franchement nous demander si nous sommes compétents pour effectuer le contrôle de la recevabilité des initiatives.
Monsieur le rapporteur de minorité, j'ai été très surprise de voir que... - d'ailleurs sans m'en avertir, mais ce n'est pas grave : j'assume mon avis de droit - ...vous avez annexé mon avis de droit ! Je pourrais même vous envoyer une note d'honoraires ! (Rires et exclamations.) Trêve de plaisanterie ! (L'oratrice est interpellée.) Je vois que je suis appuyée par le parti libéral de surcroît !
Vous avez parlé en commission d'un avis de droit que vous aviez également demandé à un autre juriste, qui arrivait aux mêmes conclusions. Il aurait donc été intéressant que vous le produisiez, puisqu'on dit toujours qu'il y autant d'avis qu'il y a de juristes. Alors pour une fois que nous étions trois à avoir la même position : le juriste du Conseil d'Etat, le juriste que vous avez mandaté et moi-même, cela aurait valu la peine de le porter à la connaissance de tout le parlement !
Si l'on veut discuter de la recevabilité c'est une chose, mais tout le monde a parlé de la prise en considération alors que ce débat doit avoir lieu à la commission des transports qui peut également décider, s'il y a des critiques sur certains moyens, de faire un contreprojet. Je ne pense donc pas que c'est au niveau de la recevabilité de cette initiative qu'il faut décider d'un éventuel contreprojet.
Toutefois, puisque les votes sont politiques, je m'abstiendrai sur ce sujet !
Le président. Je constate, Madame Sayegh, que vous êtes aussi en avance sur votre temps car votre avis de droit est daté du 18 février 2094 !
Mme Christine Sayegh. Je vous remercie, Monsieur le président... Vous êtes le seul à l'avoir vu, à part moi ! (Rires.)
Le président. Si bien que nous aurons le temps avant de recevoir la note d'honoraires ! (Rires.)
Je vous passe la parole, Monsieur Ferrazino.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'ai pris acte d'un certain nombre d'aveux qui ont été faits ce soir par M. Blanc tout d'abord - avec une candeur qui ne le caractérise pas toujours, il est vrai - et par M. Froidevaux. Ils nous ont dit, avec combien de remords, qu'ils se sont, dans cette enceinte et il n'y a finalement pas si longtemps, moqués des droits populaires. Ils le regrettent aujourd'hui : nous en prenons acte !
Nous vous disions à l'époque, effectivement, que l'initiative du GSsA était elle aussi dans les limites du droit fédéral. Monsieur Balestra, je n'ai pas compté, mais je crois que vous avez dit dix ou douze fois dans votre intervention : «dans les limites du droit fédéral». Je pense que vous faites une fixation dans le cadre de l'initiative du GSsA, parce que c'était précisément la phrase qui avait été introduite dans l'initiative, que vous aviez combattue ici même - et avec quelle énergie - en nous disant qu'elle était totalement contraire au droit fédéral. Le Tribunal fédéral vous a répondu, mais, malheureusement, vous n'en avez pas tiré les fruits, puisque vous continuez à interpréter cette notion de la même manière.
Je vous dirai, Monsieur Balestra, et à vous également, Monsieur Froidevaux, qu'il n'est même pas nécessaire d'insérer la phrase : «dans les limites du droit fédéral» dans un texte de ce genre, dans la mesure où c'est une obligation constitutionnelle. Alors, vous pouvez le répéter encore quinze fois, Monsieur Balestra, c'est tout à fait inutile, puisque, j'insiste, c'est une obligation constitutionnelle, comme est une obligation constitutionnelle le fait que ce parlement vérifie la validité matérielle des initiatives dont nous sommes saisis.
