Séance du
vendredi 25 septembre 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
11e
session -
39e
séance
M 1235
EXPOSÉ DES MOTIFS
Ces dernières semaines, plusieurs responsables de comités d'initiatives et de référendums fédéraux se sont aperçus du taux anormalement haut de signatures invalidées par les services communaux compétents dans les communes genevoises. Renseignements pris, également auprès du chef du service des votations du DJPT, M. Ascheri, il apparaît que cette situation est due au fait que les rôles électoraux dans les communes du canton ne sont ajournés qu'une fois par année (le 31 décembre), contrevenant ainsi à la loi fédérale qui oblige les communes à tenir à jour leurs rôles électoraux jusqu'à cinq jours avant les dates fixées pour les votations fédérales.
Cette situation donne lieu à une violation répétée des droits politiques des citoyens signataires d'initiatives et de référendums qui ont atteint 18 ans ou qui viennent d'emménager dans une commune genevoise durant l'année en cours. Sont également gravement lésés les comités d'initiative et les organisateurs de référendums qui se voient annuler de façon totalement illicite un nombre important de signatures dans le canton de Genève.
Il faut impérativement mettre un terme à cette situation parfaitement illégale et cela dans les plus brefs délais. En particulier, nous demandons qu'à la demande des comités d'initiative et des organisations référendaires, les listes de signatures qui ont déjà été vérifiées par les services communaux puissent être soumises à une nouvelle vérification avec des rôles électoraux mis à jour. Les services compétents doivent traiter ces demandes avec la plus grande sollicitude. La priorité sera donnée aux référendums et initiatives en fonction de la date d'expiration des délais pour la récolte des signatures.
Au cas où les dispositions qui s'imposent pour remédier à cette situation ne seraient pas prises immédiatement, nous attirons votre attention sur le fait que plusieurs comités d'initiative et organisations référendaires disposent d'ores et déjà de listes de citoyens dont les droits politiques ont été lésés de la sorte et qui sont prêts à entamer les voies de recours nécessaires pour faire valoir leurs droits.
Averti de cette situation, le chef de la section des droits politiques de la chancellerie fédérale, M. Willi, nous a fait part de son étonnement et s'est dit prêt à soutenir toute démarche utile pour remédier à cette situation.
C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Luc Gilly (AdG). J'aimerais un peu de silence pour pouvoir conclure nos travaux ce soir et que les gens restent, afin de voter cette motion que je demande de renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Dans cette motion, il s'agit aussi de vol. Pas de 80 millions de signatures, mais nous avons constaté dans les comités référendaires et d'initiatives que ces derniers temps à Genève un taux anormalement élevé de signatures était invalidé par les communes. Après enquête auprès de M. Ascheri, nous avons téléphoné à M. Willi, à Berne, pour savoir ce qui se passait.
Nous avons appris qu'à Genève, de façon tout à fait illégale, les listes électorales étaient mises à jour une fois par an, les communes ne recevant les noms des nouveaux habitants que le 31 décembre. Or, actuellement, les déménagements sont fréquents. Par conséquent, de nombreux citoyens ne peuvent pas apposer leur signature sur un référendum sans se voir menacés d'être biffés. Voilà ce que nous avons constaté !
Avant que les citoyens des comités référendaires ou d'initiatives ne déposent une plainte contre ces dérapages administratifs et démocratiques... (Brouhaha.) Monsieur Koechlin, je vous remercie de faire en sorte que je puisse finir tranquillement !
Le président. Mesdames et Messieurs, veuillez garder le silence ! Vous êtes tous fatigués, mais l'orateur aussi ! Veuillez tenir vos conversations privées en dehors de la salle, je vous remercie ! Monsieur Lescaze, Monsieur Büchi, Monsieur Hodgers, c'est passionnant ce que vous dites, mais nous préférerions que vous le fassiez hors de l'enceinte ! Monsieur Vaucher, Monsieur Lombard, merci de vous taire et d'écouter M. le député Gilly.
M. Luc Gilly. Je constate une fois de plus que les droits démocratiques n'intéressent pas grand monde sur les bancs d'en face ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'aimerais que le parlement vote cette motion ce soir et la remette directement au Conseil d'Etat pour qu'il puisse prendre les mesures nécessaires. Surtout à l'époque de l'informatique ! Que toutes les communes soient informées au fur et à mesure des arrivées et des départs, afin que la validation des signatures se fasse correctement. Sinon, nous déposerons des recours et des plaintes contre ces procédés totalement illégaux et peu sympathiques envers la démocratie et les citoyens signataires.
Le président. Je vous prie, Mesdames et Messieurs, de vous taire !
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voulu traiter ce point ce soir, vous pouvez donc avoir encore cinq minutes de patience par respect envers ceux qui s'expriment ! Malgré l'heure tardive, j'aimerais faire quelques commentaires sur cette motion.
