Séance du vendredi 25 juin 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 9e session - 37e séance

PL 7542-B
9. a) Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. John Dupraz, Daniel Ducommun, Geneviève Mottet-Durand, Olivier Lorenzini et Hervé Burdet modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (question urgente). ( -) PL7542
Mémorial 1997 : Projet, 558. Renvoi en commission, 560. Rapport, 6900. Renvoi en commission, 6909.
Rapport de Mme Anita Cuénod (AG), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
PL 7926-A
b) Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Micheline Spoerri, Claude Blanc, Bernard Lescaze et Michel Halpérin modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01). ( -) PL7926
Mémorial 1998 : Annoncé, 5507. Projet, 6409. Renvoi en commission, 6411.
Rapport de majorité de M. Alberto Velasco (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de minorité de M. Jacques Béné (L), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

pl 7542-b

La Commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, sous la présidence de M. John Dupraz, a consacré les séances des 4 et 18 février 1998 à étudier ce projet de loi déjà amendé. En effet, le projet de loi initial avait fait l'objet d'une analyse attentive pour aboutir à une synthèse consensuelle - événement suffisamment rare pour le souligner - lors de la dernière législature. De fait, la commission n'avait consacré pas moins de 6 séances à cette forme d'expression - chère à bon nombre de députés - que représente l'interpellation urgente. La conclusion de ces premiers travaux, par le rapport de M. Claude Lacour, n'avait pas recueilli la majorité des suffrages en plénum. Ce projet de loi a donc été renvoyé, non pas à ses auteurs, mais en commission, lors d'une séance houleuse et tardive d'octobre 1997.

Nouvelle législature oblige, les commissaires frais émoulus ont accueilli ce projet de loi avec toute la rigueur qui se doit à un objet tant apprécié, mais quelque peu controversé, qui se résume à la possibilité d'exprimer par une ou des questions au Conseil d'Etat (CE), ses interrogations et souvent son indignation, sa colère ou sa stupéfaction, en 3 minutes et sans préalable. Avec pour témoin ses collègues députés, et pour auditoire curieux, une tribune de journalistes et un éventuel public.

Travaux de la commission précédente

L'intention première de ce projet de loi a bien été la tentative - malheureuse - de supprimer ces interpellations urgentes, sous prétexte qu'il n'y a pas d'urgence... mais un grand retard dans l'accumulation des ordres du jour. Mais aussi de s'inspirer du modèle du Conseil national, où les questions sont écrites et les réponses - orales - circonscrites à un moment précis au début des débats. Les auditions de la présidente du Grand Conseil de l'époque, Mme Christine Sayegh et du vice-président M. René Koechlin avaient convaincu la commission du bien-fondé du principe de l'oralité, qui a pour mérite essentiel la spontanéité. Quant à l'urgence, remise en question, et à son caractère subjectif, la proposition de sélection d'une question - par son degré d'urgence - par le bureau du Grand Conseil n'a pas été retenue.

Discussions sur le projet de loi amendé

Il est précisé en préambule, que l'intérêt de la transformation des interpellations urgentes en questions urgentes réside aussi dans le fait de supprimer les questions écrites, auxquelles il n'était répondu que fort tardivement, jusqu'à des années plus tard dans certains cas. Au moment d'aborder ce projet de loi, amendé à la fin de la dernière législature, rappelons qu'au lieu de supprimer l'interpellation urgente orale pour la transformer en question urgente écrite, les commissaires avaient proposé dans le projet de loi amendé deux solutions à choix pour le député, soit :

une interpellation urgente - question - dont le texte résumant l'essentiel devait être remis au sautier avant midi du premier jour de la session et distribué aux députés au début de la première séance. (art 162A) ;

une interpellation urgente orale non annoncée, de 2 minutes, limitée à une seule par député (art. 162B).

Le Conseil d'Etat (art. 162C) pouvait répondre oralement ou par écrit au plus tard le lendemain au point de l'ordre du jour correspondant.

La nouveauté, longuement débattue, avait été d'accorder une réplique d'une minute à l'auteur, s'il n'était pas satisfait de la réponse, orale ou écrite du CE.

Lors des débats de cette commission, M. René Longet ainsi que l'auteur de ce rapport, étaient les seuls députés à avoir participé aux travaux de la précédente commission.

Bien qu'une première proposition du président, M. John Dupraz, consistait à limiter l'interpellation urgente à l'écrit - la réponse du CE étant orale ou exceptionnellement écrite - une large majorité des députés a très vite admis la nécessité d'en conserver l'oralité.

Quant à la limitation à une interpellation par député, celle-ci a été jugée inacceptable par l'ensemble de la commission. Ces aspects de nos travaux sont donc repris dans les articles 162A, B et C tels que proposés dans ce projet de loi.

En ce qui concerne la réponse du CE, le choix se porte sur la souplesse, entre spontanéité et rigueur. Le président du département concerné peut donc répondre oralement immédiatement ou au point correspondant de l'ordre du jour.

La réplique du député, d'une seule minute, est par contre refusée lors d'un vote par 6 oui (3 AdG, 2 Ve, 1 R), 7 non (2 S, 3 L, 1 DC, 1 R) et 1 abstention (S). L'argument en sa défaveur a probablement été la proposition de M. Cramer de donner le dernier mot au CE par une réplique à la ... réplique. Par ailleurs, certains commissaires argumentent que la réplique du député augmenterait le risque de confusion, en rappelant l'importance des principes d'économie des débats et de transparence.

Conclusion et vote

Les amendements du projet de loi amendé, dits « principe Longet » maintiennent donc l'oralité spontanée et l'écrit - à choix -, suppriment la restriction du nombre d'interpellation par député ainsi que la réplique et retiennent la réponse orale du CE, immédiate ou au point correspondant de l'ordre du jour de la session.

Si la perfection était de ce monde, nous aurions probablement été à même d'élaborer un concept qui ravisse tout le monde. Ce n'est pas le cas, peu s'en faut, nous avons pour le moins fait l'effort d'aboutir à un projet qui rallie s'il n'enthousiasme pas totalement. Il a le mérite de tenir compte des sensibilités de chacun, ou presque. Ce projet de loi a été voté dans son ensemble par 12 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve, 2 R, 2 L) et 3 non (2 DC, 1 L). Au vu de toutes ces explications, vous serez, Mesdames et Messieurs les député-e-s, bien inspirés d'en faire de même.

