Séance du vendredi 23 octobre 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 12e session - 42e séance

M 762-A
a) Proposition de motion de Mmes Claire Torracinta-Pache et Christine Sayegh sur l'information du public. ( -) M762
 Mémorial 1991 Annoncée, 4779. Développée, 5118. Commission, 5147.
 Mémorial 1996 : Divers, 4585.
Rapport de M. Albert Rodrik (S), commission judiciaire
P 955-A
b) Pétition : Droit de questionner avec obligation de réponse. ( -) P955
Rapport de M. Albert Rodrik (S), commission judiciaire

25. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les objets suivants :

Formellement, ce rapport concerne la motion 762 "; d'origine " socialiste et la pétition 955 d'un citoyen de Châtelaine. En réalité, l'examen de la Commission judiciaire s'est tout autant attardé sur le projet de loi 6761 de trois députés libéraux déposé quatre jours après la motion susmentionnée. Si le Grand Conseil suit sa commission et que le Conseil d'Etat ait la bonne grâce de mener à chef le travail que nous lui suggérons, il appartiendra au groupe libéral de se déterminer sur la suite à donner au projet de loi de MM. Michel Balestra, Nicolas Brunschwig et de l'ancien député et conseiller national, Charles Poncet.

Quant à la pétition, la commission judiciaire considère que ce rapport contient les explications qui justifient sa détermination, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, pour information.

Historique

Les objets traités par ce rapport nous ramènent à la législature 1989-1993. En effet, la motion socialiste et le projet de loi libéral sont de novembre 1991 et la pétition de septembre 1992. Mais ce n'est pas le début de l'histoire; l'histoire consistant à doter d'une base légale le devoir d'informer des organes d'un Etat démocratique et son corollaire, le droit des citoyens à pouvoir accéder aux informations, qu'il s'agisse certes de journalistes, mais aussi de la population en général. L'histoire de ces tentatives est malheureusement aussi l'histoire des efforts tout à fait réussis pour empêcher la concrétisation de cette légitime aspiration.

Brève récapitulation :

1977: motion de M. René Longet ;

1981: réponse du Conseil d'Etat à la motion : engagement de consentir un effort en matière d'information, mais refus d'une base légale touchant un droit à l'information ;

1984: projet de loi de Mmes Christiane Brunner et Micheline Calmy-Rey, occis par le Grand Conseil en débat de prise en considération, pour son caractère excessif (sic !) ;

1991: coup sur coup, la motion 762 et le projet de loi 6761; neuf mois après, la pétition d'un citoyen.

Par ailleurs, une question ordinaire Longet de juin 1991 au Conseil national permet au Conseil fédéral de dresser un inventaire de la situation.

Deux éléments méritent d'être relevés :

a) la motion Longet de 1977 est envoyée en commission et revient deux ans après avec un rapport concluant à son bien-fondé et à l'envoi au Conseil d'Etat, envoi accepté par le plénum ;

b) en 1984, c'est le Parlement lui-même qui bloque la démarche, d'entrée de cause.

Il n'y a là ni malignité, ni conspiration. Il y a une authentique imprégnation des esprits : le manteau d'apparat de l'Etat est bordé de secret. Plus, prévaut la conviction qu'un minimum de secret ou un maximum de discrétion est inhérent à la fonction étatique ; elles vont de pair, croit-on. Même dans un pays n'ayant jamais connu la monarchie absolue et la lettre de cachet, l'équation, le binôme Etat/secret persiste.

La démocratie, même directe, l'état de droit ont certes fortement entamé cette "; association ", mais sans la faire disparaître.

C'est là que la vie joue des tours. L'énorme développement des technologies de la communication, leur diffusion majeure et leur vaste accessibilité ont entamé le culte du secret plus qu'aucune action politique et que les démarches parlementaires, plus ou moins pionnières.

Depuis fin 1994 - début 1995, l'Etat de Genève a fait en moins de trois ans un bond dans la mise au point de moyens allant de la sophistication technique aux imprimés classiques de formats divers, jusqu'aux fameux guichets uniques, les sites Internet, les dépliants, le centre de documentation, les raccordements multiples, etc.

