Séance du
vendredi 22 janvier 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
3e
session -
4e
séance
P 1199-A
Le 10 novembre 1997, l'association « Action Patrimoine Vivant »(APV) déposait la pétition ci-dessous, munie de 7 signatures.
Préambule
Cette pétition vise à protéger le village de Choulex et plus particulièrement le site que les pétitionnaires appellent le coteau domanial, la partie du village - rue de Choulex et de Chevrier - en bordure de la plaine de la Seymaz. Les pétitionnaires craignent que les projets immobiliers actuels endommagent le site. Dans ce cadre, ils appuient la demande de préparation et d'adoption d'un plan de site pour le village de Choulex.
La Commission des pétitions, présidée par Mme Mireille Gossauer, a examiné cette pétition lors des séances des 29 juin, 7 septembre, 28 septembre et le 5 octobre 1998 et a auditionné Mme Erica Deuber-Pauli, représentante de l'APV, Mme Christiane Jousson, maire de Choulex, Mme Ortis, architecte, M. Jousson, président de la Commission d'aménagement de la commune de Choulex, les pétitionnaires MM. Marquis et Chouet.
Les pétitionnaires sont opposés au projet de construction d'une route à sens unique entre le chemin de Bellecombe et le carrefour de la Vy-des-Baux. Cette route endommagerait ce que les pétitionnaires appellent « le coteau » de Choulex. De plus, la commune doit déclasser cette zone agricole pour construire la route. Et, cette zone serait le seul endroit où un agriculteur puisse faire paître ses vaches.
Audition de Mme Deuber-Pauli, membre de l'association Action Patrimoine Vivant (APV)
Mme Deuber-Pauli signale que l'APV a été interpellée par les habitants de Choulex. L'APV s'oppose à la construction de logements sur la parcelle définie par les pétitionnaires comme « le coteau » de Choulex et à la construction en deuxième rang, dans la pente en zone constructible, car cela met en péril l'image du village. L'adoption d'un plan de site permettrait de protéger le village. Mme Deuber-Pauli reconnaît que les propriétaires des terrains ne seront pas dédommagés si le plan de site est accepté.
Audition de Mme Ortis, architecte
Mme Ortis a effectué une analyse du plan directeur du village de Choulex en 1988. La commune, dans une volonté de recherche rationnelle des zones à bâtir, a demandé à Mme Ortis d'examiner l'impact d'un indice d'utilisation (rapport entre la surface brute de plancher et la surface de la parcelle) de 0,6. L'intention de la commune n'était pas de modifier le plan directeur de 74-75, mais de contrôler le passage d'un indice de 0,4 à 0,6 pour les parcelles situées dans la zone 4B protégée de Choulex. Cela impliquerait de nouvelles constructions en deuxième rang.
Mme Ortis met en avant la difficulté pour adopter un plan de site. La commune doit en effet donner un préavis. De plus, l'intention de la commune est d'utiliser le terrain qu'elle a acquis pour construire des logements sociaux. Si la commune est soumise à un plan de site, dans ce cas, il s'agit d'une expropriation. De plus, l'élaboration d'un plan de site est chère (50 000 francs). Mme Ortis souligne que la construction de logements sur la colline n'est pas chose facile, car il faut intégrer ces constructions dans le village sans endommager la région.
Audition de Mme Jousson (maire de Choulex), de M. Jousson (architecte, président de la Commission d'aménagement du territoire de la commune de Choulex)
Mme Jousson met en avant la nécessité pour la commune de Choulex de construire des logements pour les jeunes et les personnes âgées. La commune a comme projet de construire deux petits immeubles sur un terrain en zone 4B (terrain à bâtir) lui appartenant, situé au bout du chemin de Bellecombe. La villa se trouvant déjà sur ce terrain serait rasée et le chemin de Bellecombe, qui est l'accès à la villa, devra être élargi. Mme Jousson indique qu'il y a déjà de nombreux deuxièmes fronts de maisons de l'autre côté de la colline de Choulex.
M. Jousson précise, qu'il n'y aurait pas de déclassement à faire car il n'y a pas de terrain agricole dans cette zone, qui est une zone 4B protégée.
Mme Jousson déplore le fait que les pétitionnaires ne soient pas venus la trouver. Elle n'était pas informée de la pétition.
Discussions, remarques et vote de la commission
Suite à ces différentes auditions et dans le respect de l'autonomie communale, la commission propose de déposer la pétition 1199 sur le bureau du Grand Conseil, ceci par 10 oui (3 S, 2 DC, 2 R, 3L) et 4 abstentions (2 AdG et 2 Ve).
