Séance du
jeudi 27 mai 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
8e
session -
25e
séance
PL 8064
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article 1 Concessionnaire
L'Etat de Genève (ci-après l'Etat) accorde la présente concession à l'entreprise Cadiom SA (ci-après la concessionnaire).
Article 2 Objet
1 La concession a pour objet le financement, la construction et l'exploitation d'un réseau de distribution de chaleur à partir des rejets thermiques de l'usine des Cheneviers dans le périmètre délimité sur le plan annexé, ainsi que l'utilisation du domaine public qui en découle.
2 Cet ouvrage est déclaré d'utilité publique.
Article 3 Convention
1 La présente concession est subordonnée à la conclusion d'une convention entre l'Etat, représenté par le Conseil d'Etat, et la concessionnaire qui règle les autres éléments nécessaires, en particulier :
2 Le Conseil d'Etat communique la convention à la présidence du Grand Conseil afin qu'elle soit jointe à la présente loi.
Article 4 Durée
Sous réserve de prolongation accordée conformément à la convention prévue à l'article 3 de la présente loi, la concession est établie pour une durée de 30 ans à compter de la date de mise en service d'une première étape de l'ouvrage, constatée par arrêté du Conseil d'Etat.
Article 5 Obligation de raccordement
Dans le périmètre délimité par le plan annexé, l'obligation de raccordement au réseau de distribution de chaleur s'applique conformément à l'article 22 de la loi sur l'énergie, du 18 septembre 1986.
Article 6 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi en même temps qu'il approuve la convention prévue à l'article 3 de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de loi marque l'ouverture de l'étape finale de la réalisation de Cadiom, acronyme signifiant « chauffage à distance à partir de l'incinération des ordures ménagères ». Il répond à l'article 6 de la loi ouvrant un crédit extraordinaire en vue de l'étude de la réalisation, du financement et de l'exploitation d'un tel ouvrage, du 26 septembre 1997; il découle en outre de l'application de la loi sur le domaine public, du 24 juin 1961.
1. Politique énergétique et protection de l'air
Rappelons que c'est le Grand Conseil qui, dès la discussion portant sur le crédit de construction de Cheneviers III en 1987, avait demandé qu'un concept optimal de récupération d'énergie soit établi avec la possibilité de raccordement à un réseau de distribution de chaleur.
Sur le principe, l'idée était extrêmement intéressante, tant au niveau de la protection de l'environnement que de la politique énergétique. En 1988, le Conseil d'Etat avait chargé un groupe de travail composé des représentants des SIG et de l'administration d'examiner la faisabilité d'un tel projet. Le rapport rendu en 1991 par le groupe précité projetait de relier par un réseau de chauffage à distance l'usine des Cheneviers à la Cité-Nouvelle d'Onex où serait distribuée la chaleur résultant de l'incinération des ordures ménagères, supprimant ainsi la pollution due à la combustion des ressources fossiles à Onex.
Les chaufferies de la Cité d'Onex devant, à terme, être rénovées ou adaptées aux normes de l'ordonnance fédérale sur la protection de l'air (OPair), la solution de chauffage à distance en substitution à des installations vétustes devait être vue comme une opportunité présentant les avantages suivants :
• diminution de la production de chaleur équivalente à 13 000 tonnes de mazout par an ;
• diminution des émissions de CO2 , soit 35 000 tonnes par an et, par voie de conséquence, d'oxydes d'azote et d'oxydes de soufre ;
• diminution de la quantité de chaleur rejetée dans le Rhône d'environ 140 000 MWh.
Seule ombre au tableau, le coût des investissements évalués alors à environ 70 millions de F, dont 50 millions de F assurés par l'Etat. L'importance de ce montant devait conduire à renoncer à la réalisation.
L'Office cantonal de l'énergie (OCEN), qui a toujours considéré ce projet comme de première importance, a continué de suivre ce dossier en cherchant à limiter au maximum les investissements, bénéficiant pour cela de l'apport de nouvelles technologies.
2. La décision de 1997
Le réexamen du dossier a finalement abouti à la décision du Grand Conseil de septembre 1997 de confier l'étude, puis la réalisation, le financement et l'exploitation à un groupement pluridisciplinaire présentant les compétences requises et constitué juridiquement à cet effet.
Dans cette perspective, une procédure en deux temps a été adoptée pour sélectionner, parmi un choix de candidats, le groupement le mieux qualifié.
Une première phase, dite de préqualification, a permis de retenir dix groupements. Par la suite, la constitution du dossier de base complet permettant la réalisation, le financement et l'exploitation a été confiée à l'un des groupements à la suite d'un appel d'offres. Cette étude de base, pour laquelle la décision du Grand Conseil accordait un crédit conditionnel de 1 million de F, a mis en évidence les difficultés à assurer une rentabilité économique du projet découlant, en particulier, des incertitudes quant aux quantités de chaleur vendues, ainsi que du prix de plus en plus faible du mazout.
C'est à partir de ce dossier, étoffé d'un cahier des charges, qu'un nouvel appel d'offres visant l'octroi de la concession a été ouvert aux groupements préqualifiés.
Le 3 août 1998, sept groupements préqualifiés ont confirmé leur intérêt à participer à l'appel d'offres pour l'octroi de la concession et reçu les documents nécessaires pour l'établissement d'une offre complète. Finalement, une seule offre a été rendue le 30 novembre 1998 émanant de l'association de deux groupes qualifiés à l'origine (Vulcain et Zschokke).
Le collège d'experts chargé du suivi des travaux a évalué cette offre sous tous les angles et en relève la qualité. A ce stade, les conditions permettant d'engager la phase de concrétisation du projet sont remplies. En effet, la constitution globale du dossier de réalisation, de financement et d'exploitation a été réalisée et les auteurs de l'offre peuvent être retenus en qualité de concessionnaire.
3. Caractéristiques techniques et économiques du projet
Actuellement, la chaleur produite aux Cheneviers est valorisée grâce à deux turbines à vapeur qui fournissent de l'électricité. Le rendement de ce type de cycle thermodynamique est relativement bas. Le soutirage de la chaleur pour Cadiom sera au détriment d'une partie de la production électrique. Cependant, il faut relever que, après analyse de plusieurs variantes, l'offre propose une solution qui limite au maximum la baisse de production électrique, celle-ci serait de l'ordre de 14 500 MWh, représentant environ le 15 % de la production totale. De plus, la direction des Cheneviers examine la possibilité d'augmenter la récupération totale de chaleur (sur les gaz de fumée) afin de compenser la diminution d'électricité due au soutirage.
La réduction de la quantité de déchets incinérables, prévue dans les objectifs du plan de gestion des déchets 1998-2002, n'a aucune conséquence sur le fait de réaliser ou non Cadiom.
Si, sur le plan technique, la réalisation de Cadiom ne pose pas de problème, en revanche sa faisabilité est pour l'essentiel conditionnée par la quantité de chaleur vendue et des conditions économiques d'achat et de vente de cette chaleur. Une opération comme celle-ci implique en effet la recherche d'un équilibre satisfaisant entre les intérêts financiers de toutes les parties : les futurs preneurs de chaleur, le concessionnaire et de l'Etat (à la fois du point de vue de l'usine des Cheneviers et de celui de la concession d'utilisation du domaine public).
Le concessionnaire proposé a été ainsi amené à rechercher des solutions de sorte à maintenir un équilibre entre ses investissements, ou l'étalement de ceux-ci, et les engagements contractuels de vente de chaleur. C'est la raison pour laquelle, l'offre retenue prévoit que l'ouverture du chantier Cadiom soit précédée d'une phase dite commerciale, d'une durée de neuf mois, permettant notamment au concessionnaire de contracter un maximum de raccordements lui garantissant un seuil minimum de vente de chaleur dès la mise en exploitation du réseau.
Il faut à cet égard souligner que l'Office fédéral de l'énergie (OFEN), très intéressé à ce projet et dont un représentant a suivi les travaux au sein du collège d'experts, vient de confirmer, par courrier du 26 février dernier, son engagement en assurant au futur concessionnaire une contribution financière de l'ordre de 6 500 000 F, sous réserve bien entendu que la concession lui soit octroyée. Cette décision, importante pour l'équilibre général de l'opération non seulement du point du vue du concessionnaire, mais également de l'Etat et des futures preneurs de chaleur, est valable jusqu'au 30 septembre 1999. C'est aussi la raison pour laquelle le présent projet de loi prévoit une décision de principe à laquelle est lié un contrat détaillé à conclure entre l'Etat et le concessionnaire.
