Séance du vendredi 21 mai 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 7e session - 22e séance

R 399
17. Proposition de résolution de Mmes et MM. Dolorès Loly Bolay, René Ecuyer, Salika Wenger et Jean Spielmann concernant Swisscom. ( )R399

Dans le cadre du démantèlement de ses grandes régies, la Confédération avait garanti que les nouvelles sociétés libéralisées proposeraient des solutions pour des suppressions d'emplois sans licenciement, et ceci au moins jusqu'en 2001.

Dans les faits, la pratique se révèle très différente et les régions périphériques en font une nouvelle fois les frais par une centralisation excessive.

C'est ainsi qu'après avoir supprimé quantité de postes par des mises à la retraite anticipée, notre défunte entreprise des Télécom propose la mise en surcapacité de 4 000 postes sur le plan national, dont une quarantaine à Genève.

A l'instar du parlement jurassien, le parlement genevois prie la Confédération (majoritaire dans les nouveaux groupes libéralisés) d'inviter ses sociétés à revoir leur décision en négociant les problèmes sur des propositions constructives, notamment de procéder aux suppressions d'emplois sans recourir à des licenciements déguisés, en respectant les engagements pris et les accords sociaux en vigueur, ainsi qu'en procédant à la mise en place d'un contrat social dans le sens de celui en vigueur aux C.F.F.

C'est pourquoi, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette proposition de résolution.

Débat

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Le personnel de Swisscom est inquiet, et on le comprend... L'opérateur vient effectivement d'annoncer quatre mille suppressions d'emplois dans plusieurs cantons : trois cent cinquante dans le canton de Vaud, cinq cent soixante à Zurich, près de sept cents à Berne, entre deux cent vingt et deux cent cinquante à Genève. Pourtant la direction leur avait dit en janvier 1998 : «Swisscom, c'est vous, et la privatisation se fera avec vous !». De belles paroles seulement !

La Confédération, qui est pourtant majoritaire à plus de 65% dans le nouveau groupe libéralisé, avait garanti que ces sociétés proposeraient des solutions pour des suppressions d'emplois sans licenciement, et cela jusqu'en 2001... C'étaient encore de belles paroles !

Les conseillers fédéraux Ogi et Leuenberger avaient aussi promis qu'il n'y aurait aucun licenciement... C'étaient toujours de belles paroles !

La vérité est que Swisscom annonce un bénéfice record de 1,555 milliard pour 1998 et que, dans le même temps, il proclame, sans aucun état d'âme, quatre mille suppressions d'emplois... Mesdames et Messieurs les députés, ces méthodes, hélas, se répètent un peu trop souvent ; méthodes inqualifiables qu'il faut dénoncer avec force !

Le Conseil d'Etat genevois a récemment annoncé qu'il rencontrerait une délégation de Swisscom et qu'il ferait tout pour éviter ces suppressions d'emplois. C'est la raison pour laquelle, au nom de l'Alliance de gauche, je vous demande de soutenir cette résolution et son renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Salika Wenger (AdG). Qui à ce jour a investi nos instances dirigeantes du pouvoir de soumettre toutes les activités de l'Etat aux principes de la concurrence ? Principes qui à chaque application ont un coût exorbitant et pas seulement en terme d'emplois...

Si nous voulons préserver le caractère égalitaire des services publics, il est impératif de remettre cette situation en question, car, si les privatisations promettent monts et merveilles aux grandes entreprises industrielles, pharmaceutiques et autres, personne ne peut à ce jour garantir les droits des clients captifs que sont les millions d'usagers ordinaires.

Les services publics renvoient à la volonté de maîtriser la gestion d'intérêt collectif et de satisfaire les besoins fondamentaux de toute la population que sont : la santé, l'éducation, les transports, l'énergie et les télécommunications. Ces services remplissent cette tâche selon un principe de continuité, de solidarité, d'égalité de traitement, de qualité des prestations et d'utilisation des meilleures techniques disponibles. C'est dans cette perspective que la gestion des services publics appelle à un contrôle des citoyens, car la collectivité ne saurait laisser au marché et au court terme la mise en oeuvre d'instruments importants pour la cohésion sociale et dont la rentabilité n'est assurée que par le long, voire le très long terme.

Ce contrôle permettrait aussi d'empêcher d'exclure du domaine d'intervention des services publics telle ou telle région, tel ou tel quartier, tel ou tel autre groupe social, sous prétexte qu'il ne garantirait pas une rentabilité suffisante. Je ne fais pas de l'économie fiction... On peut déjà observer les prémices de cette politique dans les Franches-Montagnes, par exemple, où la poste refuse de délivrer les colis exprès sous prétexte que cette prestation n'est pas rentable !

Avant que les CFF, les Services industriels de Genève, les hôpitaux ou les écoles ne calquent leurs interventions sur ce modèle et si nous voulons éviter à notre pays le désastre social que représente la politique de démantèlement et de bradage des services publics qui s'amorce chez nous, nous devons voter cette résolution 399.

