Séance du vendredi 26 juin 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 10e session - 34e séance

M 1178-A
12. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et M. Rémy Pagani, Françoise Schenk-Gottret, Christine Sayegh, Fabienne Bugnon et Louiza Mottaz sur la création d'une zone de verdure à Troinex. ( -) M1178
Mémorial 1998 : Développée, 891. Lettre, 902. Renvoi en commission, 913.
Rapport de majorité de M. Christian Ferrazino (AG), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Florian Barro (L), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE MAJORITÉ

"; Cette terre ne nous a pas été donnée par nos parents. Elle nous est prêtée par nos enfants " (proverbe masaï (Tanzanie) cité en exergue de l'étude environnementale effectuée en 1997 par le professeur Lachavanne, sous l'égide des autorités troinésiennes).

Remarques préliminaires

A la suite d'une initiative populaire demandant que les communes aient la possibilité d'élaborer des plans d'affectation du sol, la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire a été complétée d'un article 15A ayant pour effet d'accorder un droit d'initiative dans ce domaine aux communes.

Il a paru logique, dans la foulée, d'accorder un droit identique au Grand Conseil qui, jusque-là, ne pouvait s'exprimer que par voie de motion, qui n'a, en principe, pas de portée contraignante.

De fait, l'article 15A LaLAT n'exprime pas très bien cette volonté du législateur et mériterait d'être précisée, dans la mesure où il réglemente essentiellement les modalités du droit d'initiative communale. Mais l'esprit de la réforme législative doit être respecté, sans compter que le Grand Conseil est libre de légiférer sur n'importe quel objet. Le seul problème qui existe en matière d'adoption d'une loi portant sur une modification des limites de zones, c'est que cette loi doit, avant son adoption, être soumise à une procédure répondant aux exigences de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.

Il en résulte que le Grand Conseil, comme les communes (si elles invoquent l'alinéa 2 ou l'alinéa 3 de l'article 15A), peut exercer son droit d'initiative de deux manières (un peu comme le droit d'initiative populaire qui peut s'exercer à travers une initiative non formulée ou une initiative rédigée de toutes pièces) :

- soit en adoptant une motion chargeant le Conseil d'Etat de la concrétiser en élaborant un avant-projet de loi correspondant à ses désirs en vue de sa mise à l'enquête publique,

- soit en proposant un projet de loi formulé, accompagné d'un plan constituant les documents qui seront mis à l'enquête publique.

Dans le second cas, il est évident que c'est le projet de loi et le plan annexés à la proposition de motion qui doivent être mis à l'enquête publique, sous réserve d'ajustement résultant de questions techniques de caractère formel (cf. article 15A alinéa 4 par analogie).

Le Conseil d'Etat ne saurait modifier la proposition précise du Grand Conseil, sous prétexte qu'elle accompagne une motion dont le but est d'obtenir que la procédure prévue à l'article 16 de la loi soit engagée. Bien entendu, le Conseil d'Etat peut joindre au projet mis à l'enquête publique tout préavis utile, comme celui de la Commission d'urbanisme. Il appartiendra au Grand Conseil, au terme de la procédure instituée à l'article 16 de la loi, de décider s'il maintient le projet initial ou s'il entend le modifier pour tenir compte des divers préavis recueillis.

Dans le cas d'espèce, c'est donc le projet de loi et le plan joint à celui-ci, que la Commission de l'aménagement préconise d'adopter en deux débats, qui doivent être mis à l'enquête publique, le 3e débat devant intervenir au terme de la procédure prévue à l'article 16 LaLAT

Le site de la Grand'Cour

Tout le monde s'accorde à reconnaître l'aspect remarquable de ce site sensible.

Le transport sur place effectué par la commission a d'ailleurs permis d'apprécier ce patrimoine de grande valeur. L'étude historique effectuée en août 1995 et intitulée "; la Grand'Cour à Troinex, un joyau de la campagne genevoise " jointe à la proposition de motion visant à créer une zone de verdure à Troinex, insiste sur la particularité de ce site privilégié de la campagne genevoise. L'unité et l'harmonie de la Grand'Cour en font un site d'une rare qualité, justifiant aux yeux de la majorité de préserver cet ensemble exceptionnel du patrimoine genevois.

Ce d'autant plus que les besoins invoqués pour justifier le projet constructif envisagé - indépendamment de leur actualité toute relative - n'exige nullement d'être réalisé sur cette parcelle non bâtie propriété de la commune de Troinex.

Que souhaite la Poste ?

Les récentes restructurations effectuées par les PTT ont notamment pour conséquence que la Poste n'est plus désireuse d'acquérir en propriété des locaux, préférant les louer.

Au demeurant, le service du tri ayant été déplacé à Vessy, la Poste est pleinement satisfaite de la grandeur des locaux qu'elle occupe à Troinex, n'ayant aucun besoin de surface supplémentaire. Enfin, si la Poste doit transférer ses activités dans d'autres locaux (la mairie souhaitant récupérer les locaux actuellement occupés), on peut raisonnablement considérer que les parcelles dont la commune est propriétaire dans le secteur des Saussac offrent une situation stratégique optimale : ces terrains - précisément destinés à des équipements publics - sont situés au coeur de la zone la plus densément habitée de la commune. Il paraîtrait ainsi logique qu'ils puissent offrir aux nombreux habitants qui y vivent les équipements de proximité auxquels ces terrains sont destinés. Ce d'autant plus qu'il n'existe actuellement aucun projet pouvant faire obstacle à une telle réalisation.

D'autres solutions ne mettant pas en péril le site exceptionnel de la Grand'Cour existent :

A. Comme l'ont rappelé les associations auditionnées par la Commission de l'aménagement, 4714 m2 de terrains destinés à des équipements publics ont été cédés gratuitement à la commune en 1989, lors du déclassement des Saussac. Ces terrains, comme mentionné ci-dessus, sont judicieusement situés pour la réalisation d'équipements publics dont la population a besoin.

B. Sans parler de la parcelle de 2375 m2 que la commune a rachetée à l'Etat, dans le même périmètre et qu'elle conserve "; en réserve " selon l'expression de Mme Luscher, maire de Troinex, lors de son audition par la Commission de l'aménagement.

C. L'Association "; Troinex Autrement " a également fait état, lors de son audition, d'une autre parcelle située dans le secteur "; Moillebin-Ecole ", d'une surface de 15 016 m2, faisant l'objet d'un projet d'achat et d'échange, que la commune souhaite acquérir pour des équipements publics.

