Séance du
jeudi 28 mai 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
9e
session -
24e
séance
PL 7698-A
Renvoyé par le Grand Conseil lors de sa séance plénière du 18 septembre 1997, le projet de loi 7698 a été traité par la Commission judiciaire, sous la présidence de M. Pierre-François Unger , lors de ses séances des 8, 15 et 29 janvier, 5 février, 5 mars, 12 mars et 2 avril 1998, avec le concours de M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du DJPT.
Préambule
"; L'homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l'égalité en particulier dans les domaines de la famille, de l'instruction et du travail. Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. "
Telle est la teneur de l'article 4 alinéa 2 inscrit dans la Constitution fédérale le 14 juin 1981 et consacrant le principe de l'égalité entre femmes et hommes. Le 6 décembre 1987, quelque 6 ans plus tard, le peuple genevois élevait également au rang constitutionnel ce principe d'égalité en introduisant dans la Constitution genevoise l'article 2A dont la teneur en 2 alinéas est la suivante : l'homme et la femme sont égaux en droits (al. 1), il appartient aux autorités législatives et exécutives de prendre les mesures pour assurer la réalisation de ce principe et aux autorités judiciaires de veiller à son respect (al. 2).
Il est intéressant de relever qu'à Genève, le sujet de l'égalité entre femmes et hommes est discuté depuis 1882, sujet qui est devenu un des thèmes de la vie politique genevoise. Répondant à une motion du Grand Conseil déposée en 1981, le Conseil d' Etat dressa un inventaire des inégalités juridiques entre hommes et femmes dans un rapport qui fut présenté lors de la séance plénière du 15 mars 1984 et qui compile les inégalités dans la famille, les assurances sociales, les relations de travail et la formation ainsi que dans la fiscalité. (M 143-A, Mémorial 1984, pp. 940 et suivantes).
La loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (ci-après: loi fédérale), proposée par le Conseil fédéral en février 1993 et entrée en vigueur le 1er juillet 1996 a pour but de promouvoir dans les faits l'égalité entre femmes et hommes (art. 1) dans les rapports de travail régis tant par le droit privé que par le droit public (art. 2) en interdisant la discrimination en raison du sexe directement ou indirectement (par exemple: état civil, situation familiale ou s'agissant de femmes, leur grossesse) (art. 3), ainsi que la discrimination par un comportement importun de caractère sexuel qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, soit le harcèlement sexuel (art. 4). Pour ce faire la loi fédérale énumère les droits des travailleurs, la qualité pour agir, les dispositions spéciales relatives aux rapports de travail et les voies de droit, déléguant aux cantons la compétence de désigner les offices de conciliation pour les litiges de droit privé au sens du Code des obligations, rien n'étant précisé pour ceux de droit public cantonal et communal.
Le projet de loi, objet du présent rapport, a pour but de régler la phase de conciliation comme le demande la loi fédérale. L'autonomie cantonale étant large en matière de procédure, les auteures du projet de loi 7698 proposent une procédure de conciliation commune tant pour les litiges résultant des rapports de travail régis par le droit public que ceux fondés sur le droit privé.
Il y a lieu de souligner que le canton de Genève bénéficie des services d'un Bureau de l'égalité depuis novembre 1987 déjà, ce qui a permis de faire quelques pas dans ce domaine afin que le concept d'égalité soit objectivement bien compris tant par les hommes que par les femmes, que ce soit sur le plan des droits autant que sur celui des obligations.
Travaux de la commission
Auditions préliminaires :
Avant de voter l'entrée en matière, la commission a procédé aux auditions qu'elle estimait utiles afin de se forger une opinion sur la pertinence de créer une commission de conciliation spécifique pour traiter des questions soulevées par la loi fédérale.
Audition de l'Union des Associations Patronales Genevoises, représentée par Mme Béatrice Roethtli-Mariotti et MM. Claudio Rollini et Olivier Levy :
L'UAPG estime que les instances actuellement en place peuvent assumer à satisfaction l'application de la loi fédérale sur l‘égalité tout en précisant que la composition de la commission de conciliation devrait faire l'objet d'une directive afin d'assurer une représentation paritaire des juges conciliateurs soit un homme et une femme. L'UAPG relève que ce type de litiges est souvent mêlé à des questions plus spécifiques du droit du travail et que les juges prud'hommes sont compétents pour en connaître.
