Séance du jeudi 23 septembre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 10e session - 42e séance

PL 8064-A
16. a) Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat octroyant une concession relative à un réseau de distribution de chaleur à partir de l'usine des Cheneviers. ( -) PL8064
Mémorial 1999 : Projet, 3849. Renvoi en commission, 3863.
Rapport de M. Chaïm Nissim (Ve), commission de l'énergie et des Services industriels de Genève
M 1169-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Chaïm Nissim, René Longet et Pierre Vanek sur une étude complémentaire à l'étude du projet Cadiom. ( -) M1169
Mémorial 1998 : Développée, 355. Adoptée, 362.

PL 8064-A

Notre commission de l'énergie s'est réunie à 7 reprises pour étudier ce projet, pour de longues séances de 4 heures. Merci aux fonctionnaires du département, Mme Sallibian, MM. Genoud, Beck et Brütsch, aux deux procès-verbalistes, Mmes Meyer et Schaeffer, et au chef du département, M. Cramer, de nous avoir aidé de leur mieux. Ce travail considérable a été rendu nécessaire par la complexité du projet et la difficulté des questions qui nous étaient posées. En effet, ce projet a fait l'objet de nombreuses préétudes et études de faisabilité, 4 études majeures plus de nombreuses variantes, les premières études datant du début des années 80 déjà. Il n'avait jamais pu être réalisé jusqu'ici, pour toutes sortes de raisons qui seront évoquées ci-dessous.

1. Introduction, résumé de nos travaux pour les députés pressés

« Le projet Cadiom (Chauffage à Distance - Incinération des Ordures Ménagères) a pour objectif de valoriser autant que faire se peut l'incinération des déchets à l'usine des Cheneviers à travers la cogénération de chaleur et d'électricité. Il permet d'utiliser de manière rationnelle une énergie indigène et de réduire sensiblement les émissions dans l'atmosphère provoquées par la consommation de combustibles fossiles ainsi que les émissions thermiques (réchauffement des eaux du Rhône) » (in : rapport CEPP - Commission d'Evaluation des Politiques Publiques - sur les SIG)

Pour résumer, les Cheneviers brûlent actuellement 300 000 tonnes d'ordures chaque année. Avec la chaleur, ils produisent 100 GWh d'énergie électrique chaque année, soit grosso-modo 5 % de la consommation cantonale, ce qui est très bien. Mais dans le même temps, les Cheneviers rejettent 390 GWh/an de chaleur, chaleur perdue dans le Rhône, ce qui ne fait aucun bien aux poissons.

On pourrait utiliser une partie de cette chaleur perdue pour chauffer les immeubles d'Onex et du même coup économiser 13 000 tonnes de mazout par an, puisque les chaufferies utiliseraient la chaleur produite par Cadiom plutôt que par le mazout, évitant ainsi beaucoup de pollution et d'effets de serre.

Techniquement, la chose est assez facile car on sait depuis longtemps construire des tuyaux isolés pour transporter de la chaleur. Le gros problème, le problème qui a empêché jusqu'ici la réalisation de ce projet était financier, et, comme toujours, politique.

Evoquons d'abord les problèmes financiers : les premières études faites par les SIG dans les années 80, estimaient le coût du projet à 75 millions, dont 50 devaient provenir d'une subvention publique. Les 25 millions restants pouvaient être payés par les locataires d'Onex sur 25 ans, en considérant qu'ils ne devaient pas être pénalisés par rapport aux autres locataires, et qu'ils devaient payer leur chauffage au même prix que s'ils avaient le mazout. A ce prix-là, il n'est pas vraiment surprenant que le projet n'ait jamais vu le jour !

D'autant plus que ce problème financier n'était pas le seul à handicaper le projet. Les SIG en effet étudiaient le projet, mais avec des réticences et des lenteurs dont ils ont le secret, réticences et lenteurs qui selon le rapport de la CEPP sur les SIG seraient dues aux raisons suivantes :

1. ils auraient perdu des clients à Onex qui se chauffaient au gaz ;

2. ils auraient de plus une légère baisse de leurs ventes d'électricité, ce qui fait qu'ils perdraient sur les deux tableaux.

Pour ces deux raisons, les SIG décidaient en 1995 de renoncer au projet, expliquant au chef de l'OCEN - Office cantonal de l'Energie - le 22.3.1995 : « Cadiom est un projet relevant de la politique de protection de l'environnement, non de la politique énergétique, l'utilisation de la chaleur se faisant au détriment de la production d'électricité ». Cette explication permit au CA des SIG de voter, le 24.11.1995, la renonciation au projet, entre autres parce que « l'indispensable participation des pouvoirs publics n'est pas assurée, pas plus que l'obligation de raccordement, nécessaire à la rentabilité du projet ».

M. Genoud, le chef de l'OCEN, enrageait. Il était à l'époque bien seul à y croire, à ce projet. Les SIG le laissaient tomber pour éviter de perdre de l'argent. Visiblement, la coordination entre les instances étatiques, SIG, OCEN et Conseil d'Etat, n'était pas adéquate, et ne pouvait définir une politique cohérente, ce que dénonce le rapport de la CEPP. Et les écolos eux-mêmes, qui auraient dû le soutenir, avaient de nombreux doutes, sur la taille du projet tout d'abord, et sur les conséquences négatives éventuelles sur la politique des déchets. (Nous y reviendrons au chapitre 2.1)

Mais M. Genoud est tenace, il fit réétudier le projet, sans le raccordement jusqu'au Lignon cette fois, et avec des tuyaux préisolés moins chers. On arrivait à 43 millions, bien près du seuil de rentabilité. Il convainc son patron de l'époque, Philippe Joye, de déposer un appel d'offres à des entreprises privées, lequel paraît dans la Feuille d'avis du 12.2.1997.

Cet appel d'offres aboutit à un cahier des charges et un concours en 3 étapes fut organisé. A la 3e étape, une seule offre fut rendue, celle de Vulcain (ce qui fit dire par la suite à l'Alliance de Gauche que la soumission était viciée, nous reviendrons plus en détails là-dessus au chapitre 2.3). Pour l'instant, tenons-nous en là : Vulcain gagne le concours, Vulcain est une société privée formée de deux bureaux d'ingénieurs, de la CGC qui appartient au groupe Vivendi et qui a déjà plusieurs contrats de fourniture à Onex, et de Zschokke. Pour la 2e étape, il y avait 8 concurrents ; dans deux d'entre eux, les SIG avaient une participation, malgré le fait qu'ils voulaient laisser tomber le projet deux ans plus tôt.

Vulcain gagne le concours ; ils ont fait l'étude, qui coûte 560 000 F L'étude est maintenant prête, il nous faut voter la concession pour la société Vulcain, c'est ce que nous proposait le projet 8064 original, déposé par le Conseil d'Etat.

Mais c'est là que les choses commencèrent à se compliquer : lors de leur audition devant la commission, les SIG nous dirent qu'ils avaient changé d'avis, que les conditions avaient changé aussi, avec l'obligation de raccordement - très relative, nous le verrons plus bas - avec l'extension du périmètre et surtout avec la venue d'un nouveau CA et d'un nouveau comité directeur, ils étaient prêts à réaliser le projet aux mêmes conditions que les privés.

Du coup, ce fut un sacré pandémonium en commission : sur le fond du problème tout d'abord, la gauche pensait que les SIG, opérateur public contrôlé par un CA public, offrent de meilleures garanties d'entretenir les réseaux et de rester un service public au service du public qu'une société privée contrôlée par Vivendi dont on connaît l'appétit du gain, les ambitions de monopole et les malversations en France et dans le tiers monde.

(Sur ces derniers points, on lira avec profit « Le manifeste de l'eau » de Ricardo Petrella, pp. 89 et suivantes. Il raconte bien comment Vivendi et la Lyonnaise des Eaux ont augmenté leurs prix, réduit l'entretien des réseaux, et corrompu des municipalités, à Grenoble, à Manille, à Mexico et ailleurs.)

Il fallait donc, selon la gauche, racheter l'étude à Vulcain et confier la concession aux seuls SIG.

La droite, elle, pensait que confier ce projet entièrement aux SIG risquait de le faire capoter ; on se souvient du manque d'enthousiasme dont les SIG ont fait preuve dans les premières études de ce projet, qui leur ferait perdre de l'argent en diminuant leurs ventes.

Les écolos, eux, raisonnaient à leur manière : ils n'ont pas, eux, de blocages idéologiques en ce qui concerne le dilemme public/privé. Ils pensaient que refaire l'étude - qui a pris une année à Vulcain - en deux mois, est impossible ; nous avons un deadline fin septembre pour l'octroi de la subvention fédérale, de 6,5 millions, sans laquelle le projet n'est plus rentable. Or cette subvention a été obtenue par Vulcain et elle est liée à l'offre de Vulcain, comme le précise une lettre de M. Kiener, de l'OFEN, reçue par la commission le 22 juin 1999. (v. annexe 1) De même, racheter l'étude existante et éjecter Vulcain de la réalisation, est certes possible juridiquement, le projet de loi 7606 qui lança le concours nous y autoriserait, mais risqué, on perdrait les clients de la CGC à Onex, on se fâcherait avec Vulcain qui risquerait d'entamer des démarches juridiques, on risquerait de perdre le know-how des privés qui ont tout de même trouvé des solutions techniques intéressantes, comme des soutirages supplémentaires basse pression, auxquels les SIG n'avaient jamais pensé, etc.

Les écolos proposèrent donc, dès le début de nos travaux, d'associer les deux opérateurs, le public pour sa garantie de service public à 60 %, le privé pour son know-how et son étude pour 40 %.

Cette solution mixte plaisait à la droite, à cela près que celle-ci aurait préféré ne pas spécifier que la majorité du capital-actions devait rester en mains publiques. Mais sur ce point les Verts restaient fermes.

Cette solution mixte avait de plus l'avantage d'agréer aux deux opérateurs, comme ils nous l'ont écrit dans plusieurs fax ; je vous cite ici le dernier, reçu le 21 juin 1999 de Vulcain (annexe 2) :

« Il est donc dans la suite logique de cette première approche que notre groupement, ainsi qu'il l'a dit devant votre commission et qu'il le réitère dans la présente, soit ouvert à une collaboration avec les collectivités publiques (communes concernées, UIOM des Cheneviers, Etat de Genève) et les SIG, et à ce que ces collectivités et les SIG prennent une participation dans la société devant être créée pour financer, réaliser et exploiter le projet Cadiom, y compris dans une hypothèse où ceux-ci, réunis, détiendraient la majorité de la société. »

C'est donc clair, les privés n'ont pas tellement envie de risquer 10 millions tout seuls - nous reviendrons ci-dessous, chapitre 2.2, sur la rentabilité assez limite de l'opération - ils préfèrent partager les risques et les bénéfices éventuels s'il y en a.

Les Verts se sont donc alliés avec la droite pour imposer une solution mixte, et avec la gauche pour imposer une majorité du capital-actions aux SIG. C'est cette solution équilibrée qui a prévalu pour finir dans le projet de loi que nous vous présentons ce soir. Et après moult péripéties, la commission l'a voté à l'unanimité.

2. Quelques développements, on entre dans les détails

2.1 Sur la politique des déchets à long terme

Les Verts et leurs partenaires de la coordination énergie avaient toujours eu de lourdes réticences par rapport au projet Cadiom. Ces réticences se sont manifestées notamment par le dépôt de deux motions, M 1152 et M 1169. La première fut refusée par le Grand Conseil à la fin de la législature précédente, la seconde acceptée au début de la présente législature. Ces deux motions avaient le même contenu, et posaient la question suivante :

Incinérer des déchets pollue, la pollution se concentre dans les cendres volantes et les mâchefers, il faut impérativement recycler, composter, produire et consommer plus « doucement » pour éviter cette pollution.

Cadiom ne risque-t-il pas de nous inciter à brûler au contraire plus de déchets, forcés que nous serons de chauffer les immeubles d'Onex ?

Tant qu'une réponse précise n'était pas apportée à cette question, les Verts étaient dubitatifs sinon opposés à Cadiom. Or, la réponse précise tardait à être donnée.

Des éléments de réponse figuraient certes dans le rapport 1998-2002 de gestion des déchets, qui prévoyait une baisse de 30 % des incinérations genevoises d'ici 2002, mais nous voulions plus, sur un plus long terme, pour être rassurés complètement. D'autres éléments de réponse figurent aussi dans l'excellent rapport de M. Courvoisier sur le projet de loi 7919-I-A, lorsqu'il parle d'une politique romande coordonnée de gestion des déchets, mais là aussi nous restions en partie sur notre faim.

Cette réponse précise et convaincante ne nous fut donnée de manière définitive que le 20 juin 1999, par M. Schaulin, des Cheneviers, qui démontra chiffres à l'appui qu'on pouvait brûler 3 fois moins de déchets qu'actuellement, dans 20 ans par exemple, soit 100 000 tonnes par an au lieu de 300, et encore conserver assez de pouvoir calorifique pour chauffer Onex. On a donc de la marge, on peut construire Cadiom. Du coup, les Verts devenaient de chauds partisans du projet, puisque récupérer de la chaleur qui serait perdue autrement est de toutes façons un plus au niveau écologique. Mais ce virage à 180 degrés sur le fond a été parfois mal compris par certains membres de la commission, ce qui accrut encore les tensions et les malentendus.

