Séance du
jeudi 16 mars 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
6e
session -
11e
séance
IU 833
M. Bernard Lescaze (R). Mon interpellation s'adresse à Mme Brunschwig Graf. Elle concerne ce que l'on pourrait appeler «rififi à la faculté des sciences».
Comme vous le savez sans doute par la lecture des journaux, des chercheurs genevois, hautement spécialisés en matière de recherche dans le cancer du sein, se sont vu refuser des crédits par le Fonds national de la recherche scientifique. Leur avocat, Me Charles Poncet, a évidemment fait recours et a notamment déclaré que cette affaire, je cite, «est en train de ridiculiser le Fonds national de la recherche scientifique et son lobby de professeurs, enfermés dans un conformisme scientifique aussi regrettable que sclérosé». Me Poncet ajoutait que les subsides avaient été refusés car les rapports d'experts de la commission étaient purement et simplement trafiqués et tronqués.
Nous n'avons pas, dans ce Grand Conseil, pouvoir d'interférer sur les décisions du Fonds national de la recherche scientifique, encore que, dans la nouvelle loi sur le financement de l'université, les deux principaux critères de financement sont, d'une part, le nombre d'étudiants et, d'autre part, le critère de qualité de la recherche.
Or les deux chercheurs incriminés semblent faire l'objet, et c'est bien là la question de mon interpellation, d'un véritable ostracisme de la part de la biologie moléculaire et, notamment, du laboratoire de biochimie et physiologie végétale, parce que l'un de ces deux chercheurs - qui exerce bénévolement à l'université, dans le laboratoire d'un professeur qui va bientôt prendre sa retraite, avec un autre chercheur un peu plus jeune - a dépassé, oh catastrophe ! l'âge de la retraite et qu'on invoque, pour le chasser de ce laboratoire où il ne coûte rien, d'obscures questions d'assurance.
Ces deux chercheurs poursuivent des travaux internationalement reconnus, publiés notamment dans la revue «Nature», qui est célèbre. Ils avaient entre autres l'intention d'organiser un colloque à Genève - trois cents nuitées, six cents repas - mais le doyen de la faculté des sciences, qui pourtant est très actif pour essayer de défendre sa faculté dès qu'un modeste article paraît à gauche ou à droite, ce même doyen n'a pas trouvé le temps, Mesdames et Messieurs, de recevoir ces deux chercheurs, si bien que le congrès est parti à Annecy. Alors, merci pour les rapports entre l'université et la cité ! Le doyen de la faculté des sciences nous a fait perdre des ressources : qu'en pense le département ? C'est ma première question.
D'autre part, que pense le département de l'instruction publique, qui est quand même l'autorité tutélaire de la faculté des sciences, de cette manière d'exclure des chercheurs non seulement au prétexte de l'âge - alors que, je le répète, ils ne coûtent rien ; la question serait différente s'ils émargeaient au budget de l'université - mais, visiblement, pour des querelles qui sont de nature purement personnelles et scientifiques, sans que la qualité des recherches soit prise en compte. C'est ma deuxième question.
Enfin, ma troisième question : un grand laboratoire lyonnais dont vous connaissez, bien entendu, le nom, puisque c'est l'un des premiers laboratoires de France, a manifesté de l'intérêt et de l'intérêt pécuniaire pour cette recherche. A partir du moment où ces chercheurs seront exclus des laboratoires de l'université - il n'en va pas de même pour les sciences humaines où vous pouvez travailler chez vous - nous ne pourrons évidemment plus bénéficier des retombées financières du laboratoire Mérieux.
Ce fait, qui a été porté à la connaissance de plusieurs députés par les chercheurs incriminés, mérite, à mon avis, que le département de l'instruction publique s'informe et nous fasse un rapport, parce qu'il est parfaitement significatif de certains dysfonctionnements qui se produisent à l'université.
Je n'aimerais pas que, d'une manière ou d'une autre, la faculté des sciences revive ce qu'elle a déjà vécu, il y a vingt ans, avec les affaires Ilmensee et Crippa et qui porte, encore aujourd'hui, préjudice à la réputation de cette faculté.