PL 7926-A

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Notre commission a siégé le 19 mai 1999, sous la présidence de M. P. Vanek, pour examiner ce projet. Assistaient à cette séance en représentation du département : M. Robert Cramer, conseiller d'Etat et M. René Kronstein.

Introduction

M. .

à la discussion et l'approbation de l'ordre du jour ;

aux interpellations urgentes.

Estimant que le monde politique se discrédite au travers de certains des débats parlementaires, il suggère, par l'introduction d'un nouvel article 95, alinéa 3, qu'au début de la première séance de la session, on définisse définitivement l'ordre du jour à moins que surviennent des événements exceptionnels qui seraient examinés par le bureau. La raison étant qu'il est très gênant que l'on revienne à plusieurs reprises sur l'ordre du jour au cours d'une même séance.

Après quoi, la question concernant les interpellations urgentes est abordée. M. Béné considère que plusieurs d'entre elles pourraient être réglées par une entrevue avec le conseiller d'Etat, responsable du dossier. A ce sujet, il évoque le cas de l'Assemblée nationale française, où lors des questions au gouvernement, les rangs sont vides, ce qui prouve le faible intérêt que cela comporte. Il suggère donc, par l'introduction d'une modification à l'article 162B, que l'on procède au traitement du point concernant les interpellations urgentes une heure avant la première séance de chaque session. Ces interpellations, non annoncées, ne devraient pas dépasser les trois minutes.

Discussion et vote

La commission décide d'aborder le débat en deux volets, soit la discussion et l'approbation de l'ordre du jour et les interpellations urgentes

Approbation de l'ordre du jour, Art. 95, al. 3

S'agissant de l'ordre du jour, la majorité de la commission est d'accord pour considérer que le Grand Conseil est maître de son ordre du jour et peut en tout temps le modifier. D'autre part, en admettant que cet article soit accepté tout en conservant l'article 97, il sera possible, pour chaque député, de modifier l'ordre du jour.

Cependant, il est vrai que la « petite guerre » qui se joue autour de l'ordre du jour est gênante, en particulier si on l'attend que la majorité se modifie en cours de séance pour voter à nouveau l'ordre du jour. L'ensemble des commissaires s'accorde pour dénoncer cette pratique et souhaiter que s'installe un climat de respect des usages et coutumes. Ainsi, si un point doit être traité de manière prioritaire, l'annonce de modification de l'ordre du jour devrait se faire en toute transparence, par exemple en fin de séance. Considérant le projet de loi 7926 comme une action symbolique et tout en proposant le retrait de ce projet de loi, le président propose d'adopter certaines règles qui seraient transmises aux chefs de groupes avec une évaluation de leur pratique dans les six mois. Les énoncés sont les suivants :

Les modifications de l'ordre du jour doivent figurer à l'ordre du jour au point 5.

Si on souhaite procéder à une modification de l'ordre du jour, on s'astreint à l'annoncer avant la fin de la séance, de sorte à la voter au début de la séance suivante.

On ne revient pas plusieurs fois sur un vote concernant l'ordre du jour.

Il est pris acte de cette proposition par le groupe libéral en indiquant leur volonté de référer aux auteurs du projet de loi.

Interpellations urgentes Articles 162B et 162C

S'agissant d'interpellations urgentes, la majorité de la commission s'accorde pour admettre que l'usage de ce type d'interpellation fait partie intégrante du débat politique et de sa pratique. Vouloir escamoter cette pratique sous le couvert d'arguments ayant trait à la discipline et au temps gaspillé ne peut que porter préjudice à la qualité de nos travaux.

D'autre part, il semble que le projet de loi 7542, dont le rapport est sur le point d'être déposé, contient des propositions telles qu'effectuer des interpellations écrites ou la possibilité donnée au Conseil d'Etat de répondre immédiatement. La commission estime qu'il serait donc souhaitable d'attendre les résultats de cette réforme, avant d'examiner ce projet de loi, ou alors de coordonner les travaux. Il semble donc délicat de modifier des dispositions, sur lesquelles d'autres modifications sont déjà intervenues, on risque ainsi un télescopage. Enfin, la majorité de la commission estime que ce projet de loi tend à instaurer des catégories au sein des débats politiques : ceux jugés comme étant importants et ceux qui le sont moins. Une telle distinction, si elle devait se concrétiser, aurait comme effet de dévaloriser les débats parlementaires.

A la demande de certains commissaires, le président met aux voix l'entrée en matière du projet de loi 7926 :

Soumise au vote, l'entrée en matière du projet est refusée par la majorité de la commission, par 5 non (2 S, 1 Ve, 2 AdG), 1 oui (L) et 2 abstentions (1 R, 1 DC).

Projet de loi(7926)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985 (B 1 01), est modifiée comme suit :

Art. 95, al. 3 (nouveau)

3 L'objet visé à l'art. 95, al. 1, let. a, ch. 5 "; Discussion et approbation de l'ordre du jour " est examiné et discuté exclusivement lors de la première séance de chaque session.

Art. 162B Développement (nouvelle teneur)

L'interpellation urgente n'est pas annoncée et son auteur la développe en trois minutes lors d'une séance spéciale tenue une heure avant la première séance de chaque session.

Art. 162C Réponse (nouvelle teneur)

Le Conseil d'Etat répond oralement à la fin de la dernière séance de la session.

Article 2

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Depuis le début de la législature, nous constatons de plus en plus fréquemment que des séances extraordinaires doivent s'ajouter aux séances ordinaires pour combler le retard accumulé dans le traitement des objets parlementaires. Ce retard provient tout autant de l'inflation des objets qui nous sont soumis - certaines commissions sont débordées - que du temps de parole en constante progression. Le projet de loi 7926 vise à mieux structurer nos séances par la modification de deux éléments :

Ordre du jour

Bien que notre Grand Conseil soit en tout temps maître de son ordre du jour, les changements incessants de l'ordre du jour intervenant en début de séance apportent une incohérence grandissante au traitement de la matière, au dépend de sa qualité et de son efficacité.