Certains députés cependant, tels MM. Longet et Vanek, ont très bien compris et soutenu les questions posées par les Verts sur cette question fondamentale.

2.2 Sur la rentabilité du projet

A 43 millions, le projet nous a été présenté en commission comme étant tout juste rentable, à certaines conditions. En effet, la société Vulcain se donne un temps d'essai de 9 mois, à partir du vote de la concession, pour voir si elle peut trouver suffisamment de clients à Onex pour rendre son projet rentable. Elle ne compte pas tellement sur l'obligation de raccordement, mais bien plutôt sur l'économie de marché. En effet, un propriétaire réticent qui se verrait imposer cette obligation de raccordement, pourrait, comme le prévoit l'art. 22 de la loi sur l'énergie, recourir au Tribunal administratif, ce qui entraînerait des pertes de temps et des complications dont Vivendi préfère se passer. La commission a néanmoins choisi de laisser cet article dans la loi, mais en sachant toutefois qu'il n'a qu'une portée limitée, d'autant plus que le Conseil d'Etat nous a bien rassurés en nous disant qu'il n'utiliserait cette possibilité qu'avec parcimonie, voire pas du tout, et en aucun cas dans le cas des serres des paysans de Plan-les Ouates, qui pourraient bénéficier des retours de chaleur à basse température, à un prix avantageux.

Ce démarchage auprès des clients potentiels à Onex, se ferait sur la base d'un prix du kWh thermique de 5 ct, soit 4 ct plus 1 ct de taxe de puissance, ce dernier centime correspondant aux frais de l'échangeur indispensable, qui viendrait remplacer la chaufferie dans les immeubles raccordés, et qui serait construit aux frais du concessionnaire. Ce prix de 5 ct/kWh inclut aussi 1 autre centime, qui serait lui payé aux Cheneviers, en échange de la baisse de leurs ventes d'électricité. (A noter ici, pour ceux qui sont friands de détails, que cette baisse de la production d'électricité des Cheneviers sera compensée par la construction d'une nouvelle ligne THT, ce qui fait qu'au total la production ne baissera pas. Cependant le centime est mérité tout de même par l'UIOM Cheneviers, puisque avec la construction de la nouvelle ligne elle aurait vu sa production augmenter.)

Pour apprécier la rentabilité à long terme du projet, il faut comparer ces 5 ct/kWh avec le prix du mazout : actuellement il est très bas, de l'ordre de 2,3 ct/kWh, selon les marchands de mazout qui sont venus nous voir. A ces 2,3 ct, il faut naturellement ajouter l'amortissement de la chaudière, et l'entretien, ce qui porte le prix de l'équivalent mazout quelque part aux alentours de 4-5 ct. Les habitants d'Onex ne seront donc pas prétérités, tout juste, au cas où ils accepteraient de se raccorder à Cadiom, d'autant moins qu'ils auraient avec Cadiom une bonne garantie d'entretien comprise dans le prix, et un entretien réduit. De plus, les habitants d'Onex bénéficieraient en acceptant de se raccorder à Cadiom d'un prix fixe de l'énergie, sur une longue période, un prix qui ne fluctuerait pas avec les cours du mazout ou du gaz.

On voit donc que le projet est juste rentable, et qu'il pourrait même le devenir tout à fait si le prix du mazout venait à augmenter à l'avenir, ce qui pousserait d'autres propriétaires à se raccorder. Par contre, si le prix du mazout devait rester bas, ou même qui sait baisser encore, certains propriétaires qui auraient signé des contrats à court terme pourraient choisir de ne pas les renouveler, et d'en revenir au système traditionnel gaz ou mazout, ce qui prétériterait bien entendu la rentabilité financière du projet Cadiom. Espérons donc que le prix du mazout augmente, ce qui de toutes manières serait souhaitable pour donner un signal correct et intelligible aux consommateurs.

Pour conclure sur cette délicate question de la rentabilité du projet, mentionnons encore trois points :

1. Un graphique nous a été distribué en commission, qui se base sur des hypothèses moyennes en ce qui concerne le nombre de contrats de raccordement qui seront signés d'ici la fin de la période probatoire de 9 mois. Selon ce graphique, la société génèrera du cash flow à partir de la 6e année après la fin des travaux, c'est à dire dans 8 ans. C'est tard.

2. On comprend mieux en regardant ce graphique pourquoi Vulcain était le seul à soumissionner lors de la 3e étape, et pourquoi ils acceptent avec autant d'empressement une participation des SIG au capital-actions. Même majoritaire.

3. L'Etat en tant que tel nous a écrit qu'en tant qu'autorité de surveillance et au nom d'une claire séparation des pouvoirs, il préférait ne pas participer au capital-actions, ce que la commission a très bien compris.

2.3 Sur la procédure d'adjudication

M. Grobet est revenu très souvent en commission sur cette question. Il a eu de nombreux échanges avec M. Genoud à ce sujet. M. Cramer, appelé en arbitre par M. Vanek sur ce point, a fini par déclarer qu'en effet cette procédure aurait pu être mieux organisée, le fait qu'un seul concurrent participe à la 3e étape indiquant sans doute des problèmes. Bien entendu, le fait que le prix du mazout ait encore chuté pendant cette procédure n'est pas étranger non plus à la défection de certains candidats, qui ne voulaient pas risquer de l'argent à perte. Mais cette procédure a duré 2 ans, on n'a pas le temps de la refaire, d'autant moins que la subvention fédérale liée à l'étude tombe le 30 septembre 1999. Allons-y donc comme ça, rien n'est jamais aussi parfait qu'il le faudrait, nous non plus nous ne sommes pas parfaits !

2.4 Auditions devant la commission

Notre commission de l'énergie a entendu, le 4 juin, la proposition des SIG de reprendre le projet, et de payer l'étude à Vulcain. Proposition « décoiffante » (selon notre président, M. Vaucher) s'il en fût. A noter que divers malentendus existaient encore lors de cette séance, ces malentendus ont pesé sur nos travaux et n'ont pas été faciles à élucider. Par exemple, M. Fatio pensait encore lors de cette séance que la subvention fédérale accompagnait la concession cantonale, et que donc si nous donnions celle-ci aux SIG, la subvention fédérale accompagnerait automatiquement la concession. Dans une lettre datée du 22 juin, M. Kiener nous expliquait qu'il n'en était rien, que la subvention fédérale a été obtenue par Vulcain et qu'elle est liée à l'offre de Vulcain. Ce qui du coup exclut de confier l'intégralité du projet aux SIG, à moins de décider de se passer de la subvention fédérale, et donc de compenser cette subvention par une subvention cantonale. A moins encore, de refaire en deux mois une étude complète, comme le suggère avec humour M. Kiener dans sa lettre (voir annexe 1 déjà mentionnée).

M. Fatio se disait lors de cette séance prêt à partager le capital-actions avec Vulcain, à condition que les SIG en possèdent la majorité.

Lors de la même séance du 4 juin, notre commission a entendu MM. Ammann et Schaulin, des Cheneviers. Ces deux ingénieurs ont essayé de répondre complètement aux questions soulevées par les motions 1152 et 1169 sur la politique des déchets à long terme. Mais leurs réponses n'ont pas été jugées suffisamment complètes, il a fallu réorganiser une séance à l'OCEN, avec MM. Genoud et Schaulin, pour convaincre définitivement le rapporteur que la politique des déchets à long terme ne serait pas prétéritée par Cadiom.

Notre commission a enfin entendu MM. Stoffels et Matthey, de la société Vulcain. Ils nous ont présenté leur société, regroupement de 4 sociétés, CGC énergie (qui appartient au groupe Vivendi, et qui possède déjà des contrats à Onex) PEG et Steiner (bureaux d'ingénieurs) et Zschokke entrepreneur (qui construira les tuyaux nécessaires). Ils nous précisent le prix de l'énergie qu'ils vont livrer à Onex, soit 4 + 1 ct comme dit plus haut. Ils nous précisent aussi que les démarches bancaires qu'ils ont faites se sont soldées par un échec auprès de l'UBS, mais qu'ensuite la BCG a accepté de reprendre le dossier et de leur prêter l'argent nécessaire. Ils nous détaillent enfin leurs prévisions quant à l'évolution de leurs prix dans le temps ; ces prix ne dépendront pas du prix du mazout, ce qui est bien évident puisque le mazout ne sera pas utilisé. Par contre, ils dépendront de l'inflation et du prix d'achat de la chaleur à l'UIOM pour moitié-moitié.

Lors de sa séance du 18 juin, notre commission a entendu les négociants en combustibles, MM. Bosson et Nefle. Ces personnes vont perdre des clients si Cadiom se réalise, mais ils peuvent l'accepter au nom de la protection de l'environnement, au nom des 9 000 tonnes de mazout économisées chaque année (9 000 tonnes selon M. Stoffels, de Vulcain ; le projet de loi 8064 parle lui de 13 000 tonnes). Cependant les négociants en mazout ne pourraient accepter une distorsion de concurrence, c'est-à-dire qu'ils seraient choqués que les gens d'Onex paient leur chaleur plus cher parce qu'ils sont obligés de se raccorder à Cadiom. Nous leur avons donné quelques explications sur le caractère relatif de l'obligation de raccordement, qui doit respecter l'art. 22 de la loi sur l'énergie, donc le principe de proportionnalité.

2.5 Discussion en commission

Notre commission s'est abondamment déchirée, elle s'est parfois réconciliée (assez souvent ! Puisque pour finir nous nous sommes tous mis d'accord), elle a rigolé, elle a eu chaud (c'était le mois de juin et nos locaux sont souvent surchauffés, et 4 heures de séance sans interruption, il faut avoir le moral pour suivre tous les débats !).

Comme c'est souvent le cas, notre commission a peu parlé du fond du problème, à savoir si Cadiom était ou non une bonne idée. Le consensus général à droite était que Cadiom devait être soutenu, c'est Mme Berberat qui a eu les accents les plus convaincants pour nous dire que tant de chaleur perdue dans le Rhône c'était idiot, il fallait récupérer cette chaleur pour l'utiliser à Onex. La Gauche et les Verts acceptaient volontiers cette idée, à condition que la politique des déchets n'en soit pas prétéritée, ce qui avait été enfin démontré de manière convaincante par M. Schaulin le 20 juin. Sur le fond, tous dès lors pouvaient soutenir le projet, mais on va voir que sur la forme (qui doit réaliser ce projet ?) les querelles furent très vives. Au point de mettre en péril le fond du projet, c'est-à-dire Cadiom lui-même.

La Gauche en effet se méfie de Vivendi comme de la peste (ou bien se méfie-t-elle du privé en général ?). Elle pense que Vulcain ne se lance dans cette opération que pour créer un monopole privé, qui ensuite ferait monter les prix une fois le canton asservi dans ses rets. Les prix monteraient et l'entretien indispensable des réseaux serait négligé sur l'autel des profits à court terme.

La Gauche propose donc de racheter l'étude à Vivendi, et de confier l'ensemble de la réalisation à une société contrôlée par les collectivités publiques, les SIG. La loi 7606, votée par notre Grand Conseil en septembre 1997, nous en donne le droit. Bien sûr, la Gauche est consciente de 4 risques, techniques, économiques et juridiques liés à cette façon de faire, que je veux rappeler brièvement ici :

1. Vulcain, fâché de se voir retirer un travail pour lequel il avait gagné un concours, pourrait entamer diverses démarches juridiques contre les SIG, ce qui pourrait nous faire perdre du temps et rater ainsi le deadline de la subvention fédérale, qui n'est valable que jusqu'au 30 septembre.

2. Vulcain vendrait certes son étude aux SIG, mais risquerait de ne donner d'autres informations qu'au compte-goutte et avec réticence, or le know-how de ces gens-là est important.

3. Les clients déjà existants de la CGC pourraient choisir de rester avec la CGC plutôt que de prendre le parti des SIG dans une guerre commerciale risquée.

4. La subvention fédérale est liée à l'étude présentée par Vivendi à l'OFEN le 19 janvier 1999. Si les SIG rachetaient l'étude, peut-on être sûr que cette subvention leur serait acquise ? La lettre de M. Kiener du 22 juin 1999, n'est pas tout à fait claire à ce sujet.

Ces quatre risques existent évidemment, mais on peut en apprécier le poids de façon différente, selon les biais politiques qu'on a dans la tête les uns et les autres. Pour la Droite et les Verts, ces quatre risques étaient trop importants pour être courus, pour la Gauche ils étaient négligeables par rapport à l'importance de l'enjeu. A noter qu'in fine la commission fut unanime à accepter ce compromis, mais il nous fallut 30 heures de séance pour parvenir à ce résultat raisonnable !

C'est sur cette base qu'eut lieu un premier vote en commission, le 18 juin : voulons-nous un mix privé / public?

A cette question, la Gauche répondit non et la Droite et les Verts oui.

Ensuite nous continuâmes nos travaux parce qu'il restait à trancher de la délicate question du capital-actions. De nombreux projets de loi circulaient par e-mail, avec les propositions des uns et des autres ; le rapporteur compte au moins huit versions avec des variantes qui ont circulé parmi les membres de la commission.