Nous l'avons voulu ! Le législateur, contrairement à ce qui était le cas auparavant - nous n'examinions pas, ou nous le faisions de façon facultative, la constitutionnalité des initiatives qui nous sont proposées - a voulu introduire cet examen obligatoire par ce parlement du respect des initiatives par rapport au droit supérieur. Pourquoi ? Non pas pour faire de la politique, comme certains sur les bancs d'en face font mine de le croire ou de le prétendre aujourd'hui, mais simplement pour ne pas tromper l'électeur ! En voulant laisser croire que cette initiative est conforme au droit supérieur, alors que - la démonstration est faite - elle ne l'est pas, vous induisez en erreur les électeurs que vous prétendez défendre ! (Exclamations.) C'est assez extraordinaire de votre part !
Ce soir, mis à part les aveux très touchants qui ont été faits, nous avons entendu des tas d'expressions peu concrètes, de M. Blanc : «porte étroite», puis plus poétiquement, «nous sommes sur un fil : ne le brisons pas !» ; de M. Halpérin : «Il y a des hypothèses qui sont un peu abstraites, je le concède». Mais pas une seule personne n'a été à même - et l'exposé du rapport de minorité n'en reprend pas d'autre - de donner un seul exemple qui permettrait de montrer comment, concrètement, cette initiative pourrait être conforme au droit supérieur avec les moyens qu'elle préconise. Cette absence totale d'exemple démontre, s'il en était besoin, qu'il n'en existe pas. Car, si - et vous avez pris des précautions oratoires, Monsieur Halpérin, qui vous honorent - dans certains cas, effectivement, il était possible de prendre des mesures de substitution préalablement à toute réduction du trafic, vous savez pertinemment, non seulement comme nous mais comme tout le monde, qu'il ne serait pas possible de prendre de telles mesures de substitution dans tous les cas. Et vous vous êtes justement bien gardés de donner des exemples qui permettraient de rendre cette initiative compatible au droit supérieur !
Nous considérons quant à nous qu'il est de notre devoir de ne pas laisser un texte induire en erreur les citoyens, et ce texte n'est manifestement pas conforme au droit supérieur. Nous ne faisons pas de la politique, nous ne faisons qu'assurer le rôle juridique de ce parlement dans le cadre de cet examen, comme nous l'avons souhaité dans le cadre de la matérialité des initiatives populaires. Voilà ce que nous faisons !
Nous avons pris acte de vos aveux, je le répète. Quant à nous, nous entendons jouer clairement les règles du jeu... (Exclamations.) ...raison pour laquelle nous n'avons pas conclu à l'invalidité totale de cette initiative. Les principes subsistent, les objectifs subsistent et les moyens, dès lors qu'ils sont incompatibles avec le droit supérieur, doivent effectivement être supprimés.
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. Je crois que la différence qui caractérise un côté de la salle et l'autre, c'est la considération montrée à l'égard des personnes qui déposent des initiatives... (Exclamations.) De votre côté, lorsque vous avez une initiative qui ne vous plaît pas, c'est vite fait, vous la lisez et puis vous dites qu'elle est globalement irrecevable, que vous n'en voulez pas et vous la jetez. Vous en avez fait la démonstration d'une manière que vous avez cru convaincante lors de l'initiative «Genève, République de paix». Qui s'est fait retoquer au Tribunal fédéral ? Cela reste à prouver ! Toujours est-il que vous n'aviez pas entièrement raison !
Aujourd'hui, nous sommes beaucoup plus soucieux que vous des initiants, qui sont plutôt de votre bord d'ailleurs. En effet, nous ne contestons pas le chapitre I qui prévoit le choix du mode de transport, pas plus que le chapitre II qui comporte un certain nombre de principes en son alinéa 1. Nous ne contestons pas non plus l'objectif, mais nous contestons les moyens mis en place pour atteindre cet objectif - je l'ai déjà expliqué.
Mesdames et Messieurs les députés, à chaque fois que nous avons un débat de ce genre, il y a une chose que j'adore : c'est la parfaite union de M. Halpérin et de M. Fontanet, lequel intervient généralement dix minutes après... Et la main sur le coeur, ils disent en résumé que lorsque des non-juristes parlent de droit, ce qui arrive est normal...
