Séance du vendredi 18 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 61e séance

M 1253
17. Proposition de motion de Mme et MM. Christian Brunier, Fabienne Bugnon, Bernard Clerc, Pierre-Alain Cristin, John Dupraz, René Ecuyer et Christian Grobet sur la charge budgétaire provoquée par les mesures préconisées en matière d'acquisition de logements. ( )M1253

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'exposé des motifs est partie intégrante de la motion.

Débat

M. Christian Grobet (AdG). Cette motion me semble tout à fait d'actualité dans la mesure où nous sommes en pleine votation sur les problèmes financiers du canton de Genève. Si l'initiative fédérale intitulée un peu abusivement «Un toit pour tous» devait passer, il en résulterait d'importantes pertes fiscales pour notre canton.

Avant que nos concitoyens ne soient appelés à voter sur cette question, il importe qu'ils soient informés des pertes fiscales que l'adoption de cette initiative représenterait pour le canton de Genève. Je vous rappelle que cette initiative a pour but de réduire l'impôt payé par les propriétaires tant au niveau fédéral que cantonal. C'est pourquoi nous souhaiterions - M. Moutinot est seul à représenter le Conseil d'Etat, mais il pourra certainement transmettre le message - que cette motion reçoive rapidement une réponse, afin d'éclairer la population sur les effets de l'initiative «Propriété du logement pour tous».

M. Christian Brunier (S). L'initiative «Propriété du logement pour tous» est un leurre qui joue avec l'un des fantasmes de notre société, c'est-à-dire être propriétaire. (Brouhaha.)

Les initiants rendent la fiscalité responsable du faible taux de propriétaires en Suisse. C'est un mensonge simpliste. J'en veux pour preuve qu'à conditions fiscales presque équivalentes on constate que Lausanne compte 10% de propriétaires alors qu'Echallens en compte 55%.

Dans une période financière particulièrement difficile pour de nombreuses collectivités publiques, cette initiative totalement démagogique serait ruineuse tant pour la Confédération que pour les cantons et serait évidemment catastrophique pour Genève. Le Département fédéral des finances estime que cette initiative populiste entraînerait des pertes annuelles de 500 millions pour la Confédération et de près de 1,5 milliard pour les cantons. Le seul but de cette motion est donc de connaître l'addition que Genève devrait payer. Une chose est sûre : elle serait particulièrement salée !

Les socialistes vous invitent donc à soutenir cette proposition de motion qui permettra d'éclairer le corps électoral genevois sur les effets pervers et nocifs de cette initiative !

Une voix. Le gouvernement a six semaines pour répondre !

M. Florian Barro (L). M. Brunier vient de parler d'addition. Moi, je vous propose de parler de soustraction. En effet, si le nombre de propriétaires augmentait dans notre pays... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on pourrait penser que cela serait, à terme, générateur de recettes fiscales, notamment par les droits d'enregistrement, par la consommation intérieure, etc.

En vue de demander au Conseil d'Etat un rapport objectif sur les effets complets que pourrait impliquer cette initiative, je propose un amendement consistant en deux invites supplémentaires ainsi libellées :

«- à lui présenter un rapport sur les rentrées fiscales générées par l'injection d'argent dans l'économie locale et sur l'encaissement des taxes et droits liés à l'acquisition des logements» ;

«- à lui présenter un rapport sur l'impact que l'initiative peut avoir sur l'emploi dans les secteurs de la construction et de l'immobilier».

M. Christian Grobet (AdG). Je comprends bien qu'à ce stade M. Barro veuille brouiller les cartes... X motions ont été présentées sur l'encouragement à la construction de logements. Dans le cas qui nous intéresse, le problème est tout autre. Nous demandons à l'administration fiscale un simple calcul pour savoir quel montant représentera l'abaissement de l'impôt sur la propriété. Il me semble que ce calcul peut être fait de manière relativement rapide.

Par contre, permettez-moi de vous dire que l'estimation de l'impact de cette mesure sur la construction de logements est difficile à apprécier. Elle requiert des études complémentaires qui retarderaient la réponse à cette motion. Or nous voulons une réponse rapide, et nous demandons que cette motion soit votée telle quelle.

Le président. Bien... La parole est à... M. Nicolas Brunschwig.

M. Nicolas Brunschwig (L). Merci, Monsieur le président, j'ai eu peur que vous ne m'oubliiez !

Je suis étonné que M. Grobet, qui était le champion de l'étude d'impact, critique une évaluation économique... En effet, cette évaluation est bien plus facile à faire qu'une étude d'impact et ses résultats sont bien moins aléatoires.

La proposition telle qu'elle est formulée dans la présente motion est aussi critiquable. C'est une vision statique des choses car vous considérez toujours que les lois n'ont aucune implication sur le comportement des consommateurs-contribuables-habitants, or cela n'est pas du tout le cas. Nous pensons que cette initiative engendrera sans doute certaines diminutions de recettes fiscales, si on considère que la population propriétaire reste ce qu'elle est. Mais elle conduira aussi de nombreuses personnes à devenir propriétaires et, donc, à apporter des améliorations en termes de recettes fiscales.

Nous aimerions que le Conseil d'Etat comprenne cette invite avec une vision dynamique des choses, c'est-à-dire qu'il considère aussi l'impact que l'initiative peut avoir sur le nombre de propriétaires et les recettes fiscales supplémentaires qu'elle générera globalement.

Le président. Je vous propose de voter l'amendement de M. Barro, soit les deux invites supplémentaires suivantes :

«- à lui présenter un rapport sur les rentrées fiscales générées par l'injection d'argent dans l'économie locale et sur l'encaissement des taxes et droits liés à l'acquisition des logements» ;

«- à lui présenter un rapport sur l'impact que l'initiative peut avoir sur l'emploi dans les secteurs de la construction et de l'immobilier».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1253)

sur la charge budgétaire provoquée par les mesures préconisées en matière d'acquisition de logements

Vu la prochaine votation populaire portant sur l'initiative des milieux immobiliers intitulée abusivement «Propriété du logement pour tous ».

Attendu que cette initiative a pour but d'imposer à la Confédération et aux cantons de subventionner l'acquisition de logements par des cadeaux fiscaux aux propriétaires.

Que dans son message recommandant le rejet de cette initiative, rejet également recommandé par l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral a estimé que cette charge imposée aux collectivités publiques coûterait par année environ 500 millions à la Confédération et près de 1,5 milliard aux cantons et communes.

Par ces motifs

Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat

à lui présenter un rapport indiquant quelle serait la perte fiscale et l'augmentation de déficit budgétaire qui seraient imposées à notre canton en cas d'adoption par le peuple suisse de l'initiative «Propriété du logement pour tous ». 

Le président. Il nous reste encore un petit problème à régler avant de terminer nos travaux. Nous n'avons en effet pas pu traiter le cas de grâce dont M. Fontanet est rapporteur. La commission était unanime sur ses conclusions. Je vous propose donc que le président de la commission de grâce vous présente très brièvement ce rapport et que nous traitions cet objet, afin de ne pas faire attendre ceux qui l'ont présenté.