A un moment délicat, la Gauche menaçait de voter contre la proposition des Verts, 60 - 40 SIG - Vulcain, s'alliant ainsi avec la Droite qui ne voulait pas d'une position majoritaire pour les collectivités publiques. Dans ce cas de figure, si nous avions voté à ce moment-là, nous aurions eu 2 Verts pour le 60 - 40, les 13 autres députés votant contre pour des raisons opposées !

Mais heureusement, le député Grobet était plus raisonnable que ses collègues, il avait plus de patine politique, il avait vu le danger et décida de s'arranger avec le rapporteur. Ensemble, nous rédigeâmes l'essentiel du projet qui vous est soumis ce soir, et c'est lui aussi qui trouva de petites variantes, qui ne furent pas retenues dans le projet final, mais eurent l'avantage de rallier avant l'été les députés de Droite les plus raisonnables, les DC et les Radicaux.

C'est ainsi que juste avant la pause estivale, notre commission vota en deux débats une première mouture du projet de loi, qui ressemblait à celui qui vous est soumis ce soir, à cela près qu'il prévoyait une répartition de 60 - 40 du capital-actions en faveur des SIG, le projet de Vulcain étant par ailleurs intouché. Ce projet fut soumis durant l'été aux deux protagonistes principaux, pour voir ce qu'ils en pensaient, à quelles conditions ils étaient prêts à collaborer ensemble.

Les deux sociétés Vulcain et SIG renoncèrent donc à partir en vacances et organisèrent trois rencontres durant l'été, des rencontres de travail à l'issue desquelles un accord fut trouvé, qui est résumé dans la lettre d'intention qui figure à l'annexe 3 du présent rapport.

Ensuite, lors de notre première séance d'août 1999, les dirigeants des deux sociétés vinrent ensemble nous présenter leur accord : notre commission reçut MM. Mathey, de la CGC (société affiliée au groupe Vivendi, qui a déjà toute une clientèle à Onex), Dieu, de Zschokke (société qui va poser les tuyaux), Stoffels, du bureau d'ingénieurs PEG, Battistella, le nouveau directeur général des SIG, de Siebenthal, directeur du gaz, et Fatio, président des SIG. Dans l'accord qui nous fut présenté, la pression politique avait pesé dans la balance, mais les nécessités du marché, les connaissances techniques et la clientèle aussi : l'accord qui figure dans la lettre d'intention est moins favorable aux SIG que ce que suggérait la commission, néanmoins les SIG restent majoritaires (à 51 %) dans la lettre d'intention. M. Battistella fit très bonne impression et sut résumer en quelques phrases fortes l'accord : les privés apportent un savoir-faire et un dynamisme qui avaient fait défaut jusqu'ici aux SIG, ce qui leur fait beaucoup de bien. D'un autre côté, les SIG apportent une garantie de service public rassurante, la corbeille de mariage est donc bien équilibrée, tout le monde était assez content…

Mais pas encore tout à fait : les députés de l'Alliance de Gauche avaient encore toute une série de questions à poser, sur la nature des actions, sur la répartition des commissions qui seraient versées en cas de démarchage positif d'un client, en gros sur la gestion de la société nouvellement créée.

Les députés de droite firent valoir qu'il n'appartenait pas à la commission de faire le travail de gestion de la société nouvellement créée, que nous allions trop loin dans les détails. Mais par gain de paix et pour aboutir à un consensus et une unanimité, tous les députés souffrirent encore une autre longue séance, à l'issue de laquelle les questions du député Grobet reçurent une réponse de Vulcain et des SIG, qui fut encore longuement discutée. Cette dernière lettre figure à l'annexe 4 ci-dessous, elle est explicitement mentionnée aussi dans le projet de loi, voté pour finir à l'unanimité, que notre commission vous propose ce soir.

2.6 Commentaires sur certains articles du projet

Deux articles nous ont donné du fil à retordre, il s'agit de l'art. 1 sur la répartition des actions dans la nouvelle société, et de l'art. 6 sur l'obligation de raccordement. L'article 1 a déjà été commenté ci-dessus, disons simplement qu'il est le reflet de l'équilibre des forces en présence : il est sain qu'un réseau de chauffage à vocation écologique soit contrôlé publiquement, il n'aurait pas été sain que ce même réseau soit entièrement privé. De plus, l'entreprise publique n'avait pas les moyens - techniques et psychologiques - d'entreprendre seule cette construction, il est donc sain qu'une entreprise privée vienne l'épauler.

Sur l'obligation de raccordement, le raisonnement de la commission a été le suivant : cette obligation est soumise aux conditions de proportionnalité de l'art. 22 de la loi sur l'énergie. En rappelant cet article, alors que nous n'y étions pas obligés puisqu'il figure déjà à l'art. 22 de la loi sur l'énergie, que disions-nous ?

Nous disions que si l'ensemble du projet Cadiom devait être mis en péril par le refus égoïste d'un seul propriétaire, refus qui n'aurait aucune raison économique puisque l'obligation de raccordement est soumise au principe de proportionnalité, alors il est bon que le Conseil d'Etat puisse imposer le raccordement, dans l'intérêt de l'effet de serre sur cette petite planète bleue. C'est ce que demandait le peuple en votant à réitérées reprises contre le nucléaire. Au surplus, si le Conseil d'Etat devait se tromper en considérant que le principe de proportionnalité est respecté, le propriétaire aurait encore des voies de recours au Tribunal administratif. C'est pour éviter de crisper les propriétaires que les concessionnaires nous demandèrent de supprimer ce rappel de l'art. 22 existant. Mais la commission a jugé, pour finir, à l'unanimité sur ce point-là aussi, que moyennant un amendement « l'obligation … PEUT s'appliquer… ». Elle pouvait comprendre et approuver le chef du département dans sa politique prudente et néanmoins écologiquement ferme.

2.7 Quelques commentaires sur la lettre d'intention

Cette lettre qui figure à l'annexe 3 résume l'accord intervenu pendant l'été entre les SIG et Vulcain SA. Notre commission l'a analysée dans ses moindres virgules, elle s'est longuement penchée en particulier sur l'article 6, qui détaille le principe de la commission de 5 % qui sera versée à la société qui parviendrait à démarcher un nouveau client. Cette commission de 5 % du chiffre d'affaires peut atteindre des sommes très importantes, mais il faut relever aussi qu'elle ne sera versée qu'à partir du moment où le cash flow sera disponible, soit après 6-8 ans, et où le résultat financier sera excédentaire. Cette commission nous a valu de longs débats, et un bon gag aussi : à un moment donné, le député Grobet nous dit en souriant : « Si le Conseil d'Etat impose à un propriétaire réticent l'obligation de raccordement, aura-t-il le droit de toucher la commission de 5 % ? » Les éclats de rire qui s'ensuivirent lui firent plaisir, au point qu'il se laissa aller à caresser le chapeau de sa voisine Myriam ; ça fait plaisir de se retrouver entre êtres humains, même en politique !

Conclusion

A l'unanimité, la Commission de l'énergie et des Services industriels vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

Lettre d'intentions résumant l'accord intervenu entre Vulcain et les SIG :

LETTRE D'INTENTION

entre

Vulcain

c/o PEG S.A.

Rue du Lièvre 4

CP 356

1211 Genève 24

et

Services industriels de Genève

Chemin du Château Bloch 2

1219 Le Lignon

Sur la base de la lettre adressée le 7 juillet 1999 par le Président de la Commission de l'énergie et des SIG du Grand Conseil, conjointement aux Services industriels de Genève et à Vulcain, ces derniers ont mené des pourparlers dont la finalisation a abouti à la signature de la présente lettre d'intention.

1. Principe

Les SIG et Vulcain s'engagent à créer la société anonyme Cadiom S.A. dont le but sera les études d'exécution, la réalisation et l'exploitation du projet Cadiom tel qu'il est décrit dans le dossier d'offre remis par Vulcain à l'Office cantonal de l'énergie le 30 novembre 1998.

2. Constitution de la Société

Le capital de la société Cadiom S.A. sera constitué pour

51 % par les Services industriels de Genève

et

49 % par les associés de la société Vulcain.

La société Cadiom S.A. aura son siège dans les bureaux des Services industriels de Genève.

Le Conseil d'administration de la société sera constitué d'un nombre égal d'administrateurs représentant Vulcain d'une part et les Services industriels de Genève d'autre part.

La société Cadiom S.A. sera présidée avec voix prépondérante en cas d'égalité par un membre de son Conseil d'administration proposé par les Services industriels de Genève.

Les statuts de Cadiom S.A. protègeront les intérêts de l'actionnaire minoritaire lors de la prise de décisions importantes par la mise sur pied d'un système de vote à la majorité qualifiée.

La participation d'autres collectivités publiques au capital de Cadiom S.A. est jugée prématurée à ce stade du projet.

3. Retrait de la Société

Les partenaires de la société simple Vulcain auront priorité pour le rachat entre eux d'actions leur appartenant.

Il sera créé un droit de préemption réciproque entre les actionnaires Vulcain et Services industriels de Genève sur l'ensemble des actions détenues.

Le groupe Vulcain et les SIG s'engagent de bonne foi à réaliser le projet dans son intégralité. Si, à la fin de la phase d'études d'exécution, il s'avérait que les estimations soient sensiblement différentes des hypothèses retenues dans l'offre initiale en en réduisant sa rentabilité économique, Cadiom S.A. aviserait aussitôt le Conseil d'Etat pour discuter de la suite à donner au projet et des nouvelles conditions nécessaires à sa réalisation.

En cas de dissolution de la Société Cadiom S.A., les frais engagés seront couverts au prorata du capital engagé.

4. Financement

Les modalités détaillées du financement seront étudiées ultérieurement. En cas de besoin, les actionnaires s'engagent à fournir les garanties bancaires du crédit de construction au prorata de leur part d'actionnariat.

La part de financement ou son amélioration (hors capital) que pourrait apporter un des actionnaires par sa prise de risque en lieu et place de la garantie bancaire lui sera rémunérée par la société Cadiom S.A.

5. Réalisation

La réalisation du projet jusqu'à une puissance connectée de 55 MW sera réalisée aux conditions de l'offre Vulcain.

Le comité de réalisation sera constitué et dirigé par des collaborateurs de la société Vulcain, auxquels seront adjoints un ou deux ingénieurs/collaborateurs des Services industriels de Genève, dont un au moins au titre d'adjoint au chef de projet.

Il fera appel aux Services industriels de Genève pour l'établissement des conventions de passages des conduites et pour leur gestion ultérieure.

Les Services industriels de Genève paieront à la Société Vulcain, dès la constitution de la Société Cadiom S.A., la somme de 255'000 F à titre de participation aux frais engagés pour obtenir la concession de l'Etat de Genève.

Dès sa constitution, la société Cadiom S.A. financera les études d'exécution et mandats divers nécessaires à la réalisation du projet.

6. Commercialisation

La commercialisation sera assurée principalement par la société CGC Energie S.A., membre de la société Vulcain. Les collaborateurs du Service du gaz des Services industriels de Genève seront associés au processus complet d'acquisition de quelques clients significatifs.

L'apport commercial de la société CGC Energie S.A., notamment selon la liste de clients fournie dans l'offre, de même que celui que pourrait apporter un autre des actionnaires, lui sera rémunéré par la société Cadiom S.A. sous forme de commission à raison de 5 % au maximum du chiffre d'affaire par an, à condition que la société Cadiom S.A. :

produise un résultat excédentaire par rapport au plan financier, de façon à ce que le TRI du projet actuellement prévu à 8 % sur 25 ans, ne soit pas mis en cause,

et

se trouve dans une période de cash flow disponible pour verser un dividende ; dans le cas contraire, cette commission sera comptabilisée au passif.

La politique de prix de Cadiom S.A. sera déterminée pendant la phase des études de détail et garantira l'égalité de traitement entre clients de mêmes catégories.

7. Exploitation

Toutes les tâches d'exploitation confiées aux actionnaires seront rémunérées sur la base de contrats à prix fixes et forfaitaires tels que définis dans l'offre de réalisation de la société Vulcain.

La répartition des principales tâches est prévue comme suit :

CGC Energie S.A. (Vulcain) : gestion et surveillance du réseau, surveillance des sous-stations, gestion et surveillance des chaufferies d'appoint

SIG : présidence, siège de la société Cadiom S.A., secrétariat, relevé des compteurs, facturation. Les Services industriels de Genève participeront en outre à l'exploitation du réseau par l'installation d'un moniteur répétiteur de surveillance du réseau dans leurs locaux, par le suivi d'une formation commune avec la société CGC Energie S.A., par la collaboration aux travaux d'optimisation du réseau, et par leur association aux séances d'exploitation de la société Cadiom S.A.

8. Obligation de raccordement

Les actionnaires s'engagent à demander ensemble la suppression de l'article concernant l'obligation de raccordement du projet de loi attribuant la concession, cette possibilité existant déjà dans la loi sur l'énergie.

9. Planning

Le projet se déroulera selon le planning suivant :

1. c :

attribution de la concession par le Grand Conseil

2. après c, mais avant le 30 septembre 1999 :

confirmation par l'OFEN de l'octroi de la subvention fédérale

3. c + 40 jours :

fin du délai référendaire

4. c + x :

- constitution de la S.A.

