Séance du
vendredi 30 avril 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
6e
session -
17e
séance
P 1207-A
En date du 10 juin 1998, 24 étudiants de l'Ecole d'ingénieurs ont déposé une pétition auprès du Grand Conseil qui l'a transmise à la Commission de l'enseignement supérieur. Cette dernière l'a examinée lors de ses séances des 8 octobre, 12 et 26 novembre 1998 sous la présidence de M. Bernard Lescaze, puis de Mme Janine Hagmann, avec l'assistance de M. Eric Baier.
La teneur de la pétition est la suivante :
Pétition(1207)
concernant la durée des études à l'Ecole d'ingénieurs de Genève (EIG) pendant la période de transition de l'école en Haute école spécialisée (HES)
Le changement de statut de l'Ecole d'ingénieurs de Genève en Haute école spécialisée a entraîné pour un grand nombre d'étudiants un prolongement de leurs études de sept mois.
Ces sept mois supplémentaires ont été imposés aux étudiants qui n'ont jamais été consultés à ce sujet.
Cette situation crée pour de nombreux étudiants des difficultés, notamment financières, qu'ils ne devraient pas avoir à supporter.
Nous sommes outrés d'une telle attitude et pétitionnons pour que, pendant la période transitoire d'organisation de l'EIG en HES, nous puissions terminer notre diplôme après cinq années d'études, durée pour laquelle nous nous sommes engagés en entrant à l'EIG.
Nous vous remercions d'avance de l'attention que vous porterez à notre pétition et vous prions d'agréer, Mesdames et Messieurs les députés, nos salutations distinguées.
N.B. : 24 signatures
M. .
Travaux de la commission
Auditions
Audition des pétitionnaires : MM. Marc Imhof, Jean-Rodolphe Rudaz et Marc Hauswirth (8 octobre 1998).
Les pétitionnaires expliquent qu'ils ont commencé l'année scolaire 1997-98 dans la filière ETS et qu'au mois d'octobre 1997, le système des HES a été introduit rétroactivement. La conséquence est que le travail de diplôme doit être effectué hors de la période de formation et que la durée des études est ainsi allongée de sept mois. Cette période correspond à 750 heures supplémentaires de cours. Du point de vue financier, cette situation est difficile à assumer.
En outre, les étudiants n'ont appris qu'au mois d'avril 1998 qu'en passant dans un cursus HES, ils devraient accomplir sept mois de plus. Pour les pétitionnaires, les avantages liés au diplôme HES ne sont pas clairs et ils déplorent que personne ne les ait correctement informés à ce sujet. C'est ainsi qu'ils souhaitent terminer dans les délais pour lesquels ils se sont engagés.
Enfin, les signataires de la pétition revendiquent le choix de la durée de leurs études, à savoir soit de terminer dans les temps prévus initialement avec un diplôme ETS à la clé, soit de pouvoir suivre un cours ultérieur de six mois pour obtenir le diplôme HES.
Audition de M. Jacques Thiébaut, directeur de la HES (8 octobre 1998).
En préambule, M. Thiébaut remet aux commissaires un document intitulé « Direction des écoles genevoises HES-SO - Plan de transition ETS-HES » où est inscrit en gras le cursus de la volée des pétitionnaires (cf. annexe).
M. Thiébaut explique que le cursus scolaire durait auparavant cinq ans, que les premiers étudiants HES ont commencé en 1997-98 et que le cursus est passé à six ans. L'EIG est désormais divisée en deux : une première partie d'école technique (EET) de trois ans et une seconde partie HES, de trois ans également. C'est au cours de leur troisième année ETS que la direction a proposé aux étudiants concernés par la pétition un parcours HES écourté qui correspond à un parcours ETS rallongé. La direction leur donne donc la possibilité d'obtenir le diplôme HES en cinq ans et sept mois.
Il tient aussi à préciser que lorsque le changement a été annoncé aux étudiants, l'année dernière, la direction a donné la possibilité aux étudiants de suivre l'EIG en cours du soir, si le processus de transition ne leur convenait pas. A noter que le « tech. » du soir consiste en des cours répartis sur trois soirées dans la semaine et le samedi. Cependant, aucun étudiant n'a utilisé cette possibilité qui était la seule solution que la direction pouvait offrir en dehors du système HES : il indique que ce changement de cursus concerne environ 350 étudiants (162 étudiants de la 2e année HES de 1998-99 et les 188 étudiants de la première année HES 1998-99).