Je me demande si les députés qui sont habitués à récolter les signatures ne se mettent pas à chercher toutes sortes de raisons pour expliquer le fait qu'ils n'arrivent pas toujours à convaincre leurs troupes. Le grand succès du vote par correspondance a rendu plus difficile la tâche de récolter des signatures près des locaux de vote, mais rien ne permet de dire que des signatures invalidées ont changé des résultats. Lorsqu'une cause à défendre est valable, les problèmes tombent d'eux-mêmes : nous avons tous en mémoire la récolte, dans un délai très bref, de plus de trente mille signatures pour le référendum contre la loi sur les plus-values immobilières.
Cette motion ne peut pas nous laisser indifférents : elle attaque d'une part M. Ramseyer, d'autre part les communes, puisqu'il y est question de gérer des situations «illégales», «illicites»; ces adjectifs sont excessifs et ils ont été utilisés avec un ton parfaitement désagréable.
C'est simplement pour cette raison que le groupe libéral accepte qu'elle soit renvoyée directement au Conseil d'Etat, pour permettre au conseiller d'Etat chargé de ce département de s'expliquer.
M. Pierre Vanek (AdG). Souscrivant entièrement aux objectifs de cette motion, je n'avais pas l'intention d'intervenir. Mais, Madame Hagmann, je crois que mon collègue Gilly a raison, et vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas de problèmes sous prétexte que ce ne sont pas quelques signatures invalidées qui ont fait échouer tel ou tel référendum ! N'y eût-il qu'un citoyen privé du droit de s'exprimer par voie d'initiative ou de référendum, nous devrions prendre en main ce problème !
On trouve un certain nombre d'explications dans l'exposé des motifs concernant les registres électoraux des communes : c'est un problème factuel. Vous êtes bien placée pour intervenir sur ce point, mais je ne vous l'ai pas entendu faire. Bref, je ne vais pas prolonger ce débat, puisque vous êtes d'accord de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, qui ne constitue en aucune manière une attaque contre quiconque mais demande des mesures urgentes pour que chaque citoyenne et citoyen de ce canton puisse exercer pleinement ses droits démocratiques.
M. Antonio Hodgers (Ve). Comme mon collègue Vanek l'a relevé, les propos tenus par la députée Hagmann sont un peu déplacés par rapport à notre volonté lors de la rédaction de cette motion. Nous ne voulons pas, bien sûr, attaquer notre bien-aimé conseiller d'Etat M. Cramer mais soulever un problème facile à comprendre : si les communes mettent à jour leur fichier d'habitants une fois par année... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Laissez-moi finir ! Si, comme dans le cas de Carouge mentionné récemment, les communes font le comptage pour valider les signatures de leurs citoyens avec un fichier mis à jour une fois par année - alors que la loi prévoit que tout citoyen suisse habitant la commune depuis plus de trois mois peut exercer ses droits politiques - il est normal qu'on se heurte à ce problème administratif.
Nous demandons simplement un éclaircissement au Conseil d'Etat. Je ne vois là ni attaque ni obstacle au renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Régis de Battista (S). Cette motion a tout de même son importance : les citoyens de cette République qui signent des initiatives et des référendums doivent savoir comment leur signature est vérifiée; il faut leur donner la garantie que la démocratie que nous défendons ici est appliquée.
Tenir des discours pour dire que nous recherchons d'autres buts est tout à fait aberrant : ce débat concerne tous les partis, car tout le monde a besoin de signatures valables afin de faire aboutir les initiatives et référendums !
Mme Madeleine Bernasconi (R). Je propose que l'on renvoie comme demandé cette motion au Conseil d'Etat, et vous aurez ainsi des explications claires.
J'aimerais que vous sachiez que le travail se fait aussi dans les communes où l'on reçoit des indications de façon régulière ! Cependant, une erreur est toujours possible : un jour, je suis allée voter, mais, un homonyme ayant déménagé, notre nom avait été tracé après plus de trente ans passés dans la commune de Meyrin ! Ce changement venait de se faire et ne remontait pas à une année mais à quelques semaines.
Nous aussi sommes des démocrates et nous trouvons important que les choses soient bien clarifiées à ce niveau-là; le renvoi au Conseil d'Etat peut donc être une très bonne chose.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1235)
sur les violations des droits politiques dans la validation des signatures pour initiatives et référendums dans le canton de Genève.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
- le taux anormalement élevé des signatures invalidées par les services communaux;
- l'enjeu et la responsabilité politique que représente la récolte de signatures pour faire aboutir des initiatives et des référendums;
- le respect des Droits du citoyen/ne gravement lésé;
- la situation parfaitement illégale;
- l'importance que représente l'opinion de nos concitoyens,
invite le Conseil d'Etat
- à faire cesser dans les délais les plus brefs les violations des droits politiques dans la validation des signatures pour initiatives et référendums fédéraux dans le canton de Genève afin d'éviter le recours légitime que les citoyens/nes ne manqueraient pas de déposer;
- à prendre toutes les mesures appropriées pour que toutes les communes du canton de Genève mettent à jour leur fichier et à rapidement envoyer les initiatives et référendums dûment vérifiés.
Le président. Je vous donne rendez-vous, Mesdames et Messieurs, le 17 octobre pour notre sortie avec le Conseil d'Etat !
La séance est levée à 23 h 50.