Séance du jeudi 10 juin 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 8e session - 28e séance

PL 7610-B
a) Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de 20 millions de francs pour l'indemnisation des propriétaires riverains de l'Aéroport international de Genève. ( -) PL7610Rapport de minorité de M. Pierre Ducrest (L), commission des finances
 Mémorial 1997 : Projet, 4008. Renvoi en commission, 4016. Rapport, 9231. Renvoi en commission, 9243.
 Mémorial 1999 : Rapport, 3636. Premier débat, 3657. Deuxième débat, 3681.
Rapport de majorité de Mme Marianne Grobet-Wellner (S), commission des finances
Rapport de minorité de M. Nicolas Brunschwig (L), commission des finances
PL 7836-A
b) Projet de loi de Mmes et MM. Christian Grobet, Bernard Clerc, Rémy Pagani, Martine Ruchat, Jeannine de Haller, Danielle Oppliger, Dolorès Loly Bolay, Fabienne Bugnon et Chaïm Nissim modifiant la loi sur l'aéroport international de Genève (H 3 25). ( -) PL7836Rapport de minorité de M. Pierre Ducrest (L), commission des finances
 Mémorial 1998 : Projet, 1992. Renvoi en commission, 2002.
 Mémorial 1999 : Rapport, 3636. Premier débat, 3657. Deuxième débat, 3685.
Rapport de majorité de Mme Marianne Grobet-Wellner (S), commission des finances
Rapport de minorité de M. Nicolas Brunschwig (L), commission des finances

33. Troisième débat sur le rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants :

Troisième débat

Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de majorité. La question du transfert à l'AIG des charges liées à l'indemnisation de certains riverains de l'aéroport de Genève soulève des réactions totalement démesurées de la part de la droite et de la direction de l'AIG.

Il est incontestable que l'Etat verse ces indemnités en vertu d'une expropriation formelle, directement et uniquement liée à l'exploitation de l'aéroport. Il est également incontestable que l'AIG doit assumer - elle l'a assumée depuis sa création en 1994 - la charge des frais financiers des biens propriétés de l'Etat en vue de l'exploitation de l'aéroport, sous forme d'intérêts et amortissements, conformément à l'article 36 alinéa 1 LAIG. Il en va de la transparence et de la véracité des coûts réels de l'exploitation de l'aéroport, ainsi que du principe du « pollueur-payeur », que de faire figurer l'amortissement de ces indemnités dans les comptes de l'AIG.

La direction de l'AIG allègue qu'un tel transfert contrevient à la condition posée par la Confédération lors du transfert de la concession. La lettre du département fédéral des transports, des communications et de l'énergie du 21 décembre 1993, signée par M. Adolf Ogi, concerne les intérêts des tiers. Celui-ci précise dans le troisième paragraphe que l'approbation du transfert de la concession de l'Etat de Genève à l'AIG ne touche pas aux intérêts de tiers, dans la mesure où l'Etat reste débiteur à leur égard et que la responsabilité de versement d'indemnités aux riverains n'est pas transférée à l'AIG, qui n'offre évidemment pas les mêmes garanties de solvabilité que l'Etat. Il n'est nulle part question d'une quelconque interdiction de faire figurer l'amortissement de ces frais dans les comptes de l'AIG, dans la mesure où ils sont directement liés à l'exploitation de l'aéroport.

Je rappelle que l'Etat assume de fait la moitié de ces indemnités, puisqu'ils diminueront le bénéfice de l'aéroport, bénéfice dont la moitié revient à l'Etat. Cela veut dire que sur les 60 millions à verser, la moitié est prise en charge par la totalité des contribuables !

Quant à l'affirmation de l'AIG alléguant qu'il s'est spontanément offert de prendre en charge les coûts d'insonorisation, je me contente ici de rappeler que ces fonds ne concernent en rien les comptes d'exploitation de l'AIG. Ce fonds « bruit », devenu fonds « environnement », est entièrement alimenté par les utilisateurs de l'aéroport et ne peut être utilisé à d'autres fins. L'AIG ne fait que le gérer et n'y a pas mis un seul centime de sa poche. Il est donc faux de parler d'effort financier de l'AIG par rapport à l'utilisation de ce fonds. Je rappelle pour le surplus que plus de la moitié de ce fonds lui a été transférée par l'Etat lors de la création de l'AIG.

Il y a lieu de relever que l'AIG déclare qu'il assumera naturellement sa contribution. Ce n'est toutefois pas en puisant dans ce fonds, dont il n'est en fait que le gérant, qu'il aura assumé quoi que ce soit.

Pour terminer, c'est avec plaisir que nous avons pris connaissance du bon résultat d'exploitation de l'AIG en 1998, démontrant que l'établissement autonome est très bien géré par son directeur actuel, M. Jobin. Les comptes 1998 font état d'un bénéfice de 18 millions de francs, soit 11 millions de plus qu'en 1997, ce qui portera les fonds propres de l'AIG à 20 millions après avoir versé la moitié du bénéfice 1998 à l'Etat.

La possibilité financière de l'AIG d'assumer la moitié des indemnités dont il est ici question apparaît ainsi tout à fait réelle. Si l'Etat devait toutefois venir au secours de l'AIG à un moment ou à un autre, je ne doute pas que ce Grand Conseil voterait une subvention ponctuelle nécessaire. 

M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de minorité ad interim. S'il s'était agi d'un sujet très technique, on aurait pu admettre que les discussions se poursuivent dans un troisième débat au motif que le temps imparti au deuxième débat se serait révélé insuffisant. Il n'en est rien.

L'affaire est en réalité beaucoup plus grave. Elle est plus grave, car, si je puis me permettre cette métaphore, lorsqu'un mécanicien ne respecte pas ses outils, c'est un mauvais mécanicien. En d'autres termes, lorsque des parlementaires ne respectent pas un des principaux outils nécessaires à la survie de Genève et de sa région, ce sont de mauvais parlementaires.

Il ne s'agit bien évidement pas de reprendre les différents éléments techniques qui ont déjà été largement débattus, à propos notamment de la possible capacité de l'aéroport à prendre en charge les nouveaux éléments qui lui sont méchamment transmis par l'Etat, coupable en la matière. Il n'est pas question de refaire le débat sur les investissements, ni sur la capacité d'emprunt, ni sur les actifs, ni sur d'autres sujets, mais seulement de faire un simple constat.

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons un aéroport et un aéroport qui fonctionne. Il le démontre par les bénéfices qu'il fait, par son développement et surtout par sa volonté de se développer.

Dans cette affaire, ce n'est pas comme si disparaissait d'un jour à l'autre de Genève telle ou telle entité générant des revenus fiscaux ou tout au moins des places de travail. C'est pire. C'est la rupture d'un cordon ombilical, c'est la rupture d'un équilibre, c'est la rupture d'un développement. Si l'aéroport n'a plus les moyens de survivre à lui-même, soit il devra s'adresser à l'Etat - comme Madame le rapporteur de majorité l'a indiqué - c'est-à-dire revenir en arrière par rapport à 1994, soit devenir un aéroport de campagne.

En parlant d'aéroport de campagne, il convient de préciser que les éléments nécessaires au développement de la région pourraient, le cas échéant, être acheminés à Genève par une voie aérienne différente. Je vous rappelle à ce propos que l'aéroport de Bâle-Mulhouse s'appelle aujourd'hui Bâle-Mulhouse-Freiburg et que Bâle a déjà investi je ne sais combien dans sa « Messe », alors que nous en sommes encore à discuter de la halle 6.

L'aéroport de Cointrin essuie actuellement des refus de la part des banques au sujet de ses investissements, sous prétexte bien sûr qu'il ne dispose d'aucun actif. On peut dès lors penser que le débat qui se déroule dans ce parlement ne facilitera en rien les choses. Ce qui est malheureux.

J'aimerais à présent m'inscrire en faux contre une affirmation relative au principe du pollueur-payeur, principe mentionné lors des deux précédents débats. Quelqu'un a annoncé que les chemins de fer fédéraux devaient assumer leurs propres nuisances. Un communiqué de l'ATS, daté du 5 mars, précise toutefois que « la qualité de vie des quelque 265 000 personnes habitant le long du réseau ferré suisse devrait être améliorée d'ici la fin 2015. Le Conseil fédéral prévoit ce délai pour achever la mise en place des mesures destinées à réduire le bruit des chemins de fer. Il propose au parlement de débloquer 1,85 milliard de francs à cet effet. » Vous voyez donc bien, Mesdames et Messieurs, qu'il y a deux poids et deux mesures lorsqu'on parle du principe du pollueur-payeur.

Je reviendrai tout à l'heure sur d'autres arguments. Je demanderai pour l'instant lecture de la lettre adressée à ce parlement le 26 mai dernier par l'aéroport.

Le président. Cette lettre a été déposée lors de la séance du 27 mai sur la table de tous les députés, qui ont ainsi pu en prendre connaissance. Elle fait cinq pages. J'accepte que lecture en soit donnée, étant précisé que cette demande est soutenue.

Nous avons également reçu une lettre du personnel de l'aéroport. Nous allons donc donner lecture de toute cette correspondance. Vous trouverez par ailleurs sur la table de la salle des Pas-Perdus des documents concernant l'aéroport, documents qui viennent de nous être apportés.

Je prie à présent Mme la secrétaire de bien vouloir procéder à la lecture de ces lettres

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Annexe

Le président. Nous poursuivons le troisième débat. Nous en sommes à l'article 1, pas d'opposition...

Une voix. Demande de parole !

Le président. Si vous levez la main, je vous donne la parole. Si vous ne levez pas la main, nous poursuivons le troisième débat. Monsieur Vaudroz, vous avez la parole !

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Je constate que le courrier de l'aéroport de Genève, dont on vient de nous donner lecture, est extrêmement précis. Je remercie l'exécutif de l'aéroport de nous l'avoir adressé. J'espère qu'il servira un peu de leçon à cette gauche qui ne veut pas reconnaître la réalité qui risque de voir le jour dans l'hypothèse d'un transfert de la charge des indemnisations à l'aéroport de Genève.

Mme Grobet-Wellner a pour sa part évoqué tout à l'heure une lettre du 21 décembre 1993 du département fédéral des transports. Je n'y reviendrai pas, si ce n'est pour souligner que M. Ogi a clairement précisé que l'Etat de Genève restait bien débiteur. Il n'y a donc aucune raison qu'il transfère cette charge à l'aéroport international de Genève. Le Tribunal fédéral a de son côté condamné l'Etat de Genève, cet aspect ayant déjà été largement souligné.

Mme Grobet-Wellner commet par ailleurs une confusion - ce qui m'étonne puisqu'elle est membre de la commission des finances et qu'elle a très largement montré ses compétences en matière financière - en mélangeant les bénéfices que peut générer une entité. Si le bénéfice améliore certes la capacité de financement ou la capacité d'autofinancement de cette entité, il ne permet pas des financements ou des autofinancements illimités. C'est d'autant plus vrai, la lettre dont il nous a été donné lecture tout à l'heure le confirme, que l'aéroport international de Genève ne dispose d'aucun actif immobilier, ce qui est véritablement dommageable, et encore moins de garanties de l'Etat.

Un tel transfert provoquerait donc, dans un terme non négligeable, des pertes pour cet aéroport, pertes voulant évidemment dire difficultés de trouver des financements. Cela a d'ores et déjà été dit.

Ce qui m'étonne, mais en partie seulement, c'est que la gauche, l'Alliance de gauche en particulier, a toujours montré une volonté de casser l'autonomie de l'aéroport. On l'a vu lorsqu'il s'est agi de poursuivre l'évolution naturelle de celui-ci en y implantant la halle 6 et l'Arena. Je crois que la gauche n'accepte tout simplement pas cette autonomie, autonomie qui offre pourtant à l'aéroport la possibilité d'être bien plus rapide dans ses décisions. Nous savons pour notre part combien notre Grand Conseil est lent en matière d'investissements. Or, la souplesse et l'efficacité apparaissent aujourd'hui inévitables et incontournables. Elles sont nécessaires pour pouvoir adapter rapidement un outil de travail tel que l'aéroport, lequel doit faire face - nous le savons tous - à une large concurrence.

Ce transfert de charges de 60 millions va dès lors, à n'en pas douter, très fortement pénaliser l'aéroport international de Genève. Il va d'ailleurs non seulement le pénaliser, mais aussi l'empêcher d'entreprendre. Ce qui lui serait très fortement dommageable. Il faut donc trouver une autre solution.

J'ai pour ma part une proposition à formuler. J'aimerais bien que la sagesse de ce Grand Conseil se mette en évidence et permette le renvoi de ce projet en commission, parce qu'il est indispensable de pouvoir travailler et étudier une solution de transfert d'actifs - si le Grand Conseil décide le cas échéant de transférer cette charge à l'aéroport de Genève - qui ne pénalise bien entendu pas l'ensemble des investissements pouvant assurer l'avenir de l'aéroport.

Si la gauche n'acceptait pas ce renvoi en commission, ce serait alors une nouvelle démonstration que derrière ce vote ne se cache qu'une seule volonté, casser l'autonomie et la compétitivité de l'aéroport de Genève. Ce qui serait encore une fois extrêmement dommageable, non seulement pour notre économie, mais pour l'ensemble de la population genevoise. 

M. Roger Beer (R). Nous revenons ce soir sur un débat qui nous a occupés lors de la dernière séance de façon inopinée, étant donné que la majorité avait décidé d'en parler alors que le sujet n'était pas inscrit à l'ordre du jour.

Je commencerai ce soir par remercier Mme Calmy-Rey et M. Lamprecht, les deux magistrats en charge de ce dossier, d'assister à nos discussions et à nos travaux. J'espère que l'on aura l'occasion de les entendre, aussi bien Mme Calmy-Rey que M. Lamprecht, sur cette question qui nous apparaît très importante.

Tout l'enjeu du débat relatif à l'aéroport, la nécessité et la difficulté de lui demander de payer des dédommagements dont l'Etat est responsable, a été expliqué de façon extrêmement claire par le rapporteur de minorité, M. Ducrest. Il a été rappelé par M. Vaudroz aujourd'hui et par un certain nombre de députés de droite l'autre soir. Je ne veux pas y revenir.

Il paraît évident au groupe radical que l'on ne peut pas accuser tout d'un coup l'aéroport, même si le principe du pollueur-payeur me convient à titre personnel. On ferait cependant dans ce cas un amalgame entre la situation prévalant en 1994 et la situation actuelle, alors que c'est bien l'Etat qui a été condamné et non l'aéroport.

Je défends pour ma part l'idée que l'aéroport est extrêmement important, tant pour notre économie que pour le développement de Genève. Vouloir lui faire supporter ces dédommagements de 20, 40 ou 60 millions serait un signe très net d'asphyxie de sa capacité de développement.

Les députés de l'Entente interviennent ce soir presque gratuitement dans le débat. Ils vont en effet vraisemblablement perdre le vote qui clôturera ce débat dans la mesure où le Grand Conseil est dominé par une majorité connue. Ceci étant, je suis d'accord avec M. Vaudroz qu'il ne serait peut-être pas inutile de retourner en commission pour tenter de faire comprendre à l'Alternative l'intérêt et la nécessité du développement de l'aéroport.

C'est dans cette réalité d'une majorité qui est la sienne, d'une majorité de gauche qui a pour but de couler et de noyer l'aéroport, que l'on peut essayer de défendre l'économie. Mais il sera bien difficile de gagner, à moins qu'il n'y ait quelques absents bien placés.

Dans ce contexte, les grandes annonces que l'on a pu découvrir aujourd'hui dans les journaux ne m'ont pas paru très opportunes, ni très malignes. Je chargerai à ce propos M. Lamprecht, conseiller d'Etat en charge de l'aéroport, de transmettre le message aux personnes concernées que ce n'est peut-être pas la meilleure façon de toucher les plus sensibles des députés de gauche de façon à les faire changer d'avis. Ceci est toutefois une autre histoire.

Il y aura peut-être, au cours de ce troisième débat, quelques amendements, car l'on pourrait admettre que l'Etat se décharge, sur les 60 millions, de la première tranche. Ce serait un geste dans le sens d'une plus grande responsabilisation de l'aéroport. C'est peut-être discutable. C'est peut-être possible. Il faudrait examiner cette question au regard des capacités financières de l'aéroport. Si on lui demandait par contre de prendre en charge les tranches suivantes, c'est-à-dire les 40 millions qui devraient encore échoir, cela dénoterait une volonté très nette de ce parlement d'asphyxier l'aéroport, de l'empêcher de se développer et de l'empêcher d'être à la disposition du développement de Genève au-delà de l'an 2000.