Audition de Mme Marianne Frischknecht, en qualité de représentante du Bureau de l'égalité :
Mme Frischknecht rappelle la nécessité d'appliquer la loi fédérale et qu'à la question de savoir s'il y avait lieu de créer des offices de conciliation ad hoc ou d'utiliser les offices existants, les experts consultés ont répondu que l'utilisation d'offices ad hoc correspondait le mieux à la volonté du législateur fédéral, évitait un engorgement des juridictions existantes et maintenait les rapports de travail car dans la procédure habituelle les litiges ont généralement lieu aux dépens des rapports de travail. Le but de la conciliation est de trouver une solution sans perdre son travail. Ainsi les personnes victimes de discrimination saisiront plus facilement un office de conciliation ad hoc qu'une juridiction. Elle ajoute que seuls Genève, le Jura, Argovie et le Valais utilisent les structures déjà en place.
Mme Frischknecht déclare, en outre, que le nombre des discriminations indirectes a sensiblement augmenté à Genève. Une étude de l'Observatoire de l'emploi démontre l'existence de discrimination en fonction de critères (marié/célibataire, avec/sans enfant, etc.) lesquels sont évalués en malus ou en bonus.
Audition de Monsieur le juge Pierre-Yves Demeule , premier Président de la Chambre d'appel :
M. le juge Demeule confirme la teneur de son courrier à la commission du 23 décembre 1997, laquelle récapitule différents problèmes qui ne semblent pas être pris en considération par les auteures du projet de loi, à savoir: les litiges exclusivement fondés sur la loi fédérale sont rares, dans la plupart des cas d'autres questions relatives au droit du travail seront soulevées en même temps voire en cours de procédure, les voies de droit sont mal définies, le mode de désignation des juges conciliateurs doit être compatible avec la loi sur l'exercice des droits politiques, enfin la solution d'une seule chambre de conciliation pour tous les cas de discrimination tant en droit privé qu'en droit public est plus difficile à trouver que ce soit pour décider à quelle commission il y a lieu d'attribuer les litiges qui ne se fondent pas exclusivement de la loi fédérale, voire préciser la voie pour la suite de la procédure en cas de non-conciliation.
M. le juge Demeule estime que la mise en place d'un groupe ad hoc est susceptible de non-conformité avec la Constitution cantonale et répète que pour lui la solution la plus simple est d'intégrer ce groupe parmi ceux qui sont constitués puisqu'à Genève le système de la conciliation existe déjà.
Audition de Mmes Sylvie Cristina-Reichlin, Julie Andre ainsi que MM. Georges Tissot et René-Simon Meyer, représentants de la CGAS :
Le projet de loi convient à la CGAS, qui est favorable à la création d'un office de conciliation distinct pour les litiges en matière de discrimination en raison du sexe, car il s'agit de situations différentes de celles relatives aux autres litiges dans les rapports de travail. Quant à la conformité du projet avec la Constitution genevoise, la question devrait être résolue avec la nouvelle loi sur la juridiction des prud'hommes laquelle prévoit les questions d'application de la loi fédérale. Telle qu'il est conçu ce projet de loi favorise la conciliation et permet une continuité dans la manière d'appréhender des situations ardues.
Discussion et vote d'entrée en matière.
Il ressort du premier tour de table que sans mettre en cause le principe de l'égalité, la création d'une commission de conciliation spécifique pour traiter des problèmes de discriminations et harcèlements sexuels dans le cadre des relations de travail tant publiques que privées n'a pas été acceptée d'emblée. Certains commissaires estiment qu'il faut distinguer le traitement des cas de droit privé de celui des cas de droit public, afin d'être conforme au droit fédéral, d'autres ont des doutes quant à l'efficacité du moyen proposé par le projet de loi.
Après avoir envisagé différentes possibilités de litiges, les commissaires passèrent au vote d'entrée en matière laquelle fut acceptée par 9 oui (3 AdG, 3 S, 1 Ve, 2 R) 3 non (3 L) et 1 abstention (1 DC).
Au cours des travaux la pertinence de ce projet de loi s'affirma progressivement et la réticence des commissaires non encore convaincus s'affaiblit et finit par disparaître après la première lecture quand il apparut que les critiques que l'on pouvait faire à ce projet étaient sur la forme et non sur le fond. C'est ainsi que la commission s'attela à amender le texte en fonction de la procédure cantonale en matière administrative et jurisