Séance du
jeudi 2 décembre 1999 à
17h
54e
législature -
3e
année -
2e
session -
58e
séance
PL 8157 et objet(s) lié(s)
7. Suite du débat de préconsultation sur les objets suivants :
Suite du débat de préconsultation
M. Bernard Lescaze (R). Nous en arrivons maintenant, après le débat de tout à l'heure, à l'examen du rapport du Conseil d'Etat et des deux projets de lois qui subsistent.
Je ne m'étendrai pas davantage sur le rapport du Conseil d'Etat, puisque celui-ci est, au fond, un rapport d'étape purement intermédiaire.
En revanche, en ce qui concerne les deux projets de lois - que le groupe radical vous demande de renvoyer l'un et l'autre à la commission législative et non pas à la commission des droits politiques, et je m'exprimerai également sur ce point - le groupe radical tient à dire, s'agissant du projet de loi sur les limites territoriales des communes, que les observations qui ont été faites quant au relatif conservatisme de ce projet ne sont effectivement pas sans objet. Si une telle loi avait existé au siècle dernier, les communes de Gy et de Jussy n'auraient à l'évidence pas pu être séparées, pas plus que celles de Laconnex, de Soral et d'Avusy. Enfin, Chêne-Bourg et Thônex constitueraient toujours la commune de Chêne-Thônex. En effet, dans chaque cas, si une partie de la population de ces communes voulait faire dissidence, la majorité de la commune dans la plupart des cas, mais qui se trouvait sur un point précis du territoire, ne le voulait pas.
Il s'agit donc d'examiner ce projet avec beaucoup d'attention, mais il faut aussi se souvenir que, lorsqu'une commune fait une résistance acharnée à un projet de fusion, elle obtient généralement gain de cause. Dans les années 30, avant la fusion des communes du Petit-Saconnex, des Eaux-Vives, de Plainpalais et de Genève, il avait été question d'y adjoindre la commune de Carouge. Celle-ci, pour des raisons bien compréhensibles, s'y est obstinément refusée et avait obtenu gain de cause, et, aujourd'hui, Carouge continue d'être une ville distincte de la Ville de Genève. Cela pour dire que le projet déposé par l'Alliance de gauche, s'il contient une démarche intéressante dans laquelle nous pouvons entrer, ne correspond peut-être pas exactement à ce à quoi il faudra arriver.
J'en viens maintenant au projet de loi instituant une constituante. En réalité, ce projet a suscité de la part de quatre groupes - si je compte le mien - des réflexions plutôt positives et une réflexion plutôt négative de la part de deux groupes, marqués par un certain conservatisme face à la situation actuelle, puisque tant les Verts que les libéraux ont déclaré qu'au fond, en substance, tout allait bien dans l'organisation institutionnelle et qu'ils ne voyaient pas pourquoi, la constitution ayant été changée à de nombreuses reprises, il fallait y réfléchir à nouveau. Mesdames et Messieurs, les constitutions de nombreux cantons, comme la Constitution fédérale, ont été revues à de très nombreuses reprises au cours du siècle écoulé et, pourtant, ces constitutions cantonales ont fait l'objet d'un toilettage complet, de même que la constitution fédérale, et c'est bien à cela que nous voulons arriver.
J'en viens à quelques objections qui m'ont été apportées par M. Halpérin qui, en faisant une lecture juridique étroite du projet, a, je crois, perdu de vue l'essentiel de ce projet. Nous voulons donner la possibilité de réviser la constitution par le moyen d'une constituante. Mais il s'agit d'un projet ouvert. Nous ne voulons pas imposer telle ou telle solution. L'article 65 et l'article 65A, auxquels faisait allusion M. Halpérin, sont précisément des cas dans lesquels on peut proposer une révision totale ou partielle rédigée de toutes pièces par le moyen d'une initiative constitutionnelle. Nous pensons qu'il appartient à la constituante de la rédiger.
On nous dit, d'une manière un peu puérile, que le nombre de sièges n'a pas été prévu... C'est qu'il nous semblait évident, comme dans les cantons où une constituante a récemment été nommée, par exemple à Fribourg et dans le canton de Vaud, que le nombre de sièges était équivalent à celui du Grand Conseil. C'était d'ailleurs ce que prévoyait la constitution genevoise dans un article qui figurait en 1847 et qui a subrepticement et regrettablement été supprimé en 1993 sans que personne s'en aperçoive vraiment ! Il prévoyait la possibilité, tous les quinze ans, de réviser la constitution sur simple vote populaire. Une seule fois, en 1862, le peuple a accepté une constituante. Ce projet de constitution a été écrit par ses constituants, puis rejeté en votation populaire.