Parallèlement, des progrès importants ont été faits pour faciliter l'accès à l'information des journalistes. Les points de presse du Conseil d'Etat et de la Police sont bien connus.

Ceci est pour nous une école de modestie, mais ne nous dispense pas de notre devoir de concevoir un cadre légal adéquat, renversant le postulat : la règle c'est le secret, l'exception l'accès à l'information !

Exercice difficile et qui marque un tournant : l'accès, la transparence et l'ouverture deviendraient la règle et le secret - le plus souvent à titre provisoire - deviendrait l'exception.

Après vingt ans de réticences et de tergiversations, nous voici mis à l'épreuve d'une mutation "; culturelle " à l'heure où en pianotant chez soi l'on accède aux bases de données les plus lointaines et les plus sophistiquées.

La commission a constamment été consciente de la difficulté de la rédaction d'une législation de ce type; difficulté tant pour concevoir la règle que pour formuler des exceptions.

Travaux de la commission judiciaire

La motion 762, tout comme le projet de loi 6761 ont été envoyés en commission judiciaire le 28 novembre 1991. La pétition 955 les a rejoint le 21 septembre 1992.

a) Législature 1989-1993

La commission judiciaire a consacré - en tout ou en partie - six séances dans le courant de l'année 1992 à l'examen de ces objets. La commission était présidée par Mme Françoise Saudan et a bénéficié de la présence du conseiller d'Etat en charge du Département de justice et police de l'époque, M. Bernard Ziegler, ainsi que de l'appui de MM. Rémy Riat et Bernard Duport, secrétaires adjoints, ensemble ou en alternance.

Elle a siégé :

- le 2 avril 1992 (procès-verbal N° 62) ;

- le 30 avril 1992 (procès-verbal N° 63) ;

- le 14 mai 1992 (procès-verbal N° 64) ;

- le 21 mai 1992 (procès-verbal N° 65) ;

- le 11 juin 1992 (procès-verbal N° 66) ;

- le 26 juin 1992 (procès-verbal N° 67).

La commission a commencé par un vaste tour d'horizon, s'étendant sur les deux premières des séances susmentionnées. Inévitablement, la discussion s'est focalisée sur le projet de loi, la motion étant peu évoquée, mais avec l'intention de mener la discussion sur les deux objets. Une tentative de dissocier les deux textes fit long feu. La dernière partie de la deuxième séance tenta de dresser la liste des personnes et organismes à auditionner. La commission donna pour finir des pistes, à charge pour M. Riat "; ... de prévoir les auditions et d'envoyer les convocations ", selon les termes du procès-verbal N° 63. A ce procès-verbal sont annexés la réponse du Conseil fédéral à la question ordinaire Longet et ce qui était à l'époque le projet de loi bernois avec son exposé des motifs. Quels que soient les limites ou les défauts qui peuvent être retenus à l'encontre du projet de loi libéral, le rapporteur a été frappé à la lecture des procès-verbaux, par la nature des griefs formulés d'entrée de jeu : le coût de la démarche avec nécessité d'engager de nombreux fonctionnaires; la lourdeur du travail suscité pour l'administration; le côté malsain ou supposé tel de la curiosité des gens qui viendraient noyer l'administration sous leurs demandes; le côté excessif du projet de loi, etc. Les commissaires de divers groupes soulignent sans enthousiasme les louables intentions inspirant les auteurs du projet de loi 6761, mais soulèvent force objections auxquelles les commissaires libéraux s'efforcent de répondre en réitérant l'impérieuse nécessité d'ouvrir le débat et de rechercher des solutions adéquates, même si elles ne sont pas identiques à leurs propositions. Les motionnaires socialistes soulignent également le besoin d'aborder le fond du problème et de se mettre au travail pour trouver des solutions à une problématique que personne ne prétend être simple. Cette problématique est d'autant moins simple qu'elle doit tenir compte d'intérêts souvent contradictoires, tout en étant légitimes et qu'elle postule un changement fondamental de comportement et d'approche de la part du Gouvernement et de l'administration. Le procès-verbal N° 63 comporte à sa page 8 cette affirmation du conseiller d'Etat : "; le Conseil d'Etat est unanime pour refuser l'instauration d'un droit à la curiosité ".

