Séance du jeudi 29 avril 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 6e session - 15e séance

RD 313-1
31. Suite du débat sur le rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (1ère année de la législature 1997-2001). ( -) RD313
Mémorial 1999 : Rapport, 1965. Débat, 2022.
Rapport de majorité de Mme Martine Ruchat (AG), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil
Rapport de minorité de M. Alain-Dominique Mauris (L), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil

Suite du débat

Mme Martine Ruchat (AdG), rapporteuse de majorité. Suite à ce qui a été dit tout à l'heure, je me permettrai, non pas de répondre aux diverses remarques, critiques et questions, mais de mettre l'accent sur trois éléments qui ont été mentionnés et qu'il me paraît judicieux de préciser.

En introduction, je voudrais répondre à M. Froidevaux. Je suis vraiment désolée qu'il soit déçu de la tournure prise par ce rapport de majorité. Je n'ai jamais manqué de souligner - et nous l'avons encore fait tout à l'heure - son engagement et son travail au sein de la commission des visiteurs officiels. Il n'en demeure pas moins que l'on ne discute pas ici des engagements personnels, mais des idées qui ont cours notamment autour de la question de la prison.

Je reviens sur la remarque qui a été faite concernant les gardiens et la recommandation N° 2 : «Développer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relation et encourager la formation continue des gardien(ne)s». Il ne s'agit évidemment pas de lire ceci comme une critique à l'encontre des gardiens, qui sous-entendrait qu'ils ne sont pas à l'écoute des prisonniers. A aucun moment dans le rapport, me semble-t-il, on ne pourrait le comprendre ainsi. Ce qui a été souligné et que je voudrais souligner une fois encore, c'est l'importance de soutenir les gardiens dans leur travail - et à ce titre, j'abonde dans le sens de M. Ramseyer - et la nécessité d'augmenter l'encadrement des détenus et le nombre de postes. Avec un effectif insuffisant et compte tenu de la surpopulation carcérale, on risque d'assister à une répression accrue. En effet, si on manque de gardiens, on risque de privilégier la répression, donc la violence. Et qui dit violence dit évidemment, non seulement dégradation des conditions de détention, mais aussi dégradation des conditions de travail des gardiens, qui va se manifester chez ceux-ci par une peur accrue, qui sait, par une dépression, de l'alcoolisme, une dégradation de la vie personnelle et familiale... C'est aussi ce qu'il faut prévenir.

Concernant les jeunes, si le Code pénal a, dès 1810, donc au début du XIXe siècle, distingué l'incarcération pour les adultes et le placement des enfants en maison de correction, comme on disait à l'époque - aujourd'hui on dit maison d'éducation - c'était effectivement dans le but de protéger l'enfant. Si M. Ramseyer estime que je réinvente la politique pénitentiaire, je me permets de lui dire que je préfère réinventer la politique pénitentiaire que de réinventer des problèmes séculaires ! Quels sont ces problèmes séculaires contre lesquels tout le XIXe siècle s'est battu, ou en tout cas ceux qui se sont préoccupés de la réforme pénitentiaire ? C'est effectivement la surpopulation des prisons, le mélange des populations et, en particulier, des jeunes et des adultes, ou encore la violence.

Doit-on accepter aujourd'hui une sorte de retour du balancier de l'Histoire, qui nous conduirait - alors qu'on s'est battu pendant un siècle pour éviter que les enfants soient emprisonnés - à nous retrouver devant la même problématique, en y ajoutant un problème nouveau, lié à notre siècle et à notre histoire contemporaine, c'est-à-dire la violence sexuelle ? C'est aussi cela que le rapport de majorité veut prévenir.

Enfin, on a entendu de nombreuses remarques sur le fait que telle ou telle question ne serait pas du ressort de la commission des visiteurs, ni du ressort du Conseil d'Etat, ou du canton, etc. Toutes ces remarques, au demeurant fort pertinentes, montrent qu'on ne peut pas concevoir la prison sans une véritable politique pénitentiaire, qui n'existe pas dans ce canton ! On peut d'ailleurs se demander si elle existe au niveau fédéral !

Il n'y a pas de politique pénitentiaire. Celle-ci nécessiterait justement de penser la prison en rapport avec la justice et la police. A cet égard, on peut s'interroger sur la facilité avec laquelle les juges emprisonnent, et je crois qu'il serait utile de faire une étude, par juge pris individuellement, du nombre de détenus qui ont été emprisonnés sans avoir été condamnés et qui vont être relaxés, au bénéfice d'un non-lieu ou autre. On peut regretter - permettez-moi une pensée personnelle, qui ne figure pas ni dans le rapport de majorité ni dans celui de minorité - qu'il n'y ait pas d'organe de contrôle des juges !

