Séance du
vendredi 21 janvier 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
4e
session -
4e
séance
PL 8168 et objet(s) lié(s)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Si notre civilisation urbaine ou notre culture moderne a cherché à évacuer la face visible de la mort dans notre société, la mort n'en reste pas moins la seule certitude de la vie. Le Grand Conseil, par l'adoption le 27 mai 1999 de la motion M 1197-A, déposée le 3 mars 1998, et de deux projets de loi relatifs aux soins palliatifs (les PL 8008 et 8009, adoptés conformément à l'article 93 de la Constitution), a rappelé fort opportunément que chacun a le droit de mourir dans la dignité et que les souffrances doivent être combattues dans la mesure où elles le peuvent.
En date du 1er mars 1999, le Conseil d'Etat a constitué une commission d'experts chargée d'examiner la situation des soins palliatifs dans le canton de Genève. Le 16 septembre 1999, le Conseil d'Etat a communiqué le rapport final de cette commission aux députés membres de la Commission de la santé du Grand Conseil en même temps qu'il en rendait les conclusions publiques sous le titre : « Accompagner la vie jusqu'à la mort : le réseau genevois de soins palliatifs ». Ces conclusions, qui figurent sous la lettre A ci-dessous, doivent être considérées tant comme la réponse du Conseil d'Etat à la motion 1197-A, qui lui a été renvoyée le 27 mai 1999, que comme l'exposé des motifs de l'intégration de la notion de soins palliatifs dans la loi sur les établissements publics médicaux et dans la loi sur l'aide à domicile. Les deux projets de loi qui concrétisent cette intégration dans les lois précitées, que le Conseil d'Etat présente conformément à l'article 94 de la Constitution, font l'objet d'un commentaire article par article sous lettre B.
Préconsultation
Mme Louiza Mottaz (Ve). Le 27 mai 1999, notre Grand Conseil a adopté deux projets de lois relatifs aux soins palliatifs. Issus de la commission de la santé lors du traitement de la motion 1197 et soutenus à l'unanimité par les commissaires, ces deux projets - le 8008 et le 8009 - avaient pour but d'inscrire les soins palliatifs dans la loi sur les établissements publics médicaux et la loi sur l'aide à domicile. A partir de l'article 2 alinéa 1 de la loi sur les établissements publics médicaux, qui stipule que les établissements fournissent à chacun les soins que son état requiert, je me suis alors dit qu'il fallait spécifier ce concept de soins afin que chacun puisse effectivement recevoir des soins adéquats.
Permettez-moi de vous rappeler que le terme soin a plusieurs acceptions possibles. Il peut être entendu et usité en tant qu'attention, application à quelque chose - objet travaillé avec soin - ou encore dans le sens d'avoir soin, prendre soin de, être attentif à, veiller sur, mais aussi moyen par lequel on s'efforce de rendre la santé à un malade. Le plus souvent, c'est dans ce dernier sens que l'idée du soin est comprise. Orienté vers la guérison, le soin doit être curatif. Pourtant, malgré les progrès considérables de la médecine, bon nombre de maladies restent encore incurables et la mort notre perspective commune.
Dans ces circonstances, faut-il dès lors ne rien faire ou bien coexister avec son impuissance et substituer le palliatif au curatif, soigner non plus seulement pour guérir, mais aussi pour prendre soin de, être attentif à ? Pendant longtemps, l'unique but des soins a été la santé, la mort étant l'ennemi. Fondamentalement humaniste, les soins palliatifs renoncent à traiter la mort en ennemi et développent une nouvelle stratégie, une stratégie de l'acceptation de la finitude. Il s'agit donc de privilégier la meilleure qualité de vie possible, plutôt que la quantité, par des soins adaptés en permanence à l'évolution de la maladie et aux symptômes qu'elle provoque. Parce qu'ils contribuent au respect de la dignité, parce qu'ils consistent à faire oeuvre de solidarité en aidant celui qui souffre ou qui s'en va, les soins palliatifs doivent s'exercer et être prodigués à toutes les personnes qui en ont besoin. Pour ce faire, il est indispensable que les soins palliatifs soient partie intégrante des soins et figurent de manière explicite dans la mission des établissements publics médicaux et des services d'aide et de soins à domicile. Leur pratique ne saurait dépendre du bon vouloir de quelques-uns. Ils doivent avoir leur place dans notre politique sanitaire.
Mesdames et Messieurs, cette dernière phrase est importante. Nous avons voulu aller au-delà des tergiversations et des conflits des uns et des autres, qui font qu'en vingt ans des soins qui étaient reconnus dans notre canton et au-delà de nos frontières ne sont plus, à l'heure actuelle, cités en exemple. Alors, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat peut, six mois après, nous présenter deux nouveaux projets de lois juridiquement corrects en arguant du fait que les nôtres - je vous cite, Monsieur Segond - « ont été faits hors la présence du Conseil d'Etat, qu'ils étaient maladroits, brisaient la cohérence législative et qu'ils introduisaient sans le vouloir une définition restrictive des soins dispensés en même temps qu'un jargon dangereux - aide aux malades sur le plan bio, psycho, social et spirituel. »
Monsieur le conseiller d'Etat, nous acceptons volontiers toutes vos considérations sur notre travail, car vous reconnaissez finalement que, nonobstant nos maladresses, la cause que nous défendons est juste. De fait, nous obtenons ce que nous souhaitions, à savoir la reconnaissance formelle et par conséquent la progression dans notre canton des soins palliatifs. Sachez, Monsieur Segond, que nous veillerons à leur bonne application. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demande d'accepter un vote immédiat sur ces deux projets de lois présentés par le Conseil d'Etat et je vous en remercie.
Le président. Mesdames, Messieurs, il est proposé par Mme Mottaz une discussion immédiate sur ces deux projets de lois.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je voudrais simplement dire que l'auteur de la motion 1197-B se félicite que le Conseil d'Etat mette un point d'orgue à la mise en oeuvre d'une véritable politique des soins palliatifs dans le canton. C'est une véritable reconnaissance de l'engagement très soutenu de certains députés qui attendaient depuis si longtemps un dispositif pour le bien vivre ou le bien mourir de nos concitoyens. Il ne restera plus au Conseil d'Etat qu'à soutenir la promotion des soins palliatifs pour la réalisation d'un véritable réseau, ce qui sera la garantie d'un consensus entre les différents acteurs concernés. Le groupe radical accepte avec enthousiasme ces deux projets de lois et prend acte de la motion.
M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe se réjouit également de la concordance de vues entre l'exécutif et notre parlement. Il est vrai que la modification apportée par le Conseil d'Etat nous paraît quelque peu cosmétique, mais j'admets tout à fait la cohérence juridique et l'expérience des responsables du gouvernement dans cette affaire. Je me réjouis que les soins palliatifs aient leur place dans le dispositif de soins.
PL 8168
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8168)modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (K 2 05) (soins palliatifs)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modification
La loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980, est modifiée comme suit :
Art. 2, al. 2, lettre e (nouvelle)
Article 2 Abrogation
La loi, du 27 mai 1999, modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (K 2 05), du 19 septembre 1980, est abrogée.
PL 8169
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8169)modifiant la loi sur l'aide à domicile (K 1 05) (soins palliatifs)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modification
La loi sur l'aide à domicile, du 16 février 1992, est modifiée comme suit :
Art. 2, al. 3, lettre a (nouvelle teneur)
Article 2 Abrogation
La loi, du 27 mai 1999, modifiant la loi sur l'aide à domicile (K 1 05), du 16 février 1992, est abrogée.
M 1197
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.