Pour ces différentes raisons, et sans vouloir allonger, je vous remercie de m'avoir écouté et de modifier peut-être votre vote, en espérant que vous serez, Mesdames et Messieurs de l'Entente, tous présents pour voter. 

M. René Koechlin (L). On l'a dit, et je le rappellerai en préambule, au moment de leur partition, l'Etat et l'aéroport sont formellement convenus de partager les frais découlant des nuisances provoquées par l'établissement en cause.

Selon les termes de cet accord, l'Etat prend en charge les indemnités découlant de la situation passée, qui se rapporte donc aux inconvénients que l'Etat n'a pas su, ni pu éviter ou simplement atténuer. Il était à l'époque le seul responsable de l'établissement, faut-il le rappeler.

Pour sa part, toujours en vertu de cet accord, l'aéroport prend à son compte toutes les mesures à venir, tout ce qui est tourné vers le futur, toutes les mesures visant à réduire, voire supprimer les nuisances en question. Selon cette convention et en vertu des coûts estimés, l'Etat s'est engagé à payer 60 millions en trois tranches, tandis que l'aéroport s'est engagé à en payer 40, voire davantage au fil des années s'il s'avérait que les frais des mesures en cause devaient s'élever à plus de 40 millions.

Or, je rappelle que c'est l'Etat qui a été condamné à payer ces 40 millions destinés aux mesures à prendre. Il nous est cependant proposé ce soir de transgresser purement et simplement cet accord. En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le Grand Conseil peut effectivement voter toute loi qui lui paraît bonne, y compris une loi félonne comme celle qui nous est proposée ce soir en troisième débat et qui ignore, ou fait semblant, un engagement pris par le Conseil d'Etat.

Je qualifie cette loi de félonne parce qu'elle bafoue des accords conclus formellement entre un établissement autonome, en l'occurrence l'aéroport, le canton et la Confédération, qui était aussi partie prenante à ces accords. Nous considérons comme une félonie la transgression délibérée de contrats signés de plein gré et en toute bonne foi.

Que dire du coupable de cette transgression lorsqu'il incarne l'Etat, qui est précisément chargé de faire respecter le droit et de prêcher en conséquence par l'exemple en le respectant lui-même. L'Etat délinquant, par le fait du prince, n'a pas sa place dans ce pays. Du moins, c'est ce que nous pensions naïvement jusqu'à ce jour !

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, si ce projet était voté ce soir en troisième débat, nous enjoindrions vivement l'aéroport, victime de cette félonie, à recourir en justice. Nous saurions alors qui règne dans ce canton, l'irrespect de la parole donnée, le mensonge et la délinquance, ou la bonne foi ! Mais un tel procès, quelle qu'en soit l'issue, porterait préjudice à l'aéroport et à l'image de la classe politique. Ceux qui voteront ce projet de loi en porteront l'entière responsabilité ! 

M. Chaïm Nissim (Ve). J'en porte la responsabilité, Monsieur Koechlin, la tête haute. Les arguments jusqu'au-boutistes, du style « loi félonne », « Etat délinquant », ou l'argument de M. Ducrest disant que l'Alternative entend transformer notre magnifique aéroport en une Blécherette-sur-Cointrin - il n'a pas prononcé le mot « Blécherette », mais c'est ce qu'il voulait dire - les arguments jusqu'au-boutistes sont rarement des arguments très intelligents.

Ce que nous nous apprêtons en réalité à faire, ce n'est pas du tout un coup de force. Je dois cependant reconnaître à ce sujet que l'un des arguments de mon « ex-préopinant », M. Roger Beer, était pertinent. Je regrette le coup de force de l'Alternative sur l'ordre du jour de la dernière séance. Elle n'aurait jamais dû le faire. La prochaine fois, je le dis en toute amitié à mes collègues de l'Alliance de gauche, les Verts refuseront ce genre de manipulation de l'ordre du jour. (L'orateur est interpellé.) On essayera en tous cas d'oser et de ne pas se faire avoir.

Ce n'est toutefois qu'une question d'ordre du jour. Sur le fond du problème, vous ne me ferez pas croire que l'on ne pourrait pas demander un peu de transparence, que l'on ne pourrait pas appliquer le principe du pollueur-payeur, que l'on ne pourrait pas envisager le prélèvement de 4 millions par an - sur un bénéfice de 18 millions cette année - dont 2 de ces 4 millions seraient encore à la charge de l'Etat, puisque la moitié des bénéfices de l'aéroport lui est rétrocédée.

Nous faire croire, au nom d'un principe tout à fait légitime, celui du pollueur-payeur, nous faire croire que cet objectif revient à vouloir transformer Cointrin en Blécherette, c'est de la folie ! L'Entente ferait bien de surveiller un peu ses propos. Elle se ridiculise en effet complètement. L'Alternative est simplement en train de demander un peu de transparence au niveau des coûts. Je profite pour ma part de l'occasion pour vous dire que les Verts sont favorables à l'aéroport. (Exclamations.)

Les Verts veulent donc cet aéroport. Il est vrai qu'ils réfléchissent souvent, et ils continueront à le faire, à la question du transfert modal, pour savoir notamment dans quels cas et dans quelle mesure certains court-courriers ne pourraient pas être remplacés par le train, lequel consomme beaucoup moins d'énergie par kilomètre/passager que l'avion. Lorsque je parle de certains court-courriers, je ne remet pas en question l'ensemble de l'activité de l'aéroport. Je souhaite juste un peu plus de contrôle politique sur cette activité et un peu plus de transparence au niveau des coûts.

