Séance du jeudi 2 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 2e session - 59e séance

M 1302
5. Proposition de motion de Mmes et MM. Françoise Schenk-Gottret, Myriam Sormanni, Christian Brunier, Alain Etienne, Pierre Vanek, David Hiler, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Jean Spielmann, Anne Briol et Antonio Hodgers demandant le maintien et le développement de la ligne ferroviaire sud-lémanique, dite du Tonkin. ( )M1302

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la décision du Conseil du Léman de stopper la subvention d'entretien de la ligne ferroviaire Evian - Saint-Gingolph, dite du Tonkin

l'arrêt de l'exploitation touristique du Rive Bleu Express dès l'été 1999 décidé par le Conseil du Léman

l'importance de conserver un site ferroviaire existant et de préserver des développements futurs éventuels au potentiel important

les synergies possibles et souhaitables avec le réseau suisse

dans le cadre du Conseil du Léman,

dans un premier temps, à assurer absolument le maintien de la ligne touristique, en concertation avec les autres autorités territoriales concernées

dans un deuxième temps, à développer, en partenariat étroit avec la région Rhône-Alpes, la ligne ferroviaire Genève (Eaux-Vives)-Evian-Saint-Maurice

à prendre contact avec les différents interlocuteurs concernés par ce dossier (cantons, départements, région Rhône-Alpes et exploitants ferroviaires) et mettre au point avec eux une stratégie de développement voyageurs et marchandises.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La ligne du Tonkin a déjà fait l'objet de plusieurs interventions dans les parlements romands. Celle-ci est peut-être plus dramatique, la décision ayant été prise de fermer complètement la ligne, y compris son exploitation touristique.

Historique de la liaison sud-lémanique

La liaison Annemasse - Evian remonte à 1857 sous le nom de « chemin de fer d'Italie ». En 1886, le tronçon Evian - Bouveret était inauguré par le PLM (Paris - Lyon - Méditerranée). Entre 1886 et 1938, un train direct reliait Genève (Eaux-Vives) à Milan via Evian - Saint-Maurice et Brigue.

Au dix-neuvième siècle, on n'avait pas froid aux yeux, la « ligne d'Italie » s'imbriquait dans tout ce qui devait aboutir en Extrême-Orient, en passant par le Tonkin. Le nom est resté. Par dérision ?

La SNCF fermait la ligne à la circulation-voyageurs en 1938 et, en 1988, au service marchandises. Le Conseil du Léman renonçait à l'exploitation touristique en 1999.

En effet, la mairie d'Evian, titulaire de la concession, et la commission des transports du Conseil du Léman, présidée par M. Marc Francina, maire d'Evian, condamnaient définitivement la ligne à la fermeture en refusant une subvention d'entretien de 1 million de FS. Pour la première fois depuis de nombreuses années, il n'y aura donc plus de train touristique sur la ligne sud-lémanique.

Pourtant, depuis plusieurs années, un consensus politique semblait se dégager au sein du Conseil du Léman en faveur du maintien de l'infrastructure ferroviaire, tout le monde étant conscient qu'un abandon de l'entretien de la ligne rendrait sa réouverture et sa pérennité hypothétiques.

Etudes ferroviaires

Le Conseil du Léman a commandé plusieurs études ces dernières années, au Bureau Bonnard et Gardel (1990) et à la CFTA (Chemin de fer et transports automobiles, qui exploite plusieurs lignes pour la SNCF ou des collectivités locales), dont cette motion reprend plusieurs éléments (1995).

Il n'est pas inutile de rappeler les recommandations de la première phase de l'étude de la CFTA :

la rénovation de l'infrastructure ferroviaire effectuée en 1991-92 par la SNCF pour le compte du Conseil du Léman sur la totalité de la section d'Evian à Saint-Gingolph, a sensiblement amélioré la qualité de la voie et permet une exploitation plus sûre, pour un montant relativement modeste rapporté au kilométrage ;

la nécessité de conserver le fruit de ces investissements par un entretien minimum régulier chaque année (environ 125 000 FS annuels au total répartis entre l'association RBE (Rive Bleu Express) et les collectivités, indispensable si l'on ne veut pas voir la ligne se redégrader rapidement et réduire à néant tous les efforts engagés ;

l'affirmation d'un engagement clair des collectivités en faveur du « Rive Bleu Express », ainsi que trois autres mesures concernant cette compagnie touristique formée pour l'essentiel, rappelons-le, de bénévoles.

Le Conseil du Léman s'est alors engagé financièrement pendant plusieurs années en faveur de la ligne du Tonkin. Toutefois, les principales conclusions de la phase 2 de l'étude (1995) de la CFTA montrent que la situation se détériorait graduellement :

les investissements que le Conseil du Léman a consentis sur la ligne sont visibles et ont porté leurs fruits ;

un entretien de la ligne est absolument indispensable pour maintenir le capital qu'elle constitue. En de nombreux endroits, la ligne recommence à se dégrader du fait de l'absence d'entretien pour des raisons budgétaires (la poursuite des circulations ne peut raisonnablement être envisagée sans un entretien régulier). Ce manque est très préjudiciable car les dégradations ont un effet « boule-de-neige » qui rend beaucoup plus onéreuse la reprise des dégradations. (…) En revanche, un entretien régulier aurait enfin un effet « très positif sur le coût de la remise en service commercial (…) »

Il est à noter que la région Rhône-Alpes, autorité organisatrice des transports ferroviaires en France voisine, a manifesté à réitérées reprises sa volonté de développer le transport ferroviaire en Rhône-Alpes. C'est un partenaire incontournable. Le Conseil du Léman doit donc rapidement prendre contact avec lui pour discuter du devenir ferroviaire au sud du Léman, et de la répartition des charges entre les différentes collectivités. On aurait pu imaginer de discuter plutôt que de « prendre en otage la ligne du Tonkin » en la fermant à toute exploitation.

Point de vue français

La position française est intéressante à connaître. Les discussions dans le département de la Haute-Savoie ont prôné récemment que le développement du rail faisait également partie des priorités pour le désenclavement du Chablais.