Ces quelques exemples démontrent que la commune a la possibilité d'implanter ses futurs équipements publics sur des parcelles destinées à cet effet, admirablement bien situées, par rapport aux habitations, sans mettre en péril un site médiéval d'importance cantonale.

Autonomie communale

M. Baertschi, du DAEL, a rappelé aux commissaires les pressions dont la CMNS a été l'objet de la part de la commune qui hurlait à la violation de l'autonomie communale.

Mme Luscher, maire de Troinex, a réaffirmé, lors de son audition, sa conviction que la présente motion, si elle devait être acceptée, bafouerait l'autonomie communale, dès lors que le projet de la commune ne pourrait pas se réaliser là où la commune le désirait. Mme Luscher n'a toutefois pas répondu par l'affirmative à une question d'un commissaire qui lui demandait si elle souhaitait une modification de la législation genevoise, visant à transférer aux communes la compétence de déclasser les zones.

Il appartient bien au Grand Conseil, après avoir consulté la commune, de mettre en comparaison l'intérêt de cette dernière et celui du canton. La majorité des commissaires ont considéré que la Grand'Cour était l'un des seuls sites médiévaux de cette qualité et qu'il fallait donc le protéger. Cet intérêt du canton l'emporte manifestement sur celui de la commune, qui peut, de surcroît, réaliser son projet sur d'autres parcelles parfaitement adaptées à cet effet.

Certains commissaires n'ont d'ailleurs pas compris - et ne comprennent toujours pas - l'entêtement de la commune à vouloir à tout prix réaliser son projet sur la parcelle de la Grand'Cour - qui n'a jamais été construit - au risque de causer une atteinte irrémédiable à un des joyaux médiévaux de la campagne genevoise, alors que la commune dispose d'autres terrains pour abriter son projet constructif.

Au bénéfice des explications qui précèdent, la majorité de la Commission de l'aménagement vous invite à voter la présente motion visant à rendre inconstructible la parcelle de la Grand'Cour, propriété de la commune de Troinex, par la création d'une zone de verdure.

RAPPORT DE MINORITÉ

La dernière trouvaille

Cette motion est la dernière trouvaille des opposants au projet de construction de la commune (nouvelle poste, logements, petits commerces, reconversion mairie), suite à toutes les tentatives de le faire capoter. Certaines de ces tentatives ont déjà échoué puisqu'une autorisation de construire préalable est en force et qu'une définitive est octroyée, mais encore querellée. Vous trouverez ci-après (annexe A), l'historique du projet qui démontre à l'envi que cette motion n'entend pas poursuivre le but qu'elle s'est fixé dans l'exposé des motifs, à savoir le classement d'un ensemble bâti, mais celui de rendre de surcroît inconstructible une parcelle de la commune. Elle s'inscrit (et ce avec 7 ans de retard) comme un obstacle supplémentaire au service d'une minorité de citoyens et d'élus de Troinex relayée par certains députés.

D'autre part, dans l'exposé des motifs, sous la plume d'historiens (Mme Deuber-Pauli, MM Bruhlhart et Hiler), il nous est affirmé qu'une étude de 1991 prévoyait de renoncer à placer de nouvelles infrastructures administratives à Grand'Cour, mais plutôt de les installer aux Saussac, en plein développement, et de conclure qu'il ne fallait plus rien faire sur Grand'Cour pour "; ne pas ruiner un ensemble exceptionnel du patrimoine genevois ". Les historiens ont omis de citer certains passages de l'étude (sûrement par inadvertance, connaissant leur probité) qui relevait qu'à la place de nouvelles infrastructures il y avait lieu de prévoir une auberge communale et des parkings (annexe B). Rectification est faite aujourd'hui pour le respect de l'histoire. Une autre rectification s'impose concernant la surface de terrain que la commune a reçu gratuitement lors de l'opération des Saussac, et qui s'élève à 4717 m2 et non pas 17 200 m2.

La séparation des pouvoirs, le respect d'être entendu

L'urgence est déclarée, ceci nous a été dit par la gauche, au Grand Conseil lors du premier débat sur cette motion, en commission et encore ces derniers jours lorsque le rapporteur de majorité a insisté pour faire inscrire ce rapport rapidement à l'ordre du jour. Tout ceci uniquement dans le but de dessaisir le Tribunal administratif (TA) des causes qu'il a à juger (autorisation de construire définitive et refus de classement). Quel manque de respect pour nos institutions, quand il est bien plus simple de faire justice soi-même.

De plus, ce que la minorité politique de Troinex n'a pu obtenir sur son sol, elle le transporte sur un autre terrain, celui du Grand Conseil, en faisant rédiger une motion. Ceci bien entendu sans concertation préalable du principal intéressé propriétaire de la parcelle.

En séance plénière du Grand Conseil, la gauche d'ailleurs a failli s'asseoir sur ses principes en tentant de faire voter immédiatement et sans auditions cette motion. Curieuse attitude, alors qu'en mai 1998 de sympathiques socialistes déposaient une motion 1203 visant à étudier une augmentation de compétences en matière d'aménagement du territoire en faveur des communes. Bravo pour le dialogue. Se ravisant soudain, la gauche accepte le renvoi en commission, nous avons donc pu constater sur place et par audition que la conservation du patrimoine n'était qu'un prétexte qui animait les motionnaires.

Le procédé

Cette motion intervient à l'envers du bon sens, puisqu'elle entend supprimer la constructibilité d'une parcelle. Cette phase de planification d'aménagement, qui trouve sa place, normalement, au début d'un projet, intervient alors même que des assurances ont été données au propriétaire sur la destinée de son bien. La réaction est bien tardive et il aurait été plus honnête, intellectuellement parlant, de faire cette proposition au début du processus. Là, les opposants n'étaient pas aussi bien structurés qu'aujourd'hui et la commune pensait que, suite à une négociation entre les parties, la solution consensuelle trouvée permettait de faire progresser le projet. C'était sans compter l'acharnement du groupement "; Troinex Autrement " qui, pour des raisons fort éloignées de protection du patrimoine, puisqu'il s'agit de politique (comme quoi ça ne fait pas bon ménage), ont récupéré l'affaire, aidé par Action Patrimoine Vivant (APV) qui agit, comme vous le savez, uniquement "; par pur idéal " (de nuire...), et par l'association de circonstance "; Association Grand ‘Cour " (AG'C).