L'Alternative vous dit en même temps, Monsieur Halpérin, qu'elle est prête, une fois cette transparence des coûts adoptée, à voter des subventions à l'aéroport si celui-ci devait par hypothèse connaître des problèmes pour financer certains investissements. (Brouhaha.)

Une voix. Avec quel argent ?

M. Chaïm Nissim. Ce sera fait dans un cadre de transparence. Le Grand Conseil saura alors ce qu'il est en train de faire. Il subventionnera l'aéroport. Il ne lui octroiera par contre aucune subvention indirecte sous la forme du payement de ses amendes.

Encore un dernier argument sur cette question de la transparence. Les Verts étaient les seuls à dire, voici quatre ans, lorsque le Grand Conseil a décidé d'autonomiser l'aéroport - et cela répond à l'argument de M. Ducrest expliquant que l'aéroport connaît aujourd'hui des problèmes pour emprunter parce qu'il n'a pas d'actifs ou que très peu d'actifs - les Verts étaient donc les seuls voici quatre ans à demander à ce que l'ensemble des actifs soient transférés à l'établissement aéroport, y compris les terrains et les bâtiments. L'Entente s'était opposée au transfert de l'ensemble des actifs, parce qu'elle craignait que l'aéroport doive payer les charges de tous ces actifs.

On dit aujourd'hui qu'il faut une négociation sur un bon prix, négociation d'ailleurs menée par la présidente du département des finances. Il y a effectivement une discussion autour du montant de ce coût. Mais il faudra que l'ensemble des actifs soit effectivement transféré à l'aéroport. Il s'agit ici aussi d'une question de transparence. Il n'est pas sain que l'Etat possède les terrains et les bâtiments et que l'établissement aéroport ne possède que le radar. Ce n'est absolument pas normal ! Tout ceci relève donc encore d'une question de transparence.

Nous voulons donc un aéroport, nous voulons un aéroport transparent et nous voulons pour cela un aéroport qui s'acquitte des amendes infligées en raison du bruit provoqué par les avions. 

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais tout d'abord dire à M. Nissim, qui a l'habitude d'apaiser facilement sa conscience, que nous n'acceptons pas l'idée qu'il y ait eu manipulation de l'ordre du jour. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) M. Meyll était intervenu au début de la séance du vendredi pour demander que ce point soit ajouté à l'ordre du jour et encore traité ce jour-là. Cette proposition a été votée démocratiquement, comme cela arrive très fréquemment dans cette enceinte. Monsieur Nissim, vous n'avez en conséquence qu'à assumer vos actes, en évitant de vous en décharger sur d'autres.

Cela étant, j'en viens au fond du problème, en disant comme d'autres - je remercie entre parenthèses M. Roger Beer de l'avoir souligné - que j'ai été frappé par un certain nombre de démarches parfaitement désagréables entreprises par la direction de l'aéroport, mais aussi par une association favorable à l'aéroport.

J'aimerais à ce sujet demander à M. Lamprecht si cette association continue, comme c'était le cas par le passé, à bénéficier d'un appui financier de la part de la société de l'aéroport, sous une forme ou sous une autre, soit directe, soit par le biais de la mise à disposition de locaux et de personnel. J'aimerais en d'autres termes que l'on sache très clairement si cette association continue de bénéficier de l'appui de l'Etat. Car il est choquant de voir des annonces comme celles publiées aujourd'hui dans la presse.

Ceci étant dit, j'aimerais rappeler que la question des recettes et des charges de l'aéroport de Genève-Cointrin fait l'objet d'un très long débat, entamé voici fort longtemps, notamment dans cette enceinte. Les différents conseillers d'Etat responsables de la gestion de l'aéroport, comme les partis de l'Entente, ont toujours affirmé orbi et urbi... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.) ...urbi et orbi. Merci Monsieur le représentant ecclésiastique, j'attendais que vous me corrigiez, connaissant votre très grand savoir dans ce domaine-là. Car pour ma part, je n'ai pas bénéficié, contrairement à vous, de cours de catéchisme. Je vous remercie donc de me les donner en séance plénière. (Brouhaha.)

Vous avez donc affirmé à maintes reprises que l'aéroport était bénéficiaire et couvrait la totalité de ses charges. Il y a même eu un député issu de vos propres rangs, Mesdames et Messieurs les démocrates-chrétiens, l'éminent Me Borgeaud, fin connaisseur... (Rires.) ...je comprends que vous vous gaussiez aujourd'hui de lui parce qu'il vous gênait à l'époque. C'était néanmoins l'un des meilleurs connaisseurs de la législation relative à l'aéroport et de la situation juridique de ce dernier. Comme le problème des nuisances se posait déjà à ce moment-là, Me Borgeaud avait mis en garde cette assemblée sur les charges qu'elles représenteraient. Les premières procédures de demandes d'indemnités ayant été engagées voici 15 ans, elles étaient donc connues de tout le monde à cette époque déjà.

J'aimerais par ailleurs dire à M. Koechlin, qui parle de félonie et qui a l'habitude des termes excessifs, que si félonie il y a eu, elle remonte au temps du Conseil d'Etat monocolore, lequel a effectivement pris un certain nombre de décisions - cela ressort très clairement de la lettre de la direction de l'aéroport dont il nous a été donné lecture tout à l'heure - à l'insu de ce Grand Conseil, pour essayer de libérer l'aéroport de certaines charges lui incombant.