Ce que nous voulons - les véritables avancées de ce projet - c'est que désormais la constituante, si notre projet est accepté, peut être à la fois décidée par le peuple en votation populaire - système de l'initiative - mais peut également être décidée par le vote du Grand Conseil à la majorité de ses membres - nous sommes aussi les représentants des citoyennes et des citoyens qui nous ont élus - et la constituante pourrait encore être décidée par le Conseil d'Etat. Il suffit donc qu'à la tête du Conseil d'Etat se trouvent quatre personnes dynamiques, modernes, innovatrices et ce projet pourrait également entrer en vigueur...
M. Claude Blanc. C'est pas demain la veille ! (Rires.)
M. Bernard Lescaze. Je ne sais pas si le Conseil d'Etat se retrouve dans les propos de mon cher collègue démocrate-chrétien...
Ce projet, de plus, abaisse le quorum à 3% pour permettre à des groupes qui ne sont pas des groupes politiques, mais qui s'intéressent à la vie civique, de pouvoir plus facilement y participer. Alors, évidemment, les partis politiques prennent un risque : celui de voir le WWF, la Société d'Art Public ou Action patrimoine vivant, présenter des candidats. Pour ma part, je prétends que si ces groupes élisent des représentants ce sera un enrichissement : un enrichissement pour la vie civique, un enrichissement pour la vie politique, un enrichissement pour la constituante. Les partis politiques ne doivent donc pas avoir ce réflexe corporatiste de limiter à leurs représentants les sièges à la constituante en imposant un quorum trop élevé. C'est un quorum qui est peut-être normal dans une représentation proportionnelle, mais pas dans une constituante.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je vais expliquer pourquoi nous souhaitons que ce projet de loi soit renvoyé à la commission législative : parce que la commission des droits politiques est considérablement embouteillée par de nombreux autres projets et que nous voulons, nous - et aussi parce que le Conseil d'Etat mérite qu'on lui fasse confiance (Rires.) - aller vite. Et puis, la commission législative - M. Halpérin n'avait sans doute pas lu l'article 216 dans son alinéa 3 qui dit : «Tout objet peut lui être renvoyé par le Grand Conseil.» - est la seule commission qui bénéficie d'un tel alinéa. C'est bien la preuve que pour des projets importants, de nature constitutionnelle, la commission législative est la plus appropriée - la plus idoine, pour parler genevois - pour traiter convenablement de ce sujet, étant entendu que nous n'aborderons pas le fond, car ce qu'il faut mettre dans la constitution appartient, bien entendu, aux constituants.
Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de renvoyer ces projets à la commission législative.
M. Claude Blanc (PDC). Le débat précédent, comme celui-là d'ailleurs, fait apparaître un nombre considérable d'options diverses et d'alliances subites tout autant - je le suppose - qu'éphémères sur les sujets les plus variés... Tous les partis ont exprimé des prises de position assez étranges, et des regroupements non moins étranges se sont faits, si bien que nous ne sommes pas encore au bout de nos peines !
Je me suis abstenu de participer au débat précédent, car j'avais été mis en minorité dans mon groupe. Par contre, le groupe démocrate-chrétien est unanime pour dire que nous devons renvoyer à la commission législative les projets de lois n° 8157 et n° 8163. Pour ce qui est du 8157 - auquel j'adhère, par ailleurs : je le dis tout de suite - j'avoue que j'admire la qualité des signataires de ce projet de loi, qui prétend donner aux communes un droit pour ainsi dire de «souveraineté» sur notre territoire... En effet, on retrouve ces mêmes signataires dans les projets concernant les communes de Troinex et de Chêne-Bourg, dans lesquels ils foulent aux pieds allègrement, avec la complicité d'autres Verts, le droit de discussion des communes, au mépris, d'ailleurs, de l'article 15A de la LaLAT - nous y reviendrons tout à l'heure - que vous invoquez dans votre exposé des motifs pour mieux pouvoir le violer ! Excusez-moi de vous le dire, mais vous êtes vraiment doubles ! Ce projet de loi constitutionnelle - auquel j'adhère, je le répète - tend à améliorer de manière très importante le droit d'autodétermination des communes, alors que les deux autres projets, où figurent les mêmes signatures plus celles de quelques Verts égarés, suppriment tout droit de discussion des communes dans les problèmes d'aménagement de leur territoire ! Alors, Mesdames et Messieurs, dites-moi où est la logique ! Evidemment, en ce qui concerne les députés de l'Alliance de gauche, la logique consiste à faire la loi telle qu'elle les arrange et au cas par cas...
Toutefois, j'adhère à votre projet de loi, et je suis d'accord que nous l'étudiions en commission.
Le projet de loi radical pose un certain nombre de problèmes que nous ne pouvons pas nier. J'ai entendu tout à l'heure avec intérêt les socialistes se précipiter dans la brèche, mais je ne sais pas si ces derniers ont mesuré toute la portée de leurs propos ou s'ils pensent qu'en chargeant le bateau exagérément, ce sera le plus sûr moyen de le faire couler...