4. Etapes de la réalisation de Cadiom
Dès l'approbation du projet de loi par le Grand Conseil, la concrétisation de Cadiom débutera par une première phase d'une durée de 9 mois consacrée:
pour le concessionnaire,
à la mise en place d'un accord ferme quant au prix d'achat de la chaleur aux Cheneviers ;
à l'obtention des contrats de fourniture de chaleur auprès des raccordés potentiels, et ceci pour la plus grande puissance raccordée possible de l'ordre de 44 MW dans cette première phase ;
pour l'Etat,
à l'édition du plan directeur de l'énergie afin d'y intégrer le projet Cadiom (le plan directeur de l'énergie est en liaison avec l'obligation de raccordement [art. 22 de la loi sur l'énergie]) ;
à la mise en place des conditions détaillées d'utilisation du domaine public par le concessionnaire dont la loi approuve le principe.
L'ensemble de ces dispositions sera spécifié dans la convention qui sera conclue entre le Conseil d'Etat et le concessionnaire, prévue à l'article 3 du projet de loi.
La seconde phase, la réalisation proprement dite de Cadiom, ne pourra débuter qu'après l'achèvement de la première. Elle sera suivi de la phase de mise en exploitation.
5. Conclusion
Ce projet présente un triple intérêt :
• substituer à la combustion d'énergie fossile et aux émissions correspondantes la valorisation de la chaleur issue de l'incinération des déchets non recyclables ;
• substituer à des achats de combustible fossile la réalisation d'un important investissement sur le territoire genevois avec son pendant d'emplois ;
• ne rien coûter à la collectivité, à laquelle l'ouvrage sera retourné gratuitement au terme de la concession.
Au bénéfice de ces explications, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement le présent projet de loi visant la réalisation, le financement et l'exploitation de Cadiom.
Annexe :
Plan du périmètre concédé pour l'utilisation du domaine public et le raccordement au réseau de distribution de chaleur.
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Préconsultation
M. Georges Krebs (Ve). Ce projet est au premier abord intéressant, puisqu'il permet de réduire les consommations d'énergie. Un principe doit être rappelé ici, c'est le principe du pollueur-payeur et, dans le cas présent, on peut aussi dire que le dépollueur doit être payé ! C'est aussi un principe qui doit être appliqué. En aucun cas le locataire ne doit assumer les frais d'une dépollution, qui du reste serait à la charge de la collectivité puisque ce sont des logements sociaux qui occupent cette région d'Onex.
Par ailleurs, avec le chauffage urbain il y a des effets pervers qu'il ne faut pas négliger et quelques conditions doivent être réunies. D'abord, il faut que ce soit de l'utilisation des rejets : c'est effectivement le cas. Il faut que les travaux soient effectués rapidement, de façon qu'il y ait peu de pertes et une bonne rentabilisation des investissements. Il faut aussi une forte densité de chaleur : cette condition est respectée pour l'instant, mais si l'on améliore la qualité des isolations dans les immeubles, la densité de chaleur va diminuer et l'effort pour améliorer l'isolation sera peut-être moindre, puisqu'il risque d'augmenter les pertes relatives du réseau. En effet, dans un réseau de chaleur, les pertes sont constantes et si l'on diminue la consommation de chaleur, on augmente la part des pertes. Un autre problème est celui de la proximité utilisation-production. Dans le cas des Cheneviers, les utilisateurs sont relativement loin : c'est un handicap qui est coûteux à l'investissement et qui va aussi générer pas mal de pertes. Il faudra donc étudier ce point-là.
Il y a encore le problème de la concession. Lorsqu'on donne une concession à une entreprise qui, comme dans ce cas particulier, gère aussi les installations, il faut s'assurer qu'elle les gère au mieux. En effet, il n'est pas forcément compatible d'essayer de bien gérer et de consommer moins quand on est le vendeur. C'est donc un point qu'il faudra aussi évaluer en commission.
Enfin, une chose m'étonne dans ce projet, c'est la passivité des Services industriels, qui ont des pouvoirs étendus pour gérer les réseaux et qui se sont un peu désintéressés de cette opération. C'est un peu désolant pour l'image des Services industriels et leur efficacité. Il faudrait voir s'ils peuvent reprendre une position un peu plus dynamique.
Voilà les points qui devront être examinés en commission. Une concession est un droit cédé pour une longue période, on va se retrouver avec un réseau de clients captifs qui ne pourront plus choisir leur fournisseur d'énergie et il faut donc les préserver des abus pouvant être générés par cette concession.
M. Pierre Vanek (AdG). Je suis contraint d'être bref puisque nous sommes en préconsultation, mais je voudrais dire quatre ou cinq choses.
La première, c'est que notre groupe est favorable à la réalisation du projet Cadiom, ayant examiné et relevé un certain nombre des points qu'a évoqués mon préopinant. Ceci ne signifie pas que nous sommes en faveur de l'adoption telle quelle de ce projet de loi : être pour Cadiom, ce n'est pas forcément être pour l'octroi de cette concession à l'entreprise Cadiom SA telle qu'elle est constituée, avec, en arrière-plan, la politique de pénétration agressive dans notre canton d'une grande multinationale active dans le domaine de l'eau, du chauffage, etc. L'article constitutionnel 158 définit la mission des Services industriels : ceux-ci sont chargés de fournir l'eau, le gaz, l'électricité et l'énergie thermique dans le canton de Genève. C'est un mandat que la population a confié aux Services industriels et à cet égard la question de M. Krebs est pertinente : pourquoi ne seraient-ce pas les Services industriels qui mettraient en oeuvre ce projet, dans la mesure où cela fait partie du champ de leurs compétences, non seulement matérielles et techniques, mais aussi constitutionnelles ?
A ce sujet, j'ai une information à vous donner : le conseil d'administration des Services industriels, réuni ce matin, a décidé de réexaminer cette affaire et de se mettre sur les rangs. Suivant en ceci le préavis de la commission des Services industriels, qui s'est réunie sur cette question. Ceci notamment au vu des «conditions cadres» qui sont proposées dans ce projet de loi, dont certaines sont nouvelles et que je peux rappeler brièvement : l'extension du périmètre de la concession ; l'obligation de raccordement, qui figure à l'article 5 de ce projet de loi et qui, de notre point de vue, devrait s'exercer au profit d'un service public ; la subvention fédérale de près de 7 millions qui est envisagée et qui contribue à la rentabilité de ce projet ; la clause de gestation du projet qui indique que l'entreprise à laquelle nous octroierions la concession aurait neuf mois de prospection commerciale pour s'assurer que l'affaire est bien rentable, avant de devoir effectivement s'engager. Les Services industriels devront donc être entendus par la commission de l'énergie ; ils sont aujourd'hui prêts à s'engager activement sur ce créneau.
J'aimerais faire encore deux observations. La première concerne le projet de loi : si je voulais employer un raccourci saisissant, je dirais, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous avez déposé un projet de loi illégal ! En effet, il ne correspond pas à ce qui a été voté presque à l'unanimité de ce parlement et de la commission de l'énergie en septembre 1997. Nous avions volontairement ajouté - c'était la plume de M. Burdet, rapporteur, qui avait eu l'honneur de formuler cet amendement - un article 6 au projet de loi stipulant que l'ensemble des conditions du projet devraient revenir devant ce Grand Conseil, pour être examiné. Or, aujourd'hui, on nous propose de voter un projet de loi... Mme Berberat m'interpelle en me disant que c'est fait : certes, à la forme, le Conseil d'Etat revient ce soir devant le parlement. Mais M. le conseiller d'Etat Cramer, dans une note qu'il a adressée, Madame Berberat, aux députés qui seront appelés à traiter cette question à la commission des Services industriels et que vous avez peut-être lue, a eu l'honnêteté de reconnaître qu'on ne nous demande pas de nous prononcer sur l'ensemble des aspects financiers, techniques, d'exploitation de cette opération, mais qu'en fait on nous demande «une large délégation» au Conseil d'Etat. Celui-ci verra, traitera, conclura l'accord, qui sera - d'après le projet de loi que nous examinons - adjoint en post-scriptum et post hoc par le président du Grand Conseil au projet de loi ! Or, ceci ne correspond pas du tout à l'esprit qui a présidé à nos travaux en septembre 1997 ; sur tous les bancs de cette assemblée, il y avait la préoccupation d'avoir une maîtrise, réelle et non de pure forme, sur cette réalisation, eu égard à ses aspects économiques mais aussi écologiques, qui ont été abondamment évoqués. Certes, ce parlement ne peut pas ficeler l'ensemble des aspects de ce projet, c'est évident, mais octroyer cette concession aux Services industriels, qui sont une entreprise publique... (Commentaires.) Je conclus, Monsieur Vaucher... Ce n'est pas vous qui m'interpelliez ? ...
