Séance du
jeudi 16 mars 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
6e
session -
11e
séance
GR 249-1 et objet(s) lié(s)
8. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. A. M. , 1976, Genève, maçon indépendant, recourt contre la peine d'emprisonnement.
Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. M. A. M., de nationalité suisse, est d'origine turque. Bien qu'il n'y ait pas d'éléments nouveaux dans ce dossier, si ce n'est son mariage en Turquie le 17 décembre dernier, je suis favorable à accorder la grâce pour donner à ce jeune homme de 23 ans la possibilité de rester dans sa place de travail actuelle - il est employé comme bagagiste dans un grand hôtel de la place - et surtout pour lui permettre de reprendre pied dans la vie.
Je rappelle que sa précédente demande de grâce a été refusée par ce Grand Conseil en septembre dernier. Depuis septembre 1999, il a tenté de monter une petite entreprise de maçonnerie avec son père, qui ne parle pas le français et qu'il a tenté à plusieurs reprises d'aider. Il a fait correctement et selon les usages les demandes usuelles pour ces procédures professionnelles : inscription au registre du commerce, CNA, etc., mais à la fin de l'année, le véhicule utilitaire ayant rendu l'âme et au vu du niveau peu concluant des affaires, il a dû renoncer à cette activité, d'où son emploi comme bagagiste depuis le début de l'année 2000.
Suite à des faits qui remontent à novembre 1997, il avait été condamné une première fois le 20 avril 1998 à trois mois d'emprisonnement, avec trois ans de sursis. A cette époque, il possédait deux chiens qui incommodaient les voisins et, à peine dix jours après cette condamnation, le 29 avril, il s'est opposé violemment, verbalement surtout, à une visite d'une personne du service du vétérinaire cantonal, venue voir les chiens en l'occurrence et qui a dû faire intervenir la police. Par la force, il a été conduit au poste, où il s'est montré particulièrement grossier dans ses propos et récalcitrant. Placé au violon pour la nuit, il a cassé deux gonds de la porte. Tout cela a entraîné une nouvelle plainte de la police et du service du vétérinaire cantonal et, le 3 juin 1998, il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis de cinq ans. Le premier sursis a alors été révoqué.
M. A. M. est Suisse, d'origine turque comme je l'ai dit. Aux dires de son avocat, il est très tiraillé entre ces deux cultures, bien qu'il parle parfaitement le français, comme tout Genevois qu'il est. Depuis l'âge de 10-11 ans, c'est lui qui aide ses parents à faire face aux diverses tâches administratives, son père ne parlant pas le français. Après une scolarité obligatoire sans histoire, il entre au collège en section scientifique. Dans le courant de la première année, il perd sa mère et probablement quelques repères du même coup. Il quitte son collège pour changer de section et entrer en section arts visuels au collège de Saussure. Dans le courant de la troisième année, voulant s'assumer seul et pour ne plus être à la charge de son père, il prendra un petit appartement en sous-location. Il travaille alors de 4 h à 7 h 30, mais à ce régime-là il ne tient pas le coup, étant entendu que l'entourage familial ne peut pas pallier ses problèmes, tant psychologiques que financiers.
Il quitte alors, en troisième année, le collège de Saussure. Il fait des petits boulots, il commence un apprentissage ; en clair, il cherche sa voie, tout en tentant par moments d'aider aussi son père, qui est marchand de légumes et qui tient aussi un stand au marché aux puces. A cette époque, à côté de cette activité, il est employé à 30% comme moniteur dans un centre de loisirs, centre qui est très satisfait de son travail auprès des adolescents.
Aujourd'hui, il arrive bientôt au terme de sa période d'essai comme bagagiste et, vu ses horaires irréguliers, il ne pourrait même pas envisager de garder ce travail s'il devait rejoindre la prison le soir. C'est la raison pour laquelle je propose d'accorder la grâce de cette peine, afin de donner une chance à ce jeune homme d'aller de l'avant. Je vous rappelle encore qu'il n'a plus eu de problèmes de violence depuis deux ans et que, par ailleurs, il reste une peine de quatre mois avec sursis, en cas de problème ultérieur. Je plaide donc pour la grâce dans le cas de M. A. M..
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'emprisonnement) est adopté.
Mme D. G. , 1934, France, recherche en marketing, recourt contre le montant des amendes dues.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Mme D. G., d'origine française, résidant à Annemasse, a saisi notre commission d'une demande de grâce au sujet d'un montant d'amendes de 3 140 F, correspondant à des contraventions pour infractions aux règles de la circulation, soit, concrètement, des dépassements de vitesse. C'est ainsi qu'elle a été l'objet de sept contraventions de novembre 1998 à mars 1999, pour un total de 1 390 F, et d'une amende de 1 340 F correspondant à une condamnation pour dépassement de vitesse de 46 km/h.
Contrairement à ce que Mme D. G. affirme, à savoir que ces amendes ne lui auraient pas été envoyées, celles-ci ont fait l'objet d'un envoi recommandé par l'administration. De plus, aucun arrangement n'ayant été demandé, aucun acompte n'ayant été versé, la commission a décidé de suivre la recommandation du procureur et vous demande, dans sa majorité, de ne pas accorder cette grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. M. C. A. , 1963, Colombie, peintre en bâtiment, recourt pour que l'expulsion judiciaire soit décrétée à la moitié de la peine de réclusion.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Notre commission a été saisie le 4 février d'une demande de grâce présentée par M. M. C. A., selon l'extrait de jugement, ou M. M. C. A., selon les documents qui nous sont remis.
