Séance du jeudi 25 juin 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 10e session - 29e séance

PL 7870
33. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les allocations familiales (J 5 10). ( )PL7870

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les allocations familiales, du 1er mars 1996, est modifiée comme suit :

Art. 12, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Le droit de demander la restitution se prescrit par 2 ans à compter du moment où la caisse d'allocations familiales a eu connaissance des faits, mais au plus tard 5 ans après le paiement indu. Si ce droit naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est alors déterminant.

Art. 27, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le taux de contribution correspond au moins à 1,3 %, et au plus à 2,5 % de la masse des salaires mentionnée à l'alinéa 1.

Art. 28, al. 1 (nouvelle teneur, sans modification de la note marginale)

1 Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient une contribution correspondant au moins à 1,3 % et au plus à 2,5 % des revenus soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants, mais au minimum 120 F par année.

Art. 45, al. 4 Statut des requérants d'asile (nouvelle teneur)

4 Les requérants d'asile au bénéfice de subsides de l'assistance publique fédérale n'ont pas droit aux allocations familiales prévues par la présente loi. Pour les requérants d'asile qui ne perçoivent pas ou plus de subsides de l'assistance publique fédérale, le droit aux allocations familiales pour leurs enfants vivant à l'étranger est régi par l'article 21 b de la loi fédérale sur l'asile, du 5 octobre 1979, et de ses dispositions d'exécution.

Art. 50 Entrée en vigueur (nouvelle teneur)

1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1997, sauf les articles 2, alinéa 1, lettre b, et 28, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2000. Les conjoints sans activité lucrative des personnes qui exercent une activité indépendante ou des personnes qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur exempté des cotisations AVS ne peuvent pas, dans l'intervalle, se prévaloir d'un droit aux allocations familiales pour personnes sans activité lucrative.

2 Est abrogée, dès le 1er janvier 2000, la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955 ; dans l'intervalle, les agriculteurs indépendants percevront les prestations dues en vertu de la présente loi, applicable par analogie.

Art. 2

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi vise à modifier la loi du 1er mars 1996 (J 5 10) sur les allocations familiales.

A l'appui de ce projet de loi, le Conseil d'Etat soumet à votre appréciation les éléments d'information suivants :

1. Le jugement du Tribunal fédéral

Par jugement du 30 octobre 1997, le Tribunal fédéral a cassé l'article 27, alinéa 2 et l'article 28, alinéa 1 LAF au nom du principe de la légalité, admettant par là que le taux de contribution des salariés et des indépendants au régime des allocations familiales, fixé à un minimum de 1,3 % sans imposer de taux maximum, ne garantissait pas assez de protection aux personnes tenues de s'affilier à une caisse d'allocations familiales face à une caisse qui fixerait le taux de contribution à un niveau exagérément élevé.

En supprimant l'expression "; au moins " figurant dans les dispositions précitées, le Tribunal fédéral a introduit de fait un taux unique de contribution à 1,3 % de la masse des salaires et des revenus, tout en soulignant qu'il n'était pas interdit au législateur genevois de prévoir un taux plancher et un taux plafond et de laisser ainsi une certaine liberté aux caisses d'allocations familiales quant à la fixation du taux de contribution.

Cet arrêt a eu pour conséquence de bloquer le système de financement du régime genevois d'allocations familiales : outre le fait que le taux unique de 1,3 % ne permet plus d'assurer un financement suffisant pour les caisses publiques d'allocations familiales et un certain nombre de caisses privées, la décision du Tribunal fédéral a aussi pour effet de rendre impossible le calcul de la participation des caisses au financement des allocations d'encouragement à la formation et de rendre aléatoire la procédure de compensation partielle des charges entre caisses.

2. Taux de contribution : taux unique ou taux plancher et taux plafond ?

Préoccupé par l'urgence de la situation, le Conseil d'Etat souhaite amender la loi sur les allocations familiales dans les meilleurs délais en la rendant conforme à l'ordre juridique suisse. A cet effet, il a examiné les deux solutions retenues par le Tribunal fédéral, soit un taux unique de contribution ou un taux plancher et un taux plafond.

a) le taux unique de contribution

L'hypothèse de l'introduction d'un taux unique de contribution valable pour toutes les caisses d'allocations familiales, privées et publiques, autorisées à appliquer le régime genevois d'allocations familiales a retenu son attention. Il l'a étudiée dans toutes ses conséquences.

