Séance du vendredi 23 octobre 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 12e session - 42e séance

P 1172-A
28. Rapport de la commission législative chargée d'étudier la pétition : Pour la modification de diverses lois sur la magistrature. ( -) P1172
Rapport de M. Christian Grobet (AG), commission législative

La commission législative, présidée par M. Bernard Lescaze, a examiné au cours de trois séances la pétition de M. Schlaepfer, ancien député, qu'elle a entendu ainsi que M. Bernard Bertossa, Procureur général.

La pétition de M. Schlaepfer porte sur deux objets :

- la levée de l'immunité des magistrats de l'ordre judiciaire qui doit être prononcée par le Grand Conseil ;

- les demandes de récusation de juges qui sont traitées par les juridictions où siège le juge faisant l'objet de la demande de récusation.

En ce qui concerne le premier objet, le pétitionnaire considère que les juges ne devraient pas bénéficier de l'immunité et devraient être traités comme tout autre citoyen, mais pourraient demander à une autorité de prononcer la suspension d'une procédure pénale intentée contre eux. Il préconise une modification de la loi sur la responsabilité de l'Etat.

La Commission législative considère que le système de l'immunité doit être maintenu pour que les juges ne soient pas paralysés dans l'exercice de leurs fonctions. Reste à savoir si le Grand Conseil est l'autorité la plus appropriée pour ordonner la levée de l'immunité d'un juge qui ferait l'objet d'une plainte pénale. Il est vrai que l'appréciation quant à la qualification juridique de certains faits n'est pas toujours aisée pour des non-juristes, mais on voit mal une instance judiciaire qui se prononcerait sur les demandes de levée d'immunité de juges, sans éveiller le soupçon quant à un supposé régime de faveur dont bénéficieraient ces derniers en étant jugés par leurs pairs. La commission est arrivée à la conclusion que le maintien du Grand Conseil comme autorité pour décider de la levée éventuelle de l'immunité lui paraissait la plus appropriée.

En ce qui concerne le traitement des demandes de récusation de juges, la commission est arrivée à la conclusion que les critiques de M. Schlaepfer étaient fondées, mais que la solution qu'il avait proposée n'était pas adéquate.

La commission considère que le système actuel, qui veut que tous les juges d'une même juridiction soient convoqués, semble-t-il entre midi et 14 heures, ou à partir de 18 heures, pour obtenir le maximum de présences, est dépassé, avec des juridictions pouvant atteindre 19 juges (Tribunal de première instance), 12 juges (Cour de Justice), 14 juges (à l'instruction). Il paraît préférable, pour des questions de célérité de l'examen des demandes de récusation, de rigueur dans l'examen de ces demandes, de cohérence dans la pratique en matière de récusation, que les demandes y afférentes soient traitées par une autorité désignée à cet effet ayant un nombre fixe et limité de magistrats dans le genre du Conseil supérieur de la magistrature, mais avec un nombre de membres moins important.

La commission, qui considère qu'il faut légiférer en la matière, s'est du reste demandé si la solution la plus simple ne serait pas de désigner une délégation du Conseil supérieur de la magistrature pour assumer cette charge. Elle n'a, toutefois, pas voulu prendre position, ni faire de propositions législatives, sans que les diverses juridictions du pouvoir judiciaire aient pu se déterminer.

La commission recommande donc, à l'unanimité, le renvoi au Conseil d'Etat du volet de la pétition 1172 relatif à la récusation, en lui demandant de consulter le pouvoir judiciaire sur la solution préconisée dans le présent rapport et l'inviter à faire, le cas échéant, des suggestions de son côté pour que le Grand Conseil puisse décider en toute connaissance de cause, sur la base d'un rapport du Conseil d'Etat, dans quel sens légiférer.

PÉTITION(1172)

pour la modification de diverses lois sur la magistrature

A) Loi sur la responsabilité de l'Etat, article 5 (nouveau)

B) Loi sur l'organisation judiciaire, article 98 (nouveau)

a) au président de la Cour de justice lorsqu'elle vise un magistrat de première instance, un juge d'instruction, un juge de paix, un juge du Tribunal de la jeunesse, un juge du Tribunal des prud'hommes, un juge du Tribunal des baux ; [Enumération à compléter et à vérifier.]

b) au président de la Cour de cassation, si elle vise un membre de la Cour de justice ou un membre du Parquet ;

c) au chef du Département de justice et police et des transports, si elle vise un membre du Tribunal de cassation. "

Article 99 (nouveau)

Remarques finales

A. Schlaepfer

ancien député

910Débat

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. Cette pétition - pour ceux qui ont eu la patience de lire tous les documents du Grand Conseil - portait sur deux objets. Sur un des objets, la commission législative a pensé qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière, à savoir la demande de M. Schlaepfer concernant la levée de l'immunité des magistrats judiciaires. En cas de plainte contre eux, le fait de ne pas bénéficier de l'immunité affaiblirait considérablement leur position. Par contre, nous avons considéré que la deuxième requête de M. Schlaepfer était fondée, à savoir que les demandes de récusation des juges soient traitées différemment que le veut le système actuel. Si je peux attirer l'attention de M. Ramseyer - si M. Dupraz veut bien le laisser deux minutes - je préciserai que la commission législative a considéré qu'il fallait s'inspirer, Monsieur Ramseyer, de la réforme qui est intervenue en ce qui concerne le Conseil supérieur de la magistrature, en déférant soit à ce conseil - ou en tout cas à une composition de juges d'un nombre fixe et restreint - la question de statuer sur les demandes de récusation. La commission législative a hésité à rédiger elle-même un texte à cet égard. Elle est partie de l'idée que les collaborateurs du département de justice et police étaient les mieux à même d'accomplir cette tâche et qu'il fallait évidemment contacter la magistrature au préalable pour connaître non seulement son avis mais déterminer quelle serait la solution la plus appropriée.

Je voulais attirer votre attention, Monsieur Ramseyer, sur le fait qu'à moins que l'ordre judiciaire n'ait vraiment des arguments dirimants, nous estimons qu'il faut modifier le système actuel et si je me permets d'attirer votre attention sur ce rapport, c'est que nous ne voudrions pas que cet objet tombe dans les oubliettes. Nous souhaitons que votre département - peut-être par la voix de M. Duport qui est un excellent intermédiaire entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire - contacte effectivement l'ordre judiciaire pour lui transmettre notre rapport et examine avec lui quelles seraient les solutions envisageables. Nous vous remercions par avance de la suite que vous donnerez à ce rapport, pour autant bien entendu qu'il soit adopté par ce Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la commission législative (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.