Au gré des majorités présentes dans la salle, on se permet de modifier l'ordre du jour donnant ainsi une bien piètre image de notre Parlement. Cela n'est pas sérieux. Bien que certains points soient prioritaires et qu'une modification de l'ordre du jour se justifie, cela ne doit pas être la règle qui prévaut. On nous a proposé en commission un « gentleman agreement » qui éviterait de légiférer en la matière. Soit, mais nous n'y croyons pas étant donné que les priorités ne sont pas les mêmes selon que l'on se place à gauche ou à droite sur l'échiquier politique. Un projet de loi qui augmenterait les impôts serait prioritaire pour certains tandis qu'un projet de loi qui baisserait les impôts serait prioritaire pour d'autres. Les exemples ne manquent pas, il suffit de reprendre le Mémorial pour constater que bon nombre de projets de loi et autres résolutions n'auraient pas exigé le traitement urgent qui leur a été réservé. Nous pensons que le seul moyen de concrétiser une volonté d'efficacité et de cohérence est de prévoir que l'ordre du jour ne soit discuté qu'une fois pour toutes en début de session, ce que vise à concrétiser le nouvel alinéa 3 de l'article 95 proposé dans ce projet de loi.

Non seulement l'image de notre Parlement s'en trouverait améliorée, mais de plus le climat des débats ne risquerait plus d'être terni par des modifications répétées de notre ordre du jour au gré des majorités.

Interpellations urgentes

Le nombre croissant d'interpellations urgentes, ainsi que leur caractère de plus en plus pointu font que d'interminables déclarations se succèdent au début de chaque séance. Nous consacrons pour ces interpellations, dont on a souvent peine à déceler l'urgence, environ une séance sur quatre au détriment du traitement d'autres points, notamment des projets de lois discutés en commission et qui doivent être débattus en plénière. Pour cette raison, il nous paraît justifié de déplacer ces interpellations à un autre moment de la session, évitant ainsi la paralysie de nos travaux.

Conclusions

L'entrée en matière sur ce projet de loi a été refusée à la suite d'une seule séance de commission. Nous aurions souhaité qu'une discussion ait lieu dans le but d'améliorer le fonctionnement de notre Parlement, dont ce projet de loi aurait pu servir de base. Il n'en a pas été ainsi à notre grand regret, prouvant si besoin était, que la composition de ce Grand Conseil n'attache que bien peu d'importance à l'efficacité de ses travaux et semble faire sienne cette pensée de l'écrivain anglais John Locke rapportée par Montesquieu : « Il faut perdre la moitié de son temps pour pouvoir employer l'autre »

Malgré la grande majorité qui a refusé l'entrée en matière en commission, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi ou à le renvoyer en commission pour qu'un réel débat puisse aboutir à une amélioration du déroulement de nos activités.

Premier débat

Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. Mesdames et Messieurs, vous avez là un épisode de la saga écrite par la droite par ses assauts répétés contre l'interpellation urgente. Ecrite, orale, urgente ou déposée, vous avez là l'interpellation dans tous ses états, plutôt sous toutes ses formes. La grande majorité de la commission a décidé d'inscrire certaines d'entre elles dans la loi portant règlement du Grand Conseil.

L'interpellation urgente pourra donc maintenir la spontanéité de son oralité, mais elle pourra aussi être déposée par écrit le premier jour de la session, avant midi. Elle reste illimitée et le ou la député(e) pourra toujours en présenter plus d'une, en trois minutes, mais sans pouvoir répliquer à la réponse du Conseil d'Etat. Cette dernière pourra se faire, comme jusqu'à maintenant, au point correspondant à l'ordre du jour, mais aussi immédiatement. Si le projet de loi initial visait à supprimer et modifier cette forme d'intervention, les allers-retours en commission ont, pour finir, servi à la perfectionner. Je vous remercie de voter ce projet de loi amendé par la commission. 

M. Michel Halpérin (L). Cette affaire est peut-être une saga, c'est peut-être celle de l'interpellation dans tous ses états, mais c'est surtout celle de l'état assez calamiteux, il faut bien en convenir, dans lequel nos travaux se retrouvent, de fil en aiguille.

J'ai eu l'occasion, pendant la précédente législature, de constater que la gauche, Madame la rapporteuse de majorité, avait découvert l'intérêt formidable de l'interpellation comme moyen d'entraver les travaux parlementaires. Venant de la minorité, c'était de bonne guerre, même si c'était un peu fatigant pour la majorité, qui espérait user de sa vocation majoritaire pour bâcher au plus vite ! Nous avons donc été contraints, pendant quatre ans, mois après mois, de rester ici jusqu'à minuit quand nous aurions pu avoir fini à 18 h 30, si nous avions suivi notre tempérament naturel. Mais telles sont les lois de la démocratie !

Et puis, nous sommes devenus minoritaires. Cela vous a fait plaisir, et cela m'a fait plaisir pour une seule raison : nous allions, pensais-je, être désormais dispensés des interpellations, puisque étant devenus majoritaires vous n'aviez plus besoin d'occuper le terrain par des moyens de traverse. Il vous suffisait de l'occuper par les vrais sujets à l'ordre du jour. Or, pas du tout ! Vous y aviez tellement pris goût que vous n'avez pas pu y renoncer, même quand vous étiez en situation de force.

Le résultat des courses est doublement négatif. Premièrement, comme nous sommes minoritaires depuis un an et demi et que nous sommes lents, nous avons fini par comprendre, il y a trois mois, qu'on pouvait faire joujou avec les interpellations, et nous voilà à faire comme vous ! Je ne dis pas que c'est mal : puisque c'est comme vous, ce doit être bien... (Rires.) mais c'est encombrant. Le deuxième inconvénient, c'est que nous continuons à finir à minuit, et quand je dis finir, en fait nous ne finissons pas, puisque nos ordres du jour continuent à se répercuter d'une séance à l'autre.