- signature de la convention entre Cadiom S.A. et l'Etat et du contrat de fourniture de chaleur avec les Cheneviers

5. c + 2 mois :

mandats d'études d'exécution (y compris  commercialisation)

6. après c + 2 mois :

- commercialisation

- finalisation du financement du projet

7. c + 10 mois :

- fin des études d'exécution, confirmation des clauses financières et de la signature des contrats de livraison de la chaleur

- ouverture du chantier

 Pour la société Vulcain : Pour les Services industriels de Genève :

M. M. Matthey M. R. Battistella

M. J.-P. Stoffels

ANNEXE 4

Lettre des SIG et de Vulcain SA à la commission de l'énergie :

Genève, le 31 août 1999

Concerne : Projet Cadiom

Monsieur le président,

Suite à la séance de la Commission de l'énergie et des SIG du 27 août 1999, nous vous indiquons ci-après notre position commune par rapport aux principales questions soulevées entre autres par M. Christian Grobet, député.

1. Les actions seront-elles nominatives de manière à rendre le contrôle de la propriété de Cadiom S.A. toujours possible ?

La part de 49 % ne sera pas détenue par la société simple Vulcain en tant que telle, mais par chacun de ses partenaires.

Les clauses prévues dans la lettre d'intention garantissent que la répartition entre les SIG et Vulcain ne sera pas modifiée. Le contrôle de Cadiom S.A. sera donc toujours aux mains des SIG.

Une modification de la répartition au sein de Vulcain doit toujours être possible mais n'influera pas sur la majorité détenue par les SIG.

Au cas où le Grand Conseil l'estimerait indispensable, les partenaires sont prêts à envisager un actionnariat nominatif.

Afin de garantir le respect de ces dispositions, la lettre d'intention pourrait être visée dans le projet de loi en tant que document contraignant pour les SIG et pour Vulcain vis-à-vis de l'Etat.

2. Est-ce que les partenaires de Cadiom S.A. ne profiteront pas d'une situation où il n'y aura pas d'appel d'offres (en particulier Zschokke) ?

Les travaux seront effectués aux prix fixés dans l'offre comme les partenaires de Vulcain s'y sont engagés. Ces prix fixes sont une des garanties de la réussite du projet et les remettre en cause aujourd'hui ne pourrait qu'entraîner leur augmentation.

Il y aura appel d'offres pour la désignation de certains sous-traitants dans le cadre de la responsabilité financière globale des membres de Vulcain.

3. Est-ce que la commission pour l'apport d'un client sera calculée sur le chiffre d'affaires réalisé avec le client ?

La commission commerciale sera bien calculée sur le chiffre d'affaires apporté par chaque client et non sur le chiffre d'affaires global.

4. Est-ce que le travail nécessaire à transformer la liste des clients potentiels présentée dans l'offre en affaires acquises sera correctement réparti et rémunéré par les commissions ?

La conclusion de contrats avec des clients potentiels listés dans l'offre sera soumise au versement de la commission prévue à CGC Energie SA, l'important travail de démarchage effectué pour la remise de l'offre ne pouvant être remis en cause.

Les signataires de la lettre d'intention garantissent de donner la priorité aux SIG dans le démarchage de nouveaux clients par rapport à ceux figurant dans l'offre.

Signalons que ces démarches comprennent non seulement la négociation d'un prix de vente de l'énergie (coût de la chaleur et taxe de puissance), mais également la détermination d'une taxe de raccordement basée sur le prix de rénovation de la chaudière considérée, compte tenu de sa valeur vénale.

Nous vous rappelons que l'accord sur la lettre d'intention a fait l'objet de difficiles négociations et que son contenu doit être considéré comme un tout où chaque élément a son importance.

Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et vous prions d'agréer, Monsieur le Président, nos salutations distinguées.

Signé :     Pour Vulcain SA, MM. Matthey et Stoffels,     Pour les SIG, M. Battistella

ANNEXE 5

Plan du périmètre concédé pour l'utilisation du domaine public et le raccordement au réseau de distribution de chaleur

M 1169-A

Donnant suite à une proposition déposée le 27 novembre 1997, le Grand Conseil a adopté le 21 janvier 1998 la motion 1169 sur une étude complémentaire à l'étude du projet Cadiom dans la teneur suivante :

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

le rapport sur le projet de loi 7066 de M. le député Hervé Burdet, sur l'étude d'un projet de récupération de la chaleur de l'usine des Cheneviers dans le but de chauffer Onex (Cadiom), rapport accepté en septembre 1997 ;

que l'étude envisagée se place sur le plan strictement énergétique, alors que la question de la politique à long terme des déchets (20 ans) n'est abordée que marginalement ;

le refus par l'ancien Grand Conseil, majoritairement hostile aux thèses du développement durable, d'accepter une étude complémentaire sur l'aspect déchets

invite le Conseil d'Etat

à accompagner l'étude énergétique Cadiom d'un rapport complémentaire, portant sur la politique des déchets. Ce rapport devrait répondre, entre autres, aux questions suivantes :

Quelle réduction du tonnage de déchets à incinérer aux Cheneviers peut-on raisonnablement envisager dans les années à venir ? Quelles seraient les possibilités respectives du recyclage, de la méthanisation et des productions alternatives ?

La construction et l'exploitation de Cadiom ne risque-t-elle pas de prétériter une telle politique de réduction des incinérations ?

Quels seraient les scenarii possibles sur 20 ans (croissance ou décroissance des incinérations aux Cheneviers, construction de CCF ou de chaufferies traditionnelles à Onex) et leurs incidences sur l'environnement ?

Quelles productions de courant indigène pourraient, le cas échéant, compenser la baisse de production électrique due à Cadiom ?

Compte tenu de la procédure accélérée imposée au projet de loi 8064 par l'échéance de fin septembre 1999 à laquelle une subvention fédérale est liée, il n'avait pas été possible de répondre simultanément à la présente motion. Mais le présent rapport a été remis dès le 21 mai 1999 à la Commission de l'énergie et des Services industriels saisie du projet de loi. Celle-ci a pu par ailleurs approfondir le sujet d'une part en auditionnant les responsables de l'usine des Cheneviers et, d'autre part, au cours d'une séance de travail supplémentaire en marge des séances de la commission. Le dépôt de ce rapport devant le Grand Conseil répond ainsi à une préoccupation d'ordre formel - permettre au Parlement d'être saisi d'une réponse à la motion dans le cadre de son ordre du jour - et aussi au souci que les députés bénéficient d'une information équivalente au moment où le Grand Conseil sera amené à se prononcer sur le rapport de la Commission de l'énergie et des Services industriels relatif au projet de loi 8064.

Cela étant, en préambule, il faut souligner que la loi sur la gestion des déchets, le concept de gestion des déchets et le plan de gestion des déchets 1998-2002 constituent déjà des réponses aux préoccupations d'alors des motionnaires.

Ils confirment la convergence, dans le sens d'une prise en compte globale de l'ensemble des éléments pertinents, de la politique de gestion des déchets et de la politique de l'énergie (auxquelles il faut ajouter la politique relative à la protection de l'air) que les motionnaires craignaient de voir évoluer de manière contradictoire.

A cet égard, on peut répondre comme suit aux quatre interrogations soulevées par la motion.

1. Quelle réduction du tonnage de déchets à incinérer aux Cheneviers peut-on raisonnablement envisager dans les années à venir ? Quelles seraient les possibilités respectives du recyclage, de la méthanisation et des productions alternatives ?

Dans la stratégie suisse et genevoise de gestion des déchets, l'objectif est double :

diminuer la part des déchets non triés (en diminuant à la source le volume des déchets et en augmentant la part des tris de toutes sortes, parmi lesquels ceux qui conduisent à la réutilisation, au recyclage ou à la méthanisation) ;

incinérer la totalité des déchets non triés (dont 23 % étaient encore mis en décharge en 1996, avec des effets néfastes tant pour l'air que pour le sol ou l'eau) ; la législation fédérale prévoit que, d'ici le 1er janvier 2000, toutes les décharges encore en activité en Suisse devront être fermées.

Au niveau suisse, cela ne conduit nullement à la disparition ou à une chute des besoins d'incinération, comme on a pu un temps l'imaginer. En effet, la fermeture des décharges dès le 1er janvier 2000 va au contraire générer des besoins importants en matière de capacité d'incinération. De façon à y répondre, la Confédération prévoit, dans le cadre d'une coordination intercantonale, la construction à court terme de deux nouvelles usines d'incinération dont une en Suisse romande, à Fribourg. Il est à relever que, de façon à tenir compte des développements attendus en matière de récupération des déchets - et pour éviter des frais inutiles et des installations coûteuses - cette planification fédérale est volontairement sous-dimensionnée.

Au niveau genevois, l'usine des Cheneviers incinère actuellement de 300'000 à 310'000 tonnes de déchets par an (dont 70'000 à 80'000 tonnes provenant de clients extérieurs au canton). Le plan cantonal prévoit une diminution des déchets genevois incinérés d'environ 50'000 tonnes. Les capacités de traitement supplémentaires ainsi obtenues permettront de faire face aux nouveaux déchets qui seront livrés par les régions limitrophes du canton de Vaud. C'est en se fondant sur cette capacité supplémentaire de traitement des déchets à Genève que la coordination intercantonale des usines d'incinération organisée par l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) a considéré que la construction d'une nouvelle usine d'incinération dans le canton de Vaud ne constitue pas une priorité.

A cela s'ajoute un deuxième facteur : l'amélioration du tri des déchets a pour effet d'augmenter le pouvoir calorifique des déchets incinérés, car on retire surtout des déchets à faible pouvoir calorifique, c'est-à-dire qui brûlent mal, comme le verre, le métal et les déchets compostables. Récupérer la chaleur émise non seulement sous forme de production d'électricité mais également sous forme de réseau de distribution de chaleur se confirme donc non comme une diversion (ou un objectif secondaire risquant de devenir une fin en soi) mais bien comme une nécessité dans le fonctionnement d'une usine d'incinération.

2. La construction et l'exploitation de Cadiom ne risquent-t-elles pas de prétériter une telle politique de réduction des incinérations ?

D'une part, comme indiqué ci-dessus, les installations d'incinération de déchets font bien partie intégrante de la politique de gestion des déchets (l'Office fédéral de la protection de l'environnement et du paysage estime nécessaire de porter la capacité d'incinération en Suisse de 2,87 millions de tonnes par an à 3,3 millions de tonnes). De façon à pouvoir mettre en oeuvre cette politique, il est nécessaire de maintenir en fonction l'usine des Cheneviers pour le reste de la durée de vie des fours actuellement installés. A cette échéance, soit l'on aura trouvé de nouvelles techniques de gestion des déchets, soit une nouvelle installation sera construite, pas nécessairement à Genève mais peut-être sur un site moins défavorable. C'est la raison pour laquelle il a été expressément prévu qu'en aucun cas la durée de la concession de Cadiom n'excédera pas la durée de vie des installations actuelles.

D'autre part, il n'est pas question d'incinérer des déchets en quelque sorte artificiellement, pour répondre aux besoins du réseau de distribution de chaleur. Celui-ci vise au contraire à éviter, dans l'exploitation d'une installation indispensable, des rejets de chaleur nuisibles à l'environnement. A cet égard, Cadiom est dimensionné en prenant en considération les seuls fours à grille 5 et 6 récemment mis en service (à l'exclusion donc du four 3, qui pourrait être définitivement arrêté en 2009, et du four 4, dont la production de vapeur est utilisée pour les besoins internes de l'usine). Il se limite à utiliser une production thermique maximale de 57 tonnes/heure de vapeur, alors que la capacité de ces deux seules installations est de 130 tonnes/heure (185 tonnes/heure en incluant le four 3). A l'extrême, même une usine des Cheneviers réduite au tiers de sa capacité actuelle est à même de fournir la chaleur nécessaire à Cadiom.

3. Quels seraient les scénarios possibles sur 20 ans (croissance ou décroissance des incinérations aux Cheneviers, construction de centrales chaleur-force ou de chaufferies traditionnelles à Onex) et leurs incidences sur l'environnement ?

En fonction des réponses aux questions 1 et 2, les scénarios concernant l'incinération vont de la croissance modérée à la diminution modérée en passant par la stabilisation. Ils seront surtout dépendants des choix effectués en matière de politique régionale.

Une étude de faisabilité portant sur l'implantation d'une ou de quatre centrales chaleur-force sur le site d'Onex, avait été entreprise en 1995. Le périmètre de distribution était pratiquement similaire à celui prévu pour Cadiom. Dans le cadre de cette étude, plusieurs variantes avaient été examinées : turbine à gaz, turbine à gaz à cycle combiné, etc.

Du point de vue de l'incidence sur l'environnement, la réalisation d'un réseau de distribution de chaleur à partir des Cheneviers s'avère cependant bien plus favorable que la construction de centrales chaleur-force ou de chaufferies traditionnelles à Onex, sous un double aspect :

en l'absence d'un réseau de distribution de chaleur, la part d'électricité produite aux Cheneviers serait certes un peu plus importante mais un rejet considérable de chaleur dans le Rhône, au détriment de son écosystème, persisterait ;

quel que soit le système retenu, la construction de centrales chaleur-force ou de chaufferies traditionnelles à Onex implique une utilisation de combustible fossile et des rejets de NOx et de CO2 dont l'utilisation des rejets de chaleur des Cheneviers permet de se dispenser avantageusement.

4. Quelles productions de courant indigène pourraient, le cas échéant, compenser la baisse de production électrique due à Cadiom ?

