Séance du
jeudi 28 octobre 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
11e
session -
45e
séance
I 2019
M. Olivier Vaucher (L). Mon interpellation s'adresse au président du département de justice et police et des transports qui n'est malheureusement pas là. Mais je suis sûr qu'il est tout à fait valablement représenté... Elle concerne encore et toujours le triste problème des squatters...
Depuis quelques mois, nous nous interrogeons de plus en plus sur le statut des squatters genevois, qui semblent bénéficier d'un traitement de faveur chaque jour plus grand, qui va in fine aboutir à de graves inégalités de traitement entre les jeunes en particulier.
Votre département a-t-il conscience que les squats constituent de plus en plus des îlots de non-droit dans lesquels il fait bon vivre ? Que le public, qui a longtemps regardé ces occupants illicites comme des marginaux, réalise que ceux-ci sont en fin de compte bien mieux lotis que bien des honnêtes citoyens ? Ces derniers doivent-ils continuer à payer chaque mois - je parle des honnêtes citoyens, bien sûr - et péniblement leur tribut à une société qui tolère de tels comportements illicites, qui pourraient d'ailleurs pousser ceux qui luttent très durement pour pouvoir payer un modeste loyer à des manifestations de colère et d'écoeurement ?
Certains anciens squatters, désormais constitués en coopérateurs au nom d'un phénomène de réaction à la spéculation des années 80, bénéficient désormais de loyers dérisoires dans des immeubles qu'ils ont rachetés avec 5% de fonds propres et rénovés à grands coups de subventions... Les initiants de ces projets, comme, par exemple, à la rue Plantamour, sont devenus propriétaires et s'empressent de solliciter certaines exonérations fiscales, démontrant par là que la charge fiscale immobilière n'est pas si anodine que certains souhaiteraient le faire croire...
Le Conseil d'Etat envisage-t-il de donner droit à ces requêtes ?
Au mois de mai 98, éveillés par la négociation en cours de l'AMI, de nombreux squatters sont descendus dans la rue pour manifester et s'opposer à un ultralibéralisme économique qui, selon eux, tue l'emploi. A y regarder de plus près cependant, le laxisme des autorités à leur égard permet à ces squatters d'appliquer jour après jour les principes du libéralisme qu'ils prétendent combattre : défiance du pouvoir établi, non-respect du droit, des conventions collectives, des droits sociaux et j'en passe...
Les citoyens normaux qui tenteraient de contourner les lois en sollicitant l'égalité de traitement par rapport aux pratiques alternatives se verraient opposer une fin de non-recevoir des autorités au motif qu'il n'y a pas «d'égalité dans l'illégalité». A ce stade, cependant, il devient préoccupant de constater que la notion de légalité n'a pas le même sens pour tous.
Pour les gouvernants, le fait d'imposer à tous des règles de comportement en société est-il - j'insiste - devenu si difficile ?
En sus des questions posées précédemment, je souhaite interpeller le département de justice et police et des transports à ce sujet, en lui posant les questions suivantes :
1) Pourquoi les nuisances, en particulier le tapage, des squats font-elles l'objet d'une certaine retenue de la part des forces de l'ordre qui renoncent souvent à intervenir sur les lieux, surtout la nuit ?
2) Quel a été le coût pour l'Etat, en heures de travail, frais médicaux, etc., des manifestations organisées par le mouvement d'occupation de locaux commerciaux depuis le début de l'année, en particulier celle du 10 avril 99, dite «Calvin Pride» ?
3) Pourquoi les débits de boisson non autorisés continuent-ils à être exploités sans aucune répression ?
4) Pourquoi n'impose-t-on pas à ces établissements les horaires imposés strictement aux autres établissements publics ?
5) S'assure-t-on régulièrement de la conformité de la situation des occupants avec la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers ?
6) Allons-nous tolérer encore longtemps cette scandaleuse inégalité entre ceux qui travaillent durement pour assumer leur loyer et ceux qui se les attribuent gratuitement ?
7) Enfin, quel contrôle de ces éléments votre département exerce-t-il ?
La réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.