Séance du
jeudi 16 mars 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
6e
session -
11e
séance
IU 832
M. Florian Barro (L). Mon interpellation s'adresse à M. le président du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et, subsidiairement, à M. Carlo Lamprecht. Elle pourrait s'intituler : «Logements sociaux : quelle place pour les entreprises et les internationaux ?» ou «Un tiers vaut mieux que deux tu l'auras».
Depuis quelques mois, la presse et les spécialistes nous prédisent prochainement une pénurie de logements qui n'est, semble-t-il, pas complètement étrangère à l'attrait de notre cité pour les entreprises multinationales.
Or selon les informations en notre possession, le département de l'aménagement de l'équipement et du logement impose aux concepteurs de projets de construction de produire deux tiers des nouveaux logements au bénéfice de la LGL, soit subventionnés. Selon ces observateurs, les entreprises s'installant sur sol genevois demandent, en priorité, des logements résidentiels.
Dans la grande majorité des cas, le personnel expatrié travaillant à Genève doit résider dans notre canton pour des raisons de permis de travail. Néanmoins, ces personnes éprouvent de grandes difficultés à se loger, non seulement en raison du fait que les appartements deviennent rares, mais aussi parce que les nouveaux immeubles construits doivent l'être au bénéfice de la LGL.
Or ces immeubles subventionnés ne leur sont pas accessibles pour plusieurs raisons légales et administratives. En outre, les problèmes rencontrés par le personnel expatrié des multinationales se retrouvent désormais aussi chez les internationaux : diplomates, personnel de mission, etc. Dès lors, Monsieur le président, mes questions sont les suivantes :
1. Est-il vrai que vous imposez la construction de deux tiers de logements sociaux dans les nouveaux projets de construction qui vous sont soumis ?
2. Si oui, quelles sont les bases permettant d'ordonner une telle proportion ?
3. Existe-t-il une récente étude, outre le rapport de la journée de l'observatoire du logement, sur la demande de logements et, en particulier, de logements sociaux et est-ce qu'elle justifie une telle politique ?
4. Si oui, cette règle de production de logements sociaux répond-elle à la demande locale de logements sociaux et, toujours dans l'affirmative, cette règle de production de logements répond-elle à la demande du personnel expatrié des entreprises multinationales ?
5. Cette règle, qui semble s'imposer, ne risque-t-elle pas de restreindre l'offre de logements, puisqu'elle impose seulement un tiers de logements libres en zone de développement ?
6. Enfin, cette règle ne risque-t-elle pas de favoriser la pénurie de logements et donc une augmentation des prix et des loyers ?
Nous vous remercions de votre prochaine réponse et ce, notamment, en rapport avec les travaux de la commission du logement sur une refonte assez conséquente de la LGL.
Bien évidemment, mon interpellation a quelque rapport avec le point 56 de l'ordre du jour, mais, compte tenu de la lourdeur de notre ordre du jour, j'ai pensé utile de développer ces questions tout de suite.
Le président. M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot répond tout de suite. Je lui passe la parole.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Laurent Moutinot. Monsieur le député, je vous remercie d'attirer l'attention du Grand Conseil sur la diminution du nombre de logements vacants et, par conséquent, sur l'amorce manifeste d'une nouvelle pénurie, regrettable, dans le domaine du logement. Il faut savoir qu'aujourd'hui nous nous acheminons vers cette pénurie et, par conséquent, lutter systématiquement pour que les projets de construction qui permettent d'y répondre puissent voir le jour.
Je pense que, face à la pénurie, il faut principalement lutter en construisant des immeubles en quantité suffisante, car lorsqu'il y a suffisamment de constructions, des possibilités existent pour toutes les catégories de logement : en vente, en location, en loyer libre et en LGL.
En revanche, alors que la pénurie menace, je ne peux pas admettre que l'on dise : puisqu'il y a pénurie, ce sont les locataires potentiellement les plus défavorisés, ceux qui ont besoin de la LGL, dont on va restreindre les possibilités.
Il est vrai que nous appliquons, en principe, avec quelquefois un peu de souplesse, la règle des deux tiers un tiers, qui ne permet même pas à l'heure actuelle de compenser par de nouvelles constructions le nombre de logements sociaux qui arrivent en fin de contrôle et qui, par conséquent, retournent dans le secteur libre. Si nous baissons cette proportion, nous baissons par là même le logement social, alors qu'il appartient à l'Etat de veiller aux conditions de logement de ceux dont les moyens sont les plus modestes.
C'est donc bel et bien par un volume global suffisant qu'il faut répondre à la pénurie, et non pas en prenant sur les contingentements, les quotas du logement social pour répondre aux besoins, parfaitement honorables et parfaitement utiles pour l'économie genevoise, de logement des expatriés.
En ce qui concerne les études, des travaux ont été menés dans le cadre de l'observatoire du logement. Il y a une donnée statistique incontournable, à savoir le nombre de demandes cumulées de l'office cantonal du logement et des fondations immobilières de droit public, qui présentent à l'heure actuelle toujours un solde de l'ordre de trois mille demandes insatisfaites.
De grâce ne partons pas sur des faux combats pour lutter contre la pénurie de logements. Il s'agit bel et bien de pousser les projets constructifs, toutes catégories confondues, qui permettent de répondre à l'ensemble des besoins, mais en aucun cas de prendre d'une catégorie sur l'autre et jamais de prendre dans la catégorie la plus défavorisée.
Cette interpellation urgente est close.