Concernant l'information aux étudiants, M. Thiébaut confirme qu'une circulaire a été remise aux étudiants en mai 1998. Pour le reste, il ne peut offrir d'autre solution que celle proposée aux étudiants avec le « tech. » du soir. En effet, il n'est pas possible de mettre sur pied deux formations différentes. Les plans d'étude sont en cours de modification jusqu'en l'an 2000 afin de permettre aux étudiants de deuxième année ETS de rejoindre le niveau le plus proche possible du parcours HES.
Lettre de Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat
La commission a interrompu ses discussions sur la pétition dans l'attente de connaître la position de Mme M. Brunschwig Graf sur la possibilité d'offrir aux étudiants qui le souhaitent de rester dans l'ancienne structure en briguant le diplôme ETS. Sa position s'étant révélée négative à cet égard (cf. lettre du 10 novembre figurant en annexe), la commission a poursuivi ses travaux les 12 et 26 novembre 1998.
Discussion
Lors de la discussion, il apparaît que tout en étant sensibles au souci des pétitionnaires, les membres de la commission ne souhaitent en aucun cas remettre en question la mise en place de la nouvelle filière HES.
Cependant, plusieurs commissaires reconnaissent que l'allongement des études peut poser un problème épineux à certains étudiants, notamment sur le plan financier.
Certains commissaires estiment aussi qu'il n'est pas normal de changer les règles du jeu en cours de route et que l'on devrait proposer une alternative crédible aux étudiants qui ne désirent pas ou ne peuvent pas allonger leurs études. D'autres pensent qu'il n'y a pas de contrat au sens juridique du terme entre l'école et les étudiants et que le fait d'offrir un diplôme HES après quelques mois supplémentaires constitue une compensation suffisante au désagrément causé par ce changement. On ne peut pas prétériter l'ensemble des personnes engagées dans le cursus pour quelques cas particuliers.
Au terme de la discussion, un consensus se dégage au sein de la commission sur la position suivante : on souhaite que la réalité de la demande soit clarifiée et que des solutions individuelles non onéreuses soient recherchées pour les étudiants en difficulté, sans remettre en cause la mise en place des HES.
La majorité de la commission se prononce pour que la pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat par 6 voix (2 S, 3 AdG, 1 Ve) contre 2 (1 L, 1 DC) et 3 abstentions (1 L, 2 R).
Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les mêmes conclusions.
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Débat
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Je voudrais rappeler que depuis le moment où ce rapport a été déposé, c'est-à-dire depuis le mois de janvier, il est apparu un fait nouveau. En effet, il semblerait que, suite à une erreur de la Confédération lors des négociations des accords bilatéraux sur la formation, les architectes aient été oubliés dans la liste des diplômes reconnus par l'Union européenne.
Aussi, même si nous pouvons espérer que, dans un proche avenir, les diplômes ETS et par la suite les diplômes HES soient reconnus, la situation actuelle conforte le bien-fondé des préoccupations des étudiants pétitionnaires, qui ont commencé leurs études dans la filière ETS et qui sont en fait contraints de poursuivre dans la filière HES, avec sept mois d'étude supplémentaires à la clé. Mentionnons à cette occasion que l'argument principal qui avait été défendu à la fois par le Conseil d'Etat et la direction de l'école, c'était qu'un des atouts de ce diplôme HES était sa reconnaissance sur le plan européen et sur le plan international.
La commission souhaite en l'occurrence qu'on trouve une solution acceptable pour les étudiants qui souhaitent pouvoir poursuivre dans la filière ETS et terminer ainsi leurs études dans les délais initiaux. Je vous demande donc de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Martine Brunschwig Graf. Comme l'a rappelé Mme la rapporteure, il est exact que des faits nouveaux sont apparus et nous devons effectivement trouver la solution adéquate pour les étudiants concernés par cette pétition. J'ai d'ores et déjà donné les instructions nécessaires à cet égard.
