Séance du
jeudi 29 avril 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
6e
session -
16e
séance
PL 8000
Suite de la préconsultation
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Le parti socialiste accueille avec beaucoup de satisfaction ce projet de loi, non pas à cause de son contenu - soyons clairs, notre groupe a refusé de le signer - mais bien du fait même qu'il existe. En effet, à partir de ce projet, la discussion en commission sera ainsi permise sur la question des professions de la santé... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie de faire silence. Il est impossible de travailler dans un tel brouhaha.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Ce projet est une réaction au faux pas, on ne peut l'appeler autrement, du Conseil d'Etat, qui a déposé un projet de loi interdisant la pratique d'un certain nombre de professions de la santé. Ce sera d'ailleurs un point qui sera évoqué dans un autre rapport figurant à notre ordre du jour.
Aujourd'hui les besoins en termes de santé ont évolué. S'il est indispensable de dispenser aux citoyens des techniques et des technologies avancées, ces derniers ont aussi besoin d'écoute, de retour à des valeurs plus profondes et à des approches plus naturelles. Et les pratiques des médecines douces sont aujourd'hui nécessaires dans notre société, dont le rythme est souvent insensé et qui a - personne ne peut le nier - des incidences importantes sur la santé. Est-ce à dire qu'il faut tout permettre ? Certes non. Il y a en effet des dangers, en cela le Conseil d'Etat a raison. La blouse blanche permet d'avoir beaucoup d'influence sur un certain nombre de personnes, surtout si leur santé est affaiblie, et il est important de poser des garde-fous.
En l'occurrence, ce projet de loi sera l'occasion d'élargir la loi sur les professions de la santé, tout en fixant des garde-fous pour éviter les risques de récupération sectaire. D'ores et déjà, le parti socialiste annonce qu'il renverra ce projet en commission pour aborder cette question extrêmement importante, mais qu'il le refusera.
M. Gilles Godinat (AdG). Les préopinants ont déjà développé les arguments essentiels à l'appui de ce projet et je serai donc bref.
Tout le monde a relevé que les pratiques dans le domaine de la santé avaient beaucoup évolué ces dernières années. La population a adopté ces nouvelles pratiques et les soutient largement, les caisses maladie pour la plupart les reconnaissent, et certains praticiens, afin d'éviter d'être assimilés à des sectes, nous demandent de légiférer. Notre devoir de politiciens, notre devoir politique dans cette enceinte est bien entendu d'entrer en matière lorsque des catégories de professionnels revendiquent ainsi une reconnaissance. Pour notre part, nous avons donc accepté d'entrer en matière.
Sur le fond, ce projet de loi soulève effectivement plusieurs questions que nous voulons débattre en commission, notamment celle de distinguer de nouvelles techniques et de nouvelles professions qui voudraient être reconnues dans le domaine de la santé. Nous aurons probablement à définir ces nouvelles professions et, le cas échéant, à rappeler les codes nécessaires dans le domaine de la déontologie, de l'éthique professionnelle en matière de nouvelles techniques. Les critères devront donc viser à mieux définir des pratiques qui, pour certaines, n'ont pas encore de reconnaissance au niveau national, ni même cantonal. Nous veillerons à ce que ce travail soit fait consciencieusement.
Pour notre part, nous tenons à élargir effectivement les pratiques actuelles, à reconnaître de nouvelles pratiques et de nouvelles identités professionnelles dans ce domaine et nous souhaitons vivement pouvoir travailler sur cette question, afin d'enrichir nos pratiques professionnelles.
Mme Nelly Guichard (PDC). Bien que je sois moi-même tout à fait favorable à la naturopathie et que je respecte, d'une manière générale, le travail effectué, je trouve que la procédure utilisée - dépôt d'un projet de loi - est peu adéquate. Tout cela est trop détaillé pour figurer dans une loi. Il me semble que cela aurait plutôt sa place dans un règlement et, même avec un texte aussi abondant, je doute que nous ayons fait le tour du sujet.
Je crains fort que nous nous trouvions au centre d'une tourmente entre ceux qui auront réussi à se faire inscrire dans la loi et tous ceux - et ils seront nombreux - qui se sentiront exclus. Mes craintes sont les mêmes en ce qui concerne les médicaments et autres potions plus ou moins magiques, qui font inévitablement partie du traitement.
Il est vrai que le projet de loi sur les professions médicales dont on parlera plus tard est pernicieux par certains de ses articles. Il rend carrément illégal les soins en médecine parallèle ou, comme mes préopinants l'ont dit, en médecine douce. Je réprouve également totalement cette position excessive. En l'état, cependant, je ne comprends pas très bien pourquoi mes collègues n'ont pas choisi de proposer plutôt des amendements à la loi qui est devant la commission de la santé.
Le problème des sectes auquel on a voulu pallier par le projet de loi sur les professions médicales est un problème en soi, un vrai problème dans certains cercles des professions de la santé en général. Il n'y a donc aucune raison de faire preuve d'ostracisme à l'égard des naturopathes en particulier. On peut aussi se demander si ce projet de loi est en accord avec les directives de la LAMal, sans quoi il n'aurait pas beaucoup de sens.
Quoi qu'il en soit, comme il a déjà été dit, il a le mérite de mettre le sujet sur la table ; la commission de la santé aura de quoi s'occuper durant quelques longues séances et elle aura tout loisir de prendre connaissance d'une correspondance aussi abondante que contradictoire, pour traiter cette problématique délicate et complexe.
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé.