Séance du mardi 22 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 62e séance

No 62/IX

SEANCE EXTRAORDINAIRE

Mardi 22 décembre 1998,

soir

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Jacques Béné, Dolorès Loly Bolay, Jacqueline Cogne, Jean-Pierre Gardiol, Yvonne Humbert et Olivier Vaucher, députés.

3. Déclarations du Conseil d'Etat.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les citoyens ont tranché, ce dimanche 20 décembre 1998. Ils ont très clairement refusé le projet de loi constitutionnelle visant à l'assainissement des finances publiques. Le gouvernement en prend acte. Il tient cependant à remercier celles et ceux qui se sont engagés dans le processus de réflexion et de concertation mené durant les mois d'été. Il tient à relever aussi combien précieux ont été les moments consacrés au dialogue avec les citoyens. Tous ces efforts n'auront pas suffi à convaincre de la nécessité d'accepter des mesures difficiles, mais équilibrées et mesurées. Tous les arrondissements ont refusé le projet, suivant en cela une tradition genevoise désormais bien établie où l'on s'oppose à toute augmentation des recettes fiscales mais où la conjonction des «non» s'allie pour refuser toute mesure d'économies ou de restructuration.

Notre histoire récente est jalonnée de votes où la population s'est très clairement exprimée en faveur d'un redressement des finances publiques : elle l'a démontré en février 1994 en adoptant massivement le projet de loi du Grand Conseil visant le rétablissement des finances ; elle l'a fait en juin 1995 en acceptant l'initiative exigeant l'audit de l'Etat. Elle l'a prouvé également en approuvant très clairement l'objectif de redressement et d'assainissement des finances fédérales en septembre 1998.

Tout aussi fermement, les citoyens ont rejeté les initiatives de mars 1996 visant à imposer davantage le capital et les grandes fortunes, tout comme en juin 1998 l'augmentation de l'impôt sur les gains immobiliers. Rejetées aussi la fermeture de la clinique de Montana et l'autonomisation du Service des automobiles et de la navigation en décembre 1994 ; ces échecs seront suivis en juin 1998 de celui du RHUSO. Aussi, le résultat du 20 décembre ne peut en aucun cas être interprété comme un encouragement à augmenter les impôts. Il nous montre en outre que les économies, dès lors qu'elles revêtent des formes concrètes, peinent à passer le cap du vote populaire.

Le vote passé, le déficit demeure ; 2,6 millions de francs auront été versés durant ces deux jours écoulés pour acquitter les intérêts d'une dette qui dépasse toujours 10 milliards de francs.

Soucieux d'assumer ses responsabilités, le Conseil d'Etat retire le projet de budget 1999. Il considère en effet qu'il lui revient de revenir devant votre Conseil avec un nouveau projet. Mais il convient de parler clair. Notre Conseil l'avait souligné durant la campagne qui a précédé le vote : les décisions à prendre seront sans doute plus douloureuses et personne n'aura gagné à jouer la montre.

Pour l'heure, ce sont les douzièmes provisionnels qui vous sont soumis. Limités à six mois, appliqués aussi bien aux investissements qu'au fonctionnement, excluant toute augmentation des prestations, des subventions ou des salaires, gelant certains projets d'investissement importants et stratégiques, les douzièmes impliquent que les dépenses soient ramenées à leur niveau 1998 et que les effectifs autorisés soient ceux limités par le budget 1998 aussi. Cette situation n'est pas satisfaisante pour toutes celles et ceux qui se soucient d'assumer une gestion rationnelle de l'Etat dans la durée. Mais elle a le mérite d'être claire et basée sur les principes légaux qui nous régissent.

A plusieurs reprises, les citoyens ont exprimé le sentiment de devoir subir aujourd'hui les effets de mesures qui auraient dû être prises en d'autres temps. Il est bon de rappeler ici que les dépenses générales ont été réduites de 75 millions - et donc de plus d'un quart - depuis le début des années 1990. Les effectifs de la fonction publique ont été réduits d'au moins 6,5%. Quant aux mécanismes salariaux bloqués ou diminués, ils ont conduit à des non-dépenses de l'ordre de 1,3 milliard de francs. Les subventions ont, elles aussi, été revues à la baisse. Tout cela ne nous permet pas aujourd'hui d'échapper à un déficit qui retrouve en l'état ses 800 millions initiaux. Les efforts consentis n'ont pourtant pas été vains. Sans eux, les chiffres articulés ici seraient beaucoup plus faramineux. Mais il faut bien constater qu'ils ne sauraient suffire.

Certains ont cru trouver dans la relecture des événements des années trente de quoi imposer des solutions qui échappent aux mesures d'économies et permettent d'espérer des ressources substantielles tirées de contribuables bien ciblés. Il convient ici de rappeler ce que fut l'histoire dans toute sa réalité d'alors.

Retenue de 10 à 30% durant un an sur les salaires et traitements du personnel dépendant directement ou indirectement de l'Etat - mesure prolongée de trois ans par la suite - telle fut l'une des décisions que fut amené à prendre le gouvernement majoritairement très à gauche qui eut à assumer le tournant décisif du redressement des finances publiques des années trente. Aujourd'hui, certains ne s'en souviennent que peu et préfèrent évoquer les tentatives d'augmentations d'impôts, rejetées dans les années trente en scrutin populaire par ceux-là mêmes qui avaient élu le gouvernement qui les leur proposait ! Sans doute avait-on oublié que les contribuables ne pouvaient être assignés à résidence. Les centaines de personnes qui quittèrent alors Genève l'ont démontré amplement.

Rien ne devrait manquer à cet historique, même pas le fait que, déjà, l'Etat s'engageait dans la voie de l'audit en confiant à la Société fiduciaire suisse le soin d'examiner l'organisation de l'administration cantonale et les améliorations à y apporter.

Mesdames et Messieurs les députés, l'Histoire ne se reproduit que lorsqu'il n'existe pas de volonté d'infléchir le destin. Elle s'écrit, dans notre pays, par le biais de décisions démocratiques prises par le peuple et ses représentants. Rien n'est inéluctable mais le fait de retarder les moments des décisions difficiles - les mêmes causes produisant les mêmes effets - conduit à prendre, lorsque l'on ne peut plus reculer, des dispositions plus lourdes encore.

Le Conseil d'Etat s'est d'ores et déjà engagé à mener à bien la réforme de l'Etat et vous a informés du calendrier prévu. Il reviendra devant vous avec un nouveau projet de budget. Les objectifs n'ont pas changé. Ce canton a besoin d'assainir ses finances non par dogme mais par simple respect pour les générations qui sont appelées à prendre le relais des responsabilités qui sont les nôtres aujourd'hui. Les moyens à disposition ne peuvent être indolores et sans doute la démocratie exige-t-elle beaucoup d'abnégation de la part des citoyens. Pourtant, la principale vertu, en politique, n'est pas l'aptitude à promettre mais la capacité à agir avec courage. (Applaudissements.)

Le président. Nous prenons acte de la décision du Conseil d'Etat de retirer les projets de lois relatifs au budget 1999. A la place, nous allons débattre du projet de loi 7983 qui vous a été distribué, relatif aux douzièmes provisionnels.

PL 7895-A, 7896-A, 7897-A, 7898-A, 7900-A, 7901-A, 7902-A, 7903-A, 7904-A, 7905-A, 7906-A, 7907-A, 7908-A.

Le             Grand Conseil prend acte du retrait de ces projets de lois.