Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 47e séance

PL 7756-A
23. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Anita Cuénod, Antonio Hodgers, René Longet, Pierre Meyll, Véronique Pürro, Albert Rodrik, Alain Vaissade et Pierre Vanek modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05). ( -)PL7756
Mémorial 1997 : Projet, 9489. Renvoi en commission, 9490
Rapport de Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

La Commission des droits politiques et règlement du Gand Conseil a traité, lors de sa séance du 22 avril 1998, ce projet de loi sous la présidence de M. John Dupraz. M. René Kronstein du DIAE assistait aux travaux.

L'objectif de ce projet vise à compléter la loi votée par ce Grand Conseil le 30 mars 1995, traitant des liens d'intérêts.

S'agissant de l'article 54, alinéa 3, la seule modification souhaitée est d'indiquer à deux reprises.

Concernant l'article 29A, la lettre d) nouvelle vient compléter cet article en reprenant les exigences fédérales qui n'avaient pas été retenues en 1995 afin d'obtenir un maximum de transparence. Quant à l'alinéa 5, il propose de donner un rôle plus actif au Bureau par l'adjonction : il procède à la vérification de la liste des intérêts.

Après un vote d'entrée en matière accepté par 3 AdG, 3 S, 2 Ve, refusé par 3 L, et 3 abstentions (2 DC, 1 R), la discussion porte sur :

Article 54

Un commissaire pense que la locution 3 semaines avant... à deux reprises, pose problème. Un amendement propose : sont publiés à 2 reprises dans la FAO, la dernière fois au plus tard 3 semaines avant les élections. Cet amendement est accepté.

En réponse au souci d'un commissaire pour les comptes de l'Etat, M. Kronstein précise que ce genre d'avis est publié gratuitement. Il relève d'autre part qu'il est usuel d'éditer deux fois des articles dans la FAO.

Article 29A

Des commissaires s'interrogent sur le sens groupes d'intérêts importants et s'inquiètent au sujet de la vérification par le Bureau. Il n'est, dans ce projet de loi, pas question de mettre en place une "; police fouineuse " pour députés, mais bien de veiller à un certain nombre de règles de conduite dont le Bureau a, depuis peu, la charge. Comme l'ont relevé les auteurs du projet de loi dans l'exposé des motifs, certains candidats donnent des indications imprécises, voire en "; omettent " d'autres. Le Bureau aura donc la possibilité de vérifier les listes, mais en aucun cas de procéder à des enquêtes.

Enfin, un amendement est proposé par rapport à l'ordre des lettres de cette loi. En effet, l'actuelle lettre b) traite des fonctions permanentes qu'il assume au sein d'organes de direction et de surveillance de fondations, de sociétés, d'établissements ou de groupes d'intérêts importants, suisses ou étrangers, de droit privé ou de droit public; or, la lettre c) porte sur les fonctions qu'il occupe au sein de commissions extraparlementaires ou d'autres organes de la Confédération, du canton et des communes. Dans un souci de cohérence, il est proposé que la lettre d) nouvelle devienne lettre c). Par conséquent, l'actuelle lettre c) devient lettre d).

Conclusion

Si tous les groupes politiques se disent convaincus de la nécessité de transparence, les mêmes hésitations, que celles énoncées lors du débat de la loi en mars 1995, sont apparues pour ce petit projet de loi. C'est ainsi que le vote d'ensemble sur le projet de loi 7756, amendé, a recueilli une majorité de 8 voix (3 AdG, 3 S, 2 Ve). 3 se sont opposés (L) ; 3 se sont abstenus (2 DC, 1 R).

Au bénéfice de ce qui précède, la majorité de la Commission des droits politiques et du règlement vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le texte issu de ses travaux, tel qu'il figure ci-après.

PROJET DE LOI(7756)

modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :

Art. 54, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Pour l'élection au Grand Conseil, les liens d'intérêts décrits à l'article 24, alinéa 4, sont publiés à 2 reprises dans la FAO, la dernière fois au plus tard 3 semaines avant les élections.