Mme Jeannine de Haller (AdG). J'interviens uniquement pour remercier Mme Ruchat. Son rapport a le double mérite de donner la parole à tous les détenus qui ont demandé à être entendus et que nous avons auditionnés - rien n'a donc été inventé, Monsieur Mauris - et d'élargir le débat, de sorte que l'on a pu avoir une réflexion globale sur la détention, sur son but : voulons-nous une prison qui soit uniquement punitive, ou une prison qui soit également, et surtout, réparatrice ?

Je remercie donc Mme Ruchat pour la qualité de son rapport, mais aussi pour le niveau remarquable qu'elle a su donner à l'ensemble des débats au sein de la commission, et ce tout au long de l'année, grâce à ses connaissances approfondies du domaine pénitentiaire. Ceci a permis à notre commission d'éviter de faire un travail alibi, pour reprendre le terme de Mme Alder.

M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur de minorité. Les points qu'a évoqués Mme Ruchat dans sa dernière intervention, comme dans le rapport, sont intéressants et dignes de discussion, mais ils n'ont pas été abordés dans le cadre de la commission, ou très superficiellement. Dès lors, nous nous étonnons que des recommandations doivent être votées immédiatement, à l'emporte-pièce, et adressées au Conseil d'Etat.

Encore une fois, le sujet est suffisamment important pour reposer sur des éléments factuels et non pas subjectifs. Dans notre rapport de minorité, nous avons proposé que le travail de la commission, pour gagner en crédibilité, ne soit pas uniquement le résultat de cogitations ou de voeux pieux, mais repose davantage sur une analyse rigoureuse et factuelle, à la manière du Comité européen pour la prévention de la torture ou d'autres commissions reconnues. C'est ainsi que nous gagnerons en crédibilité, et non pas en essayant constamment de refaire le monde et en sciant la sciure qui l'a déjà été dix fois !

De même, envoyer des recommandations au Conseil d'Etat ou au procureur général, cela ne sert à rien ! C'est à notre parlement qu'il incombe de prendre les affaires en main. Si vous voulez par exemple que la commission intervienne sans informer au préalable le chef de la police, c'est au Grand Conseil de le décider ; ce n'est pas au Conseil d'Etat de nous dire de le faire ou pas. Le Conseil d'Etat fera ce qu'il voudra des recommandations que nous lui enverrons, mais je crois que ces recommandations sont une façon de démissionner si vous ne vous donnez pas les moyens de les mettre en oeuvre.

A propos de l'emprisonnement des mineurs, ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit. A la page 55 du règlement de la prison, il est effectivement prévu que des mineurs, à titre exceptionnel, puissent être enfermés à Champ-Dollon, mais nous savons les problèmes que cela pose et c'est pourquoi nous avons recommandé d'aller rapidement de l'avant dans le projet de la Clairière. Or, que s'est-il passé sur les bancs qui soutiennent aujourd'hui le rapport de majorité ? Eh bien, ces bancs veulent refuser la Clairière ! Ce n'est pas conséquent. Si vous voulez mener une politique permettant effectivement de sortir les mineurs de Champ-Dollon et de les placer dans un encadrement adéquat, donnez les moyens et soutenez le projet de la Clairière. Sans cela, il est un peu trop facile de dénoncer la politique menée !

Enfin, j'ai discuté avec certains d'entre vous durant la pause et, une fois de plus, il est bien dommage que personne n'ait pu me démontrer que ce qui est relevé et dénoncé dans le rapport de majorité ressort des procès-verbaux de commission !

Mme Jeannine de Haller (AdG). Si nous nous sommes opposés à l'agrandissement de la Clairière tel qu'il était proposé, c'est parce qu'il s'agissait uniquement d'ajouter quatre cellules, sans repenser l'encadrement de ces jeunes. Nous demandions qu'il y ait une réflexion préalable sur ce point, avant de s'engager dans une Clairière qui ressemblerait entièrement à celle que nous avons actuellement.

Mme Martine Ruchat (AdG), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, excusez-moi de reprendre la parole, mais je ne peux vraiment pas laisser passer deux choses que je viens d'entendre.