L'honnêteté statistique nous contraint à faire la constatation que l'interpellation urgente est un instrument qui nous coûte, à chaque séance, une heure le jeudi et une heure le vendredi. Sur un total mensuel d'une dizaine d'heures de travaux parlementaires, nous consacrons 20% de nos efforts, certes nuancés, à ce sujet qu'est l'interpellation urgente. Le résultat des courses est que nous devons ajouter des séances spéciales, une, deux ou trois fois par semestre. Or, si une partie des membres de ce Grand Conseil sont apparemment très à leur aise dans ces fauteuils et estiment que c'est la meilleure manière d'occuper leurs loisirs, il y en a d'autres qui souffrent de n'être pas davantage à leurs vraies affaires, leurs affaires privées, pas leurs affaires collectives, et qui trouvent que cela devient très lourd et que nous allons insensiblement d'un parlement de milice à un parlement de professionnels. Là encore, cela arrange ceux qui sont en panne d'un salaire d'Etat, mais cela ennuie ceux qui voudraient gagner par leurs propres forces.

En conséquence de quoi, nous avons essayé de faire des propositions visant à réduire tout ceci. La première proposition était le projet de loi qui porte aujourd'hui, à notre ordre du jour, le No 35. C'était un projet de loi très large, émanant de plusieurs proposants, qui visait à remplacer les interpellations urgentes par des questions urgentes ; on aurait ainsi gagné le temps du débat. Vous l'avez altéré à un point tel que même ses auteurs ne veulent plus le soutenir aujourd'hui.

Quant au projet qui porte le No 36 et qui émane du vaste consensus de l'Entente - enfin, de l'Entente quand elle est là ! - il visait trois objectifs. Le premier était de déterminer des heures pour les interpellations qui nous permettent de faire nos travaux ordinaires dans le temps qui nous est habituellement imparti. Si nous abordions les interpellations le jeudi à 16 h, pour finir à 17 h, nous commencerions nos travaux ordinaires à 17 h au lieu de les commencer à 18 h, voire 19 h comme c'est le cas parfois. Deuxièmement, j'ai suggéré, avec mes collègues proposants de ce projet de loi, que nous évitions ces changements d'ordre du jour qui m'ont tant contrarié et que je vous ai si souvent reprochés. En effet, si à chaque début de séance, à 17 h et à 20 h, puis de nouveau le lendemain, à 17 h et à 20  h, nous acceptons de traiter en urgence des objets qui n'ont pas été déposés dans les délais de dépôt, parce que soi-disant la situation le commande, nous pénalisons encore la qualité de nos travaux.

En l'occurrence, la commission n'a même pas voulu entrer en matière, au motif que l'interpellation est un droit sacré. Tous les droits sont sacrés, il faut pourtant qu'on choisisse des priorités ! Au motif aussi qu'il faut pouvoir changer notre ordre du jour en tout temps et qu'il suffit d'avoir une attitude de gentleman - c'est le texte du procès-verbal qui dit cela, je suis désolé pour les dames ! - nous dirons un gentlemen and women's agreement sur la manière de se conduire dans cette salle. Eh bien, j'ai constaté qu'en dépit du fait que les rapports de Mme Cuénod et de M. Velasco sont sur nos tables à cette séance-ci, cela n'a pas empêché M. Pagani et d'autres, hier, de proposer de nouvelles modifications d'un ordre du jour ultrachargé. Je ne dis pas que M. Pagani n'est pas un gentleman, il l'est sûrement..., mais il n'est pas une gentlewoman et c'est probablement la raison pour laquelle nous n'avons pas eu le privilège d'une attitude de bonne conduite !

Et, puisque nous ne savons pas nous bien conduire volontairement, conduisons-nous bien par la vertu de la loi ! Je vous demande par conséquent d'adopter dans l'enthousiasme le projet de loi que la commission a refusé, cela marquera le début d'un progrès dans nos travaux.

Présidence de M. Jean Spielmann, président

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. J'aimerais répondre à M. Halpérin que le Conseil d'Etat est toujours à majorité de droite. Il y a deux majorités dans cette salle, une majorité au Grand Conseil, une majorité au Conseil d'Etat, et c'est une des raisons pour lesquelles nous nous voyons parfois obligés de faire des interpellations.

Le projet de loi 7926 contenait deux volets, l'un se rapportant à l'ordre du jour et l'autre se rapportant à l'interpellation urgente. Concernant la question de l'ordre du jour et l'article 95, alinéa 3, nous avons considéré que l'article 97, stipulant que le Grand Conseil est maître de son ordre du jour en tout temps, était de toute façon une contradiction entre votre proposition et cet article 97. Mais la commission, dans sa sagesse, a proposé, disons, trois règles de fonctionnement éthique, dont le représentant du groupe libéral a pris acte, en attendant de voir si son groupe les acceptait ou pas. Nous espérons qu'aujourd'hui nous aurons une réponse. Je ne lis pas ces trois règles, elles figurent dans le rapport.

Au sujet de l'interpellation urgente, nous constatons qu'éliminer celle-ci, c'est en quelque sorte escamoter le débat démocratique dans ce parlement. Il est vrai que pour certains députés le temps a un coût, vous venez de le dire, Monsieur Halpérin, mais personne n'oblige qui que ce soit à siéger dans ce parlement. Nous avons été élus et c'est notre volonté de siéger ou pas. A partir de là, la question du coût n'est pas de mise, excepté si certains députés considèrent que leur travail professionnel vaut mieux que siéger en commission ou au Grand Conseil. A chacun d'en décider. En ce qui nous concerne, nous donnons priorité à cette liberté d'expression, à cette richesse du débat ; c'est la raison pour laquelle la commission n'a pas désiré entrer en matière. 

M. John Dupraz (R). Tout à l'heure, notre collègue M. Halpérin a fait allusion au projet de loi 7542, qui était issu de la réflexion de plusieurs députés et s'inspirait en fait de «l'heure des questions» du Conseil national. J'ai pris une part active au dépôt de ce premier projet de loi qui proposait, dans sa rédaction originelle, que les interpellations urgentes soient déposées sous forme écrite, à la première séance ou la veille de la première séance de la session du Grand Conseil, et que le Conseil d'Etat y réponde oralement le vendredi, ce qui permettait de gagner au moins une heure, soit le temps de les développer. En commission, nous n'avons malheureusement pas eu de majorité pour aller dans ce sens-là et je le regrette infiniment.

