Séance du vendredi 17 mars 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 6e session - 13e séance

M 1114-B
28. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et M. Chaïm Nissim, Fabienne Bugnon et Sylvia Leuenberger sur l'encouragement du solaire photovoltaïque. ( -) M1114
 Mémorial 1997 : Développée, 1367. Renvoi en commission, 1372.
 Mémorial 1998 : Rapport, 1965. Adoptée, 1969.

Déposée le 31 janvier 1997 par Mmes et M. Chaïm Nissim, Fabienne Bugnon et Sylvia Leuenberger, la proposition de motion sur l'encouragement du solaire photovoltaïque a été adoptée par le Grand Conseil, sur rapport de la Commission de l'énergie et des Services industriels, le 24 avril 1998, dans la teneur suivante :

« Le Grand Conseil de la République et canton de Genève considérant :

l'action de promotion et d'encouragement du solaire entreprise par les EWZ (SI Zurichois, voir article de la « Tribune de Genève » page suivante) ;

que cette action de promotion est financée par les consommateurs volontaires, les autres continuant à payer le prix habituel,

invite le Conseil d'Etat

à étudier de concert avec les Services industriels de Genève (SIG) l'introduction d'une telle bourse du solaire à Genève. »

Au titre des actions à engager dans le cadre de la conception générale de l'énergie, la bourse renouvelable figure en première priorité dans le domaine de l'électricité. Le Conseil d'Etat considère la bourse solaire comme une première étape vers la mise en oeuvre d'un système permettant à tout consommateur de choisir une électricité d'origine renouvelable et à un prix adapté. Dans cette perspective, la bourse solaire doit réunir toutes les conditions pratiques et économiques susceptibles d'inciter le plus grand nombre possible d'intéressés à y participer en qualité d'acheteur ou de producteur.

Répondant à l'invite de la motion, les SIG, en collaboration avec l'Office cantonal de l'énergie (OCEN), ont analysé les conditions de mise en place d'une bourse solaire à Genève.

Le modèle zurichois

Il existe actuellement en Suisse 80 entreprises offrant du courant photovoltaïque dont une quarantaine sous forme de bourse solaire. Les modalités de fonctionnement de celles-ci diffèrent, mais la majorité d'entre elles a opté pour le modèle zurichois. Ceci d'une part parce que la bourse de Zurich a été la première de Suisse et d'autre part parce qu'avec celle de Berne, c'est celle qui connaît le plus grand succès auprès des consommateurs.

Créée en mai 1997, la bourse solaire des Elektrizitätswerke Zurich (EWZ) fonctionne suivant le modèle suivant : le distributeur conclut des contrats de vente d'électricité d'origine solaire avec ses clients, d'une durée d'une année. Le distributeur couvre ses besoins en énergie solaire en concluant des contrats avec des producteurs indépendants pour une durée de vingt ans. Le prix de vente correspond au prix d'achat aux producteurs et ne comprend pas les frais de réseaux, les frais de fonctionnement, de gestion et de promotion. Il fluctue en fonction des offres des producteurs, mais reste inférieur à 1.20 F/kWh.

Les avantages de ce système sont nombreux :

le producteur réalise son investissement. Sa production de courant étant rachetée sur la base d'un amortissement commercial, son installation est rentable ;

le distributeur fidélise sa clientèle, améliore son contact avec elle et prouve son intérêt pour les énergies renouvelables, améliorant ainsi son image de marque ;

le consommateur réalise concrètement et directement son engagement en faveur de l'environnement ;

l'Etat profite de la bourse solaire pour augmenter la sensibilité de la collectivité vis-à-vis des énergies renouvelables ;

les entreprises bénéficient du développement du photovoltaïque sur le plan de la création d'emplois.

Actuellement, dans le cadre de la bourse zurichoise, la demande d'électricité solaire émanant de particuliers ou d'entreprises dépasse la production, elle atteint environ 5 % de leur clientèle. Les autres bourses se situent aux environs de 1 %.