L'essai de traiter la motion qui, tout en posant pour l'essentiel le même problème, ne comportait pas les embûches du projet de loi (échange entre Mme Saudan et M. Lachat à la fin de la première séance de commission), étant repoussé, la commission s'embarquait pour un long parcours.

A sa troisième séance, la commission entend M. Denis Barrelet, journaliste et spécialiste du droit des médias. Il venait de participer aux travaux ayant conduit à l'élaboration du projet de loi bernois, qu'il commente. Il procède également à un rapide examen du projet de loi libéral, distinguant ce qu'il considère comme des faiblesses d'une part et des points positifs d'autre part. Il conclut en estimant que les qualités du projet l'emportent sur ses défauts mais qu'un examen minutieux du texte s'impose.

A la séance du 21 mai 1992, la commission entend tout d'abord M. Bertil Cottier, docteur en droit et spécialiste du droit des médias et ensuite le pouvoir judiciaire, représenté par M. Bernard Bertossa, procureur général, et M. Jean-Pierre Pagan, juge à la Cour de justice. M. Cottier expose les  modalités des législations suédoise et finlandaise qu'il connaît particulièrement bien. Il répond à de nombreuses questions pratiques des députés. Le spectre d'une énorme bureaucratie pour répondre aux questions surgit à nouveau.

L'audition des deux magistrats porte sur les aspects spécifiques des procédures judiciaires en matière de publicité des débats et des particularités de l'accès à l'information dans le domaine judiciaire.

La cinquième séance comporte également deux auditions, celle de M. Yves Grandjean, président du Tribunal administratif et celle de Mme Sylvie Arsever, journaliste.

MM. Bertossa et Pagan ayant évoqué les procédures civiles et pénales, M. Grandjean aborde les questions relatives à la procédure administrative. Il livre également des remarques sur quelques dispositions du projet de loi. Il souligne de nombreux inconvénients potentiels.

Mme Mme S. Arsever indique l'intérêt des dispositions contenues dans le projet de loi et précise que le journaliste a tout avantage à s'adresser à des citoyens informés ayant aussi accès à l'information les concernant et les intéressant.

La séance du 25 juin 1992 complète le circuit des auditions. L'association de la presse genevoise, représentée par Mme Laure Speziali et M. Henri Roth, apporte son appui au projet de loi et décrit succinctement leur travail de recherche de l'information dans les départements de l'administration cantonale. Enfin, une délégation de l'Association des communes genevoises (M. Carlo Lamprecht, conseiller administratif de la Ville d'Onex, président de l'Association, M. Pierre Hiltpod, conseiller administratif de Carouge et M. Georges Bouvier, maire de Bellevue, tous deux vice-présidents de l'association en compagnie de M. Michel Hug, secrétaire général) exprime sa réticence - pour ne pas dire plus - à l'égard du projet de loi considéré au mieux comme inutile ou pire, comme nocif. Il est qualifié d'excessif et de "; rouleau compresseur ".

Tenant compte du fait (ou oubliant le fait) qu'au début de sa séance du 30 avril 1992 elle avait adopté l'entrée en matière, tant sur la motion que sur le projet de loi par 10 voix (3 S, 2 DC, 1 E, 2 R, 2 L), contre 1 (MPG), à la fin de sa sixième séance du 25 juin 1992, la commission accepte par 7 oui (1 T, 2 S, 2 DC, 1 R, 1 MPG) et 3 abstentions libérales, une proposition visant à "; octroyer un délai au 31 décembre 1992 au Conseil d'Etat, pour qu'il dépose un projet de loi sur la protection de la sphère privée et présente, le cas échéant, des amendements au projet de loi 6761 ".

