Séance du jeudi 18 novembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 1re session - 51e séance

R 412
de Mmes et MM. Antonio Hodgers (Ve), Jeannine de Haller (AG), Chaïm Nissim (Ve), Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG), Luc Gilly (AG), Alberto Velasco (S), Dominique Hausser (S) et Dolorès Loly Bolay (AG) demandant aux autorités judiciaires d'étudier la responsabilité de M. Henry Kissinger, ainsi que d'autres personnes, dans les crimes commis par le régime de M. Augusto Pinochet. ( )  R412

A ce titre, il serait intéressant que cette résolution aille à la commission des droits de l'homme, telle qu'elle a été proposée par notre collègue Halpérin. C'est pourquoi je demanderai à la nouvelle présidente de la commission des droits politiques d'agender le projet de loi instituant cette commission au plus vite afin que nous puissions lui renvoyer cette résolution.

Le président. La parole est à M. Halpérin.

M. Michel Halpérin (L). Je ne peux laisser passer cela, Monsieur le président ! Ce que M. Hodgers vient de faire est trop facile : on dépose le 12 octobre une proposition de résolution tendant à déclarer M. Henry Kissinger persona non grata sur le territoire de la République et canton de Genève. C'est imprimé, cela circule partout et il faudrait que ces messieurs puissent retirer délicatement leur texte scandaleux, sur la pointe des pieds, en catimini, à 10 h, devant une salle vide, sans personne à la tribune, en espérant que personne n'aura rien vu ! Je ne laisse donc pas passer cela.

Vous voulez éviter le débat, mais je vous dirai quand même ce que je pense de votre résolution qui ne résiste à rien, ni sous l'angle de l'histoire, ni sous l'angle de la morale, ni sous l'angle de la politique. On ne peut pas, Monsieur Hodgers, on ne peut pas, Monsieur Nissim - vous le lui direz de ma part - ou on ne peut pas, Madame De Haller, s'attaquer à une personnalité de l'envergure d'Henry Kissinger, lorsqu'on est responsable politique dans ce canton, sans assumer les conséquences de ce type de choix.

Je rappelle pour ceux qui l'auraient oublié qu'Henry Kissinger a été, de 1968 à 1972, le conseiller à la sécurité des Etats-Unis du président Nixon, et de 1972 à la fin de la présidence Ford, ministre des affaires étrangères... (L'orateur est interpellé.) Oui, oui...

Le président. Monsieur Hodgers, s'il vous plaît ! M. Halpérin a la parole !

M. Michel Halpérin. Je vous remercie, Monsieur le président !

Henry Kissinger a été l'homme qui a fait avancer la politique étrangère des Etats-Unis, avec le président Nixon, dans des proportions dont nous mesurons encore aujourd'hui toutes les conséquences positives. C'est sous son égide que les Etats-Unis ont reconnu la Chine continentale. C'est sous son égide que le président Nixon et les Etats-Unis d'Amérique ont conclu un traité de paix avec le Viêt-nam du nord, ce qui a valu à M. Kissinger un Prix Nobel de la paix. C'est le même Henry Kissinger, alors secrétaire d'Etat, qui a su utiliser les circonstances de la guerre du Kippour pour permettre de lancer les bases du rapprochement qui devait aboutir au processus de paix entre l'Egypte et Israël. C'est cet homme que nos intelligents résolutionnaires veulent aujourd'hui faire déclarer persona non grata sur le territoire genevois !

C'est insupportable du point de vue historique. C'est aussi tacher notre canton d'une manière intolérable, moralement indéfendable. Parce que les arguments que vous utilisez en vous inspirant de soi-disant découvertes sur l'histoire du coup d'Etat, qui a abouti au renversement du président Allende au Chili en 1973, ne sont pas des scoops. Ce sont des documents qui sont connus depuis vingt ans et dont vous faites une lecture approximative et biaisée. Par conséquent, votre approche est insupportable, même du point de vue moral, parce que vous trichez avec les sources historiques d'une part et parce que vous occultez d'autre part la moitié du débat qui est la responsabilité d'Allende lui-même dans sa chute... (L'orateur est interpellé.) C'est trop facile, Nissim ! Je l'ai dit avant que vous n'arriviez, on ne lance pas des brûlots pour laisser incendier la République et se retirer ensuite en catimini. C'est trop simple !

Enfin, du point de vue de la responsabilité politique, un parlement comme le nôtre se déshonore lorsqu'il prétend faire la leçon aux hommes d'Etat les plus importants qu'ait connus le siècle. Vous voulez prendre ce genre de responsabilité ? Assumez aujourd'hui celle de l'outrage politique, moral et historique que j'entends personnellement vous infliger pour votre inconduite ! (Applaudissements.)

Le président. Il est pris acte du retrait de cette résolution. Monsieur Hodgers, vous avez la parole.

M. Antonio Hodgers (Ve). Monsieur le président, puisque je constate qu'il est permis d'entamer des débats sur des résolutions qui ne sont plus à l'ordre du jour et que vous laissez se dérouler un tel débat, je me permettrai peut-être de répondre en quelques mots...

Le président. Non, non ! Nous n'ouvrons pas le débat. Vous avez dit que vous déposeriez une nouvelle résolution. Il est pris acte du retrait de l'autre résolution. Nous poursuivons... (Protestations.) La résolution 408 est retirée. J'en ai bien pris note.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.