La mise en place d'un réseau de distribution de chaleur selon le projet Cadiom a pour effet une réduction du potentiel de production d'électricité de l'usine des Cheneviers de l'ordre de 10 %. Dans l'usine même, il est prévu de retrouver cette capacité de production au travers d'une installation de récupération sur les gaz de fumée. On ne cite ici que pour mémoire les autres projets tendant à développer la production indigène d'électricité : réfection de Chancy-Pougny, installations photovoltaïques, installations chaleur-force dans des sites favorables, tels Meyrin.

Au bénéfice de ces explications, le Conseil d'Etat vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte du présent rapport.

Premier débat

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. Je ferai une courte intervention liminaire. Les travaux ont duré six mois, et, en six mois, j'ai appris quelque chose que je ne savais pas... (Remarques et rires.) Il y a beaucoup de choses que je ne savais pas, Monsieur Blanc !

J'ai appris que lorsque trois opinions différentes se manifestent en commission - il y a eu ceux qui avaient des doutes sur l'ensemble du projet, ceux qui étaient favorables à ce projet et ceux qui y étaient favorables dans la mesure où les SIG s'en occuperaient - il est possible de trouver un consensus à force de travail, au fil des amendements et en donnant du temps au temps pour que les mentalités évoluent. Cela était d'autant plus difficile que nous avions en outre le devoir de mettre d'accord deux institutions assez importantes : les Services industriels de Genève et le groupe Vulcain. Nous y sommes parvenus. J'en suis assez content, parce que ce qui compte - Mme Berberat avait vu juste depuis le début - ce sont les 10 000 tonnes de mazout que nous allons économiser chaque année. 10 000 tonnes c'est beaucoup de mazout, c'est toujours ça de pollution en moins, et c'est important pour les poissons... 

Mme Janine Berberat (L). Cadiom est un concept simple, d'une logique évidente, et qui, de plus, répond à un équilibre écologique parfait : se chauffer à partir de la chaleur résultant de l'incinération de nos déchets.

Au niveau de la réalisation, c'est bien sûr plus complexe et plus technique. Entre le premier projet devisé à 70 millions en 1990 et celui qui est au bout de notre vote, il y a deux approches du problème, deux visions du rôle de l'Etat. Dans la première version, sur les 70 millions, 15 seulement étaient rentabilisés par la vente de chaleur. Le solde, c'est-à-dire 50 millions, était à la charge de l'Etat, à fonds perdu. C'était l'époque des vaches grasses, les préoccupations n'étaient pas véritablement économiques, pas besoin de rechercher des performances : l'Etat payait... Mais voilà, il y a eu le réveil : une dégradation des finances publiques, des changements de majorité politique, etc.

Et nous nous retrouvons aujourd'hui avec un Cadiom aminci dans ses coûts - 43 millions - et dans son périmètre de distribution. Mais nous nous retrouvons surtout avec un projet optimisé techniquement, économiquement, et plus compatible avec la politique de l'environnement. C'est un nouveau projet dont le financement, la réalisation et l'exploitation auraient dû être confiés à une structure entièrement privée sous contrôle de l'Etat, il faut le souligner. C'est aussi une nouvelle approche qui est de plus en plus adoptée par les collectivités publiques et qui, à nos yeux, confère à l'Etat son véritable rôle politique.

Mais voilà, c'est là que le bât blesse, que les avis divergent : le procédé est sans doute trop novateur pour Genève. Il génère des craintes de voir les pouvoirs publics affaiblis. Le spectre des démons de l'économie dévoreuse dicte chez certains de nos collègues des attitudes de rejet. Et pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, dans le projet qui nous était initialement soumis toutes les garanties nous étaient données. Ainsi nous aurions pu, avec un peu de courage et de confiance, aller plus loin dans l'innovation et accorder cette concession au groupe qui a été retenu par des experts : le groupe Vulcain, qui a respecté les règles du jeu, qui a présenté la meilleure offre de réalisation, de financement et d'exploitation, offre qui a obtenu la subvention fédérale de 6,5 millions. Mais le gros défaut que certains trouvent à ce groupe est d'être constitué d'entreprises privées, dont Tag SA, spécialiste en ingénierie industrielle, Dal Busco Yokoyama bureau d'ingénieurs, Karl Steiner Entreprise Générale, Zschokke, le constructeur pour le gros oeuvre, et CGC-Energie SA, spécialiste en réseau à distance, à qui il est reproché de faire partie du groupe Vivendi. C'est, comme le dit le rapporteur, beaucoup trop demander à une certaine gauche qui se méfie du privé comme de la peste, quand bien même ces entreprises se trouvent à Genève et génèrent des centaines d'emplois.

C'est ainsi que nous avons eu un retournement de situation quand les Services industriels de Genève se sont retrouvés catapultés au devant de la scène pour un projet qui, somme toute et pour des raisons évidentes, ne leur convient pas beaucoup plus qu'il ne convient aux négociants en combustible. (Brouhaha.) Je sais que ce sujet n'intéresse pas grand monde... C'est chaque fois la même chose, mais tout de même !

Une voix. Vas-y, ne te décourage pas !

Mme Janine Berberat. Je ne me décourage pas, je veux simplement que l'on m'écoute un petit peu, parce que ça vaut la peine... Il est bien ce projet...

Comme l'a écrit également le rapporteur, la pression politique tant à l'extérieur que celle en place dans l'établissement était telle qu'elle a décidé de l'entrée en scène des Services industriels de Genève. Dans un premier temps, l'idée de nos collègues de la gauche était que le groupe Vulcain cède la place aux Services industriels de Genève et que ceux-ci réalisent et exploitent Cadiom. En d'autres termes, c'était remercier les auteurs du projet d'avoir su démontrer la faisabilité de ce projet et de s'être engagés à le conduire à terme - «Merci bien, Messieurs, d'avoir mis la table, mais vous n'êtes pas invités au repas !» - et parallèlement confier la réalisation de ce projet aux Services industriels de Genève, qui s'étaient toujours montrés réticents, le trouvant irréalisable.

Il a été proposé alors que les Services industriels de Genève soient majoritaires à 60%, avec toujours l'obligation pour le groupe Vulcain de faire cadeau de l'offre, car, vous l'aurez compris, la subvention fédérale est pendante à cette offre. On notera au passage que les mêmes personnes qui veulent impliquer les Services industriels de Genève dans ce projet prétendent que celui-ci n'est pas rentable, ou alors qu'il est limite, limite... C'est à se poser des questions !

On peut regretter à ce stade que la participation des Services industriels de Genève se fasse sous pression et non suite à un choix réel de politique d'entreprise, ce d'autant qu'ils auraient eu la possibilité de le faire comme Zschokke l'a fait en rejoignant le groupe Vulcain dans la réalisation finale. Et si nous, libéraux, nous regrettons ce coup de force politique à la limite de la déontologie, nous regrettons aussi qu'au nom d'une idéologie étatique complètement dépassée des entreprises privées soient traitées avec autant de dédain et découragées dans leur volonté d'entreprendre.

Autre point d'achoppement, l'article 6 de la présente loi : l'obligation de raccordement, conformément à l'article 22 de la loi sur l'énergie. Je vous rappellerai ici, Monsieur Cramer, que vous nous avez déclaré en commission inscrire ce rappel par pur formalisme juridique et ne pas vouloir appliquer ce droit, ce d'autant que les principaux intéressés trouvent cette démarche contre-productive et dangereuse pour la phase commerciale.

Mesdames et Messieurs les députés, il nous appartient aujourd'hui de décider si nous voulons de ce projet pour Genève. Nous n'avons plus le loisir de nous interroger sur nos états d'âme, qu'ils soient étatiques ou privés. Nous sommes devant une date butoir : l'Office fédéral de l'énergie attend notre décision qui sera irrévocable. Les qualités de Cadiom sont reconnues autant à Genève qu'à l'extérieur. Des garanties de contrôle sur les tarifs de vente d'énergie sont inscrites dans la loi, puisque ceux-ci seront soumis à l'approbation du Conseil d'Etat. Une commission consultative représentant tous les milieux concernés sera constituée pour suivre la mise en place et la gestion de ce réseau. Osons le dire : c'est l'image de Genève que nous allons donner par notre engagement politique ! Alors, votons ce projet de loi ! Accordons cette concession ! (Applaudissements.) 

M. René Longet (S). Monsieur le vice-président, chers collègues, le groupe socialiste se réjouit de l'avancement de ce projet tant attendu qui permettra d'économiser plus de 10 000 tonnes de mazout par an et de décharger le Rhône d'une charge inutile, voire nocive, de chaleur qui s'y déverse, alors qu'une autre solution est possible, celle prévue dans ce projet.

Au fil des années, nous avons réclamé un certain nombre de précisions qui sont celles que le rapporteur rappelle, à savoir que nous souhaitions qu'il n'y ait pas de contradiction entre une politique nécessaire de valorisation des déchets, de réduction du volume des matières incinérées aux Cheneviers, et la récupération nécessaire, elle aussi, de la chaleur déversée dans le Rhône. Nous voulions éviter cette contradiction, et nous avons pas mal bataillé pour obtenir les données et les chiffres qui nous permettent d'être à l'aise aujourd'hui. Nous pouvons maintenant travailler sur la base de ces chiffres, la conscience tranquille sur le volume incompressible des déchets et sur la valeur calorifique croissante de ces déchets résiduels.

Cette contradiction n'est plus de mise, et nous pouvons aujourd'hui regarder le projet pour ce qu'il est, à savoir une rationalisation importante dans notre approvisionnement énergétique. La région concernée attend avec impatience ce projet important qui doit être mis en place dans les mois qui viennent, parce que cette réalisation nous permettra aussi de témoigner d'une nouvelle approche de l'énergie à ce niveau-là, et nous souhaitons que le projet Cadiom nous entraîne - nous en avons la volonté - vers une meilleure utilisation de l'énergie, concrètement et localement. Il n'est pas possible de voir arriver ce chauffage à distance sans avoir de programme fort et audacieux d'assainissement des consommations énergétiques des bâtiments actuels. Et le potentiel d'économies d'énergie est important. Avec Cadiom, non seulement nous votons un projet qui fait coup double au niveau énergétique, mais encore il déclenchera une prise de conscience, ou une accélération de la prise de conscience, s'agissant de mieux utiliser le patrimoine bâti actuel et de faire en sorte que cette énergie ne soit pas dissipée à l'arrivée, comme c'est le cas maintenant.

Nous appelons de nos voeux ce projet. Les socialistes saluent tout particulièrement ce que j'appellerai «le réveil des Services industriels de Genève» dans cette affaire. Mme Berberat a présenté la vision libérale des choses. Je vous dirai que nous avons regretté que les Services industriels de Genève, durant de nombreuses et longues années, aient semblé relativement indifférents, si ce n'est réticents à ces nouveaux marchés de l'énergie. Aujourd'hui - nous l'avons vu dans ce dossier - ils sont revenus en force, in extremis, et nous avons salué leur arrivée dans ce dossier. Nous aurions infiniment préféré, Mesdames et Messieurs les députés, que le ratio soit celui qui avait été discuté à un moment en commission, à savoir 60/40, ratio consensuel ou en tout cas majoritaire. Le ratio qui résulte des négociations de l'été est très serré, difficile à jouer : 51/49. Nous aurions préféré que les Services industriels de Genève prennent une place plus importante, mais nous constatons, à regret, qu'ils acceptent ou ont dû accepter - je ne veux pas porter de jugement - les conditions qui figurent dans le projet de loi : 51/49.

Nous estimons qu'il est important que les Services industriels de Genève marquent fortement le paysage énergétique de ce canton. Il est important que les Services industriels de Genève, qui sont un établissement public inscrit dans notre constitution auquel nous tenons, prennent des initiatives dynamiques, fortes et commerciales. Nous constatons avec surprise que celles et ceux dans ce parlement qui se réclament de la dynamisation du service public, d'une approche plus commerciale, soient les premiers à ne pas vouloir suivre les Services industriels de Genève quand, en fait, ils entrent dans cette voie.

Nous souhaitons qu'un service public rénové et fort prenne toute sa place dans cette République, et nous pensons que cette place est naturellement plus forte et plus importante que les 51% qui ont finalement résulté de la négociation. Il aurait été extrêmement lourd de conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, que le service public soit évincé du marché de la vente de la chaleur à distance ; que des grands groupes aux pratiques tout de même relativement douteuses - notre pays voisin en a été la victime et l'illustration - comme celui qui était seul en compétition et que Mme Berberat aurait souhaité voir consacré par la loi, puissent prendre pied de manière durable dans notre pays. Il est important que nous maîtrisions toutes les données de la politique énergétique et, à ce titre, le rapport entre le privé et le public n'est pas indifférent, n'est pas une question d'idéologie, n'est pas une question dont on peut se laver les mains. Nous devons savoir qui maîtrise, qui oriente les choix en matière de politique énergétique.

En résumé, nous aurions souhaité une place plus importante pour les Services industriels de Genève ; nous avons applaudi à leur réveil tardif, et, ce soir, nous allons voter ce projet de loi en espérant que les réalisations concrètes puissent intervenir le plus rapidement possible.  