Sur le même sujet, M. Jean-Claude Gayssot, ministre des transports, indique dans une lettre du 7 juillet 1999 aux préfets de la région « que pour ce qui concerne le développement des transports collectifs à l'échelle du territoire du Chablais et transfrontalier avec Genève, j'ai bien noté que les réflexions menées sur les besoins de déplacements à long terme dans le cadre du schéma de désenclavement mettent en perspective le développement d'une politique volontariste en faveur des transports collectifs visant à un rééquilibrage des divers modes de transports ». Le ministre ajoute que, s'agissant de la remise en service de la ligne Evian - Saint-Gingolph, notamment pour le fret, le sujet sera évoqué avec la partie suisse. En fonction de ces discussions, « les suites à donner en ce qui concerne le lancement d'une étude d'opportunité et de faisabilité seront précisées ». M. Gayssot ajoute : « A cet égard, j'estime très souhaitable de susciter, comme vous l'avez fait, l'intérêt des acteurs de ce département pour le mode ferroviaire, car celui-ci n'a sans doute jamais eu jusqu'à présent toute l'attention qu'il mérite. (…) ».

Potentiel touristique et ferroviaire

Le potentiel touristique de la région du Haut Lac est important : côté vaudois, on connaît bien ces avantages ; côté valaisan, des développements importants existent, tel le parc des trains miniatures à Port Valais, ou sont prévus, avec le futur Aquaparc dans la même région. Côté français enfin, la côte plus sauvage entre Evian et Saint-Gingolph présente de nombreux attraits pour les utilisateurs du train touristique.

Quant au potentiel ferroviaire proprement dit, à moyen et long termes, il est incontournable.

L'étude la CFTA indique que 2 variantes de réhabilitation sont possibles : légère, au faible coût de 4,5 millions de FS ou lourde (23 millions de FS).

À terme, ce train pourra être utilisé par différents types d'utilisateurs, c'est ce qui fait que son potentiel est réel : « mouvements pendulaires transfrontaliers et touristiques interrégionaux, trafic interne à la France, transit Genève - Valais et trafic international France - Italie » (le trajet vers Milan est plus court par le Simplon que par le Mont Cenis).

Le CLE (Conseil lémanique pour l'environnement) qui regroupe 13 associations franco-suisses du bassin lémanique, et totalise plus de 70 000 membres, avait proposé de créer une ligne ferroviaire régionale Evian - St Maurice - Sion, reprenant là une idée contenue dans une étude de l'EPFL de 1991.

Le potentiel marchandises est sans doute le plus grand. La nécessité d'un transfert de la route au rail, mis en évidence par le drame du Mont Blanc, fait l'objet d'un consensus relatif dans la région. Rappelons à cet égard que le plus gros utilisateur de transports ferroviaires marchandises de la région est la société des eaux d'Evian.

Un délestage de la ligne nord-lémanique est souhaitable.

Conclusion

Pour pouvoir utiliser ce potentiel un jour, il est indispensable de conserver en état la voie actuelle et de ne pas la démanteler. Comme l'a montré l'étude de la CFTA, l'absence d'entretien rendra à terme plus (trop?) coûteuse, une reprise de l'exploitation.

De plus, il apparaît, suite à la prise de position récente du ministre (français ) des transports, que la France attend un signal politique de la Suisse quant à l'intérêt de la remise en service la ligne sud-lémanique, dite du Tonkin.

Nous, hommes et femmes politiques, avons le devoir de prendre aujourd'hui des décisions « qui préservent l'avenir ». Celle de soutenir la ligne du Tonkin en fait partie.

Une motion semblable est déposée simultanément devant les parlements genevois, valaisan, vaudois et fédéral. Une démarche sera également entreprise auprès de la région Rhône-Alpes.

Au vu de ces explications, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs les députéEs, de soutenir cette motion et de voter son renvoi au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). La ligne dite du Tonkin, au sud du Léman, a eu une vie chaotique alors qu'elle était née avec de grandes ambitions, comme son nom peut le laisser entendre. Et c'est en 1938 que la SNCF fermait la ligne au trafic voyageurs et en 1988 au service marchandises. Le coup de poignard dans le dos a été donné en 1999 par le Conseil du Léman en même temps que la mairie d'Evian refusait une subvention d'entretien d'un million de francs français.

La donne a changé. Notre proposition de motion demande au Conseil d'Etat d'entreprendre, dans le cadre du Conseil du Léman, toute démarche qui vise à maintenir la ligne du Sud-Léman, voire à la développer, en partenariat avec la Région Rhône-Alpes. Un postulat semblable à notre proposition de motion a été déposé au Grand Conseil vaudois, une motion identique a été déposée au Grand Conseil valaisan. Il est important que les trois cantons lémaniques fassent entendre à Berne et plus particulièrement à M. Leuenberger, conseiller fédéral en charge des transports, leur attachement à toute liaison entre la Suisse et la France. M. Leuenberger a fait savoir qu'il attendait le signe des cantons pour poursuivre son dialogue et ses conclusions d'accord avec son homologue français M. Gayssot. Celui-ci affirme d'ailleurs, dans une lettre au préfet de la région datée de juillet 1999, sa volonté de développer une politique volontariste en faveur des transports publics. Il ajoute qu'il veut évoquer avec la partie suisse la remise en service de la ligne Evian-Saint-Gingolph, notamment pour le fret.

Voilà un projet politique ambitieux auquel nous ne pouvons que souscrire. En effet, la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc vient là comme une leçon. Sa réouverture est sans cesse repoussée, le projet est toujours plus présent de ne plus permettre le passage des camions, le ferroutage étant reconnu comme la seule solution crédible. Remettre en état la ligne du Tonkin en partenariat franco-suisse est inéluctable, ceci avec la valorisation des synergies possibles et souhaitables avec la ligne du Simplon. Le faire pour le tourisme, c'est une chose, très modeste à dire vrai puisque cette ligne touristique n'était pas déficitaire. Rétablir le trafic voyageurs, puis celui du fret est le signe d'une volonté politique dans une vision à long terme du ministre français. Que la base, c'est-à-dire nous, modestes parlements cantonaux genevois, vaudois et valaisan, envoyions nos Conseils d'Etat faire entendre notre point de vue, parfaitement en concordance avec celui des ministres à l'échelon national, est indispensable. C'est pourquoi nous demandons que ce projet de motion soit envoyé au Conseil d'Etat.