Il est absolument faux de dire qu'en lisant le rapport de majorité et en lisant les procès-verbaux de commission, on ne retrouve pas les mêmes choses. J'ai eu l'honnêteté intellectuelle - permettez-moi de le dire - d'expliquer, en introduction au rapport, comment j'avais procédé pour le rédiger. Je l'ai rédigé à partir des procès-verbaux, excellents, de M. Constant. Je n'ai donc absolument rien inventé et je mets au défi quiconque ici de trouver quelque chose dans le rapport qui ne figure pas dans les procès-verbaux.

Quant à la question des enfants, je voudrais signaler que nous avons, ici même, voté effectivement la reconstruction de la Clairière. Je ne reviendrai pas sur ce débat, mais je tiens à signaler que, si on peut se réjouir de cette reconstruction - puisque la dimension des cellules sera plus correcte, qu'il y aura de l'eau - on peut en revanche regretter l'isolement cellulaire que les jeunes continueront à subir, ou le fait que nous n'ayons toujours pas reçu un concept psycho-éducatif de la part de la direction. En l'occurrence, il faut souligner que le projet prévoyait seulement deux cellules en plus. Si mes souvenirs sont bon, c'est Mme Berberat qui avait soulevé cette question : nous avons pu constater l'année dernière et cette année encore que des enfants sont détenus à Champ-Dollon, alors que la Clairière, qui leur est en principe destinée, est vide.

Il y a quelques jours, une émission de la Télévision romande sur la question des délinquants mineurs donnait la parole à M. Jean-Michel Claude. Celui-ci avouait qu'il s'agissait d'un véritable problème, qu'il ne savait que faire avec ces jeunes, dans la mesure où il n'y a pas de gardiens formés pour les encadrer et où, pour des mesures de protection, ils doivent être isolés. Et l'on sait à quel point l'isolement cellulaire est grave pour la psychologie de tout être humain, a fortiori des jeunes. M. Claude reconnaissait ne pas pouvoir leur donner du travail, ni les occuper. Ce n'est donc pas de l'idéologie ou, comme le disait M. Ramseyer, de la doctrine. Il s'agit, puisque vous aimez les faits, de faits soulignés par un directeur de prison, Jean-Michel Claude !

M. Pierre Froidevaux (R). Madame Ruchat, vous venez de lancer un défi que je relève avec plaisir. Votre rapport est effectivement très incomplet et ne rend pas compte des travaux de la commission. J'ai déjà signalé qu'à la page 34 vous terminiez votre rapport sur «la situation au 24 novembre 1998». A ce moment-là, nous avions eu deux séances consacrées uniquement aux conclusions du rapport. J'avais en fait prévu que trois points fondamentaux soient discutés. Mme Ruchat est arrivée d'emblée, aux séances préparatoires, avec un rapport bouclé, y compris les conclusions, alors que nous en étions à discuter quel genre de conclusions fondamentales nous allions pouvoir tirer ; d'autant que les recommandations de son rapport n'étaient pas, à proprement parler, des suggestions qu'on pouvait faire au Conseil d'Etat ou au procureur général, mais qu'elles concernaient, pour la plupart, la commission elle-même ou notre parlement.

Madame Ruchat, le défi est tout simple : il manque, dans votre rapport, les deux autres séances de commission, y compris le vote du 21 décembre, où nous avons décidé d'établir un rapport de minorité.

Par ailleurs, votre rapport de majorité n'est pas à encenser, car c'est une véritable démission de la gauche. En effet, aucune des propositions faites n'est réellement applicable, parce qu'elles ne s'adressent pas à la bonne personne.

S'agissant de maintenir une attention constante aux conditions de vie des détenus, vous faites toute une série de propositions pour lesquelles il n'y a eu ni débat ni décisions et qui sont, pour la plupart, inapplicables. Prenons l'exemple des CD. La sécurité dans le transfert des données n'étant pas encore acquise et le matériel qui serait nécessaire pour que les prisonniers puissent disposer de CD n'existant pas à l'heure actuelle, on ne peut pas demander au procureur général que les prisonniers aient des CD !

Je prends un autre exemple : vous préconisez les fouilles corporelles par un médecin. C'est incompatible, M. Harding nous l'a rappelé, avec le statut de médecin. Le médecin, qui est un thérapeute, ne peut être en même temps un agent de l'autorité. Les médecins perdent tout crédit, ne peuvent plus avoir de lien thérapeutique dans une prison s'ils coopèrent avec les responsables de prison pour les fouilles corporelles. Toutes ces explications ne figurent pas dans votre rapport, Madame Ruchat, et pourtant nous en avions fait état lors de nos travaux en commission.

