Séance du jeudi 28 octobre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 11e session - 45e séance

PL 8096
27. a) Projet de loi constitutionnelle de M. Roger Beer modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (visant à introduire un conseil administratif dans les communes de plus de 800 habitants). ( )PL8096
PL 8097
b) Projet de loi de M. Roger Beer modifiant la loi sur l'administration des communes (B 6 05) (visant à introduire un conseil administratif dans les communes de plus de 800 habitants). ( )PL8097

PL 8096

Projet de loi constitutionnellemodifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00)

(visant à introduire un Conseil administratif dans les communes de plus de 800 habitants)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 146, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Dans les communes de plus de 800 habitants autres que la Ville de Genève, l'administration municipale est confiée à un conseil administratif de trois membres élus par l'ensemble des électeurs de la commune.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'article 146 de la Constitution genevoise prévoit que les communes de plus de 3000 habitants (à l'exception de la Ville de Genève) soient dirigées par un Conseil administratif de trois membres. Dans les autres communes, l'administration est confiée à un maire et deux adjoints.

Historique

Cette disposition constitutionnelle, qui n'a pas été remise en question par les nombreuses réformes des droits populaires (1931, 1954, 1984), date en effet de 1917.

L'art. 109 de la Constitution adoptée le 24 mai 1847 prévoyait que le Ville de Genève était dirigée par « un Conseil administratif de cinq membres élus par le Conseil municipal et pris dans ce corps », l'administration des autres communes étant dirigée par un maire et deux adjoints, élus par le peuple.

La modification du 18 mars 1874 permet l'élection du Conseil administratif de la Ville de Genève par le peuple.

C'est la modification du 24 février 1917 qui prévoit que l'administration des communes de plus de 3000 habitants est confiée à un Conseil administratif (élu par l'ensemble des électeurs de la commune). Il est également précisé dans la constitution que les adjoints au maire sont au nombre de deux.

En 1930 (fusion de la Ville de Genève avec les communes suburbaines), une partie de l'art. 109, en particulier celle qui nous intéresse, devient l'art. 104, sans cependant changer sur le fond.

La mise à jour de 1958 a repris cet article, en le numérotant 146 (disposition actuelle).

Proposition de modifications de 1981

En 1981, lors de la proposition de révision de la loi sur les droits politiques, la commune de Vernier a demandé au Grand Conseil l'instauration d'un Conseil administratif de 5 membres dans les communes de plus de 20'000 habitants (Mémorial 1981, page 2255). Cette proposition n'a pas été retenue par la commission, puis par le Grand Conseil (Mémorial 1984, p. 1400).

Proposition actuelle

Pourquoi ne pas instaurer des Conseils administratifs dans toutes les communes de plus de 800 habitants ?

En fait, depuis plusieurs années, le nombre des habitants n'a cessé de croître dans les communes, même si le chiffre fatidique de 3000 habitants (permettant d'obtenir des conseillers administratifs) n'est pas encore atteint. Cela a quelquefois conduit à une augmentation du nombre des conseillers municipaux (au printemps 1999, à Bardonnex, Troinex et Vandoeuvres entre autres).

Ayant franchi le cap des 3000 habitants, la commune de Pregny-Chambésy a non seulement vu le nombre de ses conseillers municipaux augmenter, mais a aussi passé d'un exécutif composé d'un maire et de deux adjoints à un Conseil administratif de trois membres.

Parallèlement à cette augmentation du nombre des habitants, les responsabilités et la complexité de la charge de maire de milice sont devenues de plus en plus difficiles à concilier avec une activité professionnelle.

Ainsi, la répartition de la charge de maire à tour de rôle - comme elle est pratiquée dans les communes de plus de 3000 habitants - est bien adaptée à notre époque. Elle permet de répartir équitablement le travail lié à la charge de maire. L'élection d'un Conseil administratif de trois magistrats égaux permet aussi de mieux respecter la représentation politique du Conseil municipal, élu selon le système proportionnel à partir de 800 habitants.

Ces différentes raisons nous ont conduits à imaginer l'introduction d'un Conseil administratif, plutôt qu'un maire et deux adjoints, dans les communes de plus de 800 habitants. Aujourd'hui déjà, dans l'exécutif de plusieurs de ces « petites » communes, la répartition des charges et des responsabilités s'organise comme dans un Conseil administratif, à l'instar précisément de ce qui se passe dans les communes de plus de 3000 habitants ! Là, les trois magistrats désignent, chaque année, l'un d'entre eux comme maire. Ce dernier préside le Conseil administratif.

Sur les 28 communes gérées par le régime de maires et adjoints, 19 d'entre elles seraient directement concernées par la modification constitutionnelle et législative. Les magistrats communaux, des conseillers administratifs, seraient alors renforcés dans leur autorité et leur responsabilité.

Finalement, par une représentation accrue des forces politiques en présence, notre démocratie directe aurait tout à y gagner.

Conclusion

En conclusion, la présente modification constitutionnelle vise à instaurer des Conseils administratifs dans toutes les communes de plus de 800 habitants. Le projet de loi 8097 propose les modifications devant être apportées à la loi sur l'administration des communes.

Nous vous remercions donc, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à ce projet de loi constitutionnelle.

Communes de plus de 3000 habitants (17)

[Conseil municipal élu au système proportionnel ; Conseil administratif]

Bernex Carouge

Chêne-Bougeries Chêne-Bourg

Collonge-Bellerive Cologny

Grand-Saconnex Lancy

Meyrin Onex

Plan-les-Ouates Pregny-Chambésy

Thônex Vernier

Versoix Veyrier

Ville de Genève 

Communes entre 800 et 3000 habitants (19)

[Conseil municipal élu au système proportionnel ; Maire et adjoints]

Anières Avully

Avusy Bardonnex

Bellevue Chancy

Choulex Collex-Bossy

Confignon Corsier

Dardagny Genthod

Jussy Meinier

Perly-Certoux Puplinge

Satigny Troinex

Vandoeuvres

Communes de moins de 800 habitants (9)

[Conseil municipal élu au système majoritaire ; Maire et adjoints]

Aire-la Ville Cartigny

Céligny Gy

Hermance Laconnex

Presinge Russin

Soral

PL 8097

Projet de loimodifiant la loi sur l'administration des communes (B 6 05)

(visant à introduire un Conseil administratif dans les communesde plus de 800 habitants)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :

Art. 10, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Dans les communes jusqu'à 3000 habitants, les commissions peuvent être présidées par le maire ou un adjoint, respectivement un conseiller administratif, à moins que le règlement du conseil municipal ne prévoie que les commissions soient présidées par l'un de ses membres.

Art. 39, lit. b (nouvelle teneur)

Art. 44, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Dans les communes jusqu'à 800 habitants, le maire délègue une partie de ses fonctions à ses adjoints.

Article 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur en même temps que la modification constitutionnelle adoptée le .......

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi complète le projet de loi constitutionnelle 8096 et vise à apporter les modifications nécessaires à la loi sur l'administration des communes (B 6 05), dans le but de créer des Conseils administratifs dans toutes les communes de plus de 800 habitants. Les explications qui suivent représentent uniquement un court commentaire article par article ; les motifs justifiant notre proposition se trouvent dans le projet de loi constitutionnelle 8096.

L'art. 10, al. 2 concerne la présidence des commissions dans les communes de moins de 3000 habitants, présidence pouvant être actuellement assurée par un maire ou un adjoint. Nous souhaitons maintenir la possibilité pour un membre de l'exécutif d'une commune jusqu'à 3000 habitants de présider une commission du Conseil municipal.