Lorsque je siégeais au Conseil d'Etat... (Exclamations.) ...il était clair que les indemnités à payer auraient été mises à la charge du département de l'économie publique, dans la comptabilité de l'aéroport, en fonction du résultat des procédures de demandes d'indemnités des riverains, puisqu'une comptabilité distincte était alors tenue. Je rappelle à ce propos que l'aéroport n'était à l'époque pas encore autonome. Il dépendait de l'Etat et le système comptable mis au point par le département des finances voulait que les dépenses relatives à un équipement particulier soient répercutées dans le département gestionnaire et utilisateur de cet équipement. Ces indemnités auraient donc été mises, à l'époque, à la charge du département de l'économie publique.

Or, vous le savez, il y a eu un tour de passe-passe au niveau du Conseil d'Etat, lequel n'était, soit dit en passant, certainement pas compétent sur le plan juridique pour décider de ne pas mettre ces indemnités à la charge de l'aéroport. J'y reviendrai tout à l'heure.

Le Conseil d'Etat a pour le surplus effectué un autre tour de passe-passe. Je le sais et je l'ai dit dans cette enceinte, avec une note au p.-v. expliquant que la prescription, qui aurait pu être invoquée, ne le serait pas vis-à-vis des demandeurs d'indemnités. On a donc voulu d'un côté favoriser certains propriétaires fonciers et d'un autre côté faire en sorte pour que la charge financière soit assumée par l'Etat, et non pas par l'exploitant de l'aéroport.

J'aimerais donc revenir sur le problème juridique, problème qui me paraît parfaitement clair, pour démontrer que le Conseil d'Etat monocolore a transgressé la loi instituant l'autonomie de l'aéroport international, autonomie dont nous étions, en ce qui nous concerne, loin d'être des partisans acharnés, au contraire de certains.

Je souhaiterais préciser à M. Nissim que l'Alliance de gauche s'opposera fermement, au vu de ce qui se passe aujourd'hui, au transfert des bijoux de la République aux personnes gérant actuellement l'aéroport, avec les dramatiques conséquences que ce transfert pourrait occasionner, dans la perspective notamment d'une privatisation de cet établissement.

Cela étant, j'aimerais rappeler le contenu de l'article 40 de la loi sur l'aéroport international de Genève : « A l'exception de sa qualité de propriétaire immobilier dans le périmètre aéroportuaire, l'ensemble des droits et obligations de l'Etat » - l'ensemble des droits et obligations de l'Etat de Genève - « relatifs à l'aéroport, tel que notamment contrats, tarifs, etc. ».

La liste des droits et obligations figurant à l'article 40 n'est donc qu'exemplative. Le début de l'article apparaît absolument clair. C'est l'ensemble des droits et obligations qui est concerné. Il est tout aussi clair que parmi les obligations de l'exploitant figure précisément la prise en charge de toutes les réclamations qui peuvent être adressées à l'aéroport. On a du reste trouvé parfaitement normal de transférer à l'aéroport le fonds alimenté par la taxe perçue sur les avions les plus pollueurs pour ne devoir traiter qu'une seule catégorie d'indemnités.

Le problème aurait alors été facile à résoudre avec la présence de ce fonds s'élevant à une quarantaine de millions. Mais le principe de la prise en charge d'une partie de la pollution a été admise. Aujourd'hui ceux qui dirigent l'aéroport voudraient exclure l'autre partie de la pollution, alors que l'article 40 de la loi apparaît parfaitement clair à ce sujet.

Que demandons-nous donc ce soir, Mesdames et Messieurs ? Tout simplement de préciser à l'article 36 ce que l'on entend à l'article 40. Puisque l'on indique à l'article 40 que toutes les charges et tous les droits et obligations sont transférés à l'aéroport, que l'on précise à l'article 36 qu'il s'agit également - dans l'adverbe « notamment » - des indemnités qu'il convient de payer dans le cadre de l'exploitation de l'aéroport !

Il est exact, comme cette annonce trompeuse l'a dit aujourd'hui et comme la direction de l'aéroport l'a dit d'une manière tout aussi trompeuse, que l'Etat de Genève a été condamné à verser des indemnités. Mais c'est forcément l'Etat de Genève qui a été condamné, puisque les demandes ont été déposées à un moment où l'Etat était propriétaire et exploitant de l'aéroport et à un moment où l'établissement autonome n'existait pas encore.

Il est donc juridiquement évident que la seule partie qui pouvait être assignée devant les tribunaux était l'Etat de Genève. Celui-ci a cependant parfaitement le droit de répercuter par la suite sur quelqu'un d'autre le montant réclamé, comme cela arrive fréquemment dans les procès en dommages-intérêts - on peut être condamné à payer des dommages-intérêts que l'on répercute ensuite sur son assurance, si l'on en a une. Dans le cas d'espèce, l'Etat est donc parfaitement en droit de répercuter sur l'exploitant les montants auxquels il est condamné, en se fondant précisément sur l'article 40 de la loi sur l'aéroport international de Genève, dont nous demandons simplement ce soir de préciser l'article 36 afin de lever toute ambiguïté à ce sujet.

Pourquoi faisons-nous cette proposition ? Parce que, Monsieur Koechlin, le Conseil d'Etat monocolore a réalisé, à l'insu de ce parlement qui avait voté cette loi, un tour de force pour soustraire l'aéroport à ses obligations juridiques. (Exclamations.) S'il y a quelque chose de grave dans cette affaire, c'est bien cet aspect-là des choses. C'est parce que le gouvernement monocolore de droite a procédé de la sorte que nous sommes amenés aujourd'hui à devoir préciser la loi afin qu'elle soit parfaitement claire, comme l'a voulu le législateur lorsqu'il l'a adoptée.

Dernier problème à évoquer : cette charge est-elle oui ou non économiquement supportable pour l'aéroport ?

Des voix. Non !