M. Henri Duvillard (PDC). Pour commencer, je voudrais vous remercier, Monsieur Nissim, pour votre rapport, dans l'ensemble très clair et très compréhensible, ce qui va me permettre de faire une courte intervention pour avancer dans notre ordre du jour.

Je vous fais remarquer, Monsieur Nissim, que les Verts ne sont pas les seuls à ne pas avoir, je cite, «de blocages idéologiques en ce qui concerne le dilemme public/privé». Honnêtement, je crois que les commissaires démocrates-chrétiens n'en ont pas non plus !

M. Chaïm Nissim, rapporteur. Tout à fait, Monsieur Duvillard !

M. Henri Duvillard. Comme habitant et maire de la commune d'Aire-la-Ville, qui abrite l'usine des Cheneviers, je me réjouis qu'on tire enfin profit de la chaleur non utilisée pour produire de l'énergie électrique, afin de chauffer des habitations et non plus le Rhône...

Puisque j'ai la parole, je voudrais également remercier et saluer la ténacité de M. Genoud et de ses collaborateurs qui ont ramé contre vents et marées pour arriver à ce que ce projet soit voté aujourd'hui.

Une voix. Bravo !

M. Henri Duvillard. Comme déjà dit, il y a bien eu des dilemmes public/privé, par la faute, il faut bien le dire, des Services industriels de Genève qui, bien qu'ils soient les initiateurs du projet Cadiom, n'ont pas su, comme malheureusement bien souvent les régies d'Etat, mener cette opération en restant simples, tout en étant innovateurs et agressifs dans le bon sens du terme.

M. Battistella, notre nouveau directeur des SIG, l'a bien compris et je pense comme lui que ce partenariat avec le groupe Vulcain ne peut que faire progresser l'ensemble de la politique énergétique de Genève à l'aube de la libération des marchés publics de l'électricité puis du gaz.

Pour le reste des péripéties qui ont émaillé les nombreuses séances de la commission de l'énergie, je vous renvoie, chers collègues, au rapport de M. le député Nissim et vous invite à voter ce projet, tel que ressorti de la commission.  

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Ce projet de loi devrait enfin trouver son épilogue d'une manière constructive et définitive. En effet, les très nombreuses fois que ce plénum a traité ce sujet pourraient nous faire croire que la conception de notre chauffage est aussi complexe que la découverte du feu par nos ancêtres de Cromagnon... (Rires.)

La commission de l'énergie a été unanime pour soutenir ce projet et c'est vraiment le dernier moment pour nous positionner sur ce concept novateur. En effet, la subvention fédérale de 6,5 millions ne peut être accordée qu'à la condition que le projet de loi soit adopté ce soir. Malgré les difficultés rencontrées pour convaincre de la valeur de cette nouvelle approche énergétique une commune, des propriétaires immobiliers, des organismes concernés, la coordination entre privé et Etat concernant le ratio entre les SIG et la société CGC Energie, les répartitions financières des charges d'investissement, ce projet est remarquable en tous points : par son action sur l'assainissement et la réduction des émissions de gaz carbonique CO2 et d'oxyde d'azote, en valorisant en parallèle le parc immobilier en offrant un prix compétitif avec le mazout, avec, en prime, un concept écologique performant en diminuant le trafic des semi-remorques qui font les livraisons. Cadiom est donc, malgré les contradicteurs qui y voient une captivité du produit endogène - mais quid des desiderata des pétroliers saoudiens ? - un projet performant, qui bénéficie du soutien de l'Office fédéral de l'énergie et de celui, inconditionnel, de l'office cantonal de l'énergie - surtout, de M. Genoud - car il s'insère parfaitement dans les visées de Rio et du plan d'énergie 2000.

Sans état d'âme et comme le groupe radical, mes chers collègues, votez ce projet de loi ! 

M. Pierre Vanek (AdG). Je ne reviendrai pas sur les qualités de la réalisation technique qui est proposée dans ce projet, sur l'utilité pour notre République de le mener à bien, et je ne referai pas tout l'historique.

J'évoquerai seulement trois points - vous pourrez les compter au passage.

Le premier concerne votre rapport, Monsieur Nissim, sur lequel M. Duvillard a été très élogieux. J'aimerais tout de même vous faire quelques remarques, en particulier à propos de votre attaque contre les Services industriels de Genève, je cite : «Les SIG en effet étudiaient le projet, mais avec les réticences et des lenteurs dont ils ont le secret, réticences et lenteurs...». Monsieur Nissim, vous savez très bien - et vous avez du reste eu l'honnêteté de le dire à un autre endroit du rapport - que, trois semaines avant le début des travaux en commission, vous n'étiez vous-même, récemment encore, pas du tout persuadé de l'utilité du projet Cadiom... Une des raisons pour lesquelles les Services industriels de Genève n'ont peut-être pas empoigné ce projet avec autant d'énergie et de célérité qu'il l'aurait fallu, c'est qu'il y avait notamment à gauche et dans nos milieux un certain nombre de doutes, d'interrogations, de réticences et de réserves. Il est un peu facile aujourd'hui de mettre en cause la bureaucratie étatiste des SI, etc. C'est, entre autres, la sensibilité des Services industriels de Genève, ce qui est normal, vis-à-vis des courants politiques représentés dans cette enceinte qui a joué. Après tout, les Services industriels de Genève sont une propriété de la collectivité publique, de l'Etat et des communes, et il est parfaitement normal que les appréciations politiques des uns et des autres dans cette enceinte aient une certaine influence, voire une influence certaine, sur la marche de cette entreprise.

Maintenant, j'aimerais vous répondre, Madame Berberat. Monsieur Nissim, vous auriez pu faire l'économie des louanges que vous lui avez adressées en disant qu'elle avait raison depuis le début... En tout cas, aujourd'hui, vous avez tort, Madame Berberat, de dire que ce projet «aurait dû» - au nom de quoi, Bon Dieu ? - aurait dû être confié à une structure privée ! (Brouhaha et commentaires.) Madame Berberat, c'est moi qui ai la parole, alors écoutez-moi religieusement ; vous me répondrez ensuite ! (Commentaires de M. Michel Halpérin et rires.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Vanek, du calme : respirez et poursuivez ! (Rires.)

M. Pierre Vanek. Je continuerai lorsque l'accès de mysticisme subit de M. Halpérin sera passé... C'est parfait ! Bien, je continue, Mesdames et Messieurs les députés.

Madame Berberat, de nouveau, au nom du dogme libéral dont nous avons eu l'occasion de parler tout à l'heure, vous dites que ce projet aurait dû être confié à une structure privée. Ce n'est pourtant pas du tout le sens de la loi que nous avions votée ensemble dans ce parlement. Nous avions voté une étude qui devait revenir devant ce parlement pour toutes les conditions de réalisation du projet, y compris évidemment pour ce qui est du débat privé/public. Alors, le fait que M. Joye ait initié un processus que M. Genoud a poursuivi, auquel nous n'avons pas été assez attentifs - mea culpa - et qui nous a conduits à une adjudication où Vivendi joue un rôle clé : préparation d'une étude qui sert de base à l'offre et où il est le seul à être retenu... Non, tout ça n'est pas très sérieux et relève de procédés relativement désagréables, et, avec toute la diplomatie et la finesse qui vous caractérisent, Monsieur Robert Cramer, dans le cadre des travaux de commission, vous avez reconnu - je crois que Chaïm Nissim le relève dans son rapport - que si c'était à refaire, il faudrait le refaire «un peu différemment». Evidemment, il fallait faire une étude et revenir en séance plénière pour discuter des conditions de réalisation, d'un concours ou pas, d'attribution. Cela n'a pas été fait. Un autre élément consécutif du guet-apens dans lequel on a essayé de nous enfermer pour que ce dossier soit réalisé intégralement par le privé, comme vous le souhaitez, Madame Berberat, est le couperet de la subvention fédérale indispensable qui échoit au 30 septembre, dont nous n'étions pas informés en temps utile. Nous discuterions différemment si nous avions encore six mois ou une année pour envisager les conditions de ce projet.

Mais, quoi qu'il en soit, nous avons préservé l'essentiel ; nous avons maintenu un contrôle public, certes affaibli par rapport à ce qu'on aurait pu espérer de cet excellent projet. Nous répondons dans ce sens non pas à une idéologie étatiste qui nous habiterait mais, tout bêtement, à l'article 158 de la constitution de la République et canton de Genève qui fixe comme tâche, précisément, aux Services industriels de Genève la distribution de l'eau, du gaz, de l'électricité et de l'énergie thermique. Je voterai donc ce projet, eu égard aux circonstances, des deux mains !

Dernière remarque, à votre intention, Madame Berberat. Vous avez indiqué que les Services industriels de Genève auraient cédé à des pressions politiques inadmissibles... (L'orateur est interpellé.) Vous n'avez pas employé ce terme mais, à tout le moins, des pressions politiques que vous déplorez, plutôt que de poursuivre dans ce domaine une «véritable politique d'entreprise»... La preuve, Madame Berberat, au-delà du débat politique qui a eu lieu et c'est normal, que les Services industriels de Genève se sont engagés dans une véritable politique d'entreprise, c'est que le porte-parole des SI qui est venu faire le coup d'éclat de dire qu'ils voulaient reprendre ce dossier n'est pas un membre de l'Alliance de gauche : c'est le président du conseil d'administration des Services industriels de Genève, M. Fatio, qui est un libéral ! Les décisions sur ce dossier ont été prises par le conseil d'administration - où grâce à nous notamment, Madame Berberat, toutes les tendances politiques de ce Grand Conseil sont représentées - au nom, précisément, d'une politique d'entreprise, mais une entreprise de service public, à l'unanimité avec les libéraux qui y siègent !

Des voix. Bravo ! 

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Comme vous le savez, je suis également administrateur des Services industriels de Genève... (Remarques et exclamations.) Mais je m'exprime tout de même, parce que ce projet Cadiom est excellent. Pour avoir suivi ce projet plutôt dans le cadre des Services industriels de Genève, je dois vous avouer que j'avais quelques inquiétudes avant l'été, puisqu'à ce moment-là certains députés administrateurs étaient partisans de faire une sorte de coup d'Etat sur ce projet Cadiom par les Services industriels de Genève, coup d'Etat qui aurait été extrêmement regrettable.

Tout à l'heure, mon collègue Duvillard a remercié M. Genoud et ses services. J'aimerais à mon tour associer le groupe Vivendi à ces remerciements, tout particulièrement l'entreprise Vulcain. C'est véritablement grâce à eux que ce projet a abouti. Je crois savoir qu'il n'a pas été facile pour ce groupe genevois de défendre ce projet dans le cadre du groupe Vivendi, d'autant plus que ce projet comporte un risque industriel non négligeable, puisqu'il ne sera rentable qu'à long terme.

Je suis personnellement très heureux et satisfait de la solution qui a été trouvée. Il s'agit là d'un véritable partenariat, puisque la participation des Services industriels de Genève et du groupe Vivendi est pratiquement égale - 51/49 - et que les tâches ont été bien définies : les tâches de gestion revenant plutôt aux Services industriels de Genève et les tâches opérationnelles au groupe Vulcain.

Je suis convaincu que cette collaboration présente un intérêt majeur pour les Services industriels de Genève, puisque nous savons aujourd'hui que le groupe Vivendi - l'entreprise Vulcain - a une grande expérience de la gestion de la chaleur en Europe, plus de cinquante projets étant déjà établis. Un certain nombre de réformes devront se faire aux Services industriels de Genève étant donné que nous nous trouvons à la veille d'une ouverture des marchés. Une telle expérience n'est pas négligeable, même si par rapport à l'organisation des Services industriels de Genève c'est un petit projet. Je souhaite que cette collaboration soit excellente.

Par ailleurs, le nouveau directeur général des Services industriels de Genève, M. Battistella, a probablement joué un rôle extrêmement intéressant dans l'aboutissement de ce projet. Cela montre... (M. Annen fait une remarque.) Ecoute, mon cher ami Annen, je crois que compte tenu de son âge il a déjà une certaine expérience. En tout cas sa première action dans cette négociation a parfaitement abouti.

Un seul point me dérange, pour ma part, dans ce projet de loi : c'est l'article 6, qui fixe une obligation de raccordement - ce n'est pas forcément l'obligation de raccordement, qui existe déjà dans les lois sur l'énergie, qui me dérange mais le fait que dans leurs négociations le groupe Vulcain comme les Services industriels de Genève s'étaient engagés à demander au Conseil d'Etat la suppression de cet article. Je trouve que c'est dommage que le Conseil d'Etat n'ait pas accepté cette proposition de supprimer cette obligation de raccordement, et je demande donc au Conseil d'Etat quelle en est la raison. Nous avons d'ailleurs vu que les mazoutiers ont réagi avec une certaine virulence...

Une voix. Finesse !

M. Jean-Claude Vaudroz. ...finesse pour certains ! (L'orateur est interpellé.) Cher ami, c'est tout à fait logique, parce que cette obligation de raccordement est assez anticommerciale ! La dynamique commerciale mise en place par ce partenariat aurait probablement suffi à ce que ce raccordement se fasse naturellement dans le cadre du transport de chauffage à distance. Je regrette la position du Conseil d'Etat, et j'insiste pour avoir une réponse sur ce point. Je souhaite même qu'il propose d'abroger cet article 6 ce soir, d'autant plus qu'un article va déjà dans ce sens dans la loi sur l'énergie. Je crois qu'il est inutile qu'il figure aussi dans ce projet. 