M. M. C. A. , domicilié à New York mais ayant aussi, semble-t-il, une famille et des enfants en Colombie, a été condamné à cinq ans de réclusion et quinze ans d'expulsion. Il a déjà réalisé une peine préventive d'un an et vingt-huit jours. Les actes pour lesquels M. M. C. A. a été condamné sont : infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, soit trafic de cocaïne ; il a participé à des transactions et a été reconnu par les douanes américaines comme étant un recruteur de «mules». La commission, considérant la gravité des faits, a décidé, à l'unanimité, de suivre les recommandations du procureur et de ne pas accorder cette grâce. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons le rejet de cette demande.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. P. A. , 1963, Espagne, vendeur, recourt contre les peines d'emprisonnement.
M. Pierre-Louis Portier (PDC), rapporteur. J'ai à rapporter sur le cas de M. P. A., Espagnol, né en 1963. M. P. A. a été condamné une première fois en 1994, pour une affaire de faux concernant des bons du Trésor italien et pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il avait été condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, avec sursis, mais il a récidivé dans une affaire d'escroquerie au détriment de la Fondation SIDAIDE, ceci en 1997, et à cette occasion il a été condamné à une peine de quatre ans de prison au total. Il a fait recours auprès de la Cour de cassation, puis auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, mais, par deux fois, la peine infligée par la Cour correctionnelle avec jury a été confirmée.
M. P. A., suite à ces procédures, est entré spontanément en détention le 8 mars 1999. Une lettre du directeur de Bellechasse, datée du 23 décembre 1999, fait état d'une attitude et d'un comportement corrects. M. P. A. se soumet, par ailleurs, à des tests d'urine réguliers qui sont tous négatifs. Il convient de relever que M. P. A. est marié et a trois enfants. Deux sont issus du premier mariage de son épouse mais vivent, depuis qu'elles sont petites, avec M. P. A.. La cadette a 12 ans. J'ai, par divers renseignements, pu vérifier la cohésion de cette famille, qui reste, semble-t-il, extrêmement unie, malgré le fait que le père soit enfermé. J'ai pu avoir divers renseignements par le biais des employeurs, qui m'ont tous confirmé cet état de fait.
D'autre part, M. P. A., avec qui je me suis entretenu, souhaite travailler le plus vite possible, pour apporter de quoi faire bouillir la marmite du ménage. D'ailleurs, il m'a fourni une lettre d'une entreprise d'échafaudage attestant que cette entreprise l'embaucherait dès sa sortie de prison. J'ai donc plaidé devant la commission le fait que M. P. A. puisse accéder le plus rapidement possible au régime de semi-liberté, de façon qu'il puisse travailler. Ce régime de semi-liberté, selon la peine prononcée, est prévu pour le 26 juillet 2000. On nous dit, en commission de grâce, que nous avons tous les pouvoirs, mais ce n'est pas tout à fait vrai : en effet, pour pouvoir accélérer le régime de semi-liberté, nous sommes contraints de réduire la peine totale. C'est pour cela que je vous propose de réduire la peine d'emprisonnement de quarante-huit à quarante-deux mois, ce qui permettrait d'avancer le régime de semi-liberté au 15 mai prochain, c'est-à-dire environ un mois et demi avant la date prévue.
Cette proposition, je dois avoir l'honnêteté de le dire, a été controversée en commission de grâce. Il n'empêche que le préavis est néanmoins positif.
M. Bernard Annen (L). Quelques mots pour justifier le vote négatif de notre groupe. Nous estimons que les faits sont relativement graves. Je vous les rappelle : infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, abus de confiance, quarante-huit mois de prison, ce n'est quand même pas rien. Nous avons été sensibles aux propos de notre collègue Portier, mais nous estimons néanmoins qu'il n'y a pas de faits nouveaux. Je suis préoccupé, notre groupe est préoccupé de voir la commission de grâce adopter une position quelque peu laxiste et accorder immédiatement et systématiquement la grâce. C'est dire que, si nous en arrivions là, nous devrions publiquement avertir la population qu'aujourd'hui chaque détenu devrait demander sa grâce, car avec la majorité actuelle elle serait accordée.
M. Pierre Vanek (AdG). Je ferai observer à M. Annen que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le rapporteur qui, en l'occurrence, ne fait pas partie de la majorité actuelle de ce Grand Conseil ! Par ailleurs, est-ce une politique particulièrement laxiste que de réduire une peine de prison de quarante-huit à quarante-deux mois ? Je connais évidemment moins bien le dossier que M. Portier, mais la mesure ne peut pas, à mon avis, être interprétée comme de la clémence à tout va, en direction de n'importe quel condamné, par rapport à n'importe quoi ! Je crois que vos propos, Monsieur, sont inappropriés.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction des peines d'emprisonnement à quarante-deux mois) est adopté.