M. Pierre Vanek (AdG). Je souscris évidemment à ce qui a été dit par mes collègues. J'aimerais toutefois ajouter une chose à propos du vote de cette résolution concernant Swisscom dans cette enceinte : la situation actuelle du groupe Swisscom est issue du démantèlement des PTT suisses : un processus de privatisation que nous critiquons - et que nous avons combattu - mis en oeuvre par le biais de quatre lois qui sont passées aux Chambres fédérales et qui n'ont été soumises à aucun moment à une approbation populaire quelconque - ce qui est pour moi un déni de démocratie évident. Pourtant, ces lois, selon un certain nombre d'avis plus autorisé que le mien, sont en contradiction avec la Constitution fédérale elle-même.

Ces projets de lois - j'avais déjà poussé des hauts cris dans ce parlement à l'époque - avaient été mis en consultation. Le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, qui a pour habitude de répondre au nom de la République et canton de Genève comme s'il détenait le monopole des opinions sur ce genre de questions, avait répondu à l'époque à cette consultation en disant qu'il approuvait le processus de démantèlement des PTT, dont on peut constater aujourd'hui les effets néfastes, qui vont, à mon avis, continuer à s'amplifier.

Nous avons donc une responsabilité particulière - le Conseil d'Etat aussi - et nous devons intervenir pour infléchir un processus que notre gouvernement cantonal a cautionné explicitement sur le plan politique.

M. Carlo Lamprecht. Je suis intervenu auprès de la direction du groupe et de son directeur, M. Tony Rice, peut-être plus violemment que les propos qui ont été exprimés ici, par un courrier du 6 mai.

Indépendamment des faits qui sont évoqués - les licenciements - le Conseil d'Etat genevois a appris ces événements par la presse, ce qui est inacceptable. Le licenciement de deux cents ou deux cent vingt personnes à Genève - on m'a dit que c'était des suppressions d'emplois et non des licenciements - mériterait d'être annoncé au gouvernement. Je trouve inacceptable qu'une société qui a bénéficié d'une situation de monopole exclusif des années durant se permette d'agir de la sorte.

Malgré les assurances qui avaient été données par la presse - en effet, d'après la presse, les syndicats se sont félicités de l'accord qui a été trouvé avec la direction de Swisscom - j'ai demandé, le 6 mai dernier, que ces licenciements soient momentanément suspendus, que leur nombre soit révisé à la baisse, pour se limiter au minimum et qu'en sus on prévoie un étalement suffisant dans le temps pour permettre la réinsertion de ces personnes dans d'autres secteurs. J'ai également demandé que toutes les mesures de partage du travail envisageables soient mises en oeuvre pour limiter le nombre de licenciements et qu'un groupe de travail tripartite soit institué dans chaque canton et dans chaque ville concernés, pour limiter les dégâts sur le plan humain et sur le plan social.

Cela étant, j'ai reçu les représentants des syndicats de Genève concernés et j'ai écouté leur position par rapport à leur commission faîtière qui a signé ces accords, accords dont, je le répète, tout le monde s'est félicité. Ensuite, j'ai demandé un entretien à Swisscom, durant lequel ce dernier m'a présenté la stratégie élaborée et le plan social. En dehors du problème de ces suppressions d'emplois, il est vrai que ce plan est correct, mais cela ne remplace pas un emploi, bien entendu. Maintenant, je me propose de rencontrer à nouveau les représentants des syndicats pour examiner les points qui restent à négocier, en tout cas sur le plan genevois.

Il faut savoir que les syndicats étaient remontés contre la direction. En effet, Swisscom a annoncé deux cent vingt emplois en moins à Genève, sans que personne ne sache quels étaient les employés concernés. Swisscom a répondu que les syndicats faîtiers eux-mêmes avaient demandé un moratoire avant que tout ne soit mis en place pour, le moment venu, gagner du temps et avoir cette discussion.

Voilà donc la position de Swisscom et des syndicats faîtiers de Suisse : le plan social qui a été négocié convient et il a été accepté par les syndicats. Je vous rappelle qu'il a été négocié sous la présidence de Mme Yvette Jaggi et d'une autre personnalité dont le nom m'échappe, ce qui fait que Swisscom a tous les arguments aujourd'hui pour dire que le travail a été fait correctement.

Alors, bien évidemment, je rencontrerai les syndicats genevois. J'essayerai, avec eux, d'organiser une rencontre avec Swisscom Genève, en tout cas - c'est là que je peux agir - et je tenterai, dans la mesure de mes moyens et en fonction de la volonté de l'entreprise, de savoir rapidement quand auront lieu les licenciements, qui sera touché par ces licenciements, quelles sont ses aptitudes pour faire en sorte de replacer les personnes concernées ailleurs le plus vite possible.

Voilà où j'en suis. Je comprends vos réactions, mais soyez certains que je vais continuer à faire tout ce que je peux dans le sens que je vous ai indiqué.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(399)

concernant Swisscom

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

les promesses non tenues de la Régie ;

le nombre important des licenciements annoncés ;

invite le Conseil d'Etat

à intervenir auprès du Conseil fédéral afin que la Confédération, qui est majoritaire dans les nouveaux groupes libéralisés, invite ses sociétés à revoir leur décision : en négociant les problèmes sur des propositions constructives, notamment de procéder aux suppressions d'emplois sans recourir à des licenciements déguisés, en respectant les engagements pris et les accords sociaux en vigueur, ainsi qu'en procédant à la mise en place d'un contrat social dans le sens de celui en vigueur aux C.F.F.