De cet examen, il résulte que l'adoption d'un taux unique de contribution impliquerait nécessairement la création d'un fonds de compensation des allocations familiales destiné à coordonner les flux financiers entre les caisses d'allocations familiales. Ce concept de financement serait bien adapté à un régime d'assurances sociales. Il a fait la preuve de sa fiabilité sur le plan fédéral et il permet de préserver la diversité des caisses d'allocations familiales qui conservent leurs liens privilégiés avec leurs affiliés et les bénéficiaires des prestations.

Ce système, qui transférerait la gestion des fonds à un organe doté d'un conseil d'administration, permettrait la création d'un instrument de politique sociale performant qui autoriserait la suppression du système de compensation partielle des charges dont la complexité administrative est dépassée. Mais surtout, il opérerait un allégement sensible des charges des affiliés à certaines caisses privées ayant actuellement un taux élevé de contribution, sans sous-estimer par ailleurs son influence bénéfique sur la situation financière des caisses publiques qui serait ainsi stabilisée. En effet, les projections financières ont permis d'établir qu'un taux unique de contribution fixé à 1,7 % permettrait de couvrir les charges de l'ensemble des caisses privées et publiques (voir l'étude annexée au présent message).

b) le taux plancher et le taux plafond

Tout en étant convaincu de l'intérêt que présenterait l'adoption du système de financement fondé sur le principe du taux unique de contribution, le Conseil d'Etat ne souhaite pas promouvoir une importante refonte de la loi. Il est surtout désireux de restaurer les mécanismes financiers du régime cantonal d'allocations familiales.

Le premier souci du Gouvernement, en effet, est de procéder à une correction rapide et purement technique de la LAF, qui réponde aux impératifs du système juridique suisse et qui respecte la structure financière mise en place par la législation cantonale du 1er mars 1996. Il convient avant tout de remettre ce système financier en état de fonctionner dans les meilleurs délais par une mesure simple et adéquate, propre à emporter l'adhésion des partenaires sociaux, intéressés au bon fonctionnement du régime cantonal d'allocations familiales. C'est pourquoi le Conseil d'Etat retient la proposition de déterminer la contribution due aux caisses d'allocations familiales par un taux plancher et un taux plafond, solution également préconisée par le Tribunal fédéral.

Le Conseil d'Etat vous propose donc d'introduire à l'article 27, alinéa 2, et à l'article 28, alinéa 1, un taux plafond de 2,5 %, tout en maintenant le taux plancher à 1,3 %. Le taux plafond de 2,5 % permet de couvrir les besoins de toutes les caisses d'allocations familiales, y compris de celles qui bénéficient de la compensation partielle des charges. Il faut encore relever qu'une telle marge se situe dans les limites des taux pratiqués par les diverses caisses cantonales d'allocations familiales qui variaient au 1er janvier 1998 entre 1,2 % pour le canton de Bâle-Ville et 2,55 % pour le canton de Fribourg avec toutefois l'exception du canton du Jura à 3 %.

3. Les autres modifications législatives

Enfin le Conseil d'Etat saisit l'occasion que lui donne ce projet de loi pour soumettre à votre attention quelques modifications qui portent sur :

- le réaménagement de la prescription en cas de prestations reçues indûment (article 12, alinéa 3) ;

- le statut des requérants d'asile au bénéfice de subsides de l'assistance publique fédérale (article 45, alinéa 4) ;

- la situation des conjoints non actifs des indépendants (article 50, alinéa 1) ;

- les prestations versées aux agriculteurs indépendants (article 50, alinéa 2).

Ces propositions visent à éliminer des dysfonctionnements constatés à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi dès son entrée en vigueur le 1er janvier 1997.

a) propos de l'art. 12 al. 3 LAF

Le nouveau régime d'allocations familiales a voulu un assouplissement des conditions auxquelles les prestations versées indûment devaient être restituées, reprenant une tendance également perceptible dans la 10e révision de l'AVS (voir nouvel article 79 al. 1 quater RAVS).