M. Christian Grobet. Si cette charge devait s'avérer économiquement insupportable, on pourrait effectivement, Monsieur Ducrest, envisager que l'Etat se substitue à l'exploitant, comme l'Etat envisage de le faire sur le plan fédéral en prenant en charge une partie des frais que les CFF devront engager.

Je terminerai, Monsieur le président, en disant simplement que l'on ne peut pas invoquer les avantages de l'établissement autonome et ne pas en assumer en même temps les désavantages. S'il devait s'avérer, et c'est par là que je conclurai, que des banques refusent d'accorder de nouveaux prêts pour de nouvelles adaptations de l'aéroport, dont il reste d'ailleurs à savoir si elles sont véritablement nécessaires, si cette assertion devait s'avérer véridique - ce dont j'ai les plus grands doutes, car je crois qu'il s'agit de nouveau d'une tentative de mystification - l'Etat pourrait alors se porter garant des prêts contractés auprès des banques. Je vous assure qu'il n'y aurait plus aucun problème pour obtenir de tels prêts. 

M. Dominique Hausser (S). Je remercie M. Grobet pour un certain nombre de rappels historiques qui me semblent être trop facilement oubliés par les bancs de l'Entente et par l'aéroport international.

Cet aéroport est bien sûr un établissement autonome. Mais ce n'est pas le seul établissement autonome du canton. Et comme probablement tous les établissements autonomes, il est subventionné. Mais contrairement aux autres établissements de ce type, aucune ligne budgétaire relative à cet établissement-là ne mentionne un montant de subvention. Je serais donc très reconnaissant envers le Conseil d'Etat s'il pouvait nous fournir une estimation de la subvention occulte versée à l'aéroport international de Genève. C'est un premier point qui mérite d'être souligné.

Le deuxième élément en termes de finances a trait aux versements effectués par l'aéroport du 50% minimum de ses bénéfices à l'Etat de Genève. On sait qu'il lui verse régulièrement un certain montant depuis 1994, même s'il a tenté de soustraire ses bénéfices en les plaçant dans des provisions, dont on peut d'ailleurs douter qu'elles ont toujours toute leur utilité. Il est d'autres établissements autonomes qui sont de toutes façons amenés à verser des redevances à l'Etat de Genève, qu'ils fassent des bénéfices ou qu'ils fassent des déficits.

On peut se poser la question, suite à la suggestion faite tout à l'heure par M. Vaudroz, de savoir si nous ne pourrions pas être amenés, dans l'hypothèse où le Grand Conseil le suivait en renvoyant ces projets de lois en commission - en particulier le PL 7836 - si nous ne pourrions pas être amenés à modifier les rapports entre l'Etat et l'aéroport, en particulier au niveau du système de versement des bénéfices ou des redevances.

Troisième élément, qui a déjà été mentionné tout à l'heure par Mme Grobet-Wellner, mais que j'aimerais rappeler encore une fois. Il s'agit des 60 millions d'indemnités dont il est aujourd'hui question. Le Grand Conseil vote aujourd'hui un projet de 20 millions. Ce montant est amorti sur cinq ans, ce qui représente 12 millions par années. Dans la mesure où ces 12 millions sont à la charge de l'aéroport (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dans la mesure où ces 12 millions sont à la charge de l'aéroport, c'est bien entendu le bénéfice de l'aéroport qui diminue et c'est la moitié de ce montant qui n'est pas versé à l'Etat. Ce qui m'amène à dire que l'Etat continue de fait à participer, de manière indirecte, mais plus transparente, à ces indemnités à hauteur de 50%.

Je crois dès lors qu'il n'y a aucune raison de penser que l'on est en train de couler cet établissement autonome, dans la mesure où il est effectivement utile à Genève pour un certain nombre de ses activités internationales. Je ne crois pas, contrairement à ce que prétend la droite, que nous sommes en train de voter des projets de lois félons. Il est cependant clair que M. Koechlin aime faire dans la poésie ou le drame, plutôt que de participer à des débats cohérents et sereins, susceptibles de permettre une meilleure gestion de l'Etat et du canton de Genève, ce pourquoi nous avons d'ailleurs été élus. 

M. Michel Halpérin (L). M. Hausser vient de dire qu'il ne s'agit pas de couler un établissement autonome. Il a peut-être perdu la mémoire de notre débat d'il y a trois semaines. Sa formation, du moins celle de M. Nissim et celle de l'Alliance de gauche, n'ont en effet pas caché qu'elles visaient deux objectifs idéologiquement topiques. En ce qui concerne l'Alliance de gauche - M. Grobet vient de le réitérer - il s'agit effectivement de résister à tout ce qui assure d'une manière ou d'une autre l'autonomie de cet aéroport. Que M. Hausser vote pour des raisons différentes de celles de M. Grobet ne me paraît pas complètement impossible. Il doit cependant avoir conscience que pour une partie de ceux qui voteront comme lui aujourd'hui, l'enjeu est un enjeu idéologique et un enjeu idéologique parfaitement clair.

De la même manière que l'on nous a dit, il y a trois semaines dans les rangs de M. Nissim, que le but de l'exercice était de pénaliser la pollution en faisant en sorte, avant les autres - avant tous les autres en Europe - que notre aéroport soit le moins compétitif de tous.

Ce n'est donc pas la peine de revenir aujourd'hui sur ce qui s'est dit la dernière fois pour essayer d'en atténuer la portée. Je salue en revanche avec effusion la promesse que nous a faite M. Nissim de refuser désormais les manipulations de l'ordre du jour. Il y a longtemps que nous l'en conjurons. Nous avons constaté que son groupe se laisse facilement terroriser par l'Alliance de gauche. Nous prendrons au mot cette déclaration d'indépendance qu'il proclame aujourd'hui et nous verrons bien comment les choses se passent à partir de tout à l'heure.