M. Pierre Meyll (AdG). Je crois que dans ce texte tout est indiqué et qu'il est complet. J'aimerais simplement déposer un amendement à la deuxième invite adressée au Conseil d'Etat, que je vous lis :

«- dans un deuxième temps, à développer, en partenariat étroit avec la région Rhône-Alpes, la ligne ferroviaire Genève (Cornavin-La Praille-Eaux-Vives-Annemasse)-Evian-Saint-Maurice»

Ceci de telle sorte qu'on n'oublie pas le problème de notre liaison avec le Léman-Sud. Certaines études qui ont été faites prouvent qu'il est possible de relier Eaux-Vives-La Praille dans des conditions tout à fait favorables, si on considère les deniers qui sont en possession de la Confédération pour la région genevoise.

Le président. Monsieur Meyll, je vous serais reconnaissant de bien vouloir transmettre votre amendement par écrit au bureau.

M. John Dupraz (R). Cette motion est très intéressante parce qu'elle s'inscrit dans la problématique des transports entre le nord et le sud. En effet, la ligne du Tonkin s'inscrit dans un réseau qui pourrait être une doublure de la ligne ferroviaire entre Genève et le Valais, côté français du Léman. Il ne manque que la liaison La Praille-Eaux-Vives pour réaliser une ligne internationale qui permettrait de doubler la ligne qui passe du côté suisse, d'accéder au Simplon et d'avoir ainsi une ligne ferroviaire alpine bis pour le transport nord-sud. Je dois dire qu'au-delà des motifs exposés dans cette motion nous avons un intérêt tout particulier à préserver cette ligne dans une perspective de ferroutage sur longue distance. Le Conseil fédéral, représenté par M. Leuenberger, a signé avec M. Gayssot un accord concernant la ligne des Carpates, qui devrait relier Genève à Paris en moins de trois heures. Concernant le barreau sud, on ne sait pas très bien où on en est. Des études ont été réalisées, mais je crois qu'il ne faut pas abandonner cette ligne qui peut constituer une alternative importante pour les transports nord-sud, en tant que doublure de la ligne existante côté suisse.

Dans cet esprit et suite à ce que je viens de vous expliquer, le groupe radical votera cette motion, dans le but de préserver des infrastructures qui pourraient être utiles, voire indispensables pour les générations à venir.

M. Jean Spielmann (AdG). Cette ligne est effectivement importante. A l'appui de ce qui vient d'être dit par mes préopinants, je voudrais donner quelques arguments supplémentaires.

D'abord, il faut savoir que pendant la dernière guerre, alors que toutes nos frontières étaient bloquées, presque tout le ravitaillement venant de l'extérieur de la Suisse passait par cette ligne dite du Tonkin et arrivait à Saint-Gingolph pour ravitailler quasiment tout le pays. Il y avait donc là un potentiel extraordinaire de transports. Petit à petit, cette ligne a été abandonnée et le débat dans la région a été plus axé sur des alternatives routières et autoroutières. Ces dernières ayant été refusées, il y a aujourd'hui une opportunité de réactiver cette liaison ferroviaire et ceci pour quatre raisons que je m'en vais énumérer ici.

Premièrement, chacun est d'accord, et notamment du côté français, pour dire qu'après l'accident du tunnel du Mont-Blanc plus rien ne sera comme avant au niveau du transport des marchandises. Personne n'imagine que l'on puisse remettre en service le tunnel du Mont-Blanc pour le trafic poids lourds sans offrir au moins une alternative, c'est-à-dire une solution intelligente qui vise à transporter par le rail en tout cas les matières dangereuses et le matériel lourd. Or, la ligne du Simplon est la seule ligne transversale alpine aujourd'hui qui n'ait pas besoin d'un tunnel de base et qui traverse les Alpes à une altitude maximum de 600 mètres. Par conséquent, on a là une infrastructure qui évite de monter les marchandises en altitude, comme c'est le cas au Gothard ou dans tous les autres cols, qui ne nécessite pas la construction d'un nouveau tunnel de base, et qui permet, en modernisant et en adaptant les infrastructures actuelles au trafic régional des marchandises et des personnes, de réaliser une transversale alpine permettant de pallier, en partie du moins, le problème du transfert des marchandises à travers les Alpes.

Autre argument. On a beaucoup relevé l'intérêt, au niveau du tourisme, que représentait la liaison de Genève-Sud avec la vallée de Chamonix et avec le sud de la France. Je crois qu'il est maintenant indispensable que nous prenions une décision dans ce parlement, parce qu'aussi bien les autorités fédérales que les autorités françaises attendent une réponse de la région genevoise pour décider des investissements, investissements qui ont été décidés au niveau national par des votes populaires et portant sur l'amélioration des relations entre la Suisse et les pays voisins. Par conséquent, il y a un potentiel de financement qui est prêt, pour autant que la collectivité genevoise dans son ensemble, région française comprise, se mette d'accord sur le tracé de cette liaison. Le complément indispensable à ce désenclavement du Chablais par la ligne du Tonkin, c'est bien sûr la ligne La Praille-Eaux-Vives, qui semble être une alternative intelligente et qui vaut la peine qu'on se mette autour de la table. Je rappelle qu'au cours de ma présidence j'ai invité les responsables français, que plus de 43 maires sont venus discuter de ces liaisons ferroviaires et que l'idée de réaliser La Praille-Eaux-Vives et ce bouclage ferroviaire fait son chemin dans la région française.

