Séance du vendredi 3 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 2e session - 61e séance

I 2020
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Rémy Pagani : «A peine votée par le Grand Conseil, la loi sur la Chambre des relations collectives de travail est tronquée par le règlement d'application édicté par le Conseil d'Etat». ( ) I2020
Mémorial 1999 : Annoncée, 6951. Développée, 7136.

M. Robert Cramer. Carlo Lamprecht). M. Lamprecht, qui m'a prié de bien vouloir excuser son absence, m'a chargé de vous faire connaître la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Pagani.

Monsieur Pagani, vous vous plaignez, dans votre interpellation, de ce que le Conseil d'Etat, en édictant le règlement d'application de la loi sur la Chambre des relations collectives de travail, l'aurait tronquée en stipulant à l'article 2 de ce règlement, dans le chapitre relatif à la conciliation, qu'il y a conflit collectif susceptible d'être examiné par cette juridiction lorsque six salariés au moins sont directement concernés par ce conflit. Il me paraît dès lors utile de vous fournir les compléments d'information suivants, ou en tout cas de me faire le porte-parole de M. Lamprecht pour vous les fournir, compléments qui vous permettront, je l'espère, de vous convaincre qu'il n'en est rien.

La loi sur la Chambre des relations collectives de travail ne précise pas ce qu'il faut entendre par le terme « conflit collectif ». Or, vous conviendrez que lorsque trois employés d'une même entreprise contestent, l'un un décompte d'heures supplémentaires, le deuxième le non-paiement d'un treizième salaire, le troisième un licenciement qu'il considère comme injustifié, dans ce cas-là, il n'y a pas conflit collectif de travail, mais bien trois conflits individuels parallèles. Je vois que vous acquiescez, nous sommes donc d'accord sur ce point et il n'était dès lors pas inutile que le règlement pose certaines limites.

L'article 2 alinéa 1 du règlement fixe ainsi une règle simple en stipulant qu'est un différend d'ordre collectif celui qui touche directement six salariés au moins. Le chiffre de six n'a bien évidemment pas été pris au hasard. (Remarque.) C'est en effet ce chiffre, Madame la présidente du Conseil d'Etat, celui-là même, qui est retenu dans notre législation - qui est à cet égard plus sévère pour les entreprises que les exigences minimales du droit fédéral - pour considérer qu'il y a licenciement collectif et non quelques licenciements individuels simultanés. Retenir le chiffre 6 permet ainsi d'assurer une certaine cohérence interne au droit genevois.

Il est vrai, Monsieur le député, que cette disposition peut poser problème s'agissant des petites entreprises. C'est probablement là que se situe l'objet de votre interpellation. Ce risque n'a pas échappé au Conseil d'Etat et c'est la raison d'être de l'alinéa 2 du même article, que vous avez certainement découvert, et qui permet justement à la Chambre de déroger librement à l'alinéa 1, et donc à l'exigence d'avoir six travailleurs au moins concernés, lorsqu'elle estime qu'un litige contient de réels aspects collectifs. En d'autres termes, lorsqu'un conflit oppose par exemple l'ensemble des quatre employés d'une petite entreprise à sa direction sur une question de principe qui touche effectivement la totalité de ce personnel, la Chambre sera parfaitement habilitée à entrer en matière et nous considérons - je tiens à faire cette déclaration au nom du Conseil d'Etat - qu'il sera de son devoir de le faire dans le respect de l'esprit de cette nouvelle législation.

Le gouvernement n'a ainsi nullement tronqué la loi sur la Chambre des relations collectives de travail, comme vous l'indiquiez dans votre interpellation, mais il y a au contraire apporté les précisions indispensables, tout en y apportant la souplesse nécessaire, pour que celle-ci demeure une instance chargée des conflits collectifs et ne se transforme pas en juridiction des Prud'hommes bis chargée, elle, des litiges individuels. Car c'est bien cela qui aurait été à l'encontre de la répartition des compétences voulue par ce Grand Conseil.

Je ne terminerai pas sans relever que ce règlement critiqué a été soumis par le Conseil d'Etat, avant son approbation, à l'appréciation des partenaires sociaux et d'un spécialiste en matière de droit du travail, en l'occurrence le professeur Gabriel Aubert. Or, cette disposition n'a appelé aucune remarque de ces derniers et en particulier aucune remarque de la Communauté genevoise d'action syndicale, la CGAS. C'est dire que le texte adopté par le Conseil d'Etat n'a pas été considéré comme scandaleux par ces partenaires sociaux et par ces spécialistes et l'on peut dès lors estimer que la nouvelle Chambre des relations collectives de travail, dont les juges viennent d'être désignés, saura assumer avec tout le discernement nécessaire le rôle qui lui a été assigné de travailler à l'apaisement des conflits et à la préservation de la paix du travail dans notre canton. 

Le président. Monsieur Pagani, souhaitez-vous répliquer ?

M. Rémy Pagani. Plus tard !

Cette interpellation est close.

Le président. Nos travaux se terminent ici. Je lève la séance et vous souhaite une heureuse nuit. Nous nous retrouverons les 16 et 17 décembre prochain.

Au revoir, Madame la présidente ! C'est en effet la dernière séance où Mme Brunschwig Graf assumait la charge de présidente du Conseil d'Etat. Merci, Madame ! (Applaudissements.)

La séance est levée à 23 h 10.