Séance du
vendredi 26 février 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
4e
session -
7e
séance
IU 619 et objet(s) lié(s)
24. Réponse du Conseil d'Etat aux objets suivants :
Mme Martine Brunschwig Graf. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si vous m'y autorisez, je souhaiterais traiter les deux interpellations 619 et 627 ensemble, puisqu'elles posent des questions semblables - avec une expression de stupéfaction encore plus nette pour M. Gilly que celle exprimée par Mme Cogne, d'après les libellés que j'ai retrouvé sur ma table... Je vais donc essayer de vous apporter des réponses à la hauteur de vos inquiétudes.
Je ne vais pas entrer dans le détail de la problématique relative à la question kurde - puisque nous allons traiter ce soir de deux résolutions sur ce sujet - mais répondre plus globalement à un certain nombre de questions que vous avez posées.
Nous avons, à Genève, une police qui - et je crois que chacun s'est plu à le reconnaître lors des événements de la semaine dernière - a bien assumé sa mission, en restant dans ses attributions, avec sagesse et retenue, ce qui n'a pas peu contribué à la résolution de la problématique qui s'est posée, soit lors de l'occupation des locaux de l'ONU, soit lors de l'occupation des locaux du HCR, soit encore lors de la tentative d'occupation du Conseil oecuménique des églises.
Cela dit, je rappelle que la police genevoise, dans ses tâches habituelles, a une mission de sécurité locale. Elle apporte ses services à la population, et je suis particulièrement attachée à certains d'entre eux, notamment ceux de la brigade des mineurs qui est un élément précieux et très apprécié qui permet d'assurer la sécurité dans les zones les plus difficiles. Elle assure différentes tâches, y compris en période normale la sécurité des organisations internationales et des nombreuses missions permanentes installées à Genève.
Il serait faux pour vous et pour nous de traiter ce problème en montrant du doigt la communauté kurde. Je vous rappelle que cette communauté compte en Suisse et notamment à Genève un certain nombre de ressortissants qui y vivent toute l'année. Elle est accueillie dans notre cité avec les égards qui lui sont dus et ses enfants séjournent dans nos écoles.
Mais ce n'est pas la question qui est posée en matière de sécurité. Il faut distinguer les actions qui peuvent être menées par certains groupes politiques, terroristes parfois ou militaires vis-à-vis d'organisations internationales ou de missions diplomatiques pour lesquelles il est nécessaire d'assurer la sécurité qui s'impose. C'est de cela qu'il s'agit ici.
Or, si nous voulons, dans des périodes un peu tendues - qui peuvent concerner des mouvements comme le PKK mais qui peuvent en concerner d'autres à d'autres périodes - assurer à la fois la sécurité locale, le service à la population, la sécurité de l'aéroport et celles d'organisations et de missions internationales, il faut savoir que la police genevoise, qui n'a pas augmenté ses effectifs, ne peut pas remplir toutes ces missions.
C'est d'ailleurs dans l'intérêt de la cité que la police ne soit pas surmenée, et ceux qui auront vu des débats et des reportages sur la question savent qu'il est important de pouvoir compter sur des effectifs qui bénéficient du repos nécessaire. Tel n'était pas le cas à la fin de la semaine dernière.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a fait appel à l'armée, pour des missions extrêmement spécifiques qui concernent la sécurité des organisations internationales, des missions diplomatiques et de l'aéroport. Il ne s'agit en aucun cas de missions de maintien de l'ordre, qui appartiennent à la police et pour lesquelles l'armée n'est pas formée. Personnellement, je m'opposerai toujours à ce que l'armée puisse se retrouver en contact direct avec des manifestants ou être utilisée dans des opérations de maintien de l'ordre dans la ville.
En l'occurrence, je vous signale que les missions confiées à l'armée sont du même ordre que celles qui lui furent confiées en 1988 lors de la visite de M. Yasser Arafat par exemple. La mission spécifique de l'armée englobait au premier chef la sécurité des lieux de résidence, des bâtiments de l'ONU et des missions diplomatiques.
Concernant l'intervention de l'armée, il est donc clairement établi - et, avant de venir vous retrouver ce soir, j'ai eu des entretiens extrêmement clairs à ce sujet - qu'il ne s'agirait que de missions de sécurité, placées sous la responsabilité de l'autorité civile et non pas militaire. L'autorité civile est donc habilitée non seulement à requérir cette intervention mais à la contrôler, le cas échéant, et ceci est parfaitement garanti.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le fait d'obtenir un soutien de l'armée, dans des missions pour lesquelles elle est formée et qui se déroulent dans des périmètres strictement délimités, permet à la police de remplir son rôle là où on en a le plus besoin.
Prévoir une intervention de ce type ne signifie nullement que nous visons telle ou telle communauté, mais vous comprendriez mal, Mesdames et Messieurs, que, lorsqu'il s'agit de remplir une mission internationale, nous ne soyons pas en mesure, collectivement, de l'assurer. Comme vous le savez, nous avons aussi recours aux polices intercantonales, mais leur action ne peut être que très limitée car elles sont aussi requises dans leurs propres cantons pour les mesures de sécurité locale qui leur incombent. C'est la raison pour laquelle, dans le strict respect des règles de l'autorité civile, nous avons demandé au Conseil fédéral l'autorisation de recourir à l'armée.
Mesdames et Messieurs les députés, Genève a une histoire que nous connaissons tous, et c'est le souci du Conseil d'Etat et le nôtre de veiller à ce que cette mission tienne compte de ce que l'Histoire nous a montré en 1932. Je vous rappelle que c'est pour cette raison que nous avons souhaité conserver un département des affaires militaires et que nous ne l'avons pas fusionné dans un département dit de la sécurité mêlant armée et forces de police. Ce système nous permet de délimiter de façon extrêmement claire le cadre dans lequel l'armée peut intervenir et celui dans lequel elle ne doit pas intervenir.
Pour le reste, comme je m'y suis engagée, je répondrai plus précisément à la problématique liée aux Kurdes lors du débat sur les résolutions, tout à l'heure.
Le président. Monsieur Gilly, êtes-vous satisfait ou souhaitez-vous un complément d'information ?
M. Luc Gilly (AdG). Je me satisfais de la réponse pour le moment. J'attends effectivement que, lors de la discussion des résolutions sur les Kurdes, les questions posées obtiennent une réponse claire, s'agissant d'un dialogue avec la communauté kurde établie à Genève pour discuter de ce problème et de la tenue d'une conférence internationale à Genève.
Ces interpellations urgentes sont closes.