La mise en place d'une bourse genevoise

Conformément au modèle zurichois, trois principes ont été retenus d'entente entre l'OCEN et les SIG. Le client s'engage pour une année à acheter le courant solaire dans les quantités qu'il aura lui-même spécifié. Les SIG se donnent les moyens de répondre à cette offre en concluant des contrats de rachat avec des producteurs. Ces contrats permettent l'amortissement des investissements consentis sur vingt ans. Le prix payé par le client de la bourse est égal au prix moyen de production. Ce dernier diminue au fur et à mesure du développement des installations et de l'évolution de la technologie ainsi encouragée.

Pour les SIG, les étapes de mise en place de la bourse seront les suivantes :

Inviter leurs clients à acheter du courant solaire.

Un petit sondage informel réalisé par l'OCEN, par le biais de son centre d'information, laisse présager que le public manifeste un intérêt certain à s'engager pour le développement d'énergies alternatives. Les citoyens et citoyennes prêts à payer plus cher une électricité d'origine renouvelable sont apparemment nombreux. Il est cependant vrai que, de la déclaration d'intention à la réalité il y a un pas important. Celui-ci dépendra largement de l'importance des opérations de marketing déployées par les SIG. Les réponses à cette première invitation permettront de déterminer l'offre correspondant aux intentions d'achat.

Une enquête sur les bourses solaires, réalisée par l'Office fédéral de l'énergie, a démontré qu'il était plus avantageux, pour le succès d'une bourse, que celle-ci offre la possibilité à ses clients d'acheter le courant solaire en petites quantités.

A hauteur de la demande, faire un appel d'offre pour la réalisation des installations de production. Sélectionner les offres les plus intéressantes. Si nécessaire, décider d'une éventuelle promotion pour la réalisation d'installations supplémentaires.

Acheter l'énergie auprès des producteurs à un prix couvrant les frais de production. Garantir au producteur le rachat de sa production annuelle d'électricité pendant vingt ans afin de lui permettre d'amortir son investissement.

Le mécanisme de la bourse devrait mener à une baisse progressive des prix de production : La demande, encouragée par des opérations marketing efficaces, créera l'offre. Le développement de l'offre abaissera les prix de production, et partant, le prix moyen d'achat. La baisse du prix moyen d'achat suscitera une demande accrue, qui provoquera une augmentation de l'offre, et ainsi de suite... Cependant, il est entendu qu'une fois l'installation construite, le prix de production reste inchangé pour toute sa durée d'amortissement.

L'article de loi (art. 21A de la loi sur l'énergie) obligeant les SIG à racheter le courant produit à partir d'énergies renouvelables à 200 % n'aura plus sa raison d'être pour les installations participants à la bourse. Il devra donc être adapté.

Vendre l'énergie aux clients ayant souscrit à un abonnement, au prix moyen d'achat, sans bénéfice sur le prix de vente de l'énergie, tous les frais (frais de gestion, de promotion et d'utilisation du réseau) étant à la charge des SIG.

L'option consistant à revendre l'énergie au prix d'achat sans bénéfice est indispensable au déclenchement de la bourse. Les consommateurs prêts à faire un effort financier en faveur des énergies renouvelables doivent être encouragés.

La provenance solaire du courant sera garantie.

Lancer régulièrement des programmes de marketing afin de stimuler la demande en faveur d'une énergie indigène et renouvelable (ces programmes pourront par exemple comprendre une information sur les nouvelles installations réalisées grâce à la bourse). Un programme de marketing continu assurera l'évolution de la demande.

Conclusion

Voici, dans les grandes lignes, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de bourse solaire tel qu'il se présente aujourd'hui et pour la réussite duquel le Conseil d'Etat entend tout mettre en oeuvre dans les meilleurs délais.

Il faut souligner la contribution financière des SIG, qui administrent et soutiennent ce projet gracieusement.

Les Genevoises et les Genevois ont déjà démontré une sensibilité à l'égard des questions énergétiques et en particulier à l'égard de leur consommation d'électricité d'origine nucléaire. Preuve en est une législation cantonale fournie et détaillée dans le domaine de l'énergie. La bourse solaire sera l'occasion pour chacun et chacune de concrétiser cette préoccupation. La bourse solaire offre un potentiel non négligeable sur le plan de la substitution aux importations d'électricité d'origine nucléaire et sur le plan de l'emploi local. Elle présente également l'opportunité de confirmer le rôle de la Suisse en tant que pôle de technologie dans le domaine du photovoltaïque.