Argument supplémentaire : quand on parle de tourisme, on parle des liaisons entre la région genevoise et Chamonix ou le Valais, mais on oublie qu'une des grandes pénétrantes du tourisme en Suisse, c'est la région de Zurich, jusqu'à Interlaken et l'Oberland bernois. Or, beaucoup de touristes redescendent avec le MOB - le Montreux-Oberland - et si on leur permet de poursuivre leur trajet en direction d'Evian, de Chamonix et de tout le Chablais, cela ouvre de nouvelles perspectives touristiques intéressantes pour l'ensemble de la région.

Par conséquent, je crois réellement à cette possibilité de désenclaver le Chablais, en réalisant cette liaison qui peut l'être de manière très simple, avec une voie unique qui n'aurait pas beaucoup d'emprise sur l'environnement, compte tenu des conditions du côté de Meillerie. On peut, avec des moyens relativement modestes, réaliser très rapidement cette liaison, ajouter ce maillon indispensable à la liaison par le Sud-Léman, désenclaver le Chablais et rendre service à l'ensemble de la politique ferroviaire de toute la région. Je crois qu'il convient que le Conseil d'Etat prenne très rapidement cette décision. Si nous tergiversons, si nous attendons encore, le financement va nous échapper et il faudra de nouveau attendre cinquante ans jusqu'à un prochain projet. Il faut donc faire vite. Cette motion a un caractère d'urgence et j'attends du Conseil d'Etat qu'il y réponde rapidement.

Mme Anne Briol (Ve). Il suffit de citer l'accident du tunnel du Mont-Blanc ou l'urbanisation croissante du Chablais haut-savoyard accompagnée de son flot de voitures, pour démontrer que la solution du «tout routier» est dépassée. Il est maintenant urgent qu'un réseau régional de chemin de fer soit mis sur pied dans la région lémanique grâce à une collaboration étroite entre les divers cantons et pays concernés, et nous faisons partie de ces cantons concernés.

Un des piliers indispensables de ce réseau régional est la ligne du Tonkin et c'est l'objet de cette motion qui, comme cela a été dit tout à l'heure, a été déposée dans les divers cantons et pays concernés. La revitalisation de cette ligne permettrait tout d'abord d'apporter une solution cohérente à la nécessité de reporter vers le rail le trafic marchandises. Cette volonté de transfert de la route au rail est une demande qui s'élève de part et d'autre de la frontière genevoise. Du côté suisse, les récentes votations sur la RPLP ne laissent planer aucun doute et, du côté français, la pétition, notamment, munie de plus de 100 000 signatures et visant à interdire le trafic marchandises de transit par le tunnel du Mont-Blanc est tout aussi claire : les camions doivent prendre le train !

La revitalisation de la ligne du Tonkin permettrait également de casser la logique du «tout automobile» en offrant une alternative concurrentielle notamment aux nombreux pendulaires qui fréquentent la rive sud du Léman en direction de Genève ou du Valais. Sur ce point, une pétition munie de 42 signatures de maires de Haute-Savoie appelle à la revitalisation de cette ligne ainsi qu'au prolongement de la ligne Evian-Annemasse-Eaux-Vives jusqu'à la Praille et Cornavin. Dans ce sens, nous soutiendrons l'amendement proposé par M. Meyll, qui permet de clarifier la situation.

Le constat est donc clair : pour développer une politique des transports cohérente et durable, la collaboration régionale s'impose. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à envoyer cette motion au Conseil d'Etat, afin que Genève aussi marque clairement sa volonté de développer un réseau ferroviaire régional.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je suis très heureuse d'entendre tous mes collègues parler de la liaison La Praille-Eaux-Vives. C'est là l'occasion pour le groupe socialiste de demander avec insistance au Conseil d'Etat de nous faire parvenir les résultats des études comparatives sur les différentes liaisons avec le réseau ferroviaire français. En effet, ces études appartiennent à tout le monde et il est curieux que certains personnes en aient connaissance, mais pas les députés !

M. René Koechlin (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je fais du bruit..., je tape sur la table... (Exclamations et applaudissements.) ...et j'invite le Conseil d'Etat à en faire autant ! Parce que, vraiment, nous commençons à en avoir marre de débattre, encore et toujours, de la ligne du Tonkin et de la liaison La Praille-Eaux-Vives, alors que nous savons tous, dans ce parlement, qu'il est dans l'intérêt majeur de Genève que ces lignes se réalisent, et qu'il existe un engagement formel de la Confédération de participer à la construction de la liaison La Praille-Eaux-Vives. Alors, qu'est-ce qu'on attend ? On y va, ou quoi ? !

Non mais, il y en a marre ! Voilà bientôt cent ans qu'on parle de la liaison La Praille-Eaux-Vives, et c'est toujours une espèce de rêve, qui flotte dans l'air... Pourtant, il n'y a pas une seule personne dans ce parlement qui s'y oppose et nous sommes tous en train de nous demander : mais qu'est-ce qu'on attend ? Alors, envoyons cette motion au Conseil d'Etat, une de plus - car c'est au moins la cent unième - en lui demandant d'aller dire à Berne : «Mais qu'est-ce que vous foutez ? !» (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, je croyais qu'après 20 h 30 l'excitation était plutôt radicale, mais je vois qu'elle gagne du terrain ! Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer.

M. Gérard Ramseyer. Le Conseil d'Etat, via le Conseil du Léman, a toujours soutenu l'exploitation de la desserte touristique dite du Tonkin, garantissant ainsi le maintien d'une infrastructure ferroviaire dont l'usage est susceptible d'être développé dans le futur. En l'état, même si l'exploitation 1999 a été compromise pour des raisons de sécurité sur le plan de l'infrastructure, les différents partenaires concernés - Genève n'est pas seule - attendent une prise de position qui doit émaner de M. le ministre français des transports. M. Spielmann vous a renseignés sur les contacts qui ont lieu, mais concrètement cette prise de position se fait attendre.

Indépendamment de l'aspect touristique que revêt la ligne dite du Tonkin, la problématique mérite une approche beaucoup plus globale que la seule ligne du Tonkin. Il s'agit de ne pas se fermer des pistes, notamment pour le transport de marchandises comme de voyageurs, en regard des accords bilatéraux qui militent en faveur d'un transfert substantiel de la route au rail pour faire face à la demande en augmentation constante. Le récent accident du tunnel du Mont-Blanc renforce, c'est vrai, cette position.