Ayant prévu une audition de certaines commissions administratives des établissements publics médicaux, la commission reçoit une lettre du conseiller d'Etat chargé de ce qui s'appelait encore le Département de la prévoyance sociale et de la santé publique, en raison de l'impossibilité d'organiser l'audition d'une délégation issue des cinq commissions administratives en fonction à l'époque. Cette lettre commente certains aspects de la loi et de sa philosophie. En raison de son intérêt rétrospectif, elle est reproduite pour l'essentiel ci-après :

1. "; Les commissions administratives des établissements publics médicaux et  d'autres établissements publics autonomes sont composées de "; miliciens " qui se réunissent tous les mois ou tous les deux mois, selon la taille de l'établissement. Il est difficile de constituer des délégations pour la prochaine séance de votre commission.

2. Si de tels textes sont adoptés, ils s'appliquent à l'évidence à l'ensemble des établissements publics avec une seule restriction, le respect de la sphère privée des patients. Par exemple, tout ce qui relève de la politique de soins de nos établissements ne saurait être confidentiel.

3. Fondamentalement, l'inspiration des deux textes me paraît être louable et utile. La transparence doit être postulée, la confidentialité doit rester l'exception, mis à part le point précédent.

4. Le projet de loi 6761 pose un problème de technique législative. Il procède selon un mécanisme double : des affirmations de principe vastes et vagues (art. 2, 3 et 6) suivies d'exception laissant des marges d'interprétation (art. 4). L'article 8 relève à la fois de principes constitutionnels écrits ou jurisprudentiels et de précisions de détail. L'alinéa 4 devrait être "; situé " par rapport au code civil, etc. Les articles 12 et 13 seraient complexes à concrétiser.

5. Dans la mesure où j'adhère à l'option de base, il me semble qu'il serait plus judicieux de procéder selon la motion 762. Si cette motion était envoyée au Conseil d'Etat, ce dernier pourrait se conformer à la première invite et mettre sur pied le groupe de réflexion qui aurait la charge de produire la variante adéquate au projet de loi 6761 ; ce dernier restant en suspens auprès de votre commission pendant la durée des travaux. J'imagine qu'ils peuvent être conduits avec une certaine rapidité. "(Lettre du 25 juin 1992 de M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat à Mme Françoise Saudan, députée, présidente de la Commission judiciaire du Grand Conseil).

Dès lors, les deux textes avec la pétition disparaissaient des travaux de la commission jusqu'à la fin de la législature.

b) Législature 1993-1997

Après les élections, la Commission judiciaire se réunit pour la première fois le 9 décembre 1993. Elle désigne son président en la personne de M. Bénédict Fontanet. Assistent à la séance, M. Gérard Ramseyer, nouveau conseiller d'Etat chargé du département devenu de justice et police et des transports, ainsi que MM. Riat et Duport.

Le procès-verbal de cette séance portant le N° 1 énumère les projets en suspens et à propos de chacun d'eux se livre à un petit résumé. On voit ainsi réapparaître les trois textes. Il est dit que deux collaborateurs ont été chargés d'établir un document en consultant les autres départements. Ceci est qualifié comme suit :

"; Ces derniers ont rédigé un document qui n'est pas un contre-projet, mais seulement un reflet de la pratique ". Exit

On voit réapparaître les trois objets au début de la séance du 3 novembre 1994 (procès-verbal N° 21). Le président de la commission rappelle "; les trois objets sur l'information " qui "; avaient été suspendus lors de la précédente législature, dans l'attente d'un rapport du Conseil d'Etat sur la compatibilité de ces objets avec le secret de fonction ".

La législature s'achève ! Sic transit gloria mundi.

c) Législature 1997-2001

Au printemps 1998, les commissaires socialistes, relayés par leurs collègues libéraux, réclament "; l'exhumation " de ces projets dûment répertoriés en début de législature. La commission est désormais présidée par M. le député P.-F. Unger qui réussit à "; glisser ", entre quelques gros projets et en attendant quelques autres gros projets, ces textes frappés de scoumoune.

La commission consacre une bonne partie de sa séance du 4 juin 1998 à un tour d'horizon avec M. Eric Balland, secrétaire adjoint au Département de justice et police et des transports, qui fut la cheville ouvrière de nombreux travaux conduits au sein de l'administration, coordonnant les réflexions de groupes interdépartementaux. M. Balland relate succinctement la nature des travaux conduits d'abord sous l'égide du Département de justice et police et des transports et ensuite du chancelier d'Etat lui-même.