Mme Myriam Sormanni (S). La commission de l'énergie n'a pas ménagé ni son temps ni ses efforts pour faire aboutir ce projet. Certes ça n'a pas été très facile en raison de certaines alliances curieuses... Je pense par exemple aux Verts qui ont voté avec la droite ! Malgré tout ce projet a abouti, même si nous n'avons pas forcément obtenu ce que nous voulions au niveau des Services industriels de Genève pour lesquels nous aurions souhaité un rapport de 60/40.

Mais, quoi qu'il en soit, pressés par le temps, nous allons tout de même voter ce projet. C'est tout ce que je voulais dire. 

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. Je voudrais simplement corriger vos propos, Monsieur Vanek, par rapport à la phrase de mon rapport que vous avez citée sur «les réticences et les lenteurs dont les Services industriels de Genève ont le secret» par rapport à l'étude de ce projet Cadiom. Vous ne pouvez tout de même pas faire croire à ce Grand Conseil que ces réticences et ces lenteurs étaient dues aux mêmes raisons qui étaient à la base des doutes des Verts, de l'Alliance de gauche et des socialistes sur Cadiom ! L'Alternative doutait pour les raisons de gestion des déchets données par mon collègue Longet : nous avions peur que le projet Cadiom ne nous entraîne dans une mauvaise gestion des déchets. Les Services industriels de Genève ne doutaient pas pour cette raison : ils doutaient - c'est la raison de leurs réticences et de leurs lenteurs - parce qu'ils craignaient de perdre des clients, des marchés... Cela n'a rien à voir avec l'écologie ! 

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais tout d'abord m'exprimer au sujet du coup d'Etat des administrateurs que vous avez évoqué, Monsieur Vaudroz. J'ai été nommé par ce Grand Conseil comme administrateur des Services industriels de Genève pour défendre ses intérêts, comme vous, Monsieur. Notre rôle est donc de défendre ses intérêts. Or, ce soir vous avez fait le contraire, ce qui est étonnant de la part d'un administrateur... (Remarques.)

Cela dit, je ne peux pas adhérer à votre rapport, Monsieur Nissim, parce qu'il ne reflète pas la réalité des travaux de cette commission. Certains aspects de cet accord sont en effet troublants. Mme Berberat parle justement d'idéologie étatique, car il y a une idéologie étatique dans ce qui a été accepté. En effet, retrouver parmi les actionnaires un réalisateur des travaux - vous en conviendrez avec moi - n'est pas une pratique capitaliste ! Les coûts de l'oeuvre s'en trouveront biaisés. Il est logique que ceux qui réalisent un projet ne fassent pas partie des actionnaires : il y a là quelque chose de troublant, je le répète, d'autant plus quand on sait que cet actionnaire est appelé à vendre ses actions par la suite et que c'est le groupe Vivendi qui les achètera...

Un autre élément est également troublant : c'est que le retour sur investissement de ce projet est de 8%. Or, dans l'industrie, le taux pratiqué habituellement est de 12%. C'est étonnant qu'un groupe comme Vivendi, qui n'entre pas en matière sur une affaire en dessous de 12 ou 14%, accepte une affaire comme celle-ci à 8%. Je n'ai toujours pas compris quelle est la démarche du groupe Vivendi... Il doit bien en avoir une !

L'aspect important de ce projet - vous avez raison, Madame Berberat - concerne la politique cantonale des déchets. C'est vrai que la chaleur qui est fournie à Cadiom provient de l'usine d'incinération des Cheneviers où sont traités les déchets du canton. Si demain les Cheneviers ne pouvaient pas fournir la chaleur nécessaire pour ce projet, celui-ci ne pourrait effectivement pas être mené à bien. Il semble qu'un groupe chaleur/force serait installé dans l'usine des Cheneviers et raccordé à Verbois. Je pense que la raison pour laquelle le groupe Vivendi accepte un taux de retour sur investissement de 8% est qu'il espère ainsi contrôler un jour non seulement le réseau de chaleur mais aussi, peut-être, l'usine... On ne sait jamais : les majorités changent et les politiques changent aussi ! 

M. Christian Grobet (AdG). Nous nous félicitons bien entendu de l'aboutissement de ce projet, même s'il ne nous satisfait pas totalement dans la forme où il a été adopté.

Je voudrais tout de même revenir sur les propos de certains députés qui ont parlé de coup de force ou de coup d'Etat pour ramener les Services industriels de Genève dans le giron de cette affaire. La vérité, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que les Services industriels de Genève ont été écartés de cette affaire ! C'est cela la réalité ! (Contestation.) Ce sont les Services industriels de Genève - je sais de quoi je parle, puisque j'étais au Conseil d'Etat à l'époque - qui ont initié ce projet...

M. Claude Blanc. Ah !

M. Christian Grobet. Vous pouvez bien faire «ah», Monsieur Blanc, mais ce projet a malheureusement traîné de manière lamentable dans le département d'un conseiller d'Etat que vous connaissez bien, et c'est une des raisons pour lesquelles ce projet n'a pas avancé ! Un travail remarquable avait été effectué par les Services industriels de Genève et, comme M. Vanek l'a fort justement rappelé en lisant l'article constitutionnel sur la mission des Services industriels de Genève, normalement le Conseil d'Etat, lors de la dernière législature, aurait dû mandater les Services industriels de Genève pour conduire ce projet.

Or, que s'est-il passé ? Au lieu de confier le projet aux Services industriels de Genève qui auraient procédé aussi à de véritables mises en soumissions publiques - j'y reviendrai tout à l'heure - M. Joye a inventé une procédure toute particulière de présélection d'un mandataire pour procéder à une étude. Le choix s'est porté sur le groupe Vulcain dont par ailleurs M. Joye connaissait bien certains partenaires. Ce groupe a donc été mandaté pour faire l'étude. C'est seulement en cours de route que, tout d'un coup, le département des travaux publics de l'époque a annoncé - ce qui est absolument inconcevable - que la mise en soumission de l'offre publique se ferait uniquement avec les différents groupes qui s'étaient présentés pour une préqualification d'étude. Par voie de conséquence, on excluait toute mise en soumission publique pour d'autres groupes que ceux qui s'étaient inscrits pour cette étude. Il va sans dire que le groupe Vulcain qui a été mandaté pour faire l'étude et qui a bénéficié du crédit d'étude à cette fin, a bénéficié d'un avantage énorme par rapport aux autres groupes d'étude qui s'étaient inscrits. Quant au cahier des charges pour l'appel d'offres qui, je le rappelle, a été totalement rédigé par Vulcain dans le cadre du crédit d'étude, il a été présenté aux autres groupes avec un délai très bref pour faire une offre. Le résultat - je suis étonné que vous, les députés de la droite, qui êtes d'habitude si sensibles au bon fonctionnement de la concurrence ne l'ayez pas relevé - c'est qu'il n'y a eu qu'une seule et unique offre : celle de Vulcain ! Les autres groupes d'étude n'avaient manifestement pas les capacités, face à l'avance prise par Vulcain dans cette affaire, de faire des offres dans les délais.

Mais ce qui est encore plus grave, c'est que l'offre de Vulcain - et personne ne pouvait s'en douter - ne correspondait même pas au cahier des charges qui avait été établi par Vulcain pour l'appel d'offres... C'est ainsi que le groupe Vulcain a fait une offre dans laquelle le prix d'achat de l'énergie à l'usine des Cheneviers est environ la moitié du prix qui figurait dans le cahier des charges établi pour l'appel d'offres... Alors, évidemment, il est assez facile de présenter une offre qui ne réponde pas aux conditions du cahier des charges et, finalement, ce groupe a été le seul à présenter une offre. Il faut le dire ici - et j'aimerais bien que M. Cramer l'entende une nouvelle fois, même s'il n'en est pas responsable - la procédure qui a été utilisée dans cette affaire, je persiste à le dire - du reste, ça ne plaisait pas à M. Genoud - était totalement viciée au point qu'une seule offre a été présentée au Conseil d'Etat, qui était tenu de se déterminer très rapidement en raison du délai de la subvention fédérale.

Eh bien, dans ces conditions totalement anormales, les dés étant pipés, je me félicite néanmoins que la nouvelle majorité du Grand Conseil ait effectivement pu oeuvrer pour que les Services industriels de Genève retrouvent leur juste place dans la société Cadiom qui doit réaliser ce projet.

J'aimerais vous dire une dernière chose, Monsieur Cramer : nous ne voterons pas un amendement qui a, malheureusement, échoué d'une voix, semble-t-il, en commission, parce qu'un député - M. Vanek l'a rappelé - est tellement viscéralement contre les Services industriels de Genève qu'il arrive à dire des choses fausses sur les raisons pour lesquelles... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Nissim, ce que vous avez dit est totalement faux ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Vous avez un préjugé contre les Services industriels de Genève, et ce que vous avez dit est totalement faux, je le répète ! Les Services industriels de Genève se sont désistés pour une tout autre raison !

Je reviens à ce que je voulais vous dire, Monsieur Cramer. Aujourd'hui vous avez été saisi d'une offre et le paradoxe de la situation, c'est que les travaux ne seront pas mis en soumission publique. Dans le projet Cadiom une entreprise s'est placée, pour laquelle j'ai le plus grand respect, et va tirer le gros lot... (L'orateur est interpellé.)

M. Bernard Annen. C'est faux !

M. Christian Grobet. Mais, bien sûr ! Les Services industriels de Genève ne vont pas faire les travaux, vous le savez comme moi, Monsieur Annen ! Vous savez comme moi que l'offre a été retenue et que par conséquent ce sont les partenaires du groupe Vulcain qui vont bénéficier des 32 millions d'investissement dans cette affaire ! Alors, on comprend bien pourquoi ils se sont tellement accrochés ! Monsieur Cramer, nous avons eu une petite discussion hors commission - vous souriez, mais je vous prie de prendre cette affaire au sérieux, parce que je me permets de vous dire qu'à un moment donné vous n'avez pas suivi ce dossier d'aussi près qu'il aurait fallu, sinon je ne crois pas que nous nous serions trouvés dans la situation de n'avoir qu'une seule offre et aucune mise en soumission des travaux, qui vont bénéficier aux partenaires du groupe Vulcain. La dernière lettre écrite par les Services industriels de Genève et le groupe Vulcain s'engage à tenir les conditions de l'offre. Nous aurions voulu que ce soit expressément mentionné dans la loi. Pour une raison que nous ignorons certains n'ont pas voulu le voter... Par contre, nous demandons formellement que dans le cadre de la concession qui devra être soumise pour approbation à ce Grand Conseil une condition soit fixée, à savoir que le groupe Vulcain exécute le projet aux conditions de l'offre...

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Cela va de soi !

M. Christian Grobet. Si cela va de soi, Monsieur Cramer, vous auriez pu le prévoir dans la loi ! Vous ne l'avez pas fait, alors nous vous demandons instamment de le prévoir dans la concession, parce que nous ne voudrions pas nous faire rouler dans cette affaire et donner la possibilité à ceux qui ont fait cette offre de réaliser le projet à un prix plus élevé... (L'orateur est interpellé.) Monsieur, je vous demande bien pardon, si vous ne prévoyez pas une garantie dans la concession à cet égard, cette hypothèse - vous le savez fort bien - peut se produire. Je pars de l'idée que vous souhaitez que l'offre soit respectée, et je vous demande donc de veiller dans les textes que ce soit le cas !  

M. Alain-Dominique Mauris (L). Monsieur Nissim, vous parliez de trois opinions différentes tout à l'heure... Vous auriez aussi dû parler du bal, style quadrille, orchestré par les doubles casquettes qui nous ont entraîné sur la piste durant trois petits tours pendant plus de dix ans qu'a duré cette étude en commission. Je veux bien entendu parler de ceux qui siègent à la fois au conseil d'administration des Services industriels de Genève et à la commission. C'est fou comme on en arrive parfois, en politique, à voir certains députés prêcher avec beaucoup de conviction une fois le blanc, une fois le noir, et ainsi de suite, sans fin... J'aurais bien aimé savoir ce qui se passe au conseil d'administration des Services industriels de Genève. Je n'ai assisté qu'à la commission, mais j'ai eu droit à un spectacle qui n'était pas forcément des plus réjouissants...

Monsieur Velasco, n'ayez aucune crainte. Si certains veulent vendre leurs actions au groupe Vulcain, les Services industriels de Genève resteront de toute manière toujours majoritaires avec leurs 51%.

Monsieur Grobet, les Services industriels de Genève n'ont pas été écartés : c'est faux ! Ils se sont associés à deux projets, à deux groupes, mais leurs offres n'ont pas été retenues. Ensuite, ils se sont désistés pour l'élaboration du projet Vulcain. Les Services industriels de Genève n'étaient tout simplement pas compétitifs : ils ont eu l'occasion de nous expliquer leur position en commission où ils ont répondu à toutes les questions posées par les commissaires. Faire des soumissions publiques reviendrait tout simplement à refaire le projet, ce qui n'est pas acceptable en l'état. Lorsque nous avons débattu de cela en commission, malheureusement, Monsieur Grobet, vous n'étiez pas là, sinon vous auriez pu entendre toutes les explications qui répondent à votre souci.

