Séance du
vendredi 26 mars 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
5e
session -
12e
séance
IU 634
M. Robert Cramer. Mme Mottaz m'a interpellé au sujet d'un tas de compost situé près de l'hôpital de gériatrie et de la clinique de psychogériatrie. Ce compost est lié au projet d'une installation de méthanisation du Groupement intercommunal de compostage Arve-Lac, le GICAL.
Le propriétaire des parcelles sur lesquelles l'installation devrait être construite a anticipé sur la réalisation de l'installation et commencé à récolter des déchets, l'an passé déjà. Aujourd'hui, ce tas est de 7 000 m3. Il s'agit essentiellement de branchages dans un état de dégradation peu avancé. En l'absence de traitement, le processus de compostage ne peut se poursuivre que très lentement. L'andin - terme technique désignant ce compost - est donc pratiquement stabilisé et les déchets n'évoluent pour ainsi dire pas.
Cela dit, alertée par la commune de Vandoeuvres en juillet 1998, la direction de l'environnement a sommé le détenteur du tas de l'évacuer et de remettre en état ses parcelles en lui impartissant un délai au 15 octobre 1998. Pour ma part, j'ai invité les représentants des communes de la zone GICAL à ne plus livrer de déchets compostables à cette installation, ce qui a effectivement été fait, de sorte que, depuis cet avertissement, le tas n'a plus augmenté.
Toutefois, en ce qui concerne l'évacuation et la remise en état des parcelles, le propriétaire n'a pas réagi, malgré de nombreux rappels. En janvier 1999, la direction de l'environnement a donc commencé à préparer une mesure d'évacuation d'office. C'est alors que l'université de Neuchâtel, mandatée pour analyser le compost, a mis en évidence la présence de grandes quantités de spores du type aspergillus fumigatus, champignon pathogène caractéristique des composts mal dégradés. Les échantillons analysés ont montré une concentration de ce champignon d'environ un million de spores par gramme de compost, alors qu'une concentration de plus de 100 000 spores par gramme indique que la place de compostage est mal gérée.
Dès lors, un problème de santé publique s'est posé. En effet, les émanations d'aspergillus fumigatus peuvent provoquer certains problèmes de santé, à savoir des difficultés respiratoires ou des réactions allergiques. Ces émanations peuvent même avoir des incidences graves pour certaines catégories de patients à risque, notamment les patients sous corticothérapie, sous traitement immunosuppresseur ou sous chimiothérapie. Chez bon nombre de ces patients, une aspergillose peut conduire à une issue fatale...
Bernard Annen. Tu es sûr de ce que tu dis ?
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. C'est ce que disent les experts de l'université de Neuchâtel. Selon eux, des atteintes à la santé publique ne peuvent toutefois se produire que dans le cas de manipulation ou de déplacement de l'andin. De telles opérations, notamment par temps sec et chaud et par forte bise, peuvent provoquer des formations d'aérosols riches en moisissures et leur dispersion sur plusieurs centaines de mètres.
Nous avons donc préparé un plan d'évacuation tenant compte du risque potentiel lié à ce déplacement. L'évacuation, pour avoir lieu dans de bonnes conditions, devra se dérouler sur une semaine, voire deux, et être effectuée à l'aide de bennes fermées. Les conditions météorologiques devront être favorables, c'est-à-dire que l'évacuation devra avoir lieu en période froide et en l'absence de vent. Des mesures techniques, comme l'aspersion du compost et du front d'attaque par un brouillard d'eau, seront prises.
Par ailleurs, la protection du voisinage sera assurée par des médecins qui s'occuperont également de l'information des habitants. Enfin, il est prévu que tous les patients à risque soient évacués des hôpitaux proches pendant la durée de l'opération.
Voilà pour la réponse aux deux premières questions que vous avez posées, à savoir les mesures de protection et d'information des habitants alentour prévues durant la période d'évacuation.
La question suivante était : qui gérera les opérations d'évacuation ? En l'état actuel de la législation, la décision d'ordonner les travaux d'office ne peut être prise que pour des raisons de santé publique et donc par le médecin cantonal. A cet égard, je ne peux que vous inciter à adopter le plus rapidement possible la loi sur les déchets - qui est à l'ordre du jour de cette séance mais qui ne sera vraisemblablement pas traitée ce soir - et qui confère certaines compétences en la matière au département. Une fois la décision prise par le médecin cantonal, il incombe ensuite à la direction de l'environnement de s'occuper des opérations techniques d'évacuation, dans la mesure où ses services ont une certaine expérience en matière de gestion de déchets.
Quatrième question : pourquoi faut-il déplacer le tas de compost et quelle est sa destination ? Ce dernier est situé en zone A et B de protection des eaux et à 150 mètres environ du cours de la Seymaz. Les déchets sont déposés à même le sol et risquent de polluer le sous-sol, voire la Seymaz, en cas de fortes pluies ou d'inondation. En l'absence de véritable traitement, c'est-à-dire d'aération et de retournement du compost - dont on a vu les dangers sur la santé publique - celui-ci ne peut évoluer que très lentement. Par conséquent, si l'on n'intervient pas, le problème ne se réglera pas de lui-même et le risque pour l'environnement subsistera.
Dès lors, deux possibilités de traitement s'offrent à nous : soit l'évacuation, soit le traitement des déchets sur place, grâce à l'installation prévue par le GICAL. Mais cette deuxième solution, outre le fait que l'installation du GICAL n'existe pas encore, requiert des précautions toutes particulières, en raison des risques liés à la manipulation de l'andin.
S'agissant des problèmes essentiels de santé publique, quel est le risque de dispersion des spores en l'absence de manipulation de l'andin ? Dans un tel cas, le risque de dispersion dans l'air des spores des moisissures est extrêmement faible, de même que le risque d'atteinte à la santé publique. Il va de soi qu'il convient de faire une réserve pour les cas de très grands vents, qui pourraient entraîner quelques spores à grande distance. Mais en réalité les véritables risques n'existent qu'en cas de manipulation importante, particulièrement si elle survient par temps chaud.
En conclusion, toutes les mesures nécessaires seront prises pour faire disparaître ce tas dès que cela sera possible, c'est-à-dire, concrètement, dès le mois de novembre, lorsque le froid sera revenu. Cette question relève du médecin cantonal en l'état actuel de la législation, puisqu'il s'agit d'une question de santé publique. Comme lui, nous disons que pour le moment ce compost doit continuer à faire l'objet d'une surveillance, en attendant que les conditions propices soient réunies pour régler définitivement le problème.
Cette interpellation urgente est close.