Avec la bourse, chaque individu peut, très facilement, participer directement à la protection de l'environnement. Le geste bourse solaire a l'avantage de sa simplicité. C'est ce qui en fait son succès dans de nombreux cantons de Suisse. On peut dès lors espérer que les consommateurs genevois sauront réserver un bon accueil à cette nouvelle manière de manifester son attachement aux énergies d'origine renouvelable. Ayant ainsi répondu à la motion dans le sens de l'invite des motionnaires, le Conseil d'Etat vous prie de prendre acte de cette réponse.

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve). Je remercie le Conseil d'Etat d'avoir suivi notre motion et d'avoir créé cette bourse qui permet aux gens qui le demandent de payer le courant photovoltaïque à un prix adapté. Il y a quand même deux bémols dans mes remerciements. Le premier, c'est que nous sommes tous conscients que le photovoltaïque, hélas, ne sera jamais qu'un petit morceau de la solution, qu'il faudra bien d'autres efforts, bien d'autres énergies renouvelables et bien d'autres économies d'énergie pour résoudre vraiment le problème.

Le deuxième bémol concerne la publicité : j'espère vraiment que la publicité des Services industriels sera bien faite. J'ai peur qu'ils la fassent mal, une fois de plus, en disant aux gens qu'ils peuvent choisir l'énergie qu'ils veulent, qu'ils peuvent choisir de l'énergie verte, de l'énergie fournie par des capteurs photovoltaïques, mais que cela leur coûtera effectivement plus cher et que les autres énergies sont très bien aussi...

Quant à moi, je voudrais qu'on dise la vérité aux gens, à savoir que s'ils veulent éviter de consommer du courant produit par des centrales rouillées, pourries et pleines de déchets radioactifs, s'ils veulent éviter de consommer du courant produit par des centrales allemandes au charbon, qui sont extrêmement polluantes et qui créent un gros problème d'effet de serre, ils doivent alors choisir le courant photovoltaïque produit localement. Mais j'ai peur que les Services industriels, une fois de plus, par lâcheté, par souci de vendre, refusent de dire la vérité aux gens et fassent une publicité complètement mièvre et inefficace.

M. Alberto Velasco (S). Je tiens tout d'abord à remercier le conseiller d'Etat Robert Cramer de nous avoir enfin, après trois ans, livré une réponse. Je regrette juste que les Services industriels, à propos des étapes qu'ils décrivent, à la page 3, pour la mise en place de la bourse, n'aient pas donné de délai et de dates. C'est regrettable. J'espère vraiment que nous aurons des dates précises et que la volonté affichée dans ce rapport sera suivie d'effet très bientôt.

M. Robert Cramer. Je suis très touché de ces remerciements, mais dans le même temps je ne peux pas laisser passer ce qui a été dit au sujet des Services industriels. Monsieur Nissim, il faudra bien, un jour ou l'autre, que l'on se rende compte dans ce Grand Conseil que les Services industriels sont un établissement de droit public, en d'autres termes qu'ils sont une forme de service de l'Etat.

Les Services industriels bénéficient d'une certaine autonomie, mais ils sont régis par la loi et s'ils ne se comportent pas comme vous le souhaiteriez, vous devez en faire le reproche tout d'abord à ceux qui vous représentent au sein des Services industriels, c'est-à-dire les administrateurs désignés par le Grand Conseil, respectivement par le Conseil d'Etat, voire en faire le reproche à vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, qui avez adopté un certain nombre de lois que vous n'auriez peut-être pas dû adopter !

Cela dit et pour revenir sur le solaire photovoltaïque, nous avons présenté, avec les Services industriels et l'office cantonal de l'énergie, ce projet à la population. Les Services industriels ont bien compris l'importance de ce projet pour la politique de l'énergie du canton. Au cas où ils ne l'auraient pas tout à fait compris, je suis persuadé qu'aussi bien la conception générale de l'énergie - adoptée par votre Grand Conseil lors de sa session de février - que le plan directeur de l'énergie qui sera mis en oeuvre à la suite de votre décision, la leur rappelleront. Ces documents contiennent des détails suffisamment précis pour que vous n'ayez plus aucun doute quant à l'enthousiasme que montreront les Services industriels à mettre en oeuvre une politique d'encouragement du solaire photovoltïque.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.