Séance du vendredi 3 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 2e session - 60e séance

M 1278-A
15. a) Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet et Gilles Godinat sur les pratiques antisociales de certaines caisses maladie. ( -) M1278
Mémorial 1999 : Développée, 3583. Renvoi en commission, 3585.
Rapport de Mme Dolorès Loly Bolay (AG), commission des affaires sociales
R 411
b) Proposition de résolution de Mmes et MM. Dolorès Loly Bolay, Cécile Guendouz, Gilles Godinat, Pierre-Alain Champod, Mireille Gossauer-Zurcher, Véronique Pürro, Esther Alder et Louiza Mottaz sur les pratiques antisociales de certaines caisses maladie. ( )R411

La motion 1278 a été traitée les 31 août, 21 septembre et 5 octobre 1999, sous la présidence de M. Champod, en présence de M. Gönczy, directeur de l'Action sociale et M. Valloton, directeur de cabinet. Mme Nicole Seyfried a tenu les PV des séances ; je la remercie pour son excellent travail et son amabilité.

Introduction

L'objectif de cette motion est de tirer la sonnette d'alarme concernant les pratiques scandaleuses de certaines caisses-maladie qui ont décidé, ce printemps, d'adresser une lettre à certains assurés pour les inciter à quitter leur domicile et entrer dans un EMS.

L'argument utilisé par les caisses est que le coût de l'aide à domicile est trop élevé.

Cet argument se réfère à une ordonnance de la LAMal qui leur laisserait une marge de manoeuvre légale pour ne rembourser que l'équivalent du forfait journalier d'un EMS, soit 69 F.

Un commissaire coauteur de cette motion confirme que ce problème concerne un nombre limité de patients. Cependant la question se pose, notamment sur le plan éthique. Il souhaite connaître la position du département à ce propos.

M. Gönczy, représentant le département, estime néanmoins que l'interprétation de la loi faite par les assureurs est abusive et donc juridiquement incorrecte.

Selon l'article 50 de la LAMal, l'assureur doit prendre en charge les mêmes prestations dans le domaine de l'aide à domicile et des EMS que dans celui des soins ambulatoires.

Il estime cependant que ce n'est pas au département de se prononcer, il faudrait d'une part utiliser les voies de recours auprès du Tribunal administratif et d'autre part, le département a déjà agi par le biais d'une lettre transmise le 30 juin dernier par le Conseil d'Etat au Conseil fédéral.

Cependant M. Gönczy précise que le département n'a pas laissé tomber les assurés. Il est question de donner un mandat à l'ASUAS pour les défendre.

Auditions

. .

Pour la directrice du service de l'assurance-maladie, le problème de la motion se situe dans le mélange qui est fait entre la LAMal et la loi sur l'aide et les soins à domicile.

Dans le cadre de la LAMal, il n'y a aucune précision quant à un développement des soins à domicile, cette loi ne concernant que la prise en charge des soins ambulatoires dont le catalogue à été élargi sur le plan des soins infirmiers.

En conséquence, l'aide à domicile est une autre forme de prise en charge, dont le développement n'a pas été souhaité pour les caisses-maladie.

En 1997, une ordonnance prévoyant un plafonnement des coûts est entrée en vigueur jusqu'à ce que la situation comptable soit claire du côté des EMS et des soins à domicile.

Ce plafonnement a été fixé à 70 F pour les EMS et à 60 h. de soins par trimestre pour le traitement à domicile.

Or, explique Mme Laverrière, on se trouve de ce fait dans une situation où la personne en question souhaite rester à domicile, vraisemblablement pour des raisons psychologiques.

Pour ce qui est des soins, il est évident que les prestations doivent pouvoir être fournies aussi bien dans un EMS qu'à domicile.

Dans le cadre d'une hospitalisation, les frais sont pris en charge à 50 % par les assurances, et à 50 % par les pouvoirs publics.

Enfin, Mme Laverrière a reçu trois nouveaux cas similaires à celui signalé par la motion. Elle souligne que la LAMal prévoit la possibilité de fixer des amendes comprises entre 100 et 50 000 F.

Audition de MM. E. Kohler, R. Dietschi, et J.-Y. Rapin, représentant les caisses-maladie Intras, Condordia et Helsana

M. Kohler réagit à une invite de la motion en précisant qu'en aucun cas la politique de sa caisse n'est de dire aux gens où ils doivent aller. Cela dit, il se réfère a un arrêt du Tribunal fédéral des assurances sur lequel se fonde la pratique des caisses. Cet arrêt mentionne notamment le fait que lorsqu'un séjour en EMS est jugé aussi approprié et efficace que les soins à domicile, c'est la prestation avec un coût moins élevé qui devra être choisie. 

Pour M. Dietschi, représentant la Concordia, cette dernière attend trois mois avant de procéder à une évaluation. Pendant ce temps, elle paie toutes les prestations ambulatoires médicalement justifiées.

Quant au cas soulevé par la motion qui concerne l'Intras, cette dernière est revenue sur sa décision.

Les trois représentants des caisses-maladie confirment qu'ils fondent leurs jugements sur l'arrêt du Tribunal fédéral.