Article 2 Modification à une autre loi (B 1 01)

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :

Art. 29A, al. 2, lettre c (nouvelle, la lettre c ancienne devenant la lettre d)al. 5  (nouvelle teneur)

c) les fonctions permanentes de direction ou de consultation qu'il assume pour le compte de groupes d'intérêts importants, suisses ou étrangers ;

5 Le bureau du Grand Conseil veille au respect de cette disposition. Il procède à la vérification des listes d'intérêts et peut sommer les députés de se faire inscrire au registre. Sa décision est définitive.

Premier débat

M. Jacques Béné (L). Nous ne sommes pas vraiment convaincus par ce nouveau projet de loi. Les raisons de ce manque de conviction sont plurielles.

Tout le monde souhaite la transparence et le proclame. Reste à savoir si ce qu'on nous suggère aujourd'hui relève véritablement d'un souci d'amélioration du fonctionnement de nos institutions et de notre démocratie. Cela m'amène à formuler plusieurs remarques.

Premièrement, on peut légitimement penser que des problèmes d'appréciation portant sur tel ou tel groupe d'intérêts se posent à l'élu. Comme cela a été relevé dans l'exposé des motifs lors du dépôt de ce projet de loi, certains indiquent leur appartenance, en tant que simple membre, à certaines associations, alors que d'autres omettent des liens qu'ils considèrent comme strictement privés. D'autres encore sont liés par le secret professionnel et tenus par le devoir de réserve qui les oblige à s'abstenir ou à s'absenter. Ces problèmes sont d'ailleurs fréquemment rencontrés par les services du Parlement fédéral dans le cadre de l'application de l'article 3 bis de la loi sur les rapports entre les conseils.

Deuxièmement, jusqu'où doit-on aller dans la recherche de transparence et la déclaration des liens que l'on peut avoir avec la société civile ? Est-il plus important et utile de se déclarer consultant permanent d'une société ou d'un groupe d'intérêts que de se déclarer - on pourrait l'imaginer avec un autre projet de loi - le beau-frère ou le cousin du président d'un conseil d'administration ou de tout autre administrateur ou personne influente dans notre économie ?

Mesdames et Messieurs les députés, tant que nous serons des miliciens, le problème de connaître nos liens économiques se posera ; c'est notre système qui veut cela. Nous avons tous une profession qui joue forcément un rôle dans nos opinions politiques. De là provient ce souci de transparence que je ne remets pas en question. Mais, même sans la réglementation sur les liens d'intérêts, la situation économique de chacun d'entre nous est généralement bien connue - si ce n'est de tous, en tout cas d'une bonne partie, notamment de la presse. Par contre, les relations qu'entretiennent certains avec des groupes de pressions - avec ce ou ces lobbies que certains sur nos bancs n'affichent pas forcément - le sont moins et ne sont concernées ni par la loi actuelle ni par le projet de loi qui nous est soumis ce soir. C'est une lacune que nous souhaitons combler par l'amendement déposé sur vos tables et auquel, j'espère, vous ferez bon accueil, car c'est cela aussi la vraie transparence.

Troisièmement, nous avons parlé en commission de «police fouineuse» comme cela est relaté dans le rapport. Quels vont être les moyens mis à disposition du Bureau du Grand Conseil ? Contrairement à ce qui est dit dans le rapport, lorsqu'on mentionne que le Bureau «procède à la vérification...» il s'agit bien d'une obligation et pas simplement d'une possibilité. Mesdames et Messieurs les députés, il faudra bien qu'on précise quels moyens vont être donnés au Grand Conseil pour procéder à ces vérifications sans procéder à des enquêtes -- aussi minimalistes soient-elles - comme cela est mentionné dans le rapport.