Ce qui est intéressant dans les interpellations urgentes, c'est de pouvoir traiter sur-le-champ, de façon succincte, un problème d'actualité. Je crois qu'un parlement se doit aussi de traiter des problèmes d'actualité et que seule l'interpellation urgente le permet. Prenons l'interpellation ordinaire : il faut l'annoncer avant de l'inscrire à l'ordre du jour, ce qu'on ne peut faire qu'à la séance suivante. Prenons la question écrite : on y répond six mois après et cela n'a plus aucun intérêt. Je me souviens que, lorsque j'étais nouveau dans ce parlement - M. Halpérin n'était pas encore député à l'époque, hélas pour nous ! - la façon d'intervenir la plus courante était la question écrite. Nous étions envahis de questions écrites qui encombraient l'administration ; celle-ci y répondait avec des retards faramineux, si bien qu'elles n'amenaient pratiquement rien au débat politique et que cette forme d'intervention est pratiquement abandonnée à l'heure actuelle. Aussi, je crois que l'interpellation urgente est un instrument utile pour les députés, s'agissant de s'exprimer sur des questions d'actualité. Nous voterons donc le projet tel qu'il ressort des travaux de la commission, en regrettant qu'elle ait édulcoré la proposition originelle, et là je parle du projet de loi déposé par des députés de plusieurs partis, soit le projet 7542.

Quant à votre projet de loi, Monsieur Halpérin...

M. Michel Halpérin. ...et de M. Lescaze, et de M. Blanc...

M. John Dupraz. Oui, et je trouve que vous êtes des chefs de groupe bien mal éclairés en l'occurrence ! Vous avez tenté, par votre projet de loi, d'instituer une façon mineure d'intervenir dans ce parlement, en nous expliquant : «Nous les grands, qui avons des occupations professionnelles très importantes et parfois lucratives, n'avons pas de temps à perdre à écouter ces interpellations urgentes que certains députés se complaisent à développer pour se mettre en valeur. Nous vaquons à nos affaires personnelles et, afin que nous puissions vaquer de mieux en mieux à nos affaires personnelles, ne pourriez-vous pas traiter ces petites interpellations-là une heure avant que nous arrivions, et aborder l'ordre du jour quand nous serons là ? Nous, nous sommes importants et nous devons discuter des objets à l'ordre du jour de la séance plénière, mais vous les rigolos qui développez des interpellations urgentes, faites cela entre vous, vous ne nous intéressez pas !» (Rires et bravos.)

Monsieur Halpérin, votre attitude n'est pas très libérale ; elle est un peu moqueuse et discourtoise vis-à-vis des collègues qui n'ont pas la distinction, l'intelligence, la compétence d'avoir des occupations aussi intéressantes et aussi lucratives que les vôtres !

En conséquence, Mesdames et Messieurs, les radicaux étant des démocrates, respectueux des uns et des autres et de ceux qui ne pensent pas forcément comme nous, nous estimons que les interpellations urgentes font pleinement partie des activités du député et doivent être traitées lors d'une séance ordinaire, et pas lors d'une sous-séance à laquelle les importants de ce monde ne participeraient pas parce que cela les ennuie ! Voilà pourquoi je vous invite, quelle que soit la qualité de votre excellent collègue Halpérin - que j'estime beaucoup par ailleurs - à refuser son projet de loi, le projet des chefs de groupe, qui m'apparaît inopportun, et à voter le projet, hélas édulcoré, qui ressort de la commission, concernant l'interpellation urgente.

M. Pierre Marti (PDC). Je parlerai du point 35 de l'ordre du jour, soit du projet de loi 7542-B. Les interpellations urgentes sont-elles si urgentes ? La plupart du temps, ces questions prennent une heure et il serait bien intéressant de connaître le pourcentage d'interpellations qui a vraiment ce fameux caractère d'urgence. Je serais fort étonné et déjà très heureux qu'on arrive à 10%.

D'ailleurs, cette urgence ne convainc même pas les auteurs des interpellations. Preuve en est que le lendemain, le vendredi à 17 h, la salle est quasiment vide la plupart du temps. Quelquefois, un de ceux qui ont déposé une question urgente se dit qu'il aimerait vraiment avoir la réponse. Pour les autres, ils s'en contre-foutent ! Excusez-moi d'utiliser ce terme, mais c'est à peu près cela. Les réponses sont faites devant une salle bruyante ; les personnes qui ont posé ces questions urgentes ne sont pas là et, à défaut d'avoir la réponse directement, elles attendront le Mémorial, six mois après !

Ainsi donc, je pense qu'il serait intéressant que nous posions ces questions, lorsqu'elles sont urgentes, par écrit, pour que le Conseil d'Etat puisse vraiment motiver sa réponse le lendemain. Une question écrite peut être lue, peut être analysée, peut être discutée et ainsi on ferait vraiment un travail efficace. A cet égard, le projet de loi qui ressort de la commission des droits politiques est à ce point dénaturé que nous le refuserons. 

M. Pierre Vanek (AdG). Je voulais également répondre à M. Halpérin sur la question du loisir qu'il demande pour vaquer à ses «vraies affaires» qui sont, nous a-t-il dit, ses affaires privées. M. Dupraz a fait cela avec beaucoup plus de talent, dans un style populaire inimitable auquel je ne m'essaierai pas, mais quand même, Monsieur Halpérin, il est surprenant que vous vous laissiez aller à dire dans cette salle que vos «vraies affaires» sont ailleurs !

Maintenant, trois ou quatre brèves remarques. Concernant le dépôt par écrit qu'évoquait également John Dupraz, il est prévu par le projet de loi, et ceux qui veulent y avoir recours pourront le faire. On y trouvera effectivement un certain nombre d'avantages - une interpellation précise, écrite, qui pourra être diffusée à tout le monde, y compris aux médias, avant la séance - et on gagnera peut-être un peu de temps. En revanche, le droit de se lever ici et d'interpeller, en trois minutes... (Commentaires et rires.) ...en trois minutes ou un peu plus, l'un ou l'une de ces messieurs et dames qui gouvernent la République, ou d'interpeller le Conseil d'Etat sur les agissements de tel ou tel conseiller d'Etat, est quand même un droit élémentaire qu'on ne saurait supprimer. C'est d'une telle évidence que je n'argumenterai pas plus là-dessus. Je vous recommande donc évidemment de suivre le rapport de Mme Cuénod sur ce projet.

Cela dit, je reviens sur les propos de M. Halpérin tout à l'heure. Il disait que, lors de la dernière législature, nous étions dans l'opposition et que, c'était de bonne guerre, nous bombardions donc le gouvernement de toute une série d'interpellations, mais il était surpris que cela ait continué. En l'occurrence, ces interpellations - contrairement à ce qu'a dit Alberto Velasco - ne dépendent pas de la composition politique du gouvernement. Ce ne sont pas de pures opérations politiciennes, ce sont des questions précises sur des sujets qui intéressent a priori les députés, peut-être les citoyens, et même si nous avions un Conseil d'Etat homogène, de gauche... (L'orateur est interpellé.) Oui, c'était une plaisanterie, Madame Brunschwig Graf, je vous remercie de le relever ! (Rires.) ... il y aurait parfaitement lieu de s'interroger sur les activités dudit Conseil. Ce n'est pas parce qu'un magistrat serait, par hypothèse, de gauche qu'il n'y aurait pas de question à poser, de remarques à faire, de critiques à formuler et de renseignements à demander.

Monsieur Halpérin, vous avez dit ensuite que non seulement cela continuait, mais que vous aussi vous vous étiez mis. D'abord, vous ne vous êtes pas vraiment mis aux interpellations urgentes : la dernière fois, c'étaient sept ou huit interpellations «ordinaires» qui étaient annoncées sur les bancs de l'Entente, à propos des squatters. Or, nous aurions peut-être gagné un peu de temps si vous les aviez faites en groupe, au moment des interpellations urgentes, avec trois minutes de parole, au lieu des dix minutes - je ne dis pas que les dix minutes ont été épuisées - auxquelles donnait droit la forme que vous avez adoptée.

Enfin, il n'est pas très sérieux de nous parler de perte de temps dans ce parlement et de l'attribuer aux interpellations urgentes, après la manière, Monsieur Halpérin, dont sur vos bancs on a mené le débat sur la LDTR, par exemple ! Je vous rappelle que vous avez déposé quarante-deux amendements, dont certains rédigés sur le siège, simplement pour qu'il ne soit pas dit que vous aviez lâché le morceau sans avoir fait les huit heures de débat là-dessus. C'était assez minable politiquement, et vous avez vu comment la presse vous a traités ! Vous avez affirmé, Monsieur Halpérin, que vous aviez appris de nous en matière d'opposition, mais nous ne faisions pas comme cela : nous entamions un fort débat politique, en premier débat, avec des interventions ciblées, ensuite nous déposions trois ou quatre amendements. Le cirque que vous nous avez fait sur la LDTR, avec vos quarante-deux amendements, les douze appels nominaux et la présentation, en troisième débat, des mêmes amendements pour, comme vous le disiez, «marquer l'importance de cette affaire», ce cirque, ces heures-là n'étaient pas absolument indispensables et on aurait pu en faire l'économie !

Bien entendu, vous aviez le droit, parfaitement le droit de le faire, mais alors laissez, s'il vous plaît, aux députés qui ont des questions à poser au gouvernement les modestes minutes qui leur sont consacrées par le règlement ! Et, si vous voulez ne pas user de notre temps, vous utiliserez - vous avez sans doute la plume aussi facile que la parole, Monsieur Halpérin, ce qui n'est pas le cas de tout le monde - l'option prévue par la loi que nous vous proposons d'adopter, en formulant des interpellations urgentes par écrit !

M. Roger Beer (R). Il est vrai que, lors de la dernière législature où la majorité était légèrement différente, nous étions quelquefois agacés par les interpellations urgentes, quelquefois... Et c'est à ce moment-là qu'est arrivé ce projet de loi qui voulait supprimer l'interpellation urgente, en proposant de la remplacer par la question écrite développée, avec la réponse écrite, etc. Dans la présente législature, la majorité a changé, de peu mais elle a changé, et l'interpellation urgente énerve d'autres personnes.

En ce qui me concerne, je pense que l'interpellation urgente, instaurée il y a cinq ou six ans, permet justement aux députés de milice que nous sommes de garder le contact avec la réalité et surtout d'interpeller et de poser une question au Conseil d'Etat en ayant l'assurance qu'il va nous répondre dans les vingt-quatre heures. Quand nous posons une question à nos sept conseillers d'Etat, généralement à travers une motion ou un projet de loi, ils répondent que cela tombe bien, que leurs services s'en occupent déjà, qu'ils y ont déjà pensé et que d'ailleurs ils vont bientôt nous répondre... Lorsque nous déposons une motion, une question écrite, un projet de loi, souvent les réponses mettent six mois, huit mois à venir ; les délais qui sont inscrits dans le règlement du Grand Conseil ne sont malheureusement pas tellement tenus. Je trouve que l'interpellation urgente permet justement d'interpeller directement au Conseil d'Etat et d'avoir une réponse. Généralement, si le Conseil d'Etat estime que notre question n'est pas très bonne et qu'il s'occupe de tout, il nous le dit le vendredi soir et, à partir de ce moment-là, nous pouvons envisager une motion, voire un projet de loi. Il est vrai que les interpellations urgentes peuvent prendre du temps, mais dans un parlement de milice cela me paraît normal.

Je dois dire que même mon collègue Dupraz, qui au début voulait supprimer cette possibilité, est revenu en arrière. Après un certain nombre de discussions, il a admis que c'est bien joli de faire une question écrite, qui est triée par l'administration et à laquelle on nous répond plus tard, mais que l'interpellation reste intéressante. Je suis donc très content que le projet de loi ait été amendé en commission. Que ceux qui veulent faire des questions écrites, puissent faire des questions écrites, avec l'obligation pour le Conseil d'Etat de nous répondre rapidement, c'est très bien. Cela change d'avant, où on n'avait jamais de réponse, ou alors cinq ou six ans après, au moment où évidemment la question avait trouvé une solution dans le temps et où elle était devenue complètement anodine.