Des voix. C'est M. Annen !
Le président. Mais vous avez raison, Monsieur Vanek, il vous faut conclure !
M. Pierre Vanek. Il faut donc accorder cette concession aux Services industriels de Genève, qui sont une entreprise tenue par un certain nombre de mandats constitutionnels et dont la gestion est aussi contrôlée par ses détenteurs, c'est-à-dire les collectivités publiques et en dernière instance les citoyens. Cela répond bien mieux à l'esprit de ce que nous avions voté en 1997 que le projet de loi tel qu'il est proposé par le Conseil d'Etat.
Mme Janine Berberat (L). Je crois que nous pouvons remercier le Conseil d'Etat de nous remettre dans les délais ce projet relatif à l'octroi d'une concession pour Cadiom. La tâche n'était pas si aisée. En effet, cette disposition n'existait pas dans le projet de loi initial portant sur le crédit extraordinaire destiné à l'étude du projet. Le Grand Conseil a souhaité à l'époque rajouter un article qui lui laisse, in fine, le pouvoir de décision, car il ne souhaitait pas, sur la base d'un simple vote de crédit, donner un accord en blanc à une réalisation aussi importante. Les raisons de cet amendement étaient en partie les suivantes : s'assurer que cette réalisation s'inscrive en adéquation avec le concept de gestion des déchets et que les intérêts des uns et des autres convergent vers une vision globale et à long terme de la politique de l'environnement. S'assurer également de la solidité financière du projet et du groupement qui assumerait le tout, afin que cet ouvrage et son exploitation ne finissent pas sur le dos de l'Etat. Connaître aussi les modalités : qui fait quoi, celles de l'obligation de raccordement, le prix de l'énergie vendue, etc.
Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que Cadiom n'est pas tout jeune : il a été initié en 1987 par la volonté du Grand Conseil, qui votait un crédit sur l'extension des Cheneviers et demandait parallèlement un concept de récupération d'énergie. En 1991, une étude technico-économique réalisée par les Services industriels présentait un projet de 70 millions, dont 50 millions à fonds perdus pour l'Etat. Compte tenu du déficit d'alors, qui était de 531 millions, et des préoccupations des Services industriels face à leurs propres comptes et engagements, cet investissement était jugé trop lourd et finalement abandonné par les Services industriels, qui n'ont plus voulu revenir. Aujourd'hui, un nouveau Cadiom est en voie de réalisation. Le concept est plus modeste, tant dans son coût que dans l'ampleur de son réseau. Il représente un coût de 40 millions, soit 6,5 millions assurés par une subvention fédérale et le reste par des fonds privés. Il est en quelque sorte livré clé en mains, ce qui pour certains peut paraître suspect, voire trop beau pour être vrai !
Quant à nous libéraux, nous nous réjouissons que l'écologie ne soit plus considérée comme une affaire d'Etat exclusivement et que des entreprises privées relèvent le défi, se lancent dans un projet aussi respectueux de l'environnement et confirment ainsi Genève dans son rôle de capitale de l'environnement. Nous constatons aussi que le calendrier des différentes étapes de ce dossier a été tenu, ce qui laisse croire qu'il y a une véritable volonté des uns et des autres pour que ce projet aboutisse. Reste que, si nous sommes très favorables au projet Cadiom, nous n'en gardons pas moins l'esprit critique et que nous aurons en commission les questions et réflexions qui s'imposent. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ne faisons pas la fine bouche, car le temps que nous passerons à nous convaincre de la qualité de ce projet représentera autant de préjudice et d'obstacles à sa réalisation.
Ce projet s'inscrit en droite ligne dans le concept du développement durable et il nous appartient, à nous politiques, de lui donner le feu vert. Et puisque je suis dans le vert, permettez-moi de vous citer un court extrait de l'Agenda 21 pour Genève, le passage de l'indivisible trilogie : «Le développement durable n'est pas de la protection de l'environnement au carré. C'est une conception de développement où la croissance économique renforce la solidité sociale et la qualité de l'environnement ; où l'élan citoyen et solidaire attise la vitalité économique et la protection du milieu ambiant ; où le respect des ressources naturelles accroît l'efficacité économique et le bien social. Il n'y a pas de secteur prédateur dans la trilogie du développement durable.»