Surgissent lors de cette séance les difficultés inhérentes à la mise au point de cette législation : le secret de fonction, les intérêts publics prépondérants, la sphère privée, la délimitation précise de ce qui justifie le secret, les projets en cours non encore aboutis, etc.

La commission requiert l'apport des documents disponibles et retient l'audition du chancelier. Celle-ci se tient le 25 juin 1998, six ans jour pour jour après la première "; conclusion " des travaux.

M. le chancelier commence par exposer les grands progrès réalisés depuis fin 1994, début 1995 en matière de communication et d'information et remet un épais dossier comportant des échantillons ou des descriptions de ce qui est actuellement disponible et en fonction, qu'il s'agisse de prestations destinées au grand public ou de prestations destinées aux journalistes.

L'inventaire des difficultés, des réticences, des légitimes préoccupations est repris, tout le monde se ralliant à la nécessité d'aller de l'avant, en étant conscient des difficultés, mais également de l'inéluctabilité de la démarche dans une démocratie digne de ce nom.

Le chancelier remet à la commission un document de travail datant d'août 1994, récapitulant toutes les propositions de variante au projet de loi 6761. Il y a là matière à des contre-projets. Les commissaires ayant siégé lors des deux précédentes législatures avaient reçu un document daté du 12 juin 1992 de M. Charles Poncet, un des auteurs sinon l'auteur du projet libéral, compilant tout ce qui était relevant dans la législation genevoise ainsi que le projet de loi (à l'époque projet) bernois, avec son exposé des motifs. La loi québécoise figure également dans les dossiers.

Ceci signifie que de nombreuses législations étrangères et cantonales existent. La loi bernoise est citée en exemple et la Confédération s'engagerait dans la même voie.

Conclusions de la commission

Au terme de son fructueux dialogue avec le chancelier, le 25 juin 1998, la commission conclut ses travaux par un raisonnement politique et un effort de rédaction que l'on peut résumer de la manière suivante.

1. Le devoir d'informer de l'Etat dans un système démocratique ne se discute pas. D'ailleurs, après des décennies de blocages et d'appréhensions, avec l'explosion des nouvelles technologies, sans loi, l'Etat de Genève a parcouru un chemin important dans ce domaine. Une relève des générations et une mutation lente des mentalités se sont opérées depuis trois ans environ.

2. Le droit d'accès des citoyens aux actes des autorités, dans un Etat de droit, ne peut être contourné, éludé, mis sous le boisseau. Il n'est toutefois pas absolu; il doit obéir à des règles que seule une loi est en droit d'édicter. La sphère privée des individus et des intérêts publics prépondérants doivent être préservés. Le problème des projets en cours d'élaboration doit être abordé. De même, l'exercice de l'activité de journaliste doit être facilité avec un cadre légal adéquat, tant fédéral que cantonal.

3. L'élaboration d'un projet de loi tenant compte de tout ceci est chose délicate et difficile à concrétiser à 15, dans une commission parlementaire. Le Gouvernement est mieux outillé pour mandater un "; expert " pour préparer un avant-projet, à partir de la volumineuse documentation à disposition et de ce qui existe ailleurs.

4. Même si la plupart des membres de la commission adhèrent aux objectifs qui animent les auteurs du projet de loi 6761, de nombreuses dispositions précises figurant dans ce texte n'entraînent pas l'adhésion. Le meilleur moyen de concrétiser ces objectifs, sans trop de délais supplémentaires, demeure le passage par le Conseil d'Etat et la désignation d'une personne apte à s'acquitter d'une telle tâche d'élaboration.

5. L'envoi de la motion au Conseil d'Etat paraît le moyen le plus naturel d'atteindre ce but. Toutefois, le premier point du dispositif de la motion doit être re-rédigé, le deuxième étant entre-temps devenu sans objet. Il s'en suit que les auteurs du projet de loi acceptent la priorité chronologique donnée à la motion, alors que les motionnaires acceptent la remise sur le métier du texte de leur proposition.