Enfin, il est évident que nous serions très heureux de voir se développer une collaboration intercantonale, une commission de visite de prisons, mais c'est à nous d'élaborer le projet de loi ; il ne sert à rien d'envoyer cette recommandation au Conseil d'Etat !

C'est dire, Madame Ruchat, que votre rapport est un rapport alibi et une véritable démission de la gauche !

Mme Janine Berberat (L). Je ne tiens pas à allonger le débat et encore moins à polémiquer. Je suis personnellement assez contente que l'on parle des pénitenciers et de la problématique des prisons, car c'est un peu le parent pauvre de notre société dans la mesure où, lorsqu'on décide de dégager des fonds ou de faire des efforts, ce n'est pas d'emblée dans cette direction. En l'occurrence, si on veut considérer la politique pénitentiaire dans sa globalité, je crois qu'il faut examiner la politique de répression, la politique punitive dans la société en général, et c'est en amont qu'il faut intervenir, pas forcément en distribuant des CD et des TV câblées...

Cela dit, dire que la Clairière est vide et Champ-Dollon plein de mineurs, c'est faux ! Les rares fois où des places étaient vacantes à la Clairière et des mineurs placés à Champ-Dollon, c'est parce que ces mineurs, de l'avis des juges, étaient des récidivistes considérés comme dangereux.

Vous demandez la séparation des genres, des délinquants primaires et des autres, pour les adultes ; vous devez aussi admettre que les mineurs ne sont pas tous semblables et que certains sont un peu plus dangereux, que certains doivent être plus contrôlés que d'autres.

Concernant l'objectivité du rapport par rapport aux procès-verbaux, il est vrai, Madame Ruchat, que vous avez repris les termes des P.-V., mais vous avez aussi omis beaucoup de choses. Et ce qui m'a gênée, c'est que vous n'ayez pas parlé des projets qu'ont les pénitenciers. Ceux-ci ont certes des défauts mais ils sont perfectibles, et à cet égard tous les établissements avaient des projets. Nous sommes allés dernièrement à Bochuz, les responsables nous ont fait part de leurs projets, mais aucun ne figure dans votre rapport. A mon sens, si on dénonce ce qui ne va pas, on doit aussi reconnaître les efforts qui sont faits, les efforts auxquels on peut tendre - surtout lorsqu'on parle de commission intercantonale.

Quant à la crédibilité de notre commission, elle dépend de nous, des moyens qu'on veut lui donner et, si on veut l'étendre, du discours que l'on tient. Or, aujourd'hui, notre crédibilité auprès des pénitenciers des autres cantons - qui ne sont pas obligés de nous accueillir, ni de répondre à nos questions ! - a sérieusement diminué.

Je veux bien que votre rapport soit provocateur, qu'il veuille susciter des discussions. Et à cet égard, nous avons bien l'intention de discuter, de mener des réflexions, pas forcément sous l'éclairage unique de votre rapport. Il faut rappeler que l'année dernière, la commission a été renouvelée dans sa totalité. Nous étions donc neuf nouveaux députés à découvrir, en tout cas en ce qui me concerne, le système pénitentiaire. Cette année, la commission compte six nouveaux membres, à cause du tirage au sort de la commission de grâce. La question se pose d'ailleurs de savoir s'il faut à chaque nouvelle législature renouveler la commission. En l'occurrence, je dois dire que nos sensibilités de nouveaux commissaires ont été mises à mal, car on ne sort pas indemne d'une visite de prison !

Enfin, une chose notamment me dérange dans votre rapport, Madame Ruchat. Vous avez toujours donné l'impression de tenir à la concertation, mais le jour où nous avons commencé à diverger sur les conclusions, vous nous avez répondu que nous n'avions qu'à faire un rapport de minorité et que vous, vous étiez pour le débat philosophique. Alors, ce débat, vous l'avez, nous l'avons, mais je ne suis pas sûre que ce soit la bonne méthode, notamment pour aller proposer une commission intercantonale aux autres cantons. Mais après tout, pourquoi pas ? Nous pouvons aussi commencer sur ces bases.

Je vous propose néanmoins de reconnaître qu'en commission le débat sur les conclusions n'a pas eu lieu !

Mme Martine Ruchat (AdG), rapporteuse de majorité. Les propos de M. Froidevaux m'ont font douter de sa capacité à lire. Après son intervention, j'ai maintenant un autre doute quant à sa capacité à écouter ! En effet, lorsque je vous ai mis au défi de comparer les procès-verbaux et le rapport, à aucun moment il ne s'est agi, dans mon esprit, de relever les omissions, mais bien le fait que je n'ai rien inventé.

