Séance du jeudi 19 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 49e séance

PL 7929
9. Projet de loi de Mme et MM. Fabienne Bugnon, Christian Ferrazino, Bernard Lescaze et Pierre-François Unger modifiant la loi sur la profession d'avocat (E 6 10). ( )PL7929

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur la profession d'avocat, du 15 mars 1985, est modifiée comme suit :

Art. 24, lettre a (nouvelle teneur)

Article 2

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le projet qui vous est soumis a pour objet de mettre fin à une injustice qui frappe certains avocats, à savoir le non-accès au Barreau, pour cause de nationalité.

En effet, selon la loi actuelle, dans son article 24, lettre a, le brevet d'avocat ne peut être délivré qu'aux requérants possédant la nationalité suisse.

Selon la jurisprudence fédérale, cette loi est anticonstitutionnelle. En effet, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de le déclarer, considérant qu'un étranger bien intégré et qui démontre avoir autant de connaissances sur la situation politique et sociale de la Suisse qu'un citoyen suisse, ne pouvait se voir interdire l'accès à la profession d'avocat.

Que l'avocat soit un "; auxiliaire de la justice " et participe ainsi à une fonction essentielle de l'Etat n'exige pas pour autant qu'il soit lié par la nationalité à cet Etat.

Selon le Tribunal fédéral, "; l'avocat n'est pas un organe étatique ; son rôle implique au contraire son indépendance vis-à-vis de l'Etat ".

La loi ne peut donc exclure, de manière générale, tout étranger de la profession d'avocat, sans violer le principe de la liberté de commerce et de l'industrie garanti par l'article 31 de la Constitution fédérale.

La pratique du Conseil d'Etat

En pratique et suite aux décisions du Tribunal fédéral, le Conseil d'Etat autorise l'accès au stage d'avocat aux étrangers à condition qu'ils bénéficient d'un permis d'établissement (permis C) et qu'ils résident en Suisse depuis dix ans au moins, pour autant bien entendu que les autres conditions fixées par la loi soient réalisées.

On relèvera que ces exigences ne découlent nullement de la jurisprudence fédérale puisque, selon cette dernière, il ne se justifie pas de traiter différemment un ressortissant étranger d'un ressortissant suisse, si le premier démontre avoir autant de connaissances sur la situation politique et sociale de la Suisse que le second. En d'autres termes, le critère de l'intégration l'emporte sur celui de la nationalité, ce qui donne aux cantons un grand pouvoir d'appréciation sur la notion même d'intégration.

Notion d'intégration

Dès lors que la loi actuelle est inconstitutionnelle, il se justifie de la modifier. La pratique actuellement retenue par l'exécutif genevois ne semble toutefois pas totalement satisfaisante, car trop restrictive, pour être codifiée.

Il paraît en effet choquant de devoir refuser l'accès à la profession d'avocat à un étranger, qui aurait, par hypothèse, obtenu une licence en droit à Genève et serait bien intégré dans notre canton, au seul motif qu'il n'y résiderait pas depuis dix ans ou qu'il ne bénéficierait pas d'un permis C.

Un ressortissant étranger, titulaire d'un permis B, peut parfaitement être considéré comme intégré au sens de la juridiction du Tribunal fédéral.

Les auteurs du présent projet de loi proposent dès lors d'adapter notre législation cantonale à la jurisprudence fédérale, en prévoyant expressément la possibilité pour un ressortissant étranger titulaire d'un permis B de pouvoir accéder à la profession d'avocat, s'il remplit les critères d'intégration exigés par le Tribunal fédéral. Cette modification législative permettrait également à un ressortissant étranger, titulaire d'un permis C, mais résidant depuis moins de dix ans à Genève, de pouvoir accéder à la profession d'avocat.

Par ailleurs, lors de son audition au sujet du projet de loi 7695, Me Pierre de Preux, vice-bâtonnier de l'Ordre des avocats, a relevé que le Tribunal fédéral avait supprimé la stricte exigence de la nationalité et qu'il serait judicieux de modifier la loi dans ce sens. Tel est le but du présent projet de loi.

Au bénéfice des considérations qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de lui réserver un bon accueil.

Annexes :

Articles de presse

Extraits des SSJ

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Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.