Ainsi, le législateur a instauré un délai de 2 ans de prescription absolue, soit après le paiement des allocations. Ce délai est trop court, particulièrement dans la perspective du paiement direct des allocations aux bénéficiaires, dont le principe a été introduit par l'art. 11 LAF. Il restreint considérablement la possibilité pour les caisses de récupérer des prestations, qui souvent, ont été versées à tort suite à des négligences des bénéficiaires. En des temps où il est nécessaire d'assurer une protection financière accrue à la sécurité sociale, il est préférable d'instaurer un délai de prescription commençant à courir dès que la caisse a connaissance des faits ayant mené au versement indu des prestations et de rétablir un délai de prescription absolue de cinq ans après le paiement de l'indu.

b) propos de l'art. 45 al. 4 LAF

La loi du 1er mars 1996 a entendu consacrer le droit des requérants d'asile à bénéficier d'allocations familiales, dans les limites garanties par la loi fédérale sur l'asile (art. 21 b), qui prévoit une rétention des allocations familiales pour les enfants à l'étranger jusqu'à reconnaissance du statut de réfugié.

Cette intention du législateur genevois, pour généreuse qu'elle soit, ne tient pas compte de la primauté du droit fédéral en matière d'assistance aux requérants d'asile. Elle conduit en effet l'Office fédéral des réfugiés à diminuer ses prestations d'assistance aux requérants en proportion équivalente à l'augmentation des prestations cantonales par le biais des allocations familiales. Une intention au départ louable n'aboutit qu'à un transfert de charges au détriment du canton et en faveur de la Confédération, sans apporter d'amélioration à la situation financière des bénéficiaires. C'est pourquoi il est proposé d'introduire la subsidiarité des allocations familiales cantonales par rapport aux subsides de l'assistance publique fédérale.

c) propos de l'art. 50 al. 1 LAF

Rappelons que le moratoire de l'art. 50, al. 1 a été introduit en réponse aux souhaits des milieux indépendants qui ne désiraient pas être assujettis immédiatement au régime d'allocations familiales en faveur des indépendants.

Or, rien dans cette disposition n'empêchait les indépendants de percevoir des allocations familiales par l'entremise de leur conjoint sans activité lucrative.

Aussi la commission cantonale de recours en matière d'allocations familiales a-t-elle successivement octroyé des allocations familiales à des épouses sans activité lucrative de personnes salariées par un employeur non tenu de cotiser à l'AVS, puis à des épouses sans activité lucrative de personnes de condition indépendante.

De telles décisions, si elles se comprennent au niveau du principe "; Un enfant, une allocation " consacré par l'art. 1 LAF, comportent néanmoins des conséquences choquantes sur deux plans :

- au niveau du financement d'abord : les indépendants et les salariés d'employeurs non tenus de cotiser à l'AVS ne contribueront au régime d'allocations familiales que lors de leur assujettissement le 1er janvier 2000. Dans l'attente, ils peuvent néanmoins percevoir des allocations familiales par le biais de leur conjoint non actif qui les recevra de la Caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité (CAFNA) dont les charges sont assumées par le Fonds pour la famille, soit indirectement par l'Etat via la Caisse d'allocations familiales des administrations et institutions cantonales (CAFAC). Dans l'intervalle qui nous sépare de l'an 2000, les indépendants et les personnes salariées d'un employeur non tenu de cotiser à l'AVS percevront donc des allocations familiales pour lesquelles ils n'auront versé aucune contribution ;

- au niveau juridique et social, la situation est également choquante. Ce qui subsiste du moratoire de l'art. 50, al. 1 n'est applicable qu'aux indépendants et aux salariés d'employeurs non tenus de cotiser à l'AVS qui n'ont pas de conjoint. On imagine mal n'appliquer le moratoire de l'art. 50 al. 1 qu'au cordonnier veuf ayant des enfants à charge, qu'à l'épicière mère célibataire ou qu'à l'avocat divorcé auquel la garde et l'autorité parentale sur les enfants ont été confiées, pour ne citer que les exemples les plus patents. De telles inégalités de traitement seraient antisociales et n'auraient probablement aucune justification aux yeux du Tribunal fédéral.