Dans ce but, il est nécessaire de rajouter les mots « respectivement un conseiller administratif » à la teneur actuelle de l'art. 10, al. 2. Le règlement du Conseil municipal peut toujours prévoir que les commissions sont présidées par l'un des membres de ce conseil. Il n'y a donc pas de changement sur le fond de l'art. 10, al. 2.

La modification de l'art. 39 constitue l'aspect central de notre proposition (Conseil administratif de 3 membres pour les communes de plus de 800 habitants). Elle ne fait que reprendre dans la loi la teneur de l'art. 146 Cst.

L'art. 44 règle la délégation des fonctions du maire à ses adjoints, tandis que l'art. 42 fixe la procédure de répartition des compétences au sein du Conseil administratif. Les communes de 800 à 3000 habitants étant, selon notre proposition, dirigées par un Conseil administratif, l'organisation de leur exécutif relèvera de l'art. 42 et non plus de l'art. 44. Il est donc nécessaire d'adapter ce dernier article, afin qu'il ne concerne plus que les communes jusqu'à 800 habitants.

Enfin, l'entrée en vigueur de ce projet de loi est prévue en même temps que celle de la modification constitutionnelle proposée dans le projet de loi 8096.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à notre proposition.

Préconsultation

M. Roger Beer (R). Voilà un projet qui a déjà beaucoup fait parler de lui et qui visiblement touche beaucoup de monde. Il est vrai que d'aucuns pourront me dire que j'ai pu mesurer l'impopularité de cette proposition, je le reconnais mais je persiste !

Je pense en effet que ce projet, qui vise à instaurer des conseillers administratifs dans les communes de plus de 800 habitants, correspond à l'air du temps. La charge de maire, aujourd'hui, devient de plus en plus lourde et de plus en plus incompatible avec une charge professionnelle, un travail à plein temps. Alors, j'entends déjà certains me dire qu'on va vers le temps partiel et vers le partage du temps de travail, ce qui est une raison de plus d'avoir trois magistrats qui s'occupent d'une mairie.

Je n'ai toujours pas compris les nombreuses réactions négatives face à cette proposition, qui met pourtant en valeur la démocratie dans les communes, même les moins grandes. Nous avons un problème de défection, dans notre démocratie, et il me semble, comme je l'ai déjà dit au sein de mes troupes, que nous aurons beaucoup plus de facilité à trouver des militants - bien sûr, je préférerais qu'ils soient radicaux ! - prêts à être candidats aux postes de conseillers administratifs qu'à trouver des candidats aux postes de porte-serviette, comme j'appelle les adjoints. Evidemment, depuis le mois de juin, tous les maires me téléphonent pour me dire qu'avec leurs adjoints tout va très bien, qu'ils ne sont pas des porte-serviette, et je reconnais que le terme était peut-être un peu sévère. Je dois également relever que des adjoints m'ont téléphoné pour me dire que dans leur commune ils s'entendaient bien et qu'ils n'avaient évidemment pas l'intention de se prononcer sur ma proposition.

Enfin, je rappellerai en dernier lieu que j'ai préparé cette proposition avec M. Ascheri, qui est lui-même adjoint et qui connaît bien, de l'intérieur et à travers le service des votations et élections, le travail que représente le poste de conseiller administratif, voire d'adjoint. Je m'arrêterai là car je me réjouis de vous entendre et j'espère que ce Conseil renverra ces projets de lois en commission, pour les étudier.  

Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Je dois reconnaître que ce projet a malheureusement un goût revanchard et il ne fait nul doute que si la candidate radicale au poste de maire de la commune de Bardonnex avait été élue ce projet de loi n'aurait jamais vu le jour !

Ceci étant dit, le groupe libéral, attaché au bon fonctionnement de nos institutions, étudiera bien sûr cette proposition en commission avec beaucoup d'intérêt. Toutefois, il y a plusieurs considérations que j'aimerais évoquer ici.