Il est tout à fait possible qu'il y ait eu des omissions, je vous l'accorde. Puisque vous voulez absolument revenir sur la façon de travailler, je préciserai ceci : lorsque j'ai présenté mon projet de rapport - que l'on m'avait suggéré d'établir parce que nous avions peu de temps - je me souviens très bien avoir signalé que j'avais lu les procès-verbaux, que j'avais peut-être omis certaines choses et que j'étais prête à ajouter les éléments que je n'aurais pas vus. A partir de là, ceux qui étaient présents s'en souviennent, la situation s'est dégradée, pour des raisons que chacun peut s'expliquer.

Quoi qu'il en soit, en ce qui me concerne, je propose d'arrêter les débats ici et de voter, évidemment, le rapport de majorité. Dans la mesure où ce rapport avait aussi pour objectif de prévenir la violence, je demande l'appel nominal sur cette question, car l'état des prisons à l'avenir est en jeu. Il ne faut pas oublier que l'état de nos prisons reflète aussi le fonctionnement de notre société et son degré d'égalité ou d'inégalité !

M. Pierre Froidevaux (R). Je n'ai pas d'opposition formelle quant à un vote à l'appel nominal ; j'assumerai toujours mon vote. Le problème que nous vous avons exposé, Madame Ruchat, et auquel vous semblez ne pas vouloir répondre, est que les propositions formulées ne mènent en fait nulle part.

Aussi, personnellement, je ne proposerai pas un vote nominal, mais plutôt un renvoi en commission, afin que les propositions que vous soutenez fassent l'objet d'un véritable débat, que l'on puisse en voir le pour et le contre et que les députés de cette assemblée votent en toute connaissance de cause, et non pas suite à un débat que nous dénonçons comme étant idéologique depuis le début de nos discussions.

Mme Madeleine Bernasconi (R). A la lecture du rapport et en entendant le débat qui a lieu, je suis assez étonnée que, parmi les personnes que vous avez auditionnées, il n'y ait jamais eu de victimes de certains de ces délinquants. Il aurait quand même été intéressant de savoir ce que ces victimes vivaient et quel était leur quotidien. En l'occurrence, le rapport de minorité, avec ses recommandations qui visent à améliorer les procédures et les conditions de détention, me paraît tout à fait justifié et je ne pourrai que l'approuver.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). N'ayant pas participé aux travaux de la commission, j'ai été extrêmement contente d'avoir un rapport qui donne une information de base, puisqu'il décrit un paysage général des institutions pénitentiaires et rappelle un certain nombre d'éléments que nous ignorons si nous n'appartenons pas à cette commission. J'ai également été séduite par le fait que le rapport de cette commission ne soit pas seulement un rapport adressé au Conseil d'Etat pour obtenir certains changements, mais qu'il soit aussi un rapport global, auto-réflexif sur les finalités, les modalités de travail, les moyens, la crédibilité de cette commission, et propose plusieurs invites générales qui concernent les établissements pénitenciers eux-mêmes, leur personnel, etc.

Aussi, les bras m'en tombent-ils quand j'entends M. Froidevaux - qui ne m'écoute pas ! - dire que ces recommandations ne s'adressent à personne. Si tel devait être le cas, je désespérerais de l'autorité de tutelle de ces établissements, donc de notre Conseil d'Etat. Je crois au contraire que ces incitations à une meilleure écoute des détenus, à une meilleure formation continue des gardiens, à une meilleure collaboration intercantonale, à une meilleure évaluation de l'ensemble des relations se nouant à l'intérieur de l'institution et au moment de la sortie, sont autant de recommandations qui circulent dans l'opinion publique depuis longtemps et qui sont évidemment particulièrement chères à tous ceux qui travaillent dans et autour du milieu carcéral.

Je considère donc que ces incitations doivent être entendues par le Conseil d'Etat, comme par la commission et par le Grand Conseil, et c'est avec plaisir que je voterai ce rapport.

Le président. Deux personnes ont encore demandé la parole. Je vous propose de clore le débat après les avoir entendues.

Une proposition de renvoi en commission a été faite. Nous devrons donc voter en priorité sur cette proposition.

