Séance du
jeudi 24 septembre 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
11e
session -
36e
séance
PL 7887
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit :
Art. 9A Obligation de renseigner (nouveau)
1 En cas d'infraction à la loi sur la circulation routière, le détenteur d'un véhicule à moteur ou d'un cycle est tenu d'indiquer à la police l'identité du conducteur ou de désigner la personne à laquelle le véhicule a été confié.
2 Si le détenteur du véhicule est une personne morale, notamment une société anonyme, l'obligation de renseigner incombe à l'administrateur de la société. Lorsqu'il y a plusieurs administrateurs, l'obligation de renseigner incombe au président du conseil d'administration.
3 L'article 48 du code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, demeure réservé.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Actuellement, il n'y a pas de disposition légale permettant d'identifier le conducteur qui a commis une infraction à la LCR, lors d'un contrôle radar par exemple. La police ne dispose pas d'autre moyen que de présumer que le détenteur du véhicule en était également le conducteur au moment des faits. Or, cette présomption peut être facilement renversée car il suffit que le détenteur rende vraisemblable qu'il ne conduisait pas le véhicule lorsque l'infraction a été commise.
En conséquence, il est nécessaire d'imposer au détenteur de véhicule un devoir général de renseigner sous peine des arrêts ou de l'amende, de manière à ce que la police puisse obtenir les indications utiles à la poursuite pénale en matière de circulation routière. Une telle obligation à la charge du détenteur de véhicule a d'ores et déjà été instituée dans d'autres cantons, notamment à Zurich, et le Tribunal fédéral a admis que les cantons étaient compétents pour légiférer à ce sujet dans le cadre du pouvoir que leur réserve l'article 335, al. 1 CP (ATF 107 IV 146, JT 1982 p. 433).
En ce qui concerne le problème posé par les infractions à la circulation routière causées par un détenteur de véhicule immatriculé au nom d'une société, il faut savoir que la contravention ne peut pas être établie à l'encontre de la société dans la mesure où, en droit suisse, on admet que les personnes morales ne sont pas responsables pénalement des actes commis par leurs organes.
En revanche, rien n'empêche de prévoir l'obligation de renseigner à la charge de la direction de la société, de manière à sanctionner l'infraction commise par son organe ou par son employé. C'est d'autant plus indispensable qu'actuellement le service des contraventions est dans l'impossibilité de recouvrer le montant des contraventions établies à l'encontre de conducteurs de véhicules immatriculés au nom d'une société, ce qui représente au 30 juin 1998 plus de 4 000 contraventions auxquelles 1 100 sociétés n'ont pas donné suite, totalisant un montant approximatif de 420 000 F.
Il arrive souvent qu'une seule et même société cumule de nombreuses contraventions impayées. Par exemple, le service des contraventions a envoyé, en 1996, 65 contraventions à une société, laquelle n'en a acquitté aucune malgré les rappels expédiés. Les difficultés d'encaissement s'expliquent par le fait que la présomption selon laquelle le détenteur du véhicule en était également le conducteur est inapplicable puisque les véhicules de société sont en général utilisés indifféremment par plusieurs personnes. Enfin, l'obligation de renseigner la police ne doit pas s'imposer, pour des motifs d'égalité de traitement, seulement au détenteur de véhicule privé mais aussi à la direction de la société.
Pour le surplus, le nouvel article 9A, alinéa 3 réserve expressément l'application de l'article 48 du code de procédure pénale, du 29 septembre 1977 relatif au refus de témoigner car on ne peut pas exiger du détenteur qu'il donne des renseignements qui sont de nature à l'exposer personnellement ou qui exposent ses parents ou alliés à des poursuites pénales.
Enfin, le refus de renseigner sera réprimé par l'article 20 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987 qui prévoit que les contrevenants sont passibles des arrêts ou de l'amende (art. 37, al. 1, ch. 1 de la loi pénale genevoise, du 20 septembre 1941).
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.