La charge de maire des communes visées par ce projet de loi est certes lourde, tant sur le plan administratif que représentatif, car celles-ci n'ont pas le staff nécessaire pour remplir certaines missions. Les élus le savent et acceptent cette fonction en toute connaissance de cause. Il en va différemment pour les adjoints qui, très souvent, ne peuvent s'investir plus, tant sur le plan professionnel que sur le plan matériel. Un exemple : le maire d'Avusy a donné récemment sa démission. Or il se trouve qu'aucun de ses deux adjoints n'a pu envisager de le remplacer. C'est une personne extérieure à la mairie qui est candidate. Il faut savoir aussi que dans ces communes ces fonctions exécutives sont quasi bénévoles et que ce ne sont pas les indemnités perçues qui vont compenser les pertes de salaire dues aux absences professionnelles.

D'autre part, si l'esprit de ce projet de loi laisse sous-entendre que seul le maire a tous les pouvoirs, il faut relever que l'époque des maires roitelets, si elle a jamais existé, est bien révolue. Les adjoints gèrent, sous forme de délégation il est vrai, leur propre dicastère et leur signature est reconnue. Peut-être faudrait-il les nommer maire-adjoint plutôt qu'adjoint au maire. Par ailleurs, pourquoi viser les communes dès 800 habitants plutôt que celles de 1500 habitants ou plus ? Certainement parce que celles-ci élisent leur conseil municipal selon le système proportionnel, mais il faut reconnaître que l'électeur, dans ces communes, vote toujours pour un candidat et non pour un groupement ou pour un parti.

Et puis, pensons un instant aux habitants, dont beaucoup ont trouvé ou retrouvé une identité dans ces petites communes où tout le monde a la chance de se connaître. Le maire, là, n'est-il pas une référence ? la personne disponible et accessible auprès de qui on évoque ses problèmes, ses difficultés et parfois - peut-être plus rarement - sa reconnaissance ? En serait-il de même si celui-ci changeait chaque année ? Et puis, finalement, qui se plaint de ce système qui marche bien ? Toutes ces questions méritent une profonde réflexion et l'audition en commission des intéressés conduira certainement à trouver des pistes intéressantes. 

M. Luc Barthassat (PDC). Concernant le fait d'introduire un conseil administratif dans les communes de plus de 800 habitants, je me demande quelle mouche a piqué mon ami et collègue Beer. Peut-être une de ces sales mouches de la campagne, près de Bardonnex, là même où M. Beer a élu domicile et là même où le parti radical a échoué le 2 mai dernier à l'élection à la mairie !

M. Beer devrait savoir que dans les communes le maire reste une référence, toujours proche des communiers. Un conseiller administratif me paraît trop anonyme dans des petites ou moyennes communes. Du reste, est-ce que M. Beer s'est entretenu avec les communes avant de rédiger son projet de loi ? Eh bien, non ! Aucune concertation, aucune discussion, aucun dialogue. A vouloir jouer les opportunistes à la veille d'élections nationales, M. Beer en a payé le prix ! (Exclamations.) Ou tout simplement M. Beer, avec son bon sens politique habituel, a voulu faire de l'esprit ! Si c'est le cas, il ne suffit pas d'avoir de l'esprit, Monsieur Beer, il faut encore en avoir assez pour s'abstenir d'en avoir trop ! (Applaudissements.) 

M. Albert Rodrik (S). Les socialistes sont très fiers, depuis le mois de juin dernier, d'avoir une adjointe à Bardonnex et une autre à Confignon. Elles n'ont pas l'intention de faire les porte-bourse, ou je ne sais comment on les a appelées !

Cela dit, le groupe socialiste accueille avec beaucoup de faveur ces projets de M. Beer ; il les examinera avec beaucoup de bienveillance en commission. Et si tant est que la concertation n'a malheureusement pas eu lieu avant, la commission, avec ses moeurs conviviales, assurera cette concertation lors de ses travaux.

Ces projets sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.