Décidément, ce projet de loi ne nous convient pas et, à notre avis, notre démocratie n'est pas gagnante. Notre système est basé sur la confiance, la morale et le jugement des élus. Nous avons l'obligation morale de remplir une déclaration exacte et complète. La sanction pour d'éventuelles omissions par les élus que nous sommes sera politique : l'opinion publique s'en chargera !

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à amender ce projet de loi comme nous vous le proposons, et à ne pas tenir compte de la modification figurant à l'article 2 tel qu'il vous est présenté.

M. Albert Rodrik (S). Nous l'avons toujours dit : ce projet de loi n'est pas un monument particulier. C'est un modeste progrès, un pas en avant vers une meilleure connaissance de ce que les uns et les autres - dans un système de milice, comme l'a rappelé M. Béné - nous faisons et de ce dans quoi nous sommes engagés.

C'est aussi un pas en avant pour dire que le Bureau aura une attitude plus active que maintenant en s'assurant de l'aspect complet et exhaustif, autant que faire se peut, mais sans se transformer en «police fouineuse» et sans que l'on soit obligé d'avoir recours à je ne sais quel catalogue de sanctions. Nous ne voulons pas, bien entendu, transformer le Bureau en Père Fouettard ; nous voulons un Bureau qui, périodiquement, revoie ces choses pour que l'information soit à jour.

M. Béné dit tout le mal qu'il pense de cette affaire pour nous présenter ensuite un amendement. Comme en commission les libéraux étaient extrêmement réticents sinon opposés, nous considérons cela comme une évolution positive. Si l'on veut amender un texte, cela signifie qu'il n'est pas abominable et que l'on peut faire avec. Nous en sommes très heureux ; je pense que les groupes de l'Alternative peuvent être preneurs de votre amendement. Nous sommes heureux également que le seul groupe totalement réticent ait fait un progrès, mais nous devons dire - peut-être que quelques juristes le rappelleront - que le terme «groupes de pression», en plus d'un article aussi énumératif, ne veut rien dire. Il n'y a aucune appellation contrôlée de ce terme.

Donc, si nous acceptons votre amendement assez chargé et les termes «fondations, sociétés, établissements, syndicats, associations, groupes d'intérêts», vous permettrez que nous n'acceptions pas quelque chose d'aussi peu défini et variable dans sa géométrie que le terme «groupes de pression». A part cela, nous nous réjouissons de l'évolution du groupe libéral et nous adopterons cet amendement à l'exception de ces trois petits mots !

M. Michel Halpérin (L). J'accepte au nom du groupe libéral les compliments que nous présente M. Rodrik. A vrai dire, nous les méritions depuis longtemps : nous ne nous sommes jamais opposés au principe de transparence.

Il y a deux ans, je crois, nous étions étonnés de constater que vous ne vouliez qu'une demi-transparence. C'est vous qui avez fait des progrès, aujourd'hui, Monsieur Rodrik, en acceptant enfin que toute la transparence soit faite ! (Commentaires.) Oui, nous nous auto-congratulons, la vie est belle ! Que faisons-nous dans l'opposition les uns et les autres ? Nous devrions fusionner en un seul parti unique, et tout le monde serait nécessairement content !

Il y a cependant un point sur lequel vous m'étonnez beaucoup, Monsieur Rodrik : vous voulez supprimer dans notre proposition d'amendement les trois mots «groupes de pression». Seriez-vous d'accord, alors, de supprimer du projet de loi tel qu'il est revenu de la commission les trois mots «groupes d'intérêts» qui n'ont pas plus de définition juridique que «groupes de pression» ? Dans l'affirmative, nous vous suivrons. Si vous avez une définition juridique à nous présenter, alors j'en ai une pour «groupes de pression». (Rires.)

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 (souligné).