Maintenant, concernant le projet de loi des anciens chefs de groupe - mais il y en a qui sont encore chefs de groupe - je ne vais pas revenir sur le numéro de cirque de mon collègue Dupraz...

M. John Dupraz. Ah, je te remercie !... (Rires.)

M. Roger Beer. Généralement, un numéro de cirque, c'est apprécié ! Disons sur le numéro... Effectivement, on ne peut pas admettre qu'il y ait des questions qui soient traitées avant l'ordre du jour pour lequel on est vraiment convoqué. Cela, Monsieur Halpérin, malgré tout le respect que j'ai pour vous, est impossible. Vous-même reconnaissez qu'on ne peut pas commencer nos séances à 15 h ou à 16 h, qu'il est déjà assez difficile de s'organiser pour venir à 17 h, lorsqu'on travaille - même quand on est fonctionnaire, car j'entends déjà la réponse ! J'estime donc inadmissible et absolument incompréhensible qu'on propose que des réponses à certaines questions soient données avant la partie officielle. A cet égard, le sort qui a été réservé au projet de loi me paraît juste et je n'y reviendrai pas.

En revanche, j'insiste encore une fois sur l'importance des interpellations urgentes dans un parlement de milice, avec des députés qui finalement ne doivent pas être que des professionnels liés à leur lobby, à leur groupe de pression, mais qui doivent vraiment, de temps en temps, pouvoir poser des questions toutes bêtes. D'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est que ce sont généralement ces questions toutes bêtes qui permettent de poser un problème et de faire avancer les choses, alors que la motion, le projet de loi peuvent éventuellement régler un problème, mais des années après. 

M. René Longet (S). Je ne sais pas s'il faut distinguer ici, comme l'a fait M. Dupraz, les libéraux et les démocrates..., ou bien les projets de lois qui ne seraient pas bêtes et les questions qui seraient d'autant plus pertinentes qu'elles seraient impertinentes... En l'état, notre groupe vous propose de suivre l'avis de la commission des droits politiques.

Nous avons travaillé assez longuement ce dossier pour savoir que la proposition qui vous est faite ici est dûment réfléchie et équilibrée en ceci qu'elle permet de sauvegarder une spontanéité, un caractère direct dans nos interventions, indispensable au rôle de représentants du peuple qui est le nôtre. Nous avons la possibilité de poser une question en direct, en fonction de ce que nous jugeons juste en notre âme et conscience. Nous avons le choix maintenant, avec la nouvelle version qui est proposée par la commission, de le faire par la voie écrite ou par la voie orale. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que la forme de l'interpellation urgente s'est si bien introduite et s'est si bien acclimatée à notre parlement et à nos besoins que nous n'avons pratiquement plus de questions écrites et extrêmement peu d'interpellations ordinaires. Il y a donc bien effet de substitution et le caractère pratique et spontané de l'interpellation urgente, encore une fois, nous donne cette soupape qui nous permet de dialoguer en direct. Le seul inconvénient, c'est qu'il n'y a pas de duplique possible. Celle-ci avait été évoquée en commission ; nous y avons renoncé, précisément pour ne pas alourdir cette forme d'intervention. A un moment donné, la discussion s'arrête et après il y a encore d'autres moyens d'intervenir, qu'a rappelés M. Beer tout à l'heure.

Aussi, nous vous proposons de voter le projet 7542, en rappelant qu'il a déjà été renvoyé une fois en commission. J'estime qu'il n'a nullement été édulcoré, mais qu'il a été simplifié, qu'il a été mis à jour et qu'il nous permet aujourd'hui d'avoir un système qui fonctionne parfaitement bien. Quant au projet du parti libéral, M. Dupraz a dit ce qu'il fallait en penser. Il a apparemment été déposé par ses auteurs en l'ignorance des travaux qui avaient déjà lieu sur cet objet à la commission des droits politiques. Si vous votez ce projet de loi, vous êtes en totale contradiction avec les travaux qui y ont été faits et qui ont été excellemment résumés par Mme Cuénod. Le système proposé par la commission est un bon système ; on ne revient absolument pas en arrière sur des acquis, mais on développe ce qui existe, on rationalise et, contrairement à ce que disait M. Marti, on n'édulcore pas, mais on innove. Nous vous prions donc d'entrer en matière sur ce projet de loi et de le voter cet après-midi. 

M. Jacques Béné (L), rapporteur de minorité. Le projet de loi 7926 ne vise pas en l'occurrence à supprimer les interpellations urgentes, ou à en faire des débats de seconde zone. Vous avez l'air de penser qu'il s'agirait de convoquer officiellement les députés à 17 h, et de les convoquer officieusement à 16 h. Non ! la convocation serait pour 16 h, mais on admettrait que le point 5, Discussion de l'ordre du jour, ne soit traité qu'à 17 h. Voilà la proposition qui est faite.

J'ai constaté que dans cette salle, il y a quelques minutes, nous étions à peine quarante. Nous sommes peut-être un peu plus maintenant, parce que, comme pour les interpellations urgentes, de nombreux députés attendent que le débat soit fini pour revenir dans la salle. Et c'est exactement ce qui se passe en ce moment : les députés reviennent petit à petit, croyant que le débat est terminé. Or, ils font de même pour les interpellations urgentes, ce qui prouve qu'elles ont un intérêt surtout pour l'auteur et l'interpellé, mais pas forcément pour les collègues, qu'ils soient du même bord ou du bord opposé.

Maintenant, un mot sur les modifications qui ont été proposées et ce gentleman's agreement. La dernière séance de la commission sur ce sujet a eu lieu le 19 mai, nous avons eu deux sessions depuis et nous avons pu constater que ce gentleman's agreement ne tenait malheureusement pas. Alors, je terminerai sur une boutade : tout compte fait, étant donné le nombre de projets de lois, Mesdames et Messieurs de la gauche, que vous déposez et qui sont tous plus incohérents les uns que les autres, il vaut peut-être mieux, en effet, qu'on continue de cette manière-là, qu'on continue à traiter les projets tranquillement, pas trop vite... Et, dans deux ans, on reviendra peut-être à une situation plus intéressante et plus rationnelle ! 