Indépendamment des décisions stratégiques qui doivent être prises dans le domaine des transports régionaux, le fait de se réserver des possibilités de développement sur le plan ferroviaire par le Sud-Léman - en complément de la troisième voie Genève-Coppet qui améliorera l'infrastructure et donc l'offre dès 2005 sur l'axe Nord-Léman - paraît tout indiqué en l'état. Nos études les plus récentes nous conforteront sans doute sur cette option globale. L'adoption de cette motion aurait l'avantage de clairement montrer la détermination du canton de Genève d'appréhender les transports sur un plan régional - j'insiste : sur un plan régional. Cette prise de position aiderait les élus locaux français dans leurs démarches auprès de leur gouvernement, à un moment où l'on sait qu'ils cherchent des alternatives pour éviter une saturation du réseau par le trafic des poids lourds sur les axes existants, sous-dimensionnés.

Quant à l'amendement de M. Meyll, il ne faut, à mon sens, pas se montrer trop précis quant au tracé. Il serait dommage de limiter le poids de cette motion, au cas où les études en voie d'achèvement - qui n'ont pas encore été publiées - préconiseraient l'abandon de tel ou tel tracé, ce que personne ici ne peut subodorer a priori. En ce qui concerne les études dont parlait Mme Schenk-Gottret à l'instant, ces études ne sont pas rendues, Madame, elles sont en cours. Ce que vous en savez, vous le savez par des élus français. Du côté suisse, aucune étude n'a été rendue et ce que j'en sais m'incite - mais vous ferez ce que vous voudrez de l'amendement de M. Meyll - à une certaine prudence, car quoi que vous votiez, vous n'aurez poids ni sur la décision du Conseil fédéral, ni sur le préavis des CFF et encore moins sur l'avis de la SNCF. Je n'en dis pas plus !

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je répondrai à M. Ramseyer que si nous osons espérer avoir un certain poids sur les décisions du Conseil fédéral, nous comptons bien, en premier lieu, avoir un poids certain sur le Conseil d'Etat, dans le cadre du Conseil du Léman !

M. Pierre Meyll (AdG). J'ai participé au dernier comité régional franco-genevois lundi passé, où vous avez annoncé, Monsieur le président, que les études seraient rendues d'ici trois mois. Seulement, sur quoi portent ces études ? Le cahier des charges ne nous a pas été communiqué et il y a tout lieu de croire que la liaison Eaux-Vives-La Praille a été laissée de côté. Les études que l'on a pu obtenir du côté français étaient celles de Bonnard et Gardel, établies en 1991 ou 1992, qui prévoyaient un aménagement très luxueux pour cette liaison : des gares souterraines très largement dimensionnées, de longs quais, un matériel roulant très cher... Depuis que ces études ont été menées - cela fait maintenant huit ou neuf ans - on a fait énormément de progrès dans le percement des tunnels, dans le matériel roulant et il y aurait donc possibilité de revoir cette liaison à moindres frais et de rendre rapidement une étude actualisée.

L'étude en cours, qui devait soi-disant comparer la liaison Eaux-Vives-La Praille et le barreau sud, a été faite pour plaire aux Français et porte essentiellement sur le barreau sud. J'en veux pour preuve que, lorsque nous avons discuté dans le cadre du CRFG de la liaison Bellegarde-Evian, le maire d'Annemasse, M. Borrel a dit : d'abord Bellegarde-Annemasse ! En effet, pour les Français, il est beaucoup plus simple de venir se raccorder à une liaison qu'on leur offrirait. En revanche, pour Genève, faire Eaux-Vives-La Praille coûterait beaucoup moins, d'autant que le financement fédéral est déjà engagé... Oui, vous avez beau sourire, Monsieur le président, mais montrez-nous les comparaisons ! Elles n'ont pas été faites, absolument pas, et je peux vous dire qu'il y a évidemment une grande satisfaction du côté des Français.

Quant à moi, je ne suis pas d'accord de mener des études pour leur faire plaisir. Je considère que la politique genevoise, conformément à la modification de la loi sur les transports, devrait consister à défendre le projet La Praille-Eaux-Vives bec et ongles pour donner à Genève ce qu'elle attend depuis plus de cent ans. Alors, je ne vais pas claquer mon pupitre comme M. Koechlin, j'attendrai d'autres occasions, mais je suis fâché car je considère, Monsieur Ramseyer, que vous n'avez pas fait votre travail dans cette commission et je le dis haut et fort. Je suis sans cesse intervenu dans le cadre du CRFG pour rappeler la volonté du Grand Conseil. Mais il faut savoir que le CRFG est composé de quarante technocrates - vingt Suisses et vingt Français - et de deux politiques, vous et moi, plus M. Dessuet qui était absent. Nous n'avons donc pas pu faire mieux, nous n'avons pas eu la majorité et je dois dire que là, malheureusement, vous faites trop plaisir aux Français et que ce n'est pas normal.

Je terminerai en rappelant que, lors de la rencontre initiée par le président Spielmann qui avait réuni 42 maires de la Savoie, plus les députés qui avaient bien voulu venir, M. Béguelin nous disait que 350 millions étaient à disposition à Berne, que ces 350 millions pourraient très bien être attribués à Genève, mais que si on attendait ils pourraient partir à Bâle et à Zurich. Alors, qu'est-ce ce que vous attendez ? Il faut prendre une décision une fois pour toutes, il faut que vous exécutiez les ordres du Grand Conseil et qu'on ait ces études comparatives, simplement mises au goût du jour. Vous constaterez alors que c'est tout à fait possible ! (Applaudissements.)

Le président. Quelle énergie ce soir ! Monsieur Spielmann, vous avez la parole.