Cela dit, j'aimerais relever la déclaration de l'un de ces étudiants en particulier. Celui-ci a cru bon de laisser entendre, lorsqu'il a déposé la pétition au nom de ses collègues, qu'on pouvait obtenir, dans l'enseignement primaire, un congé pour entreprendre une formation longue et coûteuse et ensuite être assuré de pouvoir retourner dans l'enseignement primaire sans faire usage de la formation obtenue ! Je crois qu'il est regrettable, s'agissant de la qualité des diplômes qui peuvent être donnés, en particulier à l'école d'ingénieurs, que de telles déclarations aient été faites. Aussi, j'aimerais bien
distinguer la démarche de cet étudiant - que je qualifierai presque d'étudiant éternel - de celle des autres étudiants qui nous ont très justement interpellés, qui hier encore s'inquiétaient de leur sort, et pour lesquels nous trouverons la solution adéquate !
M. Pierre Vanek (AdG). Je n'ai pas bien compris l'intervention de Mme Brunschwig Graf, c'est pourquoi je me permets d'intervenir.
J'appuie bien entendu les conclusions de la commission consistant à trouver une solution pour les étudiants concernés. Il ne s'agit pas d'un cas individuel puisque la pétition était munie de 24 signatures ; les étudiants en question se sont d'ailleurs rappelés à notre souvenir lors de la dernière séance, en distribuant un petit papillon où ils demandaient simplement de pouvoir terminer leurs études en cinq ans comme prévu initialement. Cette demande me semble légitime, eu égard aux éléments qui ont été évoqués dans le rapport et par la rapporteuse à l'instant, ainsi qu'implicitement par Mme Brunschwig Graf. Je suis donc content d'entendre de la part de Mme la présidente du département de l'instruction publique qu'elle trouvera une solution. Vous avez simplement parlé de «solution adéquate», Madame, si je vous ai bien écoutée. Est-ce à dire que tous les étudiants concernés pourront terminer leurs études en cinq ans ?
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je ne sais pas quelle est la solution qui sera trouvée, mais elle devra en tout cas tenir compte des délais.
M. Pierre Vanek. Je vous remercie de cette précision.
Par ailleurs, vous êtes intervenue sur un cas individuel. S'il y a un problème, je ne crois pas que ce soit forcément le lieu d'en débattre et je me permettrai tout à l'heure de vous demander exactement ce que vous avez voulu dire, car ce n'était guère clair. Vous avez parlé d'un «étudiant éternel» qui prendrait congé de l'enseignement primaire pour poursuivre une autre formation. Je crois que prendre un congé peut être effectivement une excellente chose : être instituteur de 25 à 65 ans n'est pas forcément idéal. Qu'un enseignant primaire puisse prendre congé pour entreprendre une formation ou autre - pour ma part, je n'ai pas vraiment pris congé, j'ai dû le donner ! - me semble une excellente chose, y compris qu'une telle personne puisse revenir dans l'enseignement primaire en apportant une expérience et
un souffle venu de l'extérieur. Je n'ai donc pas bien compris votre intervention. Je ne veux pas prolonger ce débat et discuter tel cas individuel en plénière, mais enfin cela m'a quand même interloqué !
Mme Martine Brunschwig Graf. Si j'ai abordé ce problème, c'est que cette personne a fait une déclaration publique qui a paru dans les journaux. Vous savez, Monsieur Vanek, que nous accordons des congés limités à trois ans pour les enseignants qui souhaiteraient entreprendre une formation, poursuivre un engagement personnel, un engagement humanitaire. Lorsque ces congés se prolongent, c'est dans la perspective d'une reconversion, d'une formation qu'on a l'intention d'utiliser ultérieurement. Dans les autres cas, en vertu du principe d'équité, nous refusons les prolongations de congés ou le renouvellement de congés au-delà de trois ans.
En l'occurrence, la déclaration contre laquelle je m'élève est celle d'une personne qui fréquente l'école d'ingénieurs - dans laquelle nous investissons beaucoup - qui demande des congés au-delà de ce qui est autorisé normalement pour terminer cette formation, et qui annonce que de toute façon elle ne souhaite pas utiliser cette formation, qu'elle va réintégrer l'enseignement primaire et que son soutien à la pétition est dû au fait qu'elle devrait attendre quelques mois avant d'être réengagée !
Par rapport à nos efforts pour cette école, par rapport aux étudiants qui la fréquentent, par rapport à ceux qui doivent parfois gagner leur vie pendant qu'ils étudient, c'est une attitude qui me paraît légère et qui ne rend hommage ni à l'investissement de l'Etat - et donc des contribuables - dans l'école d'ingénieurs, ni aux étudiants qui travaillent !
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement supérieur (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.