Une voix. Ils ont la trouille !

M. Michel Halpérin. Pour ce qui concerne le coeur des choses, M. Grobet peut bien nous donner une leçon de droit en nous expliquant que l'article 40 de cette loi H 3 25 implique déjà ce que nous sommes en train de voter aujourd'hui. M. Grobet, en nous disant cela, sait qu'il n'est pas sérieux, parce que ses talents de juriste ne sont plus à démontrer, pas plus d'ailleurs que ses talents de grand manipulateur et mystificateur. Il en fait la démonstration dans cette enceinte depuis la nuit des temps, avec une longue parenthèse au Conseil d'Etat.

Ce qu'il faut dire, lorsqu'on est un juriste consciencieux, Monsieur Grobet, ce sont deux choses, en commençant par la moins importante. La moins importante, c'est que l'article 40 commence par les mots dont vous avez donné lecture, mais dont vous avez oublié de tirer la quintessence : « à l'exception de sa qualité de propriétaire immobilier dans le périmètre aéroportuaire, l'Etat de Genève transfert ses obligations et ses charges à l'aéroport ».

En matière d'indemnisation de nuisances en droit civil - vous le savez beaucoup mieux que moi puisque c'est votre spécialité, notamment dans le domaine de l'immobilier, depuis que vous pratiquez le droit - c'est le propriétaire qui est responsable de ses installations et des dommages qu'elles entraînent pour le voisinage. En conséquence de quoi, si l'on fait une lecture honnête de cet article 40, on constate qu'il exclut précisément dans sa première proposition ce que vous appelez une démonstration évidente dans votre effort de tout à l'heure.

Mais il y a quelque chose de plus important que cette argutie juridique, qui d'ailleurs n'ajoute pas grand-chose à notre débat, parce que - et là encore je ne vous apprends rien aux uns et aux autres - nous pondons des lois comme les poules à la dioxine pondent des oeufs. C'est ensuite aux juges qu'il appartient d'interpréter ces lois et pas à nous. Et notre interprétation ne les lie pas. Il y a donc une chose plus importante que notre lecture de nos propres textes, d'ailleurs généralement réalisée dans les conditions de désordre que vous savez. Il y a le principe le plus fondamental du droit aussi bien interne qu'international. Les contrats doivent être respectés. Les latinistes appellent ça « pacta sunt servanta ». Il n'y a pas de principe du droit plus cardinal que celui-ci.

M. Grobet nous disait tout à l'heure qu'il lui était parfaitement indifférent de violer des engagements pris au nom de l'Etat par le Conseil d'Etat qui a qualité pour en prendre, dès lors qu'il n'était pas d'accord, lui, Christian Grobet, avec ces engagements-là. Et de nous expliquer qu'un gouvernement dans lequel il n'est pas est nécessairement félon puisqu'il n'y est pas.

Alors, Monsieur Grobet, nous connaissons votre regret et votre nostalgie pour ces « tempi passati ». Vous nous pardonnerez de vous dire ici que c'est une nostalgie qui n'est pas universellement partagée et que certains dans cette enceinte ont moins de regret que vous de ces temps aujourd'hui heureusement déjà anciens.

Mais je vous dis, Monsieur Grobet, et je n'ai pas besoin d'appuyer en cela les démonstrations qui ont été faites avec opportunité par M. Koechlin tout à l'heure, lorsqu'un Etat ne tient pas ses engagements, il montre le pire des exemples aux citoyens. Pourquoi devrions-nous en termes de règlements administratifs ou législatifs exiger de nos compatriotes qu'ils s'en tiennent à leurs engagements, qu'ils respectent les obligations qu'ils contractent ou que la loi leur impose, si nous pouvons à tout moment retrancher ce que nous avons pris comme engagements ?

Et Monsieur Nissim, voler un peu - un peu par rapport à l'ampleur du bénéfice, parce que c'était votre démonstration de tout à l'heure : « ce n'est pas beaucoup, puisqu'ils ont 18 millions. Qu'on leur en prenne 4, seulement 2 d'ailleurs, puisque l'Etat contribue » - volez un oeuf, c'est encore voler, voler un boeuf, c'est toujours voler. Le montant du vol ne change rien à sa qualification. Il ne change même rien au sort qui est habituellement dévolu aux voleurs.

Je trouve navrant que nous en soyons aujourd'hui arrivés à devoir expliquer, pour défendre ce projet, que si nous avons trop volé - par rapport à ce que l'Etat devrait prendre à cet aéroport - au point que ce dernier ne supporterait plus l'étendue des spoliations dont il serait victime, nous le lui rendrions par le biais des subsides et des subventions. C'est vraiment la démonstration la plus absurde qui ait été donnée de faire. C'est Robin des Bois, je devrais dire Nissim des Bois, volant de la main droite et restituant de la main gauche. Meilleure démonstration de la faiblesse, que dis-je, de la nullité intrinsèque de ce projet ne pouvait pas vous être apportée. (Applaudissements.) 

Le président. Il est 19 h. La liste des orateurs est close, plus personne n'ayant demandé la parole. Je vous propose donc de procéder maintenant au vote du renvoi en commission... Monsieur Blanc, vous aurez la parole au début de la séance de ce soir... Nous poursuivrons les débats à 20 h 30 si le renvoi en commission n'est pas accepté. Il n'est pas fait d'autres propositions ? Êtes-vous d'accord, Monsieur Blanc ?

Je soumets donc à vos suffrages la proposition faite par M. Vaudroz de renvoyer ces projets de lois en commission.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ces projets à la commission des finances est rejetée.

 

La séance est levée à 19 h.