Il est intéressant de constater que l'APV a fait recours auprès du Tribunal administratif contre la décision du Conseil d'Etat de refuser le classement de la Grand'Cour, se fondant pour partie sur une étude historique élaborée notamment par Mme Deuber-Pauli, membre de l'APV et également membre de la CMNS, commission s'étant prononcée contre le classement de la Grand'Cour et pour le projet communal. Mme Deuber-Pauli, cette fois-ci en qualité de députée a encore pris soin d'assister aux travaux de la Commission d'aménagement. Il est des libertés que l'on interdit aux autres et qu'on s'inflige à soi-même...

De cette attitude, je vous laisse juge (...et partie).

Les auditions

Nous avons procédé aux auditions des autorités administratives de Troinex, de l'AG'C et de Troinex. autrement, complétées d'informations des représentants du DAEL.

Le rapporteur de majorité aura certainement, dans un souci d'objectivité, relaté fidèlement les propos tenus, mais permettez-moi d'en évoquer quelques-uns qui confirment l'atmosphère délétère dont souffre Troinex.

Au dire de la commune, le processus démocratique du projet communal a été entièrement respecté. Il faut relever que "; Troinex Autrement " n'a pas fait usage des possibilités de référendum contre les décisions communales, par crainte certaine de perdre devant le peuple. Mme Reusse-Decrey, entendue en commission, comme membre AG'C, nous a affirmé que la mairie de Troinex diffusait des documents mensongers, notamment en prétendant que la mairie a toujours affirmé que si le projet ne se réalisait pas, les PTT quitteraient vraisemblablement la commune (annexes C produite par l'AG'C). Ce qui est faux puisque Mme Reusse-Decrey a délibérément omis de signaler dans son audition que la Mairie a diffusé un tout-ménage (annexe D) précisant qu'il s'agissait du service de distribution et non de l'office postal qui quitterait la commune. De plus par courrier du 27 mai 1994 (annexe E), les opposants déclaraient renoncer si certaines conditions venaient à être remplies. A ce jour, et nonobstant le fait que certaines de leurs exigences n'ont pas été soi-disant remplies, les opposants ont activé de nouveaux griefs à l'encontre du projet, ce qui démontre qu'il n'était pas dans leurs intentions de se comporter loyalement.

Dans le cadre de l'audition de "; Troinex Autrement ", M. de Weck, conseiller municipal, a proposé de considérer le futur projet de déclassement d'une parcelle agricole à fin d'usage d'infrastructures communales dans la balance des intérêts de la conservation de Grand'Cour. La majorité de la commission a préféré ne pas en entendre parler, plus soucieuse de dessaisir le Tribunal administratif, de remplir ainsi son mandat et le cas échéant de bâcler les travaux. A titre anecdotique, M. de Weck est intervenu pour solliciter du président du Grand Conseil, mandataire de la commune, une totale impartialité dans les débats, ce qu'il ne manquera pas, j'en suis sûr, d'adopter. Gageons qu'il en soit de même pour l'ensemble des intervenants, notamment ceux concernés par la procédure judiciaire. On peut rêver...

Autres considérants

Le rapporteur de minorité n'entend pas s'immiscer dans le conflit sur la comptabilité des propriétaires partisans et opposants au classement de la Grand'Cour telle qu'établie par le DTPE (annexe F) mais profite de relever que l'APV et l'AG'C dans leur courrier du 25 juillet 1995 au DTPE ont soigneusement évité de proposer le classement de l'ensemble des parcelles 10222 et 10224, propriétés de personnes opposées au projet communal. Comme quoi, ce qui est bon pour les autres n'est pas bon pour soi !

Le classement ne présuppose pas de déclaration d'inconstructibilité de la parcelle de la commune mais renforce le processus protectionniste autour du périmètre et soumet le cas échéant les propriétaires à des contraintes architecturales supplémentaires. Classer la Grand'Cour, c'est également aller contre la volonté majoritaire des propriétaires concernés.

Le patrimoine bâti de Grand'Cour, s'il peut effectivement être d'un certain intérêt, n'en apporte pas moins la preuve que cet ensemble a évolué au cours des siècles, de par la diversité du traitement architectural des constructions. Il n'y a, dès lors, aucune raison de priver notre époque d'apporter aussi sa contribution au patrimoine. Certes, tout projet est perfectible, celui-ci certainement. Le projet se situant en zone 4B protégée, la délégation de compétence accordée au DAEL en matière de contrôle et de respect de la protection du site devrait être suffisante pour que ce projet s'harmonise avec son environnement (bâti).

La parcelle étant actuellement nantie de droits à bâtir, confirmés par une autorisation de construire, les lui supprimer reviendrait à l'équivalent d'une expropriation matérielle, que le propriétaire pourrait faire valoir auprès des tribunaux. Si cet argument n'émeut pas la gauche, puisqu'il s'agit de l'argent de la collectivité, il n'en demeure pas moins que le coût de la politique d'aménagement que la majorité entend faire doit être financé (pris dans la poche des autres, je suppose...).

L'attitude de la Poste, en annonçant un délai de réflexion complémentaire pour la nouvelle implantation de leurs locaux, attitude que certains pourraient considérer comme versatile, est à nos yeux, hormis pour des raisons stratégiques internes à l'entreprise, certainement liée à l'opposition systématique au projet. Il n'en demeure pas moins que la commune a besoin de locaux pour accomplir correctement et de manière cohérente sa mission, en investissant les locaux actuels de la Poste. Quant à la Poste, qui désire rester implantée dans la commune, elle devra alors déménager dans les futurs locaux construits à Grand'Cour. La raison d'être de ce projet ne faiblit pas sous cet aspect.

En conclusion, la minorité est déçue de voir la protection du patrimoine prise en otage par les opposants et les motionnaires. Quelle que soit l'issue de cette motion, le patrimoine ne sortira pas grandi de cette affaire et tout au plus, en cas de succès sur ce vote, pourrons-nous voir la satisfaction de certain(e)s d'avoir pris une revanche sur les autorités de la commune de Troinex. Je vous invite à refuser cette motion.

ANNEXE A

131415161718ANNEXE B202122ANNEXE C24ANNEXE D26ANNEXE EANNEXE F2930

Débat

Le président. En début de séance, Mme Janine Berberat a demandé que l'on donne connaissance de la lettre de la mairie de Troinex. Madame la secrétaire, veuillez la lire, s'il vous plaît.