Aujourd'hui, on nous dit que les Services industriels sont tout soudain intéressés par ce projet et veulent revenir dans le cursus, mais je ne suis pas sûre qu'ils offriront les mêmes modalités qu'une entreprise privée, qui a fait en plus de gros efforts pour répondre à tous les critères économiques. Cela dit, en commission, nous saurons étudier tout cela. Mais, je vous en supplie, ne pénalisez pas ce beau projet !
M. Roger Beer (R). Ce projet date d'il y a douze ans et, à chaque intervention au parlement, il s'est en effet trouvé des députés, sur tous les bancs, pour dire que ce projet était important mais qu'il fallait encore approfondir telle question, encore régler la question d'argent, encore examiner la question de la concession : l'Etat a-t-il trop d'emprise, le privé va-t-il une fois de plus nous rouler dans la farine, etc. ? Je pense qu'aujourd'hui le moment est venu de renvoyer ce projet en commission, mais là j'invite le président de la commission, M. Vaucher..., qui pour changer ne m'écoute pas !... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je l'invite à agender rapidement cette séance. En effet, d'ici le mois de juin, nous devrons traiter la conception générale de l'énergie, les comptes ; de plus, les vendredis 11 et 25 juin, le Grand Conseil siège. Or, il faut absolument que ce projet revienne avant septembre pour pouvoir bénéficier de la subvention fédérale et vous aurez donc quelques soucis pour agender ces séances. Je compte bien sûr sur vous et sur les facultés d'organisation que vous allez démontrer pour organiser ces séances avant l'été.
Maintenant, Monsieur Cramer, j'aimerais vous remercier pour ce lourd document de rappel que nous avons reçu, dans lequel un certain nombre de questions devraient trouver des réponses. Nous ne devrions pas passer des heures et des heures en commission, les explications et justifications sont dans ce document.
J'aimerais également remercier M. Vanek qui, grâce à sa double casquette - pour une fois que la double casquette est un avantage pour les députés - de député et de membre du conseil d'administration des SIG, a pu nous apprendre que le sentiment des SI par rapport à ce projet était en train d'évoluer, était peut-être un peu plus positif. Ceci me paraît un plus, un atout supplémentaire pour ce projet Cadiom. Le groupe radical accepte donc, sans trop d'arrière-pensée, le renvoi de ce projet en commission et espère sincèrement qu'il en reviendra rapidement.
M. Alberto Velasco (S). Le groupe socialiste, en l'état du projet, ne pourra l'accepter tel quel. Ce projet s'inscrit dans la politique générale concernant la conception cantonale des déchets. Comme vous le savez, cette conception consiste à diminuer la production des déchets, les déchets restants devant être traités aux Cheneviers et la chaleur produite n'étant qu'un résidu de cette récupération.
Or, dans le projet qui nous est proposé, il s'agit de privatiser cette production de chaleur et, dans une économie de marché, qui dit privatiser dit rentabiliser, ce qui veut dire qu'il faudra produire des déchets pour rentabiliser ce réseau. Là, on sort justement du développement durable que Mme Berberat évoquait tout à l'heure. On est dans un autre concept, que nous ne pouvons pas accepter.
Par conséquent, il faudra reconsidérer, parce que le projet le permet, la participation des SI. A l'époque, il n'avait pas été fait mention de la possibilité de raccordement de clients captifs et ce que M. Vanek vient de dire à cet égard est d'une très grande importance. Il est important de faire de nouveau participer les Services industriels à ce projet, parce qu'il s'inscrit justement dans leur mandat qui consiste à distribuer l'énergie, que ce soit le gaz, l'électricité, l'eau. Par conséquent, nous comptons apporter des compléments lors du travail en commission.
M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier pour le soutien - certes un peu critique, dans quelques cas - que vous apportez à ce projet de loi relatif à Cadiom. Permettez-moi, à l'orée de ce débat qui va se prolonger en commission, de rappeler trois points.
Premièrement, ce projet de loi répond à une loi que vous avez votée le 25 septembre 1997, loi qui prévoyait une procédure et un financement. Il s'agissait de mettre à la disposition de l'Etat un montant maximum d'un million pour nous permettre de mener des études relatives à la réalisation du projet Cadiom. Nous avons mené ces études, nous avons suivi la procédure qui avait été annoncée, nous avons lancé une soumission publique sur la base de ces études et nous avons distingué un soumissionnaire.