Article 2 (souligné)

Art. 29A

M. Albert Rodrik (S). Je voudrais répondre à la question de M. Halpérin : je ne m'étais pas attardé sur les mots «groupes d'intérêts», parce qu'au terme d'un travail de commission qui a été adopté ce texte est sorti. Si nous refaisons le travail de la commission, il n'y a pas d'issue !

Je n'ai pas plus de préférence pour «groupes de pression» que pour «groupes d'intérêts». Mais je vous signale, Monsieur Halpérin, que les mots «groupes d'intérêts» figurent dans le texte parce que nous n'avions pas le système énumératif de M. Béné. C'est ça, l'affaire !

Dans ces conditions, si nous faisions le geste d'accepter votre amendement, peut-être pourriez-vous accepter notre sous-amendement ? Ainsi, nous pourrions terminer cette soirée plus rapidement !

M. Michel Halpérin (L). La réponse à la question de M. Rodrik se trouve dans le projet d'amendement qui vous est soumis, puisque notre texte se termine par les mots : «...de groupes de pression, ou de groupes d'intérêts...». Nous avons pris les deux et si vous êtes d'accord qu'on les garde les deux, nous sommes d'accord !

Le président. Bien, tout baigne dans l'huile... (Rires.) ...d'olive, et elle n'est pas rance !

Je mets aux voix la proposition d'amendement de M. Béné à l'article 29A, alinéa 2 ; il s'agit de compléter la lettre b) comme suit :

«b) Les fonctions permanentes qu'il assume au sein d'organes de direction et de surveillance de fondations, de sociétés, d'établissements, de syndicats, d'associations, de groupes de pression, ou de groupes d'intérêts...»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Je mets aux voix l'article 29A, alinéa 2, lettres b) et c)

M. Michel Halpérin (L). J'ai une remarque sur la lettre c) : elle est incluse, désormais, dans la lettre b). Je pense que l'on pourrait se contenter de la seule lettre b). La seule différence entre les lettres b) et c), c'est le mot «consultation»... (L'orateur est interpellé.) Non ! Tout ce qui se trouve sous la lettre c) a été mis sous la lettre b), sauf le mot «consultation» qui pose le problème particulier qu'a décrit M. Béné : celui des mandats.

Les consultants reçoivent des mandats et n'ont pas de fonctions permanentes. Lorsqu'on dit : «fonctions permanentes de direction», il s'agit de gens assujettis à une entreprise ; lorsqu'on parle de «consultation», il s'agit de gens mandatés par une entreprise. Ce mandat fait d'eux, par définition du code des obligations, des indépendants. De surcroît, pour ceux d'entre eux en tout cas qui répondent à l'un des secrets professionnels de l'article 321 du code pénal, ils sont dans l'impossibilité de faire ce genre de déclaration.

En conséquence, je propose que nous renoncions à cette lettre c), parce que le mot «consultation» ne sert à rien. Pour le reste, la lettre c) est contenue dans la lettre b).

Le président. Je mets aux voix cette proposition.

Mise aux voix, la suppression de la lettre c) est adoptée. (Contestations.)

Le président. Cela ne fait pas de doute ! Des abstentions ont fait que cette proposition a été acceptée.

Mis aux voix, l'article 29 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7756)

modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :

Art. 54, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Pour l'élection au Grand Conseil, les liens d'intérêts décrits à l'article 24, alinéa 4, sont publiés à 2 reprises dans la FAO, la dernière fois au plus tard 3 semaines avant les élections.

Article 2 Modification à une autre loi (B 1 01)

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :

Art. 29A, al. 2, lettre bal. 5  (nouvelle teneur)

les fonctions permanentes qu'il assume au sein d'organes de direction et de surveillance de fondations, de sociétés, d'établissements, de syndicats, d'associations, de groupes de pression, ou de groupes d'intérêts importants, suisses ou étrangers ;

5 Le bureau du Grand Conseil veille au respect de cette disposition. Il procède à la vérification des listes d'intérêts et peut sommer les députés de se faire inscrire au registre. Sa décision est définitive.