M. Jean Spielmann (AdG). Un mot, très calmement, Monsieur le président, sur l'intervention de M. Ramseyer. Nous ne voulons pas de nouvelles études, il y en a déjà assez eu dans ce dossier. Il ne faut pas non plus attendre de voir ce que fait le Conseil fédéral, au contraire. Si chacun attend de voir ce que fait l'autre, on continuera à attendre encore cinquante ans. Le problème est dans le camp genevois et français. Une fois que la région franco-genevoise se sera mise d'accord sur un tracé, Berne financera le projet. Ce n'est pas le Conseil fédéral, ou l'Office fédéral des transports qui va prendre la décision. D'ailleurs la décision est déjà prise : la convention est signée, les accords sont passés et, si vous lisez bien les textes légaux, vous constatez qu'il appartient au Grand Conseil de prendre une décision de construction pour que le chantier démarre.

Aujourd'hui, il ne s'agit pas de demander d'autres études et d'attendre encore trois ou six mois, parce que d'ici là les financements des liaisons internationales acceptés par le peuple risquent d'être attribués à d'autres, qui auront eu l'intelligence de ne pas attendre, de ne pas redemander d'études, mais de décider d'un tracé ! Agir intelligemment aujourd'hui, c'est prendre, avec nos voisins français, avec la communauté genevoise, une décision, tracer le trait sur la carte et commencer le chantier. Et cela, le plus vite possible, le plus vite sera le mieux. Si le Conseil d'Etat n'entendait pas aller dans cette direction, je suis persuadé qu'il y aurait suffisamment de députés dans ce parlement pour présenter un projet de loi de construction et pour vous imposer de faire ce que vous auriez déjà dû faire depuis longtemps !

M. Christian Brunier (S). Lorsqu'une partie des députés ici présents ont rencontré une bonne partie des élus de France voisine, tous étaient d'accord sur quelques points. Un de ces points, c'était d'aller vite, pour gagner le pari des bilatérales.

Comme l'a dit M. Spielmann, des fonds peuvent être libérés par Berne, mais pour cela il faut un accord politique au niveau genevois et si possible régional. Une étude comparative des projets a été menée, mais il est évidemment difficile de prendre une position tranchée alors que nous ne connaissons pas les résultats de cette étude. M. Ramseyer les avait annoncés pour fin octobre, puis pour fin novembre ; ce soir, il nous dit que l'étude n'est pas terminée... En l'occurrence, il faudrait vous mettre d'accord au sein du département, Monsieur le président ! En effet, votre secrétaire général adjoint nous a dit que cette étude ne serait publiée que l'année prochaine, parce que le Conseil d'Etat voulait l'examiner avant d'adopter une position commune et de faire rapport sur ce document.

Or, je crois que toutes les minutes, toutes les heures et tous les jours que nous perdons favorisent d'autres projets, que Berne pourrait trouver intéressants et susceptibles d'être subventionnés, et diminuent nos chances. Peut-être êtes-vous en train de chercher une majorité au sein du Conseil d'Etat, mais on l'a vu tout à l'heure : une majorité au Conseil d'Etat ne fait pas une majorité parlementaire, ni une majorité régionale. Je crois qu'il nous faut avoir ce débat au plus vite pour déterminer une position du canton, une position de la région. Au niveau de la région, les intéressés sont suffisamment ouverts - on l'a vu lors de cette rencontre entre les députés et les maires de France voisine - pour trouver un accord, mais pour cela il faut que le Conseil d'Etat aille vite et qu'il ait la volonté d'avancer, volonté que nous ne percevons pas aujourd'hui dans ce débat.

M. John Dupraz (R). Je crois que le jeune Brunier confond les bilatérales et le financement des raccordements ferroviaires avec les pays voisins - il y a là 1,2 milliard à disposition.

Je constate deux choses concernant ce dossier. Premièrement, la convention de 1912, si je ne fais erreur, est toujours en vigueur. Je me souviens que lors de son audition en commission des transports un représentant des CFF parlait de cette convention comme si elle était caduque. Il a fallu le rappeler à l'ordre et lui signaler que cette convention est toujours en vigueur, qu'elle n'a été dénoncée ni par l'une ni par l'autre des parties et qu'elle peut être appliquée en tout temps. Encore faut-il qu'il y ait une volonté politique du Grand Conseil et du gouvernement, mais je constate qu'on se perd en études, en suppositions...

Aujourd'hui, je crains qu'à trop tabler sur le barreau sud on se retrouve marron. En effet, je ne vois pas quand le barreau sud pourra se faire, je ne vois pas ce que les Français voudront faire de ce côté. Ils ont plutôt tendance à abandonner les projets prévus de ce côté-là. En revanche, la liaison La Praille-Eaux-Vives est entièrement sur notre territoire et nous en sommes maîtres ; la Confédération est engagée, elle devra appliquer cet accord si nous la réalisons... (Commentaires.) Ah, Monsieur Ramseyer, vous ne pouvez pas simplement dire que la convention existe. C'est à vous, Conseil d'Etat, à vous déterminer - nous sommes prêts à vous appuyer - et à mettre en oeuvre cette liaison. Je suis persuadé qu'à partir du moment où cette convention sera réalisée, les choses bougeront du côté français, au niveau de la région, au niveau du département, pour réactiver cette ligne indispensable, à mon avis, à l'essor économique de la région française, mais aussi de Genève. Alors qu'on parle toujours de transfert de la route au rail, il faudrait accorder nos actes avec nos discours, c'est-à-dire remettre en vigueur et appliquer cette convention de 1912, d'autant que si on y renonce, que fera-t-on à la place ?

M. Gérard Ramseyer. Je pensais bien qu'on allait ouvrir une polémique, mais je ne vais pas entrer dans ce jeu.

D'abord, je suis admiratif devant le fait qu'on puisse développer autant d'énergie pour réactiver un projet qui a, non pas 100 ans, mais 70 ans ! Ensuite, le Conseil d'Etat, je vous l'ai déjà dit, a rencontré le Conseil fédéral, en 1996 sauf erreur. Etaient présents M. Leuenberger, M. Villiger et, mais je n'en suis plus très sûr, Mme Dreifuss. Le Conseil fédéral a été absolument clair et cela a été protocolé : il n'y aura pas de subsides fédéraux pour la liaison La Praille-Eaux-Vives ! Ce projet est abandonné et les CFF, qui étaient sauf erreur représentés par leur grand patron, ont ajouté que si nous voulions, nous Genevois, ressortir un projet qui n'intéressait plus du tout la Confédération, nous le pouvions mais que nous le payerions ! Voilà pourquoi je ne peux admettre qu'on publie des chiffres soi-disant intéressants en déduisant une prestation fédérale qui ne sera pas versée.