M. Bernard Annen. Voilà ce qui arrive quand c'est M. Ferrazino qui parle ! (Rires.)
Mme Fabienne Bugnon, rapporteuse de majorité. Monsieur Halpérin, vous nous avez beaucoup manqué à la commission législative. Vous vous y faites trop rare. C'est dommage, car vous auriez pu venir nous dire tout ce que vous nous dites ce soir... Cela aurait été un véritable plaisir ! Vous savez que nous aimons débattre avec vous : nous aurions aimé le faire en commission législative, mais vous ne nous en avez pas donné l'occasion !
Enfin, toujours est-il que l'intervention la plus intéressante reste celle de mon grand ami Balestra qui, dans une grande envolée lyrique, nous a dit que l'OPAir représentait des objectifs à atteindre. Eh bien, non, Monsieur le député ! Et c'est bien là tout le problème du débat de ce soir ! L'OPAir et l'OPB ne sont pas des objectifs : ce sont des ordonnances ! Et il va bien falloir qu'un jour ou l'autre le canton de Genève accepte le fait que le Conseil fédéral ait édicté des ordonnances importantes, l'une sur la protection contre le bruit, l'autre sur la protection de l'air. Or, l'initiative qui nous est présentée ce soir ne nous permet pas de respecter ces ordonnances.
C'est la raison pour laquelle je vous demande encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, à mon tour la main sur le coeur... (Exclamations.) ...d'accepter de déclarer une partie de cette initiative irrecevable et de renvoyer le reste de cette initiative à la commission des transports pour qu'on puisse y traiter du fond.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je donne encore la parole à M. Balestra, et je vous propose ensuite de procéder aux différents votes.
M. Michel Balestra (L). Je rappelle que les ordonnances sur la protection de l'air et sur la protection contre le bruit s'entendent dans les limites de la technique et pour autant qu'elles soient économiquement supportables. Ce sont des objectifs «sous réserve de»... Oui, cela figure dans le texte, mon cher Maître ! Et il est tout à fait inacceptable que vous disiez que nous trompons le peuple ! Cette affirmation est inacceptable ! Après un détournement du droit cantonal au profit des communes en matière de restriction de circulation - ce qui est le droit de la majorité - nous assistons ce soir à un détournement du droit d'initiative de la population de Genève au profit de la politique partisane d'un conseiller administratif qui désire paralyser la circulation sur la commune de Genève ! (Exclamations.) Et ça c'est totalement incompatible avec le rôle de député ! Je trouve cela scandaleux, et j'espère que les électeurs genevois sauront se souvenir de tout cela ! (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Nous avons entendu vos tirades, Monsieur Balestra, qui permettent de détendre l'atmosphère, car des fois, dans la flamme du débat, votre bon sens habituel est oublié pour des excès que vous ne montrez généralement pas, en tout cas en commission...
Cela étant dit, j'aimerais rappeler, une fois de plus, qu'effectivement l'OPB et l'OPair ne sont pas des objectifs. Ces deux ordonnances fédérales imposent au canton de prendre des mesures pour que les normes en matière de protection contre le bruit et les normes en matière de protection de l'air soient respectées. Or, on sait qu'à Genève elles ne le sont pas. Nous avons donc le devoir de prendre des mesures, notamment en matière de réduction du trafic - cela figure noir sur blanc dans l'ordonnance - et nous ne pouvons pas y échapper... (Le président agite la cloche.) C'est vrai, certains milieux veulent par le biais de cette initiative populaire tenter d'obtenir que Genève n'applique pas les ordonnances fédérales ou donner des moyens pour promouvoir des recours interminables qui empêcheraient la mise en place des mesures qui doivent être prises.
