Séance du jeudi 28 octobre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 11e session - 47e séance

M 1120-A
11. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes Alexandra Gobet et Fabienne Blanc-Kühn sur la récolte du liège à la collecte. ( -) M1120
Mémorial 1997 : Annoncée, 1315. Développée, 2634. Adoptée, 2640.

La motion dont il est fait ici rapport, adoptée le 25 avril 1997, invite le Conseil d'Etat à intervenir auprès des cafetiers, des restaurateurs, des viticulteurs et des collectivités privées de Genève pour promouvoir l'action de l'ASMD (Association suisse des maîtres d'hôtel diplômés) en faveur de la récupération du liège et fournir, le cas échéant, les moyens et transports nécessaires à la collecte.

La motion revêt deux aspects :

- l'importance de récupérer les bouchons de liège dans le cadre de la gestion des déchets ;

- l'importance de récupérer le liège par rapport à la culture des chênes-lièges dans les pays producteurs.

En ce qui concerne la gestion des déchets

150 millions de bouchons sont consommés chaque année en Suisse. Un bouchon pesant environ 4 grammes, cela représente environ 600 tonnes de liège pour le pays. Actuellement, quelque 300 établissements et communes font partie du réseau de recyclage mis en place par l'Association suisse des maîtres d'hôtel diplômés.

A titre de comparaison, les ménages genevois ont jeté en 1998 11 000 tonnes de verre, 20 000 tonnes de papier/carton et 35 000 tonnes de déchets compostables, sans parler des déchets très polluants, tels que les piles ou les appareils électriques et électroniques par exemple.

L'Association des maîtres d'hôtel fait trier les bouchons par des bénévoles et les livre ensuite à une entreprise sise à Näfels, qui les broie en vue de la fabrication de matériaux d'isolation, de sous-plats ou d'autres produits. Actuellement, l'association livre 3 à 4 tonnes de bouchons par an à cette société. La densité des bouchons étant extrêmement faible, les frais (et l'énergie) liés à leur transport de Genève jusqu'à Zurich pourraient s'avérer disproportionnés par rapport aux résultats escomptés.

Non récupérés, les bouchons sont incinérés avec les ordures ménagères, sans engendrer de pollution particulière.

Le Service Inf-eau-déchets s'est renseigné auprès des quelques collectivités publiques qui pratiquent la récupération des bouchons, en Suisse alémanique. La récupération y est plutôt considérée comme un service à la population (en particulier dans les communes où l'on pratique une taxe poubelle au tarif élevé). Les bouchons y sont donnés aux paysans pour obturer les bouteilles de kirsch ainsi qu'aux écoles et jardins d'enfants pour des travaux de bricolage.

Le plan de gestion des déchets 1998-2002 fixe l'objectif de récupération à 40 % du tonnage total et établit des priorités pour le verre, le papier/carton et les déchets compostables, qui constituent à eux seuls plus de 70 % des déchets.

Du point de vue de la gestion des déchets dans les cafés-restaurants, il est dès lors évident que la récupération de ces trois types de déchets (verre, déchets de cuisine et papier/carton) est prioritaire, ainsi que celle des huiles végétales pour éviter qu'elles ne parviennent dans les canalisations. Par conséquent, il est primordial d'encourager ces axes de recyclage.

Le Service Inf-eau-déchets a l'intention d'engager une action en direction des cafetiers et restaurateurs de Genève afin d'introduire systématiquement la récupération des matériaux susmentionnés dans les établissements concernés, tant privés que publics. Dans un premier temps, une série d'articles seront publiés dans le journal des cafetiers-restaurateurs, qui contiendront des renseignements pratiques très concrets. Une petite brochure sera ensuite diffusée à tous les responsables de restaurants et d'hôtels.

En ce qui concerne les chênes-lièges

La production du liège nécessite de longues années, puisqu'il faut compter environ 25 ans depuis la plantation de l'arbre jusqu'à la première récolte, puis environ 10 ans avant qu'une nouvelle écorce soit reformée. Il est donc compréhensible qu'on souhaite donner une deuxième vie à cette matière après une première utilisation sous forme de bouchon.

Le liège est en effet une matière noble aux vertus multiples, et l'usage qu'on en fait traditionnellement est parfaitement compatible avec la protection de l'environnement. Or si la culture du liège n'était plus rentable, les chênes-lièges seraient rapidement remplacés par d'autres cultures plus intensives, telles que celles de l'eucalyptus qui sert à la confection de pâte à papier par exemple.

Les chênes-lièges sont originaires des régions méditerranéennes et sont extrêmement bien adaptés aux conditions climatiques de ces pays, en raison de leur écorce justement. Ils résistent même particulièrement bien aux incendies de forêt. Durant une longue période, ils constituaient, avec d'autres espèces de chênes, d'immenses forêts. C'est grâce à l'exploitation du liège et à l'usage des glands en nourriture animale que ces arbres ont subsisté en grand nombre. Les grandes étendues qu'ils occupent aujourd'hui encore sont très riches sur le plan paysager, mais aussi sur ceux de la faune et de la flore. Ils protègent en outre bien les sols de l'érosion. Il faut préciser aussi que l'exploitation du liège, bien pratiquée, ne nuit aucunement à la croissance de l'arbre. Cette culture extensive ne subsistera cependant que si elle est économiquement rentable.

Or la culture du liège est menacée par les produits de substitution déjà largement utilisés pour les sols et l'isolation (matières synthétiques). Dans le secteur de l'obturation des bouteilles, le liège a également des produits concurrents, même s'il est universellement reconnu qu'il a des qualités inégalées, en matière de résistance, d'isolation, de stabilité, etc.

Le véritable danger est donc que les chênes-lièges soient remplacés progressivement par d'autres arbres plus rentables, phénomène qui s'est produit pour les vergers à haute tige chez nous.

Conclusion

En conclusion, il est effectivement important de recommander aux viticulteurs genevois de rester fidèles aux bouchons en liège traditionnels, qui participent au maintien des chênes-lièges dans les pays producteurs.

Sur le plan strict de la gestion des déchets, la récupération des bouchons de liège dans les cafés et restaurants est plutôt anecdotique.

Pour donner suite à la motion, considérant l'aspect convivial de l'opération, et l'opportunité de rappeler que le liège est précieux, l'Association des cafetiers restaurateurs et l'ensemble de la profession va être informée de l'action mise en place par l'Association des maîtres d'hôtel, par le Service Inf-eau-déchets, dans le cadre d'une action de sensibilisation plus générale, portant sur la gestion des déchets, auprès de la profession. Il sera également rappelé que les bouchons constituent par ailleurs d'excellents allume-feux et peuvent être récupérés à cet effet.

Au vu des priorités établies par le plan de gestion des déchets, la récupération des bouchons de liège ne justifie toutefois pas une aide financière de l'Etat.

Enfin, en ce qui concerne la montagne de déchets, sa diminution constitue une des priorités de notre Conseil, et plus particulièrement du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie. Il s'agit toutefois de mettre l'accent sur les matières qui constituent les gisements importants et sur les déchets polluants.

Sur la base de ces indications, le Conseil d'Etat vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte de la présente réponse à la motion concernant la récolte du liège.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.