Par ailleurs, Monsieur Brunier, l'expertise en cours n'est pas seulement genevoise ; elle est franco-suisse, menée avec des moyens franco-suisses, comme toutes les autres. Elle devait effectivement être rendue à la fin du mois d'octobre. Nous avons demandé en octobre où elle en était - je précise ici que ce n'est pas une, mais trois, voire quatre expertises qui sont menées en parallèle - et on nous a répondu, du côté français comme du côté des experts suisses, qu'il y avait un peu de retard et que nous devrions normalement recevoir le document au tout début de l'an 2000, soit en janvier prochain. Ce document doit établir une comparaison entre le tracé barreau sud, qui a les faveurs de la SNCF, de la France et des CFF, et la liaison La Praille-Eaux-Vives, qui n'est soutenue que par les Genevois.

Cela dit, je constate que nous avons tous envie de réaliser le bouclage ferroviaire de Genève et à ce propos je dois vous rassurer, Monsieur Brunier : la délégation du Conseil d'Etat aux transports, ce n'est pas Ramseyer tout seul, c'est Ramseyer, Moutinot et Cramer ! Et c'est cette délégation-là - composée de trois partis - qui vous présentera, au tout début de l'année prochaine, le résultat des expertises. Quant à moi, je n'anticipe pas sur ce résultat. Contrairement à d'autres, je ne suis pas en train de dire que c'est une mauvaise expertise, que ce sont de mauvais experts, qu'ils n'ont pas été impartiaux. Commencer à dire cela avant même le rendu d'une expertise, c'est montrer qu'on n'est pas très objectif. J'attends donc cette expertise en confiance, je ne veux savoir que ce qu'il y a dans le dossier. A partir de là, votez l'amendement de M. Meyll, cela m'est parfaitement égal, comme cela sera parfaitement égal à la Confédération !

M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais rectifier trois choses. Premièrement, il est clair que les CFF et le Conseil fédéral ont intérêt à dire qu'ils ont changé de politique, mais cette convention les lie ! Elle est contractuelle et ils peuvent bien avoir changé de politique, dire qu'ils ne souhaitent plus cette ligne, qu'elle n'est plus dans leurs plans, qu'ils l'ont abandonnée, une convention a été signée, elle doit être appliquée. Il faut donc mettre les CFF et le Conseil fédéral devant leurs responsabilités et faire valoir le contrat signé, qui n'a pas été déclaré caduc.

Deuxième observation : lors de la séance évoquée par M. Dupraz, ce dernier a posé des questions à l'expert fédéral qui nous parlait de faire une liaison du côté d'Archamps. Aux questions : mais pourquoi vouloir faire une liaison ferroviaire genevoise à Archamps, où passera le train, qu'ira-t-il y faire ? personne ne répond. On ne sait pas ce qu'on va faire là-bas, personne ne veut de ce projet, personne ne trouve que c'est utile. Et quand on pose des questions plus détaillées sur le tracé - où va sortir la ligne, compte tenu de l'autoroute de contournement et de toutes les réalisations qu'on a faites du côté de Plan-les-Ouates ? - personne ne peut dire où il passera. C'est dire qu'en proposant cette solution on est sûr que rien ne se fera, et si le Conseil d'Etat fait ce choix-là, ce n'est pas le mien !

Troisième observation, à propos des études. Il est vrai qu'à l'époque on parlait du métro léger et qu'on pensait installer un tram à la place du train La Praille-Eaux-Vives. Cela a tout retardé : tout à coup le projet La Praille-Eaux-Vives devenait moins intéressant, puisqu'on voulait utiliser les anciennes lignes de train pour y faire passer un tram. Cette idée, d'ailleurs assez originale, est aujourd'hui abandonnée, plus personne n'en veut. A partir de là, il n'y a plus de frein, ce n'est qu'une question de volonté, mais le Conseil d'Etat n'a pas envie de perdre la face : il était pour Archamps - on ne sait pas pourquoi ! - il était pour la liaison par le tram - pour des raisons que je n'ai jamais réussi à comprendre et qu'on ne nous a pas expliquées ! - et il ne veut pas revenir en arrière.

Aujourd'hui, c'est la voix de la raison qui compte. Si le Conseil d'Etat nous dit que cela lui est égal, que nous pouvons voter cette motion mais qu'il fera ce qu'il veut, le Grand Conseil fera alors aussi ce qu'il veut : nous déposerons un projet de loi ouvrant un crédit de construction et nous vous imposerons la réalisation de cette ligne, parce que cela suffit, ces tergiversations ! Quant à nous, nous n'acceptons pas que le Conseil d'Etat nous dise : votez ce que vous voulez, cela nous est égal, nous ferons ce que nous voulons !

M. Pierre Meyll (AdG). Je pense en fait que cette position n'est pas celle du Conseil d'Etat, mais celle de M. Ramseyer, car je doute fort que le Conseil d'Etat veuille suivre une procédure qui n'est pas correcte. Faites ce que vous voulez, nous ferons ce que nous voudrons : cette attitude n'est absolument pas démocratique, Monsieur Ramseyer !

Je répète que, dans le cadre du CRFG, vous suivez exactement ce que veulent les Français et c'est inadmissible. Je constate aussi que les technocrates qui représentent la Suisse au CRFG ne font pas le moindre effort pour admettre que cette liaison Eaux-Vives-La Praille est tout à fait possible, qu'elle nous est due depuis plus de cent ans et que l'accord qui a été signé en 1912 doit être respecté.