Il était donc juridiquement juste et financièrement nécessaire d'étendre le moratoire du régime des indépendants et des salariés d'employeurs non tenus de cotiser à l'AVS à leurs conjoints non actifs.

d) propos de l'art. 50 al. 2 LAF

Lorsqu'il a élaboré le nouveau régime cantonal d'allocations familiales, le législateur n'a pas adapté la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants. Il s'est limité à soumettre ce régime juridique à un moratoire jusqu'au 1er janvier 2000, date à laquelle il sera abrogé.

Répondant aux inquiétudes des milieux agricoles concernant les montants des allocations familiales, qui, selon l'art. 9 de la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants sont inférieurs à ceux prévus par la nouvelle loi sur les allocations familiales, le Département de l'action sociale et de la santé a étendu l'application du nouveau régime aux agriculteurs indépendants, en ce qui concerne les montants des allocations.

Nous vous proposons de saisir cette occasion pour entériner cette extension d'application, et de la faire expressément figurer à l'art. 50 al. 2.

4. Conclusion

A la suite du jugement du Tribunal fédéral, relatif au taux de contribution des salariés et des indépendants au régime des allocations familiales, qui a bloqué le système de financement des allocations familiales, le Conseil d'Etat a examiné deux possibilités :

- d'une part, introduire un taux unique, fixé à 1,7 % ;

- d'autre part, introduire un taux plancher, fixé à 1,3 %, et un taux plafond, fixé à 2,5 %.

Entendant remettre le système de financement des allocations familiales en état de fonctionner rapidement, le Conseil d'Etat a retenu la solution du taux plancher et du taux plafond, préconisée par le Tribunal fédéral, étant donné que cette solution est propre à emporter l'adhésion des partenaires sociaux.

En outre, le Conseil d'Etat profite de cette modification de la loi pour corriger quelques dysfonctionnements techniques.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui conduisent le Conseil d'Etat à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.

ANNEXE

Estimation du taux de contribution unique

1. Estimation de la masse salariale annuelle

A. Masse salariale globale du canton de Genève

 Pour l'année 1996, la masse salariale globale du canton de Genève s'est élevée à F 13'359'584'000 (source : OCSTAT).

 Cette masse salariale est supposée par hypothèse constante.

B. Effectifs des affiliés

  Effectif des affiliés en 1996 :  222'364

  Hypothèse de travail :  225'000

2. Estimation du total des charges

A. Prestations versées par l'Etat (SCAF et CAFAC non comprises)

1.

Allocations d'encouragement (DIP)

8'000'000

2.

CAFNA (estimation CCGC)

10'000'000

18'000'000

Participation de l'Etat

1'150'000

Total

16'850'000

B. Prestations versées par les caisses (SCAF et CAFAC comprises)

 Extrapolation à partir des chiffres fournis par les caisses suivantes :

  Bâtiments;

  Bois;

  CAFAC;

  Couvreurs;

  Gypserie;

  Horticulture;

  Jardins;

  Papiers-peints;

  SCAF;

  Tapissiers.

 Totaux pour l'ensemble des caisses citées :

Personnes salariées : 93'782

Prestations versées : 88'000'904

 Extrapolation pour 225'000 personnes affiliées :

Prestations versées : 211'130'000

 Les caisses qui ont servi à réaliser l'extrapolation qui précède ne sont pas toutes représentatives pour le canton de Genève. Les familles affiliées à ces caisses ont un nombre d'enfants dont la moyenne est plus élevée que celle de la population genevoise.

 Le groupe de travail retient donc l'estimation suivante pour les prestations versées :

F 200'000'000.

3. Frais de gestion

 7 % x 200'000'000 = 14'000'000.

4. Total des charges :

16'850'000

+ 200'000'000

+ 14'000'000

230'850'000

5. Calcul du taux de contribution

230'850'000

= 1,73 %

13'359'584'000

Proposition du taux de contribution : 1,7 %

Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales sans débat de préconsultation.