La commission vous propose ce choix, pour les raisons suivantes :
les pétitionnaires n'ont jamais rencontré la commune ;
le coût d'un plan de site est trop élevé ;
le sympathique agriculteur a trouvé, très proche du village, du terrain pour ses vaches ;
la construction de ces bâtiments servira à loger des personnes âgées ainsi que les jeunes de la commune ;
un deuxième front existe déjà ;
une commissaire déplore que l'engrenage a été déclenché au moment où le premier déclassement a eu lieu pour permettre la construction d'une villa ;
et pour conclure, le terme « coteau » concernant la parcelle sous la mairie est utilisé d'une manière plutôt maladroite, car la commission a surtout vu un pré « qui penche ».
La majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignement.
Pétition(1199)
pour l'adoption d'un plan de site du village de Choulex
Mesdames etMessieurs les députés,
Ainsi que cela est exposé dans les documents en annexe à la présente, l'Association ACTION PATRIMOINE VIVANT a adressé au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, en date du 10 novembre 1997, une demande d'adoption d'un plan de site pour le village de Choulex.
Certains des citoyens de notre commune ayant décidé de soutenir la demande évoquée ci-dessus ont signé et fait signer la pétition que nous avons l'honneur, pour compte de ses signataires, de vous acheminer ci-joint, en 42 bulletins contenant 179 signatures.
Nous vous en souhaitons bonne réception et vous remercions d'avance, au nom de tous les pétitionnaires, de bien vouloir donner à notre démarche la suite qu'elle comporte.
Les soussignés restent à votre entière disposition pour collaborer avec qui il appartiendra dans la procédure initiée par ACTION PATRIMOINE VIVANT et appuyée par les signataires de la présente pétition.
Veuillez croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, à l'assurance de notre haute considération.
N.B. : 179 signatures
M. .
Débat
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Permettez-moi d'ajouter quelques éléments à ce rapport qui me paraît extrêmement laconique et qui ne traduit en rien les débats qui ont eu lieu lors de mon audition par la commission des pétitions.
La demande d'un plan de site faite par des pétitionnaires n'est pas très usuelle. Bien qu'un tel dispositif existe dans la loi depuis un certain nombre d'années, il a été relativement peu utilisé. Il n'est pas très courant de le demander pour un segment ou un village entier dont la caractéristique - dans le cas de Choulex - est d'être constitué en rue dans la partie basse d'un territoire féodal autrefois dominé de maisons fortes, puis d'un domaine au XVIIIe siècle, enfin d'équipements publics communaux - église, mairie, école - dans le coteau qui domine la plaine de la Seymaz. La partie basse a été utilisée par les paysans, des paysans pauvres, savoyards à l'époque, pour développer un village longeant la rue.
Par la suite, ce village a pu prospérer au cours du XXe siècle, grâce notamment à la canalisation de la Seymaz et au drainage de cette plaine. Vous connaissez tous la volonté actuelle - que je salue en passant - de remise à l'état naturel d'une partie de la Seymaz dans cette partie très remarquable de notre territoire. Je trouverais intéressant que l'on tienne compte de ce facteur en étudiant la demande d'un plan de site déposée par une association d'habitants, qui s'est constituée, suite à un ras-le-bol. Cette association n'est pas composée de membres agités et volontiers enflammés pour la défense de leur quartier. Ils ont beaucoup hésité avant de lancer une pétition et ont, auparavant, pris conseil auprès d'Action Patrimoine vivant, association à laquelle j'appartiens. Nous aurions pu agir d'une autre manière, en demandant un déclassement, par exemple.
Le terrain en question se situe entre le village du bas et le coteau essentiellement viticole et concerne la portion comprise entre le bas du village et le haut du village, entre la rue et l'école. Dans les années 50, une villa s'est construite sur le coteau en zone agricole pour laquelle une poche assez impressionnante a été créée dans le plan du village délimitant la zone 4B protégée. C'est dans cette poche formée par un long rectangle, coupant la colline en deux, qu'un propriétaire entend aujourd'hui construire un immeuble et que, dans les années à venir, la commune entend en construire deux autres. Afin de respecter la morphologie de ce double village et éviter de morceler les prairies qui séparent le haut du bas - où paît actuellement un des plus beaux troupeaux de vaches du canton - les habitants se sont réunis pour demander un plan de site. L'étude de ce plan permettrait de mettre à jour la conséquence possible d'une désaffectation de cette zone 4B protégée dans ce secteur pour la rendre à la zone agricole ou, le cas échéant, la transformer en une zone de verdure.
L'Alliance de gauche soutient cette pétition et refuse qu'elle soit simplement déposée sur le bureau du Grand Conseil. En raison des efforts que la communauté va entreprendre pour payer le retour à la nature et la remise en valeur de cette portion du territoire, l'Alliance de gauche vous demande de veiller aussi - même s'il en résulte un certain manque à gagner pour des propriétaires désireux de lotir - de prendre également en considération la qualité morphologique extrêmement fine de ce village qui a subi déjà de très lourdes atteintes. Tous les jardins et les prés aux alentours des maisons sises dans la zone 4B protégée sont en ce moment occupés par des constructions. Cela ne peut que continuer si on ne donne pas un signal politique indiquant que la volonté des habitants de protéger leur village nous paraît raisonnable.
Je vous demande donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Janine Hagmann (L). J'apprécie énormément les propos de Mme Deuber-Pauli que j'ai déjà eu l'honneur d'entendre lors de son audition à la commission des pétitions, et son discours historique a intéressé toutes les personnes présentes. J'ai du reste acheté son livre à la suite de cette entrevue.
Nous nous sommes rendus sur place avec la commission des pétitions. Sous la présidence de Mme Gossauer, cette commission a effectué un travail très sérieux, et je suis un peu étonnée d'entendre, ce soir, dans cette salle, exactement le même discours, que celui que nous avons déjà entendu. Nous ne pouvons pas refaire tout le travail de commission ce soir pas plus que nous ne pouvons écouter la maire de Choulex qui avait d'autres arguments que la commission a jugés tout à fait valables. En effet, l'exécutif de Choulex et son conseil municipal tiennent absolument à créer des logements pour les communiers, personnes âgées ou jeunes, car il existe une demande pour ce type de logements, mais les autorités choulésiennes ont refusé d'établir un plan de site.
Madame Deuber-Pauli, vous êtes parfaitement au courant qu'un tel plan coûte très cher, lorsqu'il doit être fait par une commune. Vous avez beau hocher la tête, les maires présents dans cette salle savent bien que c'est très onéreux et, surtout, très contraignant. La commission des pétitions a travaillé au plus près de sa conscience en se rendant sur place. Elle a vu «la poche» dont vous parlez. C'est un problème déjà ancien, antérieur à la législation actuelle.
Cette demande de pétition est irrecevable. Elle est contraire au principe de l'autonomie communale. C'est pourquoi la commission, à l'unanimité des membres présents, demande que cette pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Le moins que l'on puisse dire au sujet de cette pétition, c'est que les commissaires ont entendu tellement de propos contradictoires qu'il était difficile de se faire non seulement une opinion mais de savoir qui disait la vérité. Il semblerait qu'entre autorités communales et habitants de la commune pétitionnaire on ne parle pas la même langue. Il n'était pas facile de mener nos travaux dans ce contexte. Au nom des Verts, j'aimerais expliquer pourquoi, dans un premier temps, nous avions accepté le dépôt de cette pétition et pourquoi, finalement, nous sommes favorables à son renvoi au Conseil d'Etat.
En effet, les raisons évoquées dans le rapport pour justifier le choix de la commission ne sont pas les nôtres et ne reflètent pas notre opinion. Une des raisons évoquées est primordiale et constitue, pour nous, la véritable raison. Elle figure en cinquième ligne du rapport : un deuxième front existe déjà. Il est vrai que ce village a déjà été passablement massacré et c'est la raison qui nous avait fait baisser les bras en constatant qu'il était un peu tard pour réagir.
Ainsi que je l'avais déjà exprimé en commission, le début de cet engrenage a été déclenché lors d'un premier déclassement qui permettait à un propriétaire privé de construire sa villa sur un coteau situé hors d'une zone constructible. Suite à ce déclassement, il est aujourd'hui possible de construire sur ce coteau. Le reste du village a déjà beaucoup été abîmé par des constructions anarchiques. Cependant, il reste encore des endroits à préserver et, comme la commune ne semble pas manifester de velléités pour protéger son territoire, nous pensons qu'il faut passer par le Conseil d'Etat pour demander qu'un plan de site soit déposé, afin de sauver ce qui peut encore l'être.
M. Régis de Battista (S). Il s'agit d'une pétition un peu délicate. Les socialistes demandent simplement le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Ce n'est pas une position facile, car il vrai que nous nous étions fait une opinion lors des discussions en commission et qu'ensuite - comme l'a très bien expliqué Mme Dallèves-Romaneschi - nous avons eu d'autres informations, si bien que l'on ne sait plus très bien où se situe la vérité.
Concrètement, nous n'allons pas nous battre pour maintenir notre position, car cette pétition soulève malgré tout la question des plans de site qui permettent de protéger les villages d'un développement démesuré. Il s'agit pour nous de rester cohérents. Nous aimerions revenir sur la question du plan de site, avec de nouvelles informations sur la commune de Choulex, par un éventuel projet de loi qui a été évoqué et qui correspond à notre vision de l'avenir. Suite à un entretien avec Mme la maire de Choulex, nous avons été convaincus qu'il s'agissait d'une affaire communale plutôt que cantonale. Cette pétition concernait essentiellement un bâtiment destiné aux personnes âgées et aux jeunes, afin que ces derniers ne quittent pas la commune. Il y avait là une approche sociale, et c'est la raison pour laquelle nous maintenons notre position.
M. Pierre-François Unger (PDC). Je ne vais pas intervenir sur le fond que je ne connais pas bien, en dehors de l'excellent rapport de M. Serex et du complément que vous avez la gentillesse de nous apporter, Madame Deuber. Je m'interroge plutôt sur la méthode utilisée. En effet, un travail a été effectué en commission de manière extrêmement soigneuse et démocratique; l'ensemble des gens a été entendu. Le vote de la commission est clair et les députés de l'Alliance de gauche, Madame, vous ont entendue. En dépit de vos explications, ils se sont abstenus. Revenir en plénière pour refaire systématiquement les débats de commission, modifier les votes, pose un réel problème de fonctionnement de notre parlement. Je crois que, dans cette affaire, l'autonomie communale est éminemment respectable. Les autorités de cette commune ont été régulièrement élues et les besoins de la commune sont clairs.
Monsieur de Battista, je n'ai pas très bien compris votre position de girouette ni le sens dans lequel vous tourniez ! Je vous laisse volontiers au bénéfice du doute, puisque Edgar Faure disait : «Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c'est le vent»... Mais c'est bien la dernière fois !
M. Laurent Moutinot. Le village de Choulex pose toute une série de problèmes de nature assez différente. Je comprends donc la confusion qui a pu se produire à certains moments.
Le plan de site demandé par cette pétition est totalement excessif. Il englobe un périmètre gigantesque, composé de constructions récentes, sans aucun intérêt, de surfaces non bâties qui peuvent être préservées d'une manière ou d'une autre et comprend également le vieux Choulex qui, lui, mérite d'être protégé. Le plan de site tel qu'il nous est demandé est irrecevable.
Deuxième problème : la zone à bâtir de Choulex comporte, il est vrai, une assez curieuse verrue qui est probablement le détonateur de toute cette histoire, verrue qui appartient à l'heure actuelle à la commune avec les projets de logements rappelés par M. de Battista. S'agissant d'une zone à bâtir existante, il me paraît assez peu concevable - sauf par le biais d'une expropriation ou d'un rachat par les pouvoir publics - que l'on puisse faire autrement que d'accepter les droits à bâtir existants. En revanche, il est vrai que cette verrue pose un problème d'intégration du site en raison du coteau situé entre Choulex et la mairie de Choulex. Il conviendra, par conséquent, que la construction à cet endroit soit absolument la plus harmonieuse possible et respecte le site.
Troisième problème : cette parcelle est difficile d'accès. L'une des demandes des pétitionnaires, évoquée par Mme Deuber-Pauli, était d'éviter que l'on construise une route sur le coteau. Je suis absolument d'accord avec vous : il est exclu de construire une route sur ce coteau. L'accès à la parcelle doit avoir lieu par les cheminements existants, depuis le village de Choulex.
Quatrième problème : celui du vieux village de Choulex qui mérite d'être protégé. Vous demandez d'éviter qu'il soit construit en double front. Je pense que vous avez aussi raison sur ce point.
En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, un certain nombre d'éléments méritent manifestement attention et protection, et j'y veille. En revanche, certaines demandes d'intervention, par le biais du plan de site, sont totalement démesurées. Entre le classement - qui serait excessif, car il indiquerait aux pétitionnaires qu'on ne les prend pas au sérieux - ou le renvoi au Conseil d'Etat, qui est une adhésion totale de votre part à la pétition, le choix de votre commission de déposer ce texte sur le bureau du Grand Conseil est celui que je vous demande de faire.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat est rejetée.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.