Séance du
vendredi 18 décembre 1998 à
17h
54e
législature -
2e
année -
2e
session -
60e
séance
R 391
M. Alberto Velasco (S). C'est en 1948 que l'ONU, l'organisation dont le nom est lié à notre cité, proclama le texte aux ambitions universelles : la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous fêtons cette année le 50e anniversaire. Nous avons au cours de cette année d'anniversaire adopté plusieurs résolutions. Ce fut le cas pour l'Algérie, le Tibet et, tout dernièrement, celle concernant l'affaire Pinochet. C'est au nom de cette universalité de la dignité humaine et du droit que nous les avons acceptées. Aujourd'hui, c'est toujours au nom de cette universalité et du respect des droits humains que je viens défendre auprès de notre Grand Conseil cette résolution qui concerne la communauté des Indiens du Chiapas, Etat situé au nord-ouest du Mexique. Cet Etat, comme indiqué dans l'exposé des motifs, est caractérisé par la pauvreté extrême et l'exclusion d'une grande partie des habitants de ce pays.
C'est dans ce contexte d'atteinte aux droits humains qu'a eu lieu un soulèvement de cette population qui entraîna, en 1997, des massacres dont les médias ont fait état. Afin de garantir une nouvelle relation entre le peuple indien, la société et l'Etat, un engagement fut pris à San Andrés par le gouvernement mexicain, mais ces accords ne sont toujours pas entrés en vigueur. C'est dans ce contexte qu'une commission civile internationale d'observation des droits humains - dont faisaient partie plusieurs citoyens genevois - s'est rendue sur place et, après avoir établi un constat, a fait les recommandations qui figurent à l'invite de cette résolution. Cette invite est en parfait accord avec les différents articles composant la Déclaration universelle des droits de l'homme. J'ajoute que de nombreuses personnalités, telles que M. Edgar Morin, Mgr Gaillot, Régis Debray et d'autres encore, ont approuvé et appuyé auprès du gouvernement mexicain les recommandations de la commission civile internationale.
C'est dans ce contexte et en référence aux valeurs démocratiques auxquelles nous sommes tous attachés que je vous prie de bien vouloir soutenir cette résolution, afin de contribuer à l'établissement d'une paix durable au Chiapas.
M. Pierre Ducrest (L). Cette résolution paraît intéressante mais, dans ce Grand Conseil, ce n'est pas la seule. Elle souligne des motifs nobles, louables, puisqu'il s'agit des droits de l'homme. Comme ce parlement est saisi maintes fois de motions, de résolutions, de pétitions semblables, il serait judicieux - si on veut avancer dans ce genre de travail - de créer une commission ad hoc qui s'occuperait uniquement de ce type de problèmes.
Ce n'est pas au parlement de les régler. En l'occurrence, il y aura renvoi au Conseil d'Etat, qui lui-même va intervenir auprès du Conseil fédéral, qui lui-même va intervenir auprès de ceux à qui vous adressez en réalité cette résolution, soit le gouvernement mexicain.
Une commission ad hoc permettrait d'adresser vos demandes au bon endroit et avec les invites les meilleures. Cela éviterait également à ce parlement de perdre du temps.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur Ducrest, sans compter votre intervention, j'ai utilisé exactement trois minutes pour exposer ma résolution. Je ne pense donc pas que ce parlement ait perdu beaucoup de temps. J'ajoute que quelques-uns de nos concitoyens sont allés au Mexique, qu'ils ont participé à cette commission internationale et que c'est à leur demande que j'ai présenté cette résolution.
Le président. M. Ducrest a proposé de créer une commission ad hoc... Monsieur Rodrik, vous avez la parole
M. Albert Rodrik (S). Nous avons décidé que la commission des affaires communales et régionales dorénavant s'appelait aussi «internationale». Si nous avions voulu renvoyer cette résolution en commission, cette dernière aurait été toute désignée. En l'occurrence nous répétons que nous voulons renvoyer la résolution au Conseil d'Etat pour qu'elle soit transmise au Conseil fédéral, point final.
Le président. En l'absence d'autres propositions, nous allons voter sur l'adoption de cette résolution et son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(391)
pour le respect des droits humains au Chiapas (Mexique)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le rapport de la sous-commission de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies du 14 août 1998, sur la situation au Mexique et son évolution ;
- le rapport final de la Commission civile internationale (composée de 210 délégué(e)s de 11 pays) d'observation des droits humains, qui relève que les droits humains dans les communautés indigènes dans l'ensemble du Mexique font l'objet de violations constantes. Les principales violations relevées étant le droit :
- à la vie ;
- à l'intégrité personnelle (agressions, menaces et abus sexuels sont constants) ;
- à la participation politique ;
- à la liberté de circulation et d'établissement ;
- d'accès à la justice ;
- à la santé ;
- à l'éducation ;
- des femmes à exercer leurs droits ;
- à la dignité ;
invite le Conseil d'Etat
à intervenir auprès du Conseil fédéral en son nom et au nom du Grand Conseil afin qu'il invite les autorités mexicaines à adopter et mettre en oeuvre les mesures recommandées instamment par la Commission civile internationale d'observation des droits humains, à savoir :
- respect intégral et application immédiate des accords de San Andrés sur les droits et la culture des indigènes et poursuite du processus de dialogue et de négociation avec l'EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) ;
- respect du projet d'initiative de réformes constitutionnelles de la COCOPA (Commission de concorde et de pacification) ;
- consolidation des fonctions des instances de médiation et de vérification (COSEVER) ;
- mettre fin à la militarisation et à la paramilitarisation ;
- assurer le libre accès à la justice et promouvoir la lutte contre l'impunité ;
- libérer les prisonnier(ère)s politiques ;
- assurer le retour des déplacé(e)s de guerre dans leur communautés d'origine avec dévolution intégrale de leurs biens ;
- reconnaissance des organismes de défense des droits humains mexicains et internationaux, ainsi que la mise en place d'une instance d'observation internationale.