Pour ma part, je pense qu'on ne devrait pas charger cette constituante d'une révision totale de la constitution. Compte tenu des circonstances et de la nécessité immédiate incontestée de modifier les rapports entre l'Etat et les communes, on devrait pouvoir - la commission y pourvoira peut-être - introduire dans cet article constitutionnel nouveau une restriction, c'est-à-dire charger la constituante de régler essentiellement ce type de problèmes. Madame la présidente du Conseil d'Etat, vous avez l'air de me dire que dans ces conditions j'aurais pu voter le projet...
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je ne dis rien !
M. Claude Blanc. Malheureusement, non seulement votre projet était mal étudié mais, en plus, il a été fait à la hussarde sans avoir fait l'objet d'une consultation, ce qui aurait été la moindre des choses dans une telle matière. De plus, le Conseil d'Etat a orchestré dans son sein des fuites qui ont ameuté la presse et qui a mis tout le monde sur les pattes de derrière... Il n'était donc plus possible de discuter sereinement d'un projet aussi mal parti.
Les radicaux nous tendent maintenant une perche pour reprendre le débat d'une manière sereine : nous allons saisir cette perche, mais, j'insiste, il faudrait aborder le problème d'une manière sectorielle. Il faudrait au moins vingt ans pour faire une révision totale de la constitution, et je ne suis même pas sûr du succès d'une telle entreprise. Si vous voulez vraiment arriver à quelque chose, il faut faire une révision sectorielle.
La commission des droits politiques est surchargée. Ce projet est très important et la commission législative est, déjà par sa composition plus restreinte, la commission la plus adéquate pour examiner ce projet, d'autant plus que le fait même qu'elle soit restreinte ont conduit les groupes à y envoyer les meilleurs de leurs membres... (Rires.) Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Grobet (AdG). Je voulais intervenir sur un seul point, mais M. Blanc, qui a l'art de nous titiller, m'amènera à parler de l'autre, et c'est par là que je commencerai.
Monsieur Blanc, vous étiez déjà sur les bancs du Grand Conseil quand on a introduit le droit d'initiative en matière d'aménagement du territoire. Le but était de donner un droit d'initiative aux communes, mais également aux députés. Dans le cadre de l'exercice de ce droit d'initiative, il est évident que les procédures doivent être menées conformément à la LaLAT, c'est-à-dire enquêtes publiques, préavis, etc. Que je sache, ces procédures ont été régulièrement conduites par le département des travaux publics, en ce qui concerne les deux projets de lois que vous avez cités : de Troinex et de Chêne-Bougeries, cela malgré l'obstruction illégale de la commune de Troinex. Elles ont donc été écoutées ! Nous, par le dépôt de ce projet de loi, nous voulons simplement que le Grand Conseil prenne la décision finale qui sera débattue, soit d'accepter ce projet de loi, comme les auteurs de la proposition l'ont suggéré, soit de le refuser ou de le modifier en fonction des préavis communaux. La procédure légale est donc tout à fait respectée, aussi vos allusions sont totalement erronées !
J'aimerais surtout en revenir à la commission à laquelle ces projets de lois constitutionnelles devraient être renvoyés. Nous pensons que la commission législative est la plus adéquate et non la commission des droits politiques comme vous l'avez suggéré, Monsieur Halpérin. Votre intervention de tout à l'heure est d'ailleurs la meilleure démonstration des raisons pour lesquelles il faut renvoyer ces deux projets de lois constitutionnelles à la commission législative. Vous avez du reste bien fait de souligner que la commission des droits politiques s'occupe des droits politiques des citoyens. Or, ces projets dépassent largement les questions de droit de vote. Ces projets de lois posent des problèmes institutionnels - nous avons toujours considéré qu'il était souhaitable que de tels problèmes soient traités par la commission législative, mais ils posent surtout des problèmes de constitutionnalité. Vous avez fait un long discours pour dire tout le mal que vous pensiez de la rédaction du projet de loi radical, si j'ai bien compris. Vous ne pouviez pas faire une meilleure démonstration de la nécessité de renvoyer ces deux projets de lois à la commission législative !
C'est la proposition que nous faisons, Monsieur le président !
Le président. Madame Sayegh, je vous rappelle que nous sommes en préconsultation et que chaque groupe disposait de 10 minutes. Il vous en reste une ! (Rires.)
Mme Christine Sayegh (S). Cette minute me suffira pour exprimer que le groupe socialiste propose également le renvoi des deux projets ainsi que du rapport à la commission législative pour toutes les raisons qui ont déjà été invoquées par mes préopinants.
PL 8157 et PL 8163
Le président. Deux proposition ont été faites pour la poursuite de l'étude de ces deux projets de lois : le renvoi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil et le renvoi à la commission législative. Je vais les opposer : celles et ceux qui sont favorables au renvoi à la commission législative se manifestent en levant la main.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ces projets à la commission législative est adoptée.
RD 340
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport divers à la commission législative est adoptée.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant de prendre le point 20 de l'ordre du jour tel que nous l'avions décidé, je prends rapidement le point 19 étant donné qu'il ne va vraisemblablement pas susciter de discussion.