Séance du vendredi 17 mars 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 6e session - 13e séance

IU 839
17. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Laurence Fehlmann Rielle : Voyages de l'OSR et de la Landwehr en Autriche. ( ) IU839
Mémorial 2000 : Développée, 1579.

Mme Martine Brunschwig Graf. Je n'ai pu débattre avec mes collègues d'une position commune sur cette interpellation. Aussi, je vais vous livrer l'état de mes réflexions et de la position que j'ai adoptée en tant que cheffe du département concerné. J'évoquerai tout d'abord les faits et ensuite ma position.

S'agissant des faits, selon le règlement du Conseil d'Etat qui fixe le statut des corps de musique de l'Elite et de la Landwehr, il s'agit pour ces derniers, lorsqu'ils organisent des productions et des voyages, en Suisse ou à l'étranger, de requérir l'approbation préalable du chef du département, lequel en informe le Conseil d'Etat. Ceci a été fait, puisque, le 12 octobre 1999, le corps de musique de Landwehr a sollicité l'autorisation requise pour un déplacement privé et entièrement financé par ses participants, du 7 au 10 septembre 2000, à Vienne et à Eisenstadt, dans le Burgenland. Le 20 octobre 1999, l'autorisation lui a été accordée. Il s'agit d'un voyage à caractère culturel, qui comprend un concert donné en commun avec une société de musique viennoise et qui ne revêt pas un caractère officiel.

S'agissant du déplacement de l'Orchestre de la Suisse romande, du 23 au 25 mai 2000, à Innsbruck et Salzbourg, son organisation remonte à septembre 1997 et le contrat en a été signé le 30 juin 1999. A l'évidence, les démarches entreprises tant par la Landwehr que par l'OSR ont été bien antérieures aux événements auxquels nous nous référons aujourd'hui, s'agissant des élections en Autriche.

A partir de là, la question que chacun se pose est de savoir s'il est opportun ou non que les corps de musique ou les orchestres se déplacent en Autriche pour y donner des concerts. A cet égard, j'aimerais vous dire deux choses. Tout d'abord, la même problématique s'est posée à l'Orchestre de chambre de Lausanne tout récemment, qui a accepté d'aller en tournée en Autriche et qui a constaté, dans ses contacts culturels et non pas dans des contacts politiques, que les gens sur le terrain, en Autriche, qui ne partagent pas l'idéologie représentée par certains membres du gouvernement ont besoin, et ils l'expriment, de contacts culturels encore plus intenses avec l'extérieur, et ce plus que jamais.

On peut adopter la position inverse qui consiste à imaginer que toute personne allant en Autriche, pour un voyage privé ou pour une prestation culturelle, apporte d'une certaine façon une caution à un gouvernement, qui pour l'instant, je le rappelle, n'a Dieu merci pas pris de position que nous pourrions dénoncer en tant que gouvernement.

Pour ma part, je vous dirai ceci et je suis particulièrement bien placée pour le dire : j'ai toujours constaté que les pays qui se privent de tout contact culturel avec l'extérieur sont des pays qui sombrent plus rapidement que d'autres dans le totalitarisme ; que les pays qui subissent des régimes totalitaires, dictatoriaux ou peu respectueux des droits de l'homme sont des pays dans lesquels les gouvernements eux-mêmes prennent souvent des mesures qui empêchent les échanges culturels, les voyages, la présence d'artistes qui ne sont pas du même avis que les autorités officielles. Il me paraît, d'après ce constat, qu'il peut être opportun de maintenir des contacts culturels. En effet, ces contacts sont aussi une garantie d'échanges d'idées ; ils permettent aux gens du pays, qui ne partagent pas les idées hélas dominantes dans certains partis, de connaître d'autres horizons, d'échanger, de se sentir soutenus dans leurs convictions, qui ne sont heureusement pas celles de M. Haider.

C'est donc la position que j'ai adoptée dans ce cas, en étant particulièrement sensible au fait suivant : les événements de la Deuxième Guerre mondiale, auxquels nous faisons référence dans la crainte de les voir se reproduire, ont montré qu'en tout cas sur le plan culturel le totalitarisme commence par l'isolement. Pour ma part, je ne souhaiterais pas qu'on y prête la main, fût-ce avec de très bonnes intentions.

Cette interpellation urgente est close.