M. Claude Blanc, rapporteur de minorité. Ce n'est pas mal, ça !
M. Christian Grobet. Mais chacun a le droit de faire un recours, c'est évident ! J'aimerais simplement dire - et c'est très important -qu'effectivement en supprimant uniquement les deux alinéas en cause il est tout à fait possible de corriger l'initiative et de prévoir des moyens d'application qui soient conformes au droit fédéral dans le cadre de lois d'application, si ces articles constitutionnels sont acceptés et non pas ceux qui sont proposés dans l'initiative.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme je vous l'ai proposé en préambule, je fais voter tout d'abord sur l'article contesté. Le vote nominal a été demandé... Est-il appuyé ? C'est le cas. (Appuyé.) Mesdames et Messieurs les députés, celles et ceux qui déclarent l'article 160B, alinéa 3, lettres a) et b), conforme au droit fédéral supérieur répondront oui, et celles et ceux qui le déclarent non conforme répondront non.
Monsieur Blanc, vous avez la parole.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de minorité. Je ne sais pas, Monsieur le président, si votre manière de voter est exacte... En effet, nous devons nous prononcer sur un texte qui existe... Ce sont donc ceux qui veulent le modifier qui doivent à mon avis voter oui !
Le président. Monsieur Blanc, je crois que le vote est clair.
Je souhaite que tout le monde soit à sa place. Monsieur Hodgers, Monsieur Hiler, Monsieur Büchi, Monsieur Meyll, Monsieur le conseiller d'Etat Moutinot... (Rires.) S'il vous plaît ! (Exclamations.) La discipline est de rigueur pour tous les pouvoirs !
Nous votons sur la conformité de cet article. Je m'en tiens à la proposition que je viens de vous faire. Celles et ceux qui déclarent l'article 160B conforme répondront oui, et celles et ceux qui le déclarent non conforme répondront non.
Mise aux voix, la proposition de déclarer l'article 160B, alinéa 3, lettres a) et b), conforme est rejetée par 49 non contre 43 oui et 1 abstention.
Ont voté non (49) :
Esther Alder (Ve)
Charles Beer (S)
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Dolorès Loly Bolay (AG)
Anne Briol (Ve)
Christian Brunier (S)
Fabienne Bugnon (Ve)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Alain Charbonnier (S)
Bernard Clerc (AG)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Anita Cuénod (AG)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Régis de Battista (S)
Jeannine de Haller (AG)
Erica Deuber Ziegler (AG)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Luc Gilly (AG)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Marianne Grobet-Wellner (S)
Christian Grobet (AG)
Cécile Guendouz (AG)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Antonio Hodgers (Ve)
Georges Krebs (Ve)
Pierre Meyll (AG)
Louiza Mottaz (Ve)
Chaïm Nissim (Ve)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Véronique Pürro (S)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Jacques-Eric Richard (S)
Albert Rodrik (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Myriam Sormanni-Lonfat (S)
Jean Spielmann (AG)
Pierre Vanek (AG)
Alberto Velasco (S)
Salika Wenger (AG)
Ont voté oui (43) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Roger Beer (R)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Gilles Desplanches (L)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Pierre Ducrest (L)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Philippe Glatz (DC)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Yvonne Humbert (L)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Jean-Louis Mory (R)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean-Marc Odier (R)
Michel Parrat (DC)
Catherine Passaplan (DC)
Pierre-Louis Portier (DC)
Jean Rémy Roulet (L)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Louis Serex (R)
Walter Spinucci (R)
Micheline Spoerri (L)
Olivier Vaucher (L)
Pierre-Pascal Visseur (R)
S'est abstenue (1) :
Christine Sayegh (S)
Etaient excusés à la séance (5) :
Juliette Buffat (L)
René Ecuyer (AG)
Claude Haegi (L)
René Koechlin (L)
Charles Seydoux (R)
Etait absent au moment du vote (1) :
Hervé Dessimoz (R)
Présidence :
M. Daniel Ducommun, président.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter maintenant sur la validité partielle de l'initiative 114-B.
Mise aux voix, la validité partielle de l'initiative 114-B est adoptée.
Cette initiative est renvoyée à la commission des transports.
Présidence de Mme Elisabeth Reusse-Decrey, première vice-présidente