C 803 Annexe lettre

Résolution

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de majorité. J'interviens au niveau de la procédure. Exerçant son droit d'initiative, le Grand Conseil a proposé un projet de loi. Une lacune, que je ne m'explique pas, s'est produite au niveau de l'impression, car seul le texte de la motion a été reproduit à la page 6 de mon rapport. Le texte du projet de loi qui devait lui être annexé, qui contient quatre articles, vient de vous être distribué.

Ainsi, le Grand Conseil propose un projet de loi déjà formulé qui devra être mis à l'enquête publique. Nous avons procédé de la sorte pour un projet concernant la commune de Chêne-Bougeries.

Comme je n'ai toujours pas vu, dans la «Feuille d'avis officielle», la publication de la mise à l'enquête publique du projet de Chêne-Bougeries, je me dis que le département ne concrétise pas toujours rapidement les décisions de notre Conseil.

Je fais cette remarque à l'intention du président Moutinot, aujourd'hui absent. M. Ramseyer, qui le remplace, se fera certainement un plaisir de lui transmettre notre souhait de voir le projet qui va être voté être rapidement mis à l'enquête publique.

Monsieur Ramseyer, je vous demande aussi de noter que nous voterons ce projet de loi en deux débats - et cette fois c'est nous qui le demandons ! - puisqu'il conviendra, avant de passer au troisième débat, d'ouvrir l'enquête publique.

Je ne m'étendrai pas sur les raisons d'être de ce projet que nous avons déjà examiné en préconsultation. Vous vous souviendrez qu'il s'agissait de préserver le périmètre de la Grand'Cour en procédant à un changement de zone pour créer une zone de verdure.

Par la lettre qui vient d'être lue, la commune exprime son mécontentement, ce projet allant à l'encontre de son intention première de construire sur cette parcelle située dans le cadre d'un ensemble médiéval qui, aux yeux de la majorité de la commission d'aménagement, mérite tout particulièrement d'être conservé.

Cette commission a reçu Mme le maire de Troinex. Elle lui a rappelé que, s'il est souhaitable que les communes soient largement consultées en matière d'aménagement, il n'en demeure pas moins que le législateur entend pouvoir décider, et c'est sans doute là sa seule compétence, de l'affectation des zones.

Par conséquent, pour Troinex, comme pour toute autre commune, seul le Grand Conseil est compétent pour décider d'une modification de zone. Ce projet ne prévoit rien d'autre. Il tient compte des intérêts de la commune, mais en fonction des intérêts du canton. Et les intérêts du canton sont de préserver des zones de grande valeur patrimoniale, hélas trop rares !

Faisons en sorte de préserver celles qui nous restent ! Tel est l'objectif de cette proposition de motion et du projet de loi qui l'accompagne.

M. Florian Barro (L), rapporteur de minorité. M. Ferrazino fait une interprétation toute personnelle de l'article 15A de la LaLAT. Je le dis pour avoir relu le Mémorial relatant le débat du Grand Conseil qui a précédé le vote de la modification de cette loi.

L'exposé des motifs de la loi, qui conférait au Grand Conseil la possibilité d'initier des projets de lois, est très clair. Rédigé par le Conseil d'Etat, notamment par M. Grobet, conseiller d'Etat en charge à l'époque, il indique que les deux alinéas codifient la pratique actuelle sous réserve de la possibilité, pour le Grand Conseil, de présenter des propositions matérialisées sous forme de motion. Il n'est stipulé nulle part que le Grand Conseil peut formuler lui-même un projet de loi.

Pour l'intérêt du présent débat, je rappelle que, lors de notre séance du 17 décembre 1992, un intervenant a déclaré : «Il est vrai que l'on a entendu, dans cette enceinte, des députés se plaindre du temps nécessaire pour faire aboutir des plans d'affectation du sol. Et j'ai eu maintes fois l'occasion de dire que le temps qui était pris résultait de recherches de solutions consensuelles. Et, personnellement, je trouve qu'il est toujours préférable d'arriver à une solution consensuelle plutôt que de tenter de faire adopter, au pas de charge, un plan d'affectation du sol.»

Ces paroles ont été prononcées par M. le président du Conseil d'Etat de l'époque, M. Grobet, qui estimait préférable de trouver des solutions consensuelles plutôt que de passer en force.

Dans le cas qui nous occupe, on veut manifestement le contraire dans la mesure où ni la commune de Troinex ni la majorité de ses habitants n'ont été informés de cette proposition de motion. Il est donc surprenant que l'on adopte, à cinq ans d'intervalle, des attitudes totalement contradictoires.

Le procédé utilisé aujourd'hui est contraire à la loi fédérale d'aménagement du territoire qui prévoit expressément, en son article 4, que la population puisse participer de manière adéquate à l'établissement des plans d'affectation du sol. Ce n'est manifestement pas le cas ici.

Si cette proposition de motion était votée, elle devrait se borner à une invite non contraignante à l'égard du Conseil d'Etat. C'est, en tout cas, mon interprétation de la loi votée en 1992.

J'en viens au patrimoine et au site médiéval évoqués par M. Ferrazino. Nous devons faire la distinction entre un site médiéval et des bâtiments médiévaux. En l'occurrence, une importante confusion est commise. A Troinex, le site est d'origine médiévale, mais pas les bâtiments. En allant sur place, M. Ferrazino aurait pu constater que certains bâtiments datent de la fin du XIXe siècle et qu'une évolution architecturale permanente a eu lieu sur le site. Je ne vois dès lors pas en quoi une construction du XXe siècle pourrait être préjudiciable à cet ensemble.

Je termine avec la soi-disant pression exercée par la mairie de Troinex ou Mme Luscher sur le service des monuments et des sites et la CMNS. Je m'en suis ouvert auprès de M. Baertschi qui m'a dit que Mme le maire n'avait fait aucune pression pour faire passer son projet.

Je vous propose donc de rejeter cette motion.

M. Hubert Dethurens (PDC). Un conseil municipal vote un projet à la quasi-unanimité, moins deux voix; un conseil administratif le soutient; des autorisations, sauf erreur, sont déjà délivrées... et le projet, suite à diverses pressions, est différé pour être amélioré !

En tant que magistrat communal, je m'étonne que la présente motion, inspirée par le parti socialiste, aille exactement à l'encontre d'une autre motion qui, elle, préconise plus d'autonomie communale.