Pour M. Dietschi, il s'agit d'une question politique concernant la prise en charge du coût des personnes âgées. Selon lui, cette prise en charge ne devrait pas être assumée par les caisses.

Cette question est en train d'être débattue par les chambres fédérales : qui doit prendre en charge le coût des EMS, sachant que ce n'est pas forcément aux caisses d'assumer les coûts du domaine gériatrique ?

Discussion et vote

Pour certains commissaires, le cas soulevé par les motionnaires n'est pas un cas isolé, mais au contraire, ce problème risque de faire tache d'huile, car certaines personnes bénéficiant de soins à domicile constituent en effet des cas de plus en plus lourds, elles subissent dès lors des pressions de la part de certaines caisses pour être hospitalisées avant d'être placées en EMS.

Ce n'est pas la première fois, relève un commissaire, que les caisses font pression en tentant d'une part de limiter le nombre de jours d'hospitalisation, ou en s'attaquant à différentes spécialités médicales.

Certains relèvent que c'est plus l'art. 50 de la LAMal qui pose problème que l'interprétation faite par les assureurs.

Enfin un commissaire, cosignataire de la motion, convient que plusieurs changement ont eu lieu, ne rendant plus la motion d'actualité. C'est pourquoi il propose de la transformer en motion de commission.

Une discussion s'engage sur l'opportunité de déposer une motion et une résolution ; finalement la majorité de la commission propose le dépôt d'une résolution et d'amender la motion initiale .

Amendement

Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à poursuivre son action afin de faire cesser les pratiques de certaines caisses-maladie qui limitent leurs prestations en matière de soins à domicile à 69 F par jour, en invitant indirectement leurs assurés à se faire hospitaliser dans des EMS.

Cet amendement est accepté à l'unanimité.

Résolution

Le Grand Conseil de la République et canton de Genève

invite le Conseil fédéral

Opposition 2 DC, 1 L

Abstention 2 R

Au bénéfice de ces explications, je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver cette motion ainsi amendée et à réserver un bon accueil à cette résolution.

8

910111213

Débat

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG), rapporteuse. Je tiens juste à dire en préambule qu'il faut apporter une correction à la page 4 de mon rapport, où s'est glissée une petite faute.

M. Claude Blanc. Si c'est la seule faute, ça ira !

Mme Dolorès Loly Bolay, rapporteuse. Il s'agit de remplacer «Le Grand Conseil invite de Conseil d'Etat» par «Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat» au paragraphe intitulé «Amendement».

Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1278 qui a été déposée par l'Alliance de gauche met en évidence les pratiques abusives et scandaleuses de certaines caisses maladie qui refusent de payer des soins à domicile et font pression sur certains assurés pour qu'ils quittent leur domicile et rentrent dans un EMS. Cette pratique est scandaleuse et doit être dénoncée, car certaines caisses font sciemment une mauvaise interprétation de la LAMaL en la tournant à leur avantage !

Aujourd'hui en effet, certaines caisses maladie font pression sur les assurés en voulant limiter les normes des jours d'hospitalisation ou en s'attaquant parfois à différentes spécialités médicales. Il est certain que les caisses essayent ainsi de réduire les coûts d'une manière abusive, et si leurs manoeuvres aboutissent ces cas deviendront de plus en plus nombreux. Sachant, en outre, que les caisses maladie sont de plus en plus gérées directement sur le plan fédéral au détriment des caisses cantonales, je vous demande d'accepter la motion et la résolution qui sont jointes à mon rapport.

M. Gilles Godinat (AdG). Nous avons souhaité, lors de nos travaux en commission, rédiger une résolution adressée au Conseil fédéral, parce qu'il semble effectivement que l'ordonnance de la LAMaL concernée par ce problème ne soit pas assez précise. Nous aimerions donc que l'OFAS mette la main sur cette ordonnance et précise davantage dans quelle mesure les assureurs sont obligés de prendre en charge les soins à domicile, afin qu'il ne soit quasiment plus possible d'utiliser abusivement les EMS.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Cette motion et cette résolution datent par rapport à la prise en compte des problèmes traités par le Conseil d'Etat, plusieurs mois avant les préoccupations des motionnaires.

Cette problématique n'est par ailleurs pas tout à fait résolue. En effet, certains assureurs identifient toujours soins à domicile et personnes âgées. Les caisses semblent ignorer que souvent restent à leur domicile non seulement les personnes d'un grand âge mais aussi des grands malades jeunes, par exemple des séropositifs, certains cancéreux et autres patients. Les caisses, donc, se moquent des usagers en prenant le forfait EMS comme référence en matière de remboursement !

La mise au pas devrait venir de l'OFAS. Nous attendons toujours, comme soeur Anne... Alors, considérant le silence presque feutré de Berne, le groupe radical votera cette motion ainsi que cette résolution.

M 1278-A

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1278)

sur les pratiques antisociales de certaines caisses-maladie

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

invite le Conseil d'Etat

R 411

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil fédéral.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(411)sur les pratiques antisociales de certaines caisses maladie

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

invite le Conseil fédéral