Ce qui m'effraie, c'est la position de M. Vanek qui nous a dit tout à l'heure - je ne sais pas s'il l'a vraiment pensé, mais il l'a dit - qu'il aurait aimé discuter encore six mois ou une année ! Mais à ce rythme-là - et je me tourne vers M. Longet - la Cité nouvelle d'Onex se serait certainement dotée de nouvelles chaudières, entraînant par là l'enterrement du projet Cadiom.

Vous dites que les Services industriels de Genève ont accepté 51% contre 49% pour Vulcain, alors que les dignes représentants députés qui siègent aux Services industriels de Genève savaient très bien que la commission était favorable à 60%. Cela a quand même été accepté et nous avons eu l'explication des Services industriels de Genève à ce sujet : pour eux, l'important dans ce dossier était de pouvoir s'associer à un groupe privé et de pouvoir apprendre une nouvelle technologie. C'est l'enjeu sur lequel nous parviendrons peut-être à faire l'unanimité ce soir.

Nous pouvons donc nous réjouir de cet accord. Ce qui est fait est fait. Allons de l'avant avec ce projet Cadiom et votons ce projet de loi. (Applaudissements.) 

M. Alain Etienne (S). J'aimerais m'exprimer sur votre rapport, Monsieur Nissim. En effet, je n'ai jamais lu un rapport aussi surprenant...

D'abord, pour un vote à l'unanimité de la commission, je trouve que le rapporteur prend beaucoup de liberté et tire à son avantage les échanges qui ont eu lieu et les décisions qui ont été prises. Ensuite, je regrette que les Verts n'aient pas «de blocages idéologiques en ce qui concerne le dilemme public/privé», pour reprendre les termes du rapporteur, car lorsqu'on affirme vouloir changer d'ère on se pose quand même quelques questions sur le fonctionnement des sociétés privées et sur le danger croissant du pouvoir de l'économie sur le politique. (Exclamations.)

Concernant la politique en matière de gestion des déchets, il m'aurait plu de lire ce qui a effectivement convaincu le rapporteur, à savoir qu'il n'existe aucun risque de brûler toujours plus de déchets. Par miracle, le 20 juin 1999, une réponse a été donnée sur cette question, chiffres à l'appui. J'aurais bien voulu avoir quelques compléments d'information à ce sujet d'autant plus qu'actuellement nous étudions en commission de l'environnement le projet de loi sur les Cheneviers... Ces renseignements auraient pu nous éclairer. C'est à mon sens se donner bonne conscience un peu rapidement.

Je regrette donc quelque peu la teneur des propos contenus dans ce rapport. J'espère qu'à l'avenir, Monsieur Nissim, vous saurez faire quelques efforts pour moduler votre diatribe un peu difficile. 

M. Robert Cramer. Beaucoup de choses ont été dites... Pour ma part, vous me permettrez de ne pas entrer dans la polémique et de vous dire à toutes et à tous merci. De vous dire à toutes et à tous merci, parce que ce projet était assurément difficile à traiter. Le temps de gestation de ce projet le montre, puisque cela fait maintenant une vingtaine d'années que l'on parle de Cadiom ; une bonne dizaine d'années que l'on essaie sérieusement de trouver des montages qui permettent la réalisation de cet objet et, finalement, nous aboutissons seulement maintenant, parce que les uns et les autres ont décidé de faire le nécessaire, en partant de leur point de vue pour faire en sorte qu'un projet puisse être présenté et défendu devant le Grand Conseil.

Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que, dans le cadre de ce projet, nous avons essuyé les plâtres... Il est vrai que si l'on avait à refaire un montage Cadiom, nous nous y prendrions évidemment différemment. Il ne nous faudrait pas dix, quinze ou vingt ans pour le faire. Il nous faudrait beaucoup moins de temps, instruits par notre expérience, et cela nous conduirait à faire des choix différents.

J'ai entendu au cours des différentes interventions un certain nombre de frustrations - je n'hésite pas à employer ce terme - s'exprimer. M. Grobet aurait souhaité que la procédure fût différente. Les libéraux, auraient souhaité que ce projet repose beaucoup plus largement sur des entreprises privées. Enfin, que dire du pas qui a été fait par le rapporteur si l'on considère que son parti - qui est aussi le mien - dans son programme de législature proposait que l'on abandonne le projet Cadiom. C'est donc dire que les uns et les autres...

M. Claude Blanc. C'est un retournement de veste !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Non, ce n'est pas un retournement de veste, Monsieur Blanc, c'est une démarche ! Les uns et les autres ont fait un effort considérable pour faire progresser ce projet.

Le travail effectué est du reste traduit dans les textes. Il suffit de comparer le projet de loi que le Conseil d'Etat a déposé le 21 avril devant le Grand Conseil et le projet de loi tel qu'il est issu des travaux de la commission pour montrer l'immense travail qui a été réalisé par la commission, avec l'appui de l'administration - je reviendrai sur ce point - par les différents partenaires de ce projet - le groupe Cadiom dans sa première expression et les Services industriels de Genève - pour voir que ce Grand Conseil a su, dans le cadre de ses travaux de commission, se montrer créatif, imaginatif et faire aboutir un projet dès lors qu'il a été convaincu que ce projet présentait un certain nombre d'avantages. C'est cette image que je veux retenir au-delà des propos qui ont pu être échangés au cours de cette séance, en marge d'une approbation.

Un mot pour vous, Monsieur Vaudroz. Si le Conseil d'Etat a été d'accord que le projet soit considérablement modifié, il est un point sur lequel il n'a pas voulu céder : la référence à l'article 22 de la loi sur l'énergie. Nous avons accepté, à la demande du groupe libéral, que cette référence soit modifiée, pour bien marquer que le fait de recourir à l'obligation de raccordement n'était pas un devoir mais une simple possibilité qui dépendait tout d'abord vraisemblablement d'une demande de ceux qui portent le projet. Ils nous ont d'ores et déjà dit - vous l'avez rappelé, Monsieur Vaudroz - qu'ils ne feraient pas cette demande, ou bien que cette notion d'obligation de raccordement pourrait être liée à des notions impérieuses de politique de l'énergie. Au stade où nous en sommes, il n'y a aucunement lieu d'imaginer qu'il serait nécessaire d'avoir recours à cette notion impérieuse de politique de l'énergie pour justifier une obligation de raccordement.

Mais le Conseil d'Etat a tout de même voulu montrer que, fût-ce sous une forme atténuée - et cela a été reconnu - cette notion continuait à exister, simplement pour définir le rôle des uns et des autres. S'il est juste que ce soit des entreprises privées ou établissements de droit public qui réalisent cet objet, qui en soient les promoteurs, qui tiennent tout ce projet dans leurs mains, il n'en demeure pas moins que la politique de l'énergie est une tâche de l'Etat fédéral et du gouvernement cantonal. Nous ne disons rien d'autre que cela en rappelant que ce projet s'inscrit dans un cadre et que ce cadre est fourni par notre constitution, par la Constitution fédérale et par la loi cantonale sur l'énergie dans toutes ses dispositions et, notamment, en son article 22.

Alors que j'en suis aux remerciements, je ne peux pas oublier M. Genoud, directeur de l'office cantonal de l'énergie. Comme l'a très justement rappelé le député maire d'Aire-la-Ville, M. Duvillard, M. Genoud voit aboutir aujourd'hui un projet qu'il a tenu à bout de bras, du début à la fin, un projet auquel pendant des années il s'est trouvé bien seul à croire, se battant, recherchant d'autres formules et d'autres formules encore pour arriver à le concrétiser... Monsieur Genoud, vous êtes dans le public : nous devons rendre hommage à votre ténacité qui voit aboutir un très beau projet pour notre canton ! (Applaudissements.)

Vous me permettrez, avant de conclure, de vous livrer une réflexion. Je pourrais imaginer de la faire sur l'art de légiférer et constater que le fait que nous ayons une date butoir, à la fin du mois de septembre, pour adopter ce projet, faute de quoi nous perdrions une subvention fédérale de 6,5 millions, comme l'a très justement rappelé M. Vanek, a puissamment contribué - pour employer une «vaudoiserie» - à ce que ce projet aboutisse. Je crois réellement que sans cette date butoir, aux vingt années de réflexion et de travaux qui se sont déjà écoulées, quelques années se seraient ajoutées. A cet égard, j'ai cru sentir, au détour de vos interventions, qu'il y avait encore quelques arguments pour nourrir le débat...

Mais ce n'est pas cette réflexion que je voulais faire. C'en est une autre, peut-être un peu moins originale : je suis totalement convaincu que ce projet est exemplaire au regard des critères adoptés en matière de développement durable. Il est caractéristique à cet égard que chacun des groupes, en y mettant les inflexions qui sont les siennes, ait rappelé l'un ou l'autre de ces critères. Les uns ont évoqué le critère environnemental : effectivement, nous le rappelions dans l'exposé des motifs, les 13 000 tonnes de mazout qui seront économisées représentent 35 000 tonnes par an de CO2 que l'on évite d'envoyer dans l'air, avec tous les polluants qui y sont associés, tels que l'oxyde d'azote et l'oxyde de soufre. C'est aussi une immense quantité de chaleur que l'on ne va plus déverser dans le Rhône.

Mais c'est également, pour l'économie de notre canton, un ouvrage de 40 millions que le Grand Conseil va autoriser par son vote. Il n'est pas nécessaire de souligner l'importance d'un tel ouvrage : les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Enfin, et pour prendre la troisième composante du développement durable, il va de soi que lorsque l'on préserve l'environnement, c'est un certain nombre de coûts sociaux qui sont économisés. Lorsque l'on se lance dans la réalisation d'un ouvrage de 40 millions, c'est aussi une façon de contribuer à la lutte contre le chômage ; c'est aussi une façon de permettre à notre canton d'avancer vers plus d'équité.

Encore un mot pour vous dire que les propos que je tiens ici ne seront assurément pas le mot de la fin, puisque nous reviendrons devant votre Grand Conseil - la commission l'a voulu ainsi, le Conseil d'Etat s'y est volontiers plié. En effet, il est prévu dans la loi que vous allez adopter, à l'article 4, alinéa 2, que, lorsque nous aurons passé une convention définitive avec le groupe Cadiom SA, le Conseil d'Etat communiquera cette convention au Grand Conseil - M. Grobet y faisait allusion tout à l'heure - et le Grand Conseil devra la ratifier par voie de résolution. Ce n'est donc pas le mot de la fin, et je vous dirai que le mot de la fin sera dit lorsque nous inaugurerons Cadiom et que les premiers habitants d'Onex verront leur chaufferie raccordée. Nous posons simplement un jalon important sur ce chemin, et je me réjouis de le poser avec vous et avec l'appui de la commission du Grand Conseil qui nous a accompagnés tout au long des travaux. (Applaudissements.) 

PL 8064-A

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8064)

octroyant une concession relative à un réseau de distribution de chaleur à partir de l'usine des Cheneviers

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

Article 1 Concessionnaire

1 L'Etat de Genève (ci-après l'Etat) accorde la présente concession à la société Cadiom SA (ci-après la concessionnaire), pour autant que 51 % du capital-actions de cette société soit propriété des Services industriels de Genève (ci-après SIG), pendant toute la durée de la concession.

2 Une participation d'une autre collectivité publique que celle des SIG au capital-actions de Cadiom SA est réservée, pour autant que celle des SIG ne soit pas inférieure à 51 %.

3 Le siège de la société est à Genève. Les actions sont nominatives. Les comptes de la société pourront être contrôlés en tout temps par l'Inspection cantonale des finances.

Article 2 Objet

1 La concession a pour objet le financement, la construction et l'exploitation d'un réseau de distribution de chaleur à partir des rejets thermiques de l'usine des Cheneviers dans le périmètre délimité sur le plan annexé, ainsi que l'utilisation du domaine public qui en découle.

2 Les tarifs de vente de la chaleur distribuée aux utilisateurs sont approuvés par le Conseil d'Etat.

Article 3 Utilité publique

Le réseau défini à l'article 2 est déclaré d'utilité publique.

Article 4 Convention

1 La présente concession est subordonnée à la conclusion d'une convention entre l'Etat, représenté par le Conseil d'Etat, et la concessionnaire qui règle les autres éléments nécessaires, en particulier :

2 Le Conseil d'Etat communique la convention au Grand Conseil qui la ratifie sous forme de résolution.

Article 5 Durée

Sous réserve de prolongation accordée conformément à la convention prévue à l'article 4 de la présente loi, la concession est établie pour une durée de 30 ans à compter de la date de mise en service d'une première étape de l'ouvrage, constatée par arrêté du Conseil d'Etat.

Article 6 Obligation de raccordement

Dans le périmètre délimité par le plan annexé, l'obligation de raccordement au réseau de distribution de chaleur peut s'appliquer conformément à l'article 22 de la loi sur l'énergie, du 18 septembre 1986 (L 2 30).

Article 7 Commission consultative

Il est constitué une commission consultative formée de représentants de l'Etat, des communes concernées, de la concessionnaire et des utilisateurs, dont des propriétaires et des locataires, pour suivre la mise en place et la gestion du réseau de distribution de chaleur.

Article 8 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

M 1169-A

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

 

Le président. C'est une belle fin de soirée, Mesdames et Messieurs les députés. Nous reprendrons nos travaux demain, frais et dispos, à 17 h !

La séance est levée à 23 h.