Où est l'autonomie si une commune, dès qu'elle dépose un projet sans que ses habitants ne s'y opposent, se voit contrée par M. Ferrazino et d'autres qui décrètent que son projet est mauvais ?

En tant que magistrat communal, je redis mon étonnement de voir deux motions si contradictoires émaner des mêmes personnes.

M. Walter Spinucci (R). Depuis quelque temps, les appels du pied de la majorité alternative aux communes sont très nombreux. Nous en avons un nouveau ce soir, avec le point 17 de notre ordre du jour. Preuve, probablement, de l'approche de celle qu'on appelle l'année des hannetons !

Il est bien d'attribuer de nouvelles compétences aux communes, mais il est de loin préférable de ne pas entraver les autorités communales, exécutif et législatif confondus, dans les actions qu'elles conduisent en vue de satisfaire aux demandes de leurs citoyens.

Le cas de Troinex constitue la preuve évidente du peu de cas fait par l'Alternative de la volonté des autorités communales. Une minorité politique de la commune, dans l'impossibilité de rallier à sa cause une majorité représentative, change de cadre et porte le débat devant ce Grand Conseil. C'est inadmissible !

Les votes du Conseil municipal de Troinex concernant soit des délibérations, soit des résolutions, sont simplement ignorés. Les opposants auraient pu choisir la voie du référendum. Ils ne l'ont pas fait, conscients de la faiblesse de leur mouvement et de leurs arguments. C'est un signe de manque de courage que de porter le débat devant cette assemblée et de ne pas se battre sur le plan communal.

Je me souviens des propos tenus par M. le conseiller d'Etat Cramer à divers exécutifs communaux. Il disait vouloir absolument faire respecter l'autonomie communale en toutes circonstances.

Il faut admettre que, dans ce dossier, l'autonomie communale succombe dans ce que l'on a appelé «la guéguerre des blondes» !

M. Christian Grobet (AdG). M. Barro a cité le Mémorial au sujet de l'adaptation apportée à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire afin de trouver une solution au droit d'initiative du canton en la matière.

Aussi aimerais-je vous rappeler, Monsieur Barro, que le Grand Conseil est l'autorité compétente pour voter les plans de zone. Monsieur Spinucci, c'est lui qui les vote et non le Conseil d'Etat et encore moins les communes.

Le Grand Conseil peut être saisi d'un projet de loi soit par le Conseil d'Etat, soit par un ou des députés.

Les députés ont donc le droit indiscutable de déposer des projets de loi tendant à des modifications de zone. Le problème est que la loi fédérale sur l'aménagement du territoire implique l'application d'une certaine procédure avant l'adoption du projet.

Il y a quelques années, nous étions dans l'impasse face à trois projets de lois de modification de zone, l'un déposé par des députés issus de l'ancienne formation des Vigilants pour le chemin de l'Impératrice, l'autre déposé par des députés du parti du Travail pour Meyrin. Quant au troisième, j'ai oublié, mais peu importe !

Une voix. Bonvard !

M. Christian Grobet. C'est possible. A ce moment-là, l'idée est venue de conférer un droit d'initiative aux communes. Et, à l'occasion de la modification de la loi, nous avons dit que, pour que le droit d'initiative des députés puisse être exercé, il fallait que les projets de lois du Grand Conseil soient mis à l'enquête publique, la motion n'ayant pour seul objectif, Monsieur Barro, que d'enclencher la procédure que le Conseil d'Etat, respectivement le département des travaux public, sont tenus d'engager. D'où la forme contraignante de cette motion par rapport à une motion ordinaire.

Dès lors, je m'étonne que vous disiez que le Conseil d'Etat serait en droit de donner suite ou non à cette motion, qui n'a d'autre but que d'enclencher la procédure pour un projet de loi que tout député a le droit de déposer devant le Grand Conseil.

Il est vrai que les députés qui ne veulent pas se lancer dans la rédaction d'un projet de loi peuvent choisir la voie de la motion pour demander au Conseil d'Etat de déclencher la procédure. Ce sera alors au département des travaux publics d'élaborer le plan et le projet de loi y relatifs.

La loi fédérale sur l'aménagement du territoire tend, effectivement, à faire participer la population au processus d'aménagement. Et c'est ce qui se passe au niveau de la procédure de la LaLAT qui prévoit l'enquête publique, le préavis du conseil municipal et la procédure d'opposition. Par conséquent, le projet de loi déposé par les députés ne pourra pas être voté avant que cette procédure n'ait été menée à chef.

Excusez l'expression, mais vous êtes complètement à côté de la plaque ! Il va de soi que la population n'a pas encore pu s'exprimer puisque c'est la procédure, dont nous demandons l'application, qui va le lui permettre et donner l'opportunité à la commune de se prononcer.

La demande du rapporteur de majorité est pertinente. S'agissant d'un projet de loi déposé par des députés, il ne peut pas être voté en trois débats. Il faut qu'il le soit en deux débats pour que le Grand Conseil démontre sa volonté de le mettre à l'enquête publique. Ensuite, nous voterons la motion. Si elle est acceptée, il appartiendra au Conseil d'Etat d'ouvrir la procédure.

Après ce que je viens d'entendre, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de modifier la loi qui, pour moi, est parfaitement claire et de prévoir que le Bureau du Grand Conseil procède, désormais, à la mise à l'enquête publique des projets de modification de zone engagés par le Grand Conseil.

Rien n'est plus simple que d'engager une procédure de mise à l'enquête publique. La Ville de Genève le fait régulièrement pour ses plans d'utilisation du sol. Il ne serait pas normal que la volonté du Grand Conseil soit bloquée parce que l'exécutif n'enclencherait pas la procédure. C'est particulièrement grave et je m'étonne, à l'instar du rapporteur de majorité, que le projet pour Chêne-Bougeries, voté en décembre, ne figure toujours pas à l'ordre du jour.

Au vu de ce qui se passe, il faudra peut-être revoir la modification législative adoptée, voici huit ans, pour permettre à cette procédure d'être engagée par voie de motion.

Il n'en demeure pas moins que la volonté du Grand Conseil, à l'époque, était de pouvoir concrétiser son droit d'initiative puisqu'une loi portant sur une modification de zone ne peut pas être votée si l'enquête publique, le préavis du conseil municipal et la procédure d'opposition n'ont pas eu lieu.