Le deuxième point que j'entends mettre en évidence - il me semble d'importance et Mme Berberat l'a relevé très justement tout à l'heure - c'est qu'au-delà des réflexions diverses que nous pouvons avoir, les uns et les autres, sur la façon dont il devrait se réaliser, ce projet implique un investissement de 40 millions - investissement non pas à la charge de l'Etat, mais à la charge de capitaux privés - dont les retombées vont bénéficier pratiquement exclusivement à notre canton.
Ma troisième observation, c'est que nous avons une date butoir : il faut effectivement qu'au mois de septembre nous ayons pu boucler ce projet, faute de quoi nous perdrions une subvention fédérale de 6,5 millions. C'est-à-dire, en d'autres termes, que ce projet ne pourrait pas se réaliser.
J'ajoute que le projet qui vous est proposé - cela ne vous a pas échappé - est important au point de vue de la politique de l'énergie et de la politique de l'environnement. Au point de vue de la politique de l'énergie, il s'agit de valoriser, grâce aux Cheneviers, une production de chaleur équivalente à 13 000 tonnes de mazout par an. Nous économiserons donc 13 000 tonnes de mazout, 13 000 tonnes de cette ressource non renouvelable. Au point de vue de l'environnement, nous diminuerons la production de Co2 de 35 000 tonnes par an. Nous éviterons de la même façon des émissions de dioxyde d'azote et d'oxyde de soufre. Enfin, toujours au point de vue environnemental, nous éviterons de rejeter dans le Rhône 140 000 MWh de chaleur.
Un mot sur les deux observations les plus critiques qui ont été faites dans cette salle. La première : pourquoi n'est-ce pas les Services industriels qui s'occupent de ce projet ? Eh bien, parce que les Services industriels, jusqu'il y a peu, ne s'y sont tout simplement pas intéressés, ou s'y sont peu intéressés. Cela est actuellement en train de changer et je ne peux que me réjouir de ce que cette grande régie publique s'intéresse plus à un projet qui, me semble-t-il, est au centre de sa mission.
Seconde réflexion qui a été faite : l'illégalité, selon M. Vanek, qui entacherait le dépôt de ce projet. Sur ce point, Monsieur Vanek, nous avons un avis qui diverge. Je ne ferai pas de commentaire de juriste, mais je me permettrai de vous renvoyer à l'article 6 de la loi du 25 septembre 1997, qui stipulait que «la réalisation, le financement et l'exploitation du réseau de chauffage à distance Cadiom sont soumis à l'approbation du Grand Conseil». Or, par le présent projet de loi, nous vous disons ce qu'il en est de la réalisation : nous désignons l'entité qui va réaliser ; nous vous disons ce qu'il en est du financement : il sera privé; nous le chiffrons : il s'agira de 40 millions, dont une subvention fédérale; nous vous disons également ce qu'il en est de l'exploitation.
Cela étant, je peux parfaitement comprendre que vous souhaitiez avoir plus d'informations, je peux parfaitement comprendre également que le Grand Conseil souhaite se montrer plus prescriptif. En ce qui concerne les informations, j'ai déjà demandé aux services de l'administration de rédiger une note complémentaire à ce projet de loi, qui a été distribué aux membres de la commission. Ce dont je tiens à vous assurer, c'est que je veux une transparence totale quant à ce projet, car je sais bien qu'on peut avoir des réticences. Il faut que chacun, avec les mêmes éléments d'information, en arrive à une conviction. Ma conviction est que ce projet mérite d'être soutenu ; j'entends vous la faire partager grâce à la même qualité et à la même quantité d'informations dont j'ai pu bénéficier. J'ajoute que, si vous souhaitez ajouter dans le projet de loi un certain nombre de conditions supplémentaires qui devront figurer dans la concession, ce sera bien sûr possible ; il faudra simplement que vous arriviez en commission avec les amendements nécessaires.
Voilà ce que j'entendais dire en préambule de cette discussion. Je me réjouis de la continuer avec vous en commission et j'espère bien que, d'ici cette date butoir de la fin septembre, nous parviendrons à proposer au Grand Conseil un projet de loi permettant cette réalisation, importante pour l'économie, pour la politique de l'énergie et pour la politique environnementale.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.