6. A partir des réflexions figurant aux points 1 et 2 de ce chapitre, la commission se rallie à un dispositif d'un seul point, libellé comme suit :

invite le Conseil d'Etat à déposer, dans un délai n'excédant pas une année, un projet de loi abordant d'une part le devoir d'information de l'Etat et, de l'autre, le droit d'accès du citoyen aux actes de l'Etat, ainsi que les limites d'un tel droit.

La motion M 762 ainsi amendée en vue d'être adressée au Conseil d'Etat est acceptée à l'unanimité des présents (2 AdG, 1 S, 1 L, 1 DC).

7. En ce qui concerne la pétition 955, la commission, également à l'unanimité des présents (2 AdG, 1 S, 1 L, 1 DC) propose au Grand Conseil le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, pour information. Ce rapport et le mandat donné au Conseil d'Etat de préparer une législation à bref délai justifient le dépôt de la pétition. En effet, le besoin exprimé par un citoyen par voie de pétition rejoint les attentes de députés qui - eux - procèdent par projet de loi ou proposition de motion.

Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas au bout de la course, mais nous arrivons enfin au stand de ravitaillement … pour autant que vous vouliez bien suivre votre commission.

Pour terminer, quelques remerciements s'imposent :

- à notre procès-verbaliste exemplaire, M. Olivier Bégoin ;

- à MM. Duport et Balland, du Département de justice et police et des transports, pour leur aide précieuse, en particulier pour retrouver les traces des travaux menés par nos prédécesseurs ;

- à notre président, M. Unger, dont la volonté d'aboutir a été déterminante ;

- à M. le chancelier, véritable M. Jourdain du devoir d'information des Etats modernes.

Un souhait : que le Gouvernement prenne cette affaire au sérieux, respecte les délais et trouve "; l'expert " utile (des noms sont articulés en commission), qu'un projet de loi puisse faire l'unanimité (il n'est pas interdit de rêver) et entre en vigueur au plus tard pour le début du XXIe siècle, soit le 1er janvier 2001. Ce n'est pas trop demander.

Au bénéfice de ces explications, Mesdames et Messieurs les députés, la Commission judiciaire, unanime, vous prie de suivre ses conclusions, tant pour la motion 762 que pour la pétition 955.

PÉTITION(955)

Droit de questionner avec obligation de réponse

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ANNEXE

161718Débat

M. Albert Rodrik (S), rapporteur. Je voudrais ajouter quelques mots à mon rapport. Comme le débat d'hier en début de séance à propos des sectes, ce que nous évoquons ici et qui touche aux libertés fondamentales, sont des sujets que nous n'avons pas souvent l'habitude ou l'occasion de traiter; ce ne sont probablement pas des sujets qui défraient la chronique et sur lesquels nous passons beaucoup de temps et nous épuisons beaucoup d'énergie, mais néanmoins ils ont leur importance.

Aujourd'hui, inverser le principe de base qui veut que l'Etat se nourrisse de secret et qu'exceptionnellement il s'ouvre, est à l'ordre du jour. Il ne suffit pas de le dire, il ne suffit pas de se reposer sur la technologie, il faut le faire entrer dans la réalité et dans les textes. Mon souhait est que, cette fois, le troisième Conseil d'Etat à avoir à affronter cette affaire la prenne un peu plus au sérieux que ses prédécesseurs. Ce Grand Conseil, élu l'année dernière, a essayé de s'atteler à cette tâche avec un petit peu plus de cohérence - disons-le sans manquer trop de respect - que ses prédécesseurs des deux précédentes législatures. Je réitère - j'espère vivement - le souhait que le Conseil d'Etat accordera à cette affaire l'importance qu'elle mérite; qu'il viendra comme le demande l'invite avec une proposition de législation qui ne sera ni inouïe, ni inédite en Suisse puisque d'autres cantons l'ont fait, et qu'ainsi ce sera un pas qualitatif important qu'on aura fait faire à la démocratie genevoise.