Monsieur Barro, vous dites que la parcelle concernée n'est pas médiévale. Bien sûr, puisqu'elle n'est pas bâtie ! Néanmoins, des bâtiments d'origine médiévale de grande qualité se trouvent dans le périmètre. Certes, il n'y a pas qu'eux, mais nous avons bel et bien affaire à un site médiéval. Je ne rappellerai pas les commentaires rédigés par deux historiens d'art bien connus sur l'intérêt historique de ce site médiéval quasiment unique à Genève.

En tant que magistrat communal, vous devez bien savoir, Monsieur Spinucci, que dans le cas particulier l'autonomie communale n'est absolument pas touchée.

Qu'on le veuille ou non, qu'on l'apprécie ou non - pour moi, c'est une bonne chose - l'aménagement du territoire à Genève relève de la compétence de l'autorité cantonale. C'est pour cette raison que nous avons pu réaliser un aménagement du territoire plus cohérent qu'ailleurs. Les communes participent au processus, mais les décisions sont prises par l'autorité cantonale sauf pour un plan d'affectation particulier, qui est le plan d'utilisation du sol où les compétences se partagent entre les communes et le canton.

Monsieur Spinucci, vous pouvez déplorer, sur le plan politique, la création d'une zone dans une commune qui s'y oppose. En revanche, vous ne pouvez pas dire que l'autonomie communale est bafouée, puisqu'il n'y a pas de compétence communale de décision en la matière.

Au terme de la procédure, c'est-à-dire dès que nous aurons connaissance des résultats de l'enquête publique, du préavis de la commune et de la procédure d'opposition, le Grand Conseil devra trancher. Si la commune émet un préavis négatif, le Grand Conseil devra décider de passer outre ou non. Cette mesure, difficile à prendre, interviendra au terme de la procédure.

M. Florian Barro (L), rapporteur de minorité. Monsieur Grobet, je vous remercie de votre cours sur l'aménagement du territoire. En ce qui me concerne, je me suis cantonné à une stricte lecture de la loi, rédigée à l'époque par vous ou vos services. Indiscutablement, la loi est claire. Elle précise, à l'article 15A, je cite : «A cet effet, un avant-projet de loi est élaboré par le département, de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil ou d'une commune. La demande du Grand Conseil est exprimée sous forme de motion.» Cet article signifie qu'une seule instance est habilitée à rédiger un projet de loi, à savoir le département ou le Conseil d'Etat, en l'occurrence.

Vous ne pouvez pas - et M. Ferrazino l'a relevé - faire voter au Grand Conseil le projet de loi annexé à la motion en deux débats, sous prétexte qu'il vous convient particulièrement. Nous ne pouvons que voter l'invite de cette motion. Nous n'avons pas à nous prononcer sur son annexe, laquelle permettra au département de concocter un projet de loi et un plan adéquat à mettre à l'enquête publique. Je n'ai rien dit de plus.

Je sais bien que je suis en avance par rapport au processus de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Mais je démontre ainsi que cette motion tend à ne pas tenir compte du sentiment de la majorité de la population de Troinex. Elle a été uniquement relayée au Grand Conseil par certains députés pour aider quelques opposants à mener une politique à l'encontre de la commune de Troinex. Il ne s'agit que de cela.

La préservation du patrimoine est un prétexte. Vous vous référez à l'étude historique qui a été conduite. Je n'en ai rien à dire sinon qu'elle est bien faite. Mais quel crédit accorder à des historiens qui tronquent des rapports pour éviter de dire qu'il était prévu de réaliser des structures civiles ailleurs qu'à Grand'Cour, cet emplacement devant accueillir un parking et une auberge communale ? De tels agissements sont-ils vraiment crédibles ? Le patrimoine est ainsi pris en otage, ce que je trouve particulièrement regrettable.

L'architecture du XXe siècle aura sa place dans le patrimoine. Veuillez excuser cette évidence, Monsieur Grobet ! Des bâtiments de 1900 et de 1930 ont déjà été classés, voire des bâtiments plus récents comme celui situé au bas de la Grand-Rue. L'architecture est en permanente évolution et l'on ne peut pas dire d'un site exceptionnel qu'il est totalement inconstructible.

Je me refuse à figer l'aménagement de ce territoire. Imaginez qu'une telle disposition ait été prise au XVe siècle, nous en serions encore aux huttes et aux baraques en bois sur ce périmètre de Grand'Cour ! Il faut savoir faire évoluer l'architecture et je trouve dommageable de prendre le patrimoine en otage pour mettre en avant les propos d'une minorité de Troinex.

M. Alain Etienne (S). Quelle protection du patrimoine pour Genève ? Faut-il s'inquiéter de la construction d'un nouveau bâtiment à la Grand'Cour ou peut-on toujours construire n'importe quoi n'importe où ?

Oui, Monsieur Barro, la protection du patrimoine est éminemment politique. Oui, si l'on veut préserver un ensemble de grande valeur, il faut rendre inconstructible cette parcelle de la commune.

Nous a-t-on donné le choix de faire autrement ? Comment les minorités à Troinex sont-elles respectées ?

Laissez-nous, Monsieur Barro, craindre parfois l'expression contemporaine de l'architecture. Loin de moi l'idée de figer l'évolution du patrimoine bâti, mais je ne suis pas sûr du classement futur du bâtiment qui serait construit sur cette parcelle.

Je tiens à rappeler que cette parcelle n'a jamais été construite et que cet espace fait partie intégrante du site. En termes de projet et d'approche du lieu, la construction ne se justifie pas. Il n'y a qu'à voir comment le bâtiment, qui donne sur le jardin, a été implanté !

Vous malmenez la gauche dans votre rapport. Tout y passe : la séparation des pouvoirs, les sympathiques socialistes de la motion 1203, Erica Deuber-Pauli, et j'en oublie ! Quel acharnement et quelle morale !

En ce qui concerne la motion 1203, attendez, Monsieur Dethurens, que les discussions s'engagent en commission avant de parler d'incohérence ! Nous pourrons en débattre en plénière.

La conservation du patrimoine n'est pas un prétexte. C'est aussi de la politique, et la politique c'est reconnaître que nous sommes aujourd'hui majoritaires et que nous voulons préserver la Grand'Cour.

Le groupe socialiste vous demande de suivre l'avis de la commission et d'adopter cette motion.

M. John Dupraz (R). Je ferai deux remarques sur ce que viennent de dire mes préopinants.

M. Grobet demande que ce soit notre Grand Conseil qui mette à l'enquête publique les dossiers relatifs à des changements d'affectation ou des modifications du régime des zones.

Monsieur Grobet, nous avons modifié la loi du règlement du Grand Conseil et je ne pense pas que nous avons fait là une bonne opération, mais si vous voulez continuer dans cette voie... A mon avis, ce travail est spécifiquement du ressort de l'exécutif.

Monsieur Etienne, vous êtes bien sympathique, mais quand vous décrivez le traitement des minorités à Troinex ! Mme Reusse-Decrey n'a peut-être pas toujours joui de l'estime qu'elle aurait dû avoir de la part de la majorité à Troinex, mais, en démocratie, c'est la loi du nombre qui commande. En démocratie, le plus grand nombre impose la décision, après que les uns et les autres ont été entendus.

Cela dit, je ne conteste pas à la nouvelle majorité le droit de proposer une motion et de formuler un projet pour des raisons que je qualifierais plus de politique politicienne que de protection du patrimoine bâti. En revanche, je m'étonnerais que nous votions, ce soir, le projet de loi en deux débats, c'est-à-dire avant que les enquêtes et la procédure aient suivi leur cours.

Votons la motion avec l'annexe et respectons la procédure prévue par la loi fédérale. Ensuite, nous nous prononcerons.

Nous prononcer déjà en deux débats sur le projet de loi serait mettre la charrue devant les boeufs et décider avant que se prononcent les gens, notamment la commune, qui sont partie prenante à la procédure ou peuvent l'être.

Je trouve donc fort curieux que l'on nous propose de voter la loi en deux débats. Si nous voulons vraiment respecter la procédure de la loi fédérale, nous devons voter la motion avec son annexe, comme le dit M. Barro. Dès lors je comprendrais tout à fait que, battus, la procédure suive la voie normale, à savoir une première enquête publique, le préavis de la commune sous forme de délibération, puis une deuxième enquête publique pour les oppositions. Après, nous traiterons le dossier. Mais voter ce soir le projet en deux débats, non merci ! C'est vraiment mettre la charrue devant les boeufs !

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de majorité. Je rappelle à M. Barro que le Grand Conseil n'était pas muet avant la modification de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et l'introduction de cet article 15A qu'il a lu. Mais que pouvait-il faire ? Il pouvait renvoyer des motions au Conseil d'Etat disant : «Nous, Grand Conseil, souhaiterions que vous, Conseil d'Etat, fassiez cela.»

Mais nous avons changé la loi sur l'aménagement du territoire, suite à une initiative populaire qui demandait l'octroi d'un droit d'initiative aux communes en matière de plan d'affection. Lors de la révision de la LaLAT, nous nous sommes dit qu'il serait logique de donner ce même droit au Grand Conseil, et c'est ainsi que l'article 15A est né. Si nous avons modifié la loi, c'était pour donner un plus par rapport à ce que nous avions déjà.

Précédemment, nous pouvions déposer des motions. Maintenant, nous pouvons déposer des motions accompagnées d'un projet de loi afin d'exercer le droit d'initiative du Grand Conseil.

Monsieur Dupraz, je suis prêt à faire un pas dans votre direction en matière de procédure, mais pour autant que le Conseil d'Etat prenne l'engagement, ce soir, par la voix de M. Ramseyer qui remplace M. Moutinot, de mettre à l'enquête publique le projet de loi annexé à notre motion dans le mois suivant cette séance.

Si, ce soir, le Conseil d'Etat s'engage devant nous à mettre le projet de loi annexé à la motion à l'enquête publique, nous serons d'accord de ne voter que la motion. En revanche, si nous n'avons pas l'engagement du Conseil d'Etat de mettre le projet de loi, tel que formulé et non modifié, à l'enquête publique dans les trente jours, nous demanderons son vote en deux débats, comme je le propose dans mon rapport.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. M. Ferrazino me met le couteau sous la gorge, mais ce n'est pas la première fois, en me demandant de m'engager pour que les documents qui doivent être affichés le soient dans un délai d'un mois.

Je vous avoue franchement mon embarras, Monsieur Ferrazino. Il vient simplement du fait que, dans le dossier que m'a remis M. Moutinot, il est indiqué que l'opposition entre la commune et le Grand Conseil est de caractère institutionnel.

En toute conscience, je ne peux pas prendre l'engagement que vous me demandez en l'absence de M. Moutinot.

Je vous propose de suivre l'autre voie que vous avez évoquée. Elle aura le mérite de sauvegarder la position qu'aurait prise M. Moutinot s'il avait été là.

M. John Dupraz (R). Les bras m'en tombent ! Je comprends que le suppléant du département de l'aménagement ait quelque difficulté à s'engager puisqu'il ne maîtrise pas la procédure et les services administratifs concernés.

M. Moutinot revient-il ce soir ? Pourrons-nous reprendre le débat ? M. Moutinot est-il atteignable ?

J'avoue ma gêne à voir ce Grand Conseil procéder au vote du projet en deux débats. Ce faisant, il déciderait déjà à 90% sans que la population, la commune, les parties intéressées aient pu se prononcer selon la procédure normale.

Il est compréhensible que ceux qui veulent aller dans ce sens exigent des garanties du Conseil d'Etat, afin que leurs propositions ne soient pas mises à l'enquête dans une année. C'est un jeu politique que je comprends et que j'accepte.

M. Moutinot étant absent, nous sommes bloqués. Il serait dommage que nous ne trouvions pas une solution à moyen terme qui permette un débat politique, dans ce Grand Conseil, conforme aux dispositions de la LaLAT.

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de majorité. Je suis assez d'accord avec M. Dupraz. Je ne vous mets pas le couteau sous la gorge, Monsieur Ramseyer ! Vous avez vraiment une vision policière des choses. Pour aller dans le sens de ce que proposait M. Dupraz, je vous demandais simplement de nous donner l'engagement formel - les promesses rendant les fous joyeux ! - de mettre à l'enquête publique le projet de loi annexé.

Je comprends que vous vous inquiétiez des conséquences, puisqu'il ne s'agit pas de votre département.

Je ne vois pas d'objection à ce que nous votions dans une heure, après le débat sur l'initiative 109 et les autres points, si vous pensez que M. Moutinot ou ses collaborateurs pourront nous donner leur réponse entre-temps.