M. Michel Halpérin (L). Je voudrais d'abord remercier M. Dupraz de m'avoir beaucoup diverti tout à l'heure. Il était vraiment au mieux de sa forme, il y a longtemps que je ne l'avais entendu dans une forme aussi éblouissante, et je reviendrai plus souvent, Monsieur Dupraz, si vous êtes toujours à ce niveau-là... (Rires.)

Je voudrais brièvement dissiper deux malentendus qu'a dû faire naître mon incapacité à vous présenter convenablement les choses tout à l'heure - à moins que M. Dupraz ou M. Vanek n'aient outrageusement travesti mon propos, mais je ne peux pas énoncer une supposition pareille : ils ne font jamais des choses de ce genre !

Premièrement, et M. Béné vient de le rappeler, nous n'avons pas proposé la suppression de l'interpellation urgente : elle a été introduite il y a quelques années, elle a les avantages que M. Longet et d'autres ont rappelés et elle a effectivement sa place dans nos travaux parlementaires. Dès lors, nous n'avons pas proposé sa suppression, Monsieur Dupraz. Nous avons en revanche proposé d'ajouter à notre ordre du jour une heure consacrée à ces interpellations. Et j'ai cru comprendre, de votre propre bouche - mais c'était avant que vous soyez drôle ! - qu'à Berne on faisait à peu près comme cela, qu'il y avait une heure pour les questions. Je trouvais que c'était une bonne idée de délimiter une heure, pour que ceux qui ont des questions à poser soient là, que ceux qui doivent les entendre soient là et que ceux qui veulent les entendre soient là.

Il est un deuxième point sur lequel je voudrais rétablir une vérité que j'ai dû mal vous présenter : je n'ai pas dit que les interpellations urgentes empêchaient les gens importants, comme M. Dupraz ou comme moi... (Rires.) d'assister à vos séances. J'ai dit que la prolongation de nos ordres du jour avait pour effet une augmentation du nombre de nos séances et que cette augmentation mettait en péril le parlementarisme de milice. Bien entendu, c'est un sujet qui intéresse davantage les miliciens, car ils sont bien obligés de s'y intéresser, que ceux qui ne sont pas de vrais miliciens... A cet égard, je me suis demandé, en écoutant M. Dupraz, s'il envisageait de devenir un professionnel de la politique ! J'ai cru comprendre qu'il disait oui ; personnellement, je m'en réjouis, sachant que désormais nous aurons au moins une séance désopilante à chaque fois que nous nous réunirons ! Mais je ne sais pas si c'est vraiment dans cette idée que notre constitution a voulu des parlementaires de milice. Dont acte ! 

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Je constate que le groupe libéral n'est pas d'accord d'entrer en matière sur les règles proposées dans le rapport sur le projet de loi 7926 - vous voyez, Monsieur Halpérin, que je dis règles et non gentleman's agreement. C'est dommage, car ces règles devaient être proposées aux chefs de groupe, avec évaluation de la pratique dans les six mois. Et si je prends les deux dernières règles : «Si on souhaite procéder à une modification de l'ordre du jour, on s'astreint à l'annoncer avant la fin de la séance, de sorte à la voter au début de la séance suivante» et : «On ne revient pas plusieurs fois sur un vote concernant l'ordre du jour», je crois qu'elles devraient vous convenir. Ces règles ont été acceptées par l'ensemble de la commission et je regrette que nos collègues du groupe libéral n'entrent pas en matière sur ce type de pratique.

M. John Dupraz (R). Je suis très heureux d'avoir distrait quelques instants notre distingué collègue M. Halpérin. Je voudrais lui rappeler que, si j'ai fait référence à ce qui se passe au Conseil national, c'est que l'heure des questions se déroule dans les horaires ordinaires et fait pleinement partie des débats du Conseil national. J'en prends à témoin mes deux collègues dans cette enceinte qui siègent également au Conseil national. Encore une fois, cela fait pleinement partie des débats politiques du Conseil national. Mais ce n'est pas ce que vous proposiez dans votre projet de loi et c'est pourquoi nous ne sommes pas entrés en matière.

Maintenant, Monsieur Halpérin, je conviens parfaitement que je ne suis pas le modèle idéal du parlementaire de milice. Il est vrai que je fais un peu profession de politicien, mais je le fais à mes frais. Mes clients ne m'attendent pas, mes clients, ce sont les blés qui poussent dans mes champs et ce que je ne peux pas faire moi-même, le bon Dieu le fait pour moi ! (Rires.)

Le président. La parole n'est plus demandée, nous allons donc voter. Je précise qu'il est bien sûr impossible d'accepter les deux projets de lois, l'un annulant l'autre. Nous prenons d'abord le projet de loi 7542-B.

PL 7542-B

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7542)

modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (question urgente)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :

Art. 162A Définition (nouvelle teneur)

L'interpellation urgente est une question posée oralement ou par écrit au Conseil d'Etat sur un événement ou un objet d'actualité.

Art. 162B Forme écrite (nouvelle teneur)

1 L'interpellation est rédigée d'une manière concise et est signée par son auteur. Elle doit porter un titre et doit être remise au sautier le premier jour de la session, avant midi.

2 Elle est transmise sur le champ au Conseil d'Etat et distribuée en début de session aux députés.

Art. 162C Forme orale (nouvelle teneur) 

L'interpellation orale n'est pas annoncée et son auteur la développe en 3 minutes au point de l'ordre du jour figurant à la première séance de chaque session.

Art. 162D Réponse (nouvelle teneur)

Le Conseil d'Etat répond oralement, immédiatement, ou au point correspondant de l'ordre du jour.

Art. 162E Clôture (nouveau)

Sitôt après la réponse du Conseil d'Etat, le président déclare l'interpellation urgente close.

PL 7926-A

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.