Mme Janine Berberat (L). Au sujet du renvoi en commission, je suis désolée de contredire M. Froidevaux, mais il faut savoir que la commission a été renouvelée aux deux tiers, comme je l'ai dit tout à l'heure. Lui renvoyer ce rapport, ce serait le soumettre à six personnes qui n'ont pas participé aux travaux de l'année dernière ! De plus, nous sommes maintenant en train de visiter les établissements - ceux qui veulent bien nous accueillir - et nous préparons déjà le rapport suivant.

Je vous propose donc que chacun prenne ses responsabilités quant à ce rapport et que nous passions au rapport suivant, celui de l'année prochaine. Vous verrez si vous y retrouvez ce que vous cherchez, ou si vous le jugez trop conventionnel. De toute façon, pour la commission, c'est une page qui se tourne : les deux rapports ont été établis, prenons nos responsabilités et votons !

M. Gérard Ramseyer. Madame Ruchat, je ne me lasse pas de vous entendre. J'aimerais vous dire qu'aujourd'hui on est particulièrement servi ! On attendait de votre part un rapport de synthèse sur une série de procès-verbaux factuels : vous avez fourni un document intéressant, bien fait, original, provocateur, provocant même à l'excès, sur vos idées en matière pénitentiaire. Je dirais que c'est votre problème et celui de la commission, cela ne me regarde pas !

En revanche, Madame, je ne peux laisser passer deux choses. Tout d'abord, vous avez dit qu'il n'y avait pas de politique pénitentiaire en Suisse, qu'il n'y en avait pas à Genève : c'est faux ! Il y a une politique pénitentiaire qui est constamment en réexamen, avec des sociologues, des gens de votre milieu, des gens de votre bord, et le débat à ce sujet est constamment nourri. Que vos idées n'aient pas triomphé, ce n'est pas de ma faute, mais c'est ainsi !

Je ne peux laisser passer non plus une chose qui me paraît énorme. Vous aimeriez contrôler la justice ! Dois-je vous rappeler qu'il y a séparation des pouvoirs ? Là aussi, vous proposez quelque chose de très provocateur et de très personnel : une commission du parlement devrait contrôler les punitions imposées par la justice ! Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas demain la veille que cela va passer !

Cela étant, en ce qui me concerne je prends votre rapport - je le répète, c'est votre rapport - comme un élément du débat qui existe au niveau du concordat romand. Je vous rappelle, une fois encore, que Champ-Dollon est une prison préventive, alors que toutes vos critiques concernent les pénitenciers qui, manque de chance, sont tous situés ailleurs qu'à Genève. Je n'en dis pas plus ! Ce document me paraît intéressant parce qu'il apporte des idées, mais ce n'est vraiment pas le rapport de synthèse que l'on attend de la commission des visiteurs officiels ; d'où le débat que vous avez à l'intérieur de cette commission et dans lequel je ne veux pas m'immiscer.

Le président. La proposition de renvoi en commission est-elle maintenue ? Elle est retirée !

Bien, nous passons au vote du rapport à l'appel nominal, comme cela a été demandé. (Appuyé.) Mesdames et Messieurs les députés, veuillez regagner vos places. Il y a encore beaucoup de points à l'ordre du jour, ne perdons pas de temps !

Celles et ceux qui approuvent le rapport de majorité répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Le rapport de majorité est approuvé par 47 oui contre 38 non.

Ont voté oui (47) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Pierre-Alain Champod (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Régis de Battista (S)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

René Ecuyer (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Magdalena Filipowski (AG)

Luc Gilly (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

René Longet (S)

Louiza Mottaz (Ve)

Chaïm Nissim (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Albert Rodrik (S)

Martine Ruchat (AG)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni (S)

Pierre Vanek (AG)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Ont voté non (38) :

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Madeleine Bernasconi (R)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Christian de Saussure (L)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Daniel Ducommun (R)

John Dupraz (R)

Pierre Froidevaux (R)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Armand Lombard (L)

Pierre Marti (DC)

Alain-Dominique Mauris (L)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean-Marc Odier (R)

Barbara Polla (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Walter Spinucci (R)

Micheline Spoerri (L)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Personne ne s'est abstenu

Etaient excusés à la séance (5) :

Hervé Dessimoz (R)

Pierre Ducrest (L)

Marie-Thérèse Engelberts (DC)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Meyll (AG)

Etaient absents au moment du vote (9) :

Jacques Béné (L)

Juliette Buffat (L)

Henri Duvillard (DC)

Christian Ferrazino (AG)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Philippe Glatz (DC)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Claude Haegi (L)

Bernard Lescaze (R)

Présidence :

M. Jean Spielmann, président.