Mais à défaut de recevoir, ce soir, l'engagement que ce projet sera mis à l'enquête publique dans les trente jours, nous serons contraints de le voter en deux débats.

M. Claude Blanc (PDC). Je rappelle un point important que M. Grobet connaît aussi bien que moi, sinon mieux. La commission de l'aménagement a l'obligation d'entendre aussi les opposants éventuels, de noter leurs oppositions et d'en motiver le rejet, cas échéant, à teneur d'un article spécifique de la loi.

Par conséquent, je nous vois mal voter le projet de loi en deux débats. Vous me répondrez peut-être que les oppositions pourraient être introduites dans le troisième, mais ce serait une procédure pour le moins inhabituelle.

Nous ne devons pas procéder de cette manière vis-à-vis des gens qui ont le droit de s'opposer, au sens de la LaLAT. Nous devons d'abord écouter leurs doléances, en reconnaître le bien-fondé ou, si nous les écartons, motiver notre rejet.

M. Christian Grobet (AdG). Pour tenter de sortir de l'impasse, je ferai une autre proposition.

Monsieur Dupraz, j'ai été sensible à vos propos malgré vos invectives. Vous voyez que je ne suis pas rancunier !

Monsieur Blanc, je vous rappelle que le fait d'avoir un troisième débat permet, entre-temps, de modifier un texte, même complètement. Je ferme ici la parenthèse...

Notre préoccupation est de deux ordres. Je l'exposerai en partant de l'idée que MM. Blanc et Dupraz entendent que le droit d'initiative du Grand Conseil soit respecté, puisqu'ils siégeaient dans cette enceinte quand la modification de la LaLAT a été votée.

Cela implique deux choses, à savoir que l'ouverture de l'enquête publique se fasse dans des délais raisonnables, d'une part, et que l'enquête publique porte sur la proposition telle quelle, d'autre part. Comme vous l'avez fort bien dit, ce texte peut être modifié mais après que la proposition initiale aura été mise à l'enquête publique.

Je suggère, Monsieur Ferrazino, de renoncer au vote en deux débats et de faire confiance au Conseil d'Etat. Mais je vous demanderais, Monsieur le président, de réinscrire le projet de loi à l'ordre du jour de la séance du Grand Conseil de fin septembre.

Si, d'ici cette date, l'enquête publique n'a pas été ouverte sur le projet de loi tel qu'il a été déposé, nous demanderons que le projet soit voté en deux débats.

Nous faisons ainsi preuve de fair-play.

M. Florian Barro (L), rapporteur de minorité. Il m'arrive de douter, Monsieur Grobet, que vous ayez été, à un moment donné, responsable du département des travaux publics.

L'article 16 de la LaLAT indique la procédure à suivre pour un déclassement. Sous l'intitulé «Préconsultation», il est spécifié : «Un avant-projet de loi est soumis à une enquête publique de trente jours.» Sous «Observations», vous avez un préavis communal, puis un projet de loi. Plus loin : «Au terme de la procédure, le Conseil d'Etat examine s'il entend saisir le Grand Conseil du projet et s'il y a lieu d'y apporter des modifications.» Et si le Conseil d'Etat le juge bon, il dépose le projet devant le Grand Conseil.

Par conséquent, nous ne pouvons pas voter ce projet de loi. C'est illégal en regard de l'article 16 qui décline la procédure. Votre proposition de revenir au mois de septembre si l'enquête publique n'a pas lieu entre-temps n'est pas valable. Vous ne pouvez pas voter un projet de loi en deux débats sans enquête publique préliminaire.

C'est la loi que vous avez faite. Alors, ne charriez pas !

M. John Dupraz (R). Je déplore quelque peu les propos du rapporteur de minorité. La loi est ce qu'elle est, mais la majorité de ce Grand Conseil a le droit de voter ce qu'elle veut. Je ne vois pas comment nous pourrions l'en empêcher.

M. Grobet a fait une proposition raisonnable qui oblige le Conseil d'Etat à lancer rapidement la mise à l'enquête publique. Ensuite, la procédure pourra se dérouler normalement.

Le président. La situation est simple. Le Grand Conseil votera la motion. Le projet de loi qui figure sous forme de plan à la fin du rapport sera porté à l'ordre du jour d'une séance du mois de septembre. A ce moment-là, celles et ceux qui voudront entrer en matière le feront et celles et ceux qui ne le voudront pas s'y refuseront. Nous mettons la motion aux voix.

M. Florian Barro (L), rapporteur de minorité. Permettez-moi une précision, Monsieur le président. Le plan publié à la fin du rapport n'est pas le plan de déclassement : c'est le plan de classement proposé par Action Patrimoine vivant.

Quant au plan et au projet de loi de déclassement, il aurait dû être fourni par M. Ferrazino à l'appui de son rapport. Cela n'a pas été le cas et il l'a fait distribuer en début de séance.

En tout cas, le plan qui suit mon rapport n'est pas celui qui devra être utilisé pour notre débat de fin septembre.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. J'en ai la confirmation : M. Moutinot ne pourra pas être atteint ce soir. Dans les notes qu'il m'a laissées, il m'indique - et c'est peut-être de nature à calmer vos alarmes, Monsieur Ferrazino - qu'une rencontre est agendée à son département, au mois de juillet, entre les opposants et la commune de Troinex.

Dès lors, je suggère que l'on suive la procédure proposée par notre président du Grand Conseil, à savoir le vote de la motion, étant entendu que le projet de loi reviendra en septembre. Entre-temps, la rencontre au DAEL aura eu lieu; elle devrait nous permettre de sortir de l'impasse.

Le président. Je mets aux voix la motion telle qu'elle figure à la page 6 du rapport.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1178)

sur la création d'une zone de verdure à Troinex

Vu l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (ci-après LaLAT) instituant un droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'adoption de plans de zone,

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

par ces motifs,

invite le Conseil d'Etat

à engager la procédure d'adoption des plans de zone, prévue à l'article 16 LaLAT, pour le projet de modification du régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Troinex annexé à la présente motion.

ANNEXE

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

décrète ce qui suit :

Art. 1

1 Le plan annexé au présent projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Troinex (création d'une zone de verdure inconstructible) est approuvé.

2 Les plans des zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

Aucune construction ne peut être érigée dans la zone de verdure créée en vertu de la présente loi.

Art. 3

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux bien-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article premier.

Art. 4

Un exemplaire du plan susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

Plan

 

La séance est levée à 19 h 25.