Mme Christine Sayegh (S). Je remercie le rapporteur d'avoir rédigé un rapport complet avec l'historique, la saga des différentes interventions pour essayer de faire passer la notion d'information du public. Effectivement, l'information du public est un élément essentiel de notre démocratie. Toutefois à Genève, cette notion a de la peine à s'imposer et souvent elle est analysée comme un désir de curiosité malsaine. Nous avons en commission montré les exemples des lois suédoises et des lois québécoises, nous n'avons pas convaincu. Nous n'avons pas pris la précaution - comme l'ont fait les commissaires cette fois - d'impartir un délai pour qu'un projet de loi soit élaboré. J'espère qu'avec le nouveau Conseil d'Etat, qui plaide la transparence, nous aurons le plaisir de voir ce projet de loi dans le délai que propose cette motion.

M. Walter Spinucci (R). Informer, c'est connu, c'est communiquer. Communiquer c'est donc transporter les informations sur des faits, attitudes, croyances en utilisant des supports destinés à véhiculer ces informations. A moins d'être anachorète, on éprouve le besoin impérieux de transmettre des messages. Cette communication - dont les agents vont du tam-tam au satellite spatial - devient nécessité dans le monde moderne. On a observé qu'elle pouvait se faire par gestes, par sifflements, par cris, par la parole, par l'écrit, ce dernier étant le mieux adapté par sa précision et sa pérennité. C'est pourquoi nous avons besoin d'écrire des lettres et des rapports, de dessiner des projets, des plans. La théorie de l'information se confond avec la théorie de la communication, c'est-à-dire l'étude du transfert de l'information.

Après ces préliminaires, je reprendrai les conclusions de la commission en les résumant brièvement, soit : «le devoir d'informer de l'Etat dans un système démocratique ne se discute pas», «le droit d'accès des citoyens aux actes des autorités dans un Etat de droit ne peut être contourné ou éludé». A tout cela, nous disons oui. Oui, mais le danger de l'information réside dans le fait qu'un énoncé a en général une multiplicité de significations et de valeurs; il est rarement univoque. L'ambiguïté est donc inhérente à toute information véhiculée par la parole ou par l'écrit. Tout projet de loi issu de la motion 762 et de la pétition 955 devra prendre les précautions indispensables pour éviter des interprétations multiples et partisanes.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Le très bon rapport de la commission judiciaire concernant cette motion 762 peut être considéré comme parfaitement satisfaisant. Amendée par la commission judiciaire, cette motion constitue une solution acceptable et va permettre au Conseil d'Etat de présenter un projet de loi approprié qui pourrait peut-être in fine remplacer le projet de loi 6761. Ceci dans un délai d'une année et, à cet égard, je me félicite du retour de ce domaine dans mon département. Nous nous fonderons bien sûr sur la motion, nous travaillerons sur les divers avant-projets et documents de réflexion qui ont été élaborés ou esquissés au sein de l'administration au cours de ces dernières années. J'aimerais en conclusion remercier en particulier M. le rapporteur du travail très complet et très clair qu'il a fourni.

M 762-A

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(762)

sur l'information du public

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- qu'une bonne information des citoyens sur les affaires publiques ne peut que les encourager à exercer leurs droits civiques et ceci en toute connaissance de cause ;

- qu'une pratique de transparence - dans la mesure où elle ne va pas à l'encontre d'intérêts publics ou privés prépondérants - crée la confiance envers les autorités et en renforce la crédibilité ;

- qu'une meilleure connaissance de certains projets serait de nature à éviter les oppositions manifestement infondées et résultant d'un manque d'information ;

- que la transmission de l'information au public peut se faire directement de l'administration à l'intéressé (par l'accès à certains dossiers par exemple) ou passer par l'intermédiaire des médias ;

- que la qualité des prestations des journalistes est fonction directe du climat de confiance réciproque qui peut s'instaurer entre les autorités et eux-mêmes lors du recueil d'informations ;

invite le Conseil d'Etat

à déposer dans un délai n'excédant pas une année, un projet de loi abordant d'une part le devoir d'information de l'Etat et de l'autre le droit d'accès des citoyens aux actes de l'Etat ainsi que les limites d'un tel droit.

P 955-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission judiciaire (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.