Maintenant, s'agissant de la position du Conseil fédéral, de M. Leuenberger, de Mme Dreifuss et de je ne sais qui encore, je voudrais bien avoir le protocole d'abandon par le Conseil fédéral de la convention de 1912. Je rappelle que François Perréard - que j'ai cité lors d'une intervention sur le même sujet il y a quelques mois - annonçait, en 1951 encore, en faisant des comparaisons, que la Confédération et les CFF devaient participer, à raison d'un tiers pour la Confédération et un tiers pour les CFF, un tiers étant à la charge de Genève. Par ailleurs, vous savez fort bien que cette liaison pourrait coûter beaucoup moins cher que ne le prévoyait l'étude Bonnard et Gardel. Il ne faut donc pas baisser les bras sous prétexte qu'on vous dit que le Conseil fédéral a renoncé, qu'il ne veut plus rien savoir. Ce n'est pas le cas. Je vous le répète : M. Béguelin nous a dit que 350 millions étaient disponibles. Je ne pense pas qu'il dise n'importe quoi.

Il est clair, Monsieur Ramseyer, que vous ne défendez pas la décision qui a été prise par le Grand Conseil lorsqu'il a voté la modification de la loi sur les transports. Or, c'est ce pour quoi vous êtes élu. Vous êtes l'exécutif qui doit exécuter les ordres du Grand Conseil ; la loi sur les transports a été modifiée, vous devez la défendre.

Mais il y a plus : passer par le barreau sud, c'est massacrer complètement la campagne genevoise. En effet, je ne vois pas comment on va s'en sortir dans tout ce salmigondis d'autoroutes et de sorties d'autoroutes qui passent à Bachet-de-Pesay. Vous savez fort bien que c'est quasiment impossible. Mais si vous voulez couvrir le canton de béton, c'est la meilleure solution !

Il est entendu que pour les Français, qu'on sorte à Latoie, à Archamps ou à Bossey, cette solution est intéressante. Mais nous, ce qui nous intéresse, c'est qu'un RER puisse utiliser ce tunnel, qu'on puisse ravitailler le stade de la Praille par le train, que l'on puisse venir des Eaux-Vives regarder le Servette perdre la dernière finale de la Coupe ! Je crois que ce serait là ce qu'on peut appeler du développement durable.

En regard de tous ces éléments, je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez. C'est à croire qu'il n'y a que M. Stucki et ses trams qui comptent !

Le président. Je donne encore la parole à M. Koechlin, en espérant qu'il aura un comportement pacifique...

M. René Koechlin (L). Monsieur le président, je vous promets que je ne taperai plus le couvercle de mon pupitre. Je tiens à préciser que, tout à l'heure, lorsque je tapais avec le couvercle de mon pupitre, ce n'était pas agressif, c'était simplement un signe de protestation de la part d'un député. Je crois que j'exprimais une impatience assez largement partagée à l'égard d'un projet qu'on nous promet depuis des lustres et dont on ne voit jamais le premier fifrelin ou trait de crayon qui pourrait en permettre la concrétisation.

Je ne vais pas fustiger davantage le Conseil d'Etat, car je comprends parfaitement qu'il est dans une position difficile, délicate, notamment dans la négociation avec la Confédération, que cela coûte de l'argent, que la Confédération a depuis longtemps oublié ce projet et qu'elle n'a pas tellement envie de le déterrer - à moins que, derrière ce projet, il y ait une volonté populaire clairement affirmée; et la volonté populaire, Mesdames et Messieurs, c'est ici qu'elle s'exprime ! En l'occurrence, puisque le Conseil d'Etat attend un signe un peu plus important, un peu plus soutenu qu'une simple motion - dont on sait qu'une fois sur deux, et là je suis encore assez optimiste, elle ne reçoit réponse que dans les six ans ou sept ans qui suivent - je vous suggère, tout à fait d'accord avec la proposition de M. Spielmann, que nous élaborions sérieusement un projet de loi. Après tout, on connaît la longueur de cette voie de chemin de fer, on en connaît le tracé, on en connaît les difficultés et je me mets volontiers à disposition de ce Grand Conseil, avec un certain nombre d'entreprises de la place, pour établir un chiffrage. Nous élaborerons un projet de loi chiffré, Mesdames et Messieurs, puis nous le voterons; charge au Conseil d'Etat, ensuite, d'aller demander des subventions à la Confédération, qui sera alors au pied du mur et qui devra bien remplir ses engagements.

Mesdames et Messieurs, retroussons nos manches et allons-y ! Je suis sûr que le Conseil d'Etat, à ce moment-là, nous suivra ! (Applaudissements.)

Le président. Nous allons passer au vote. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Meyll, modifiant la deuxième invite ainsi :

«- dans un deuxième temps, à développer, en partenariat étroit avec la région Rhône-Alpes, la ligne ferroviaire Genève (Cornavin-La Praille-Eaux-Vives-Annemasse)-Evian-Saint-Maurice».

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1302)demandant le maintien et le développement de la ligne ferroviaire sud-lémanique, dite du Tonkin

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la décision du Conseil du Léman de stopper la subvention d'entretien de la ligne ferroviaire Evian - Saint-Gingolph, dite du Tonkin

l'arrêt de l'exploitation touristique du Rive Bleu Express dès l'été 1999 décidé par le Conseil du Léman

l'importance de conserver un site ferroviaire existant et de préserver des développements futurs éventuels au potentiel important

les synergies possibles et souhaitables avec le réseau suisse

dans le cadre du Conseil du Léman,

dans un premier temps, à assurer absolument le maintien de la ligne touristique, en concertation avec les autres autorités territoriales concernées

dans un deuxième temps, à développer, en partenariat étroit avec la région Rhône-Alpes, la ligne ferroviaire Genève (Cornavin-La Praille-Eaux-Vives-Annemasse)-Evian-Saint-Maurice

à prendre contact avec les différents interlocuteurs concernés par ce dossier (cantons, départements, région Rhône-Alpes et exploitants ferroviaires) et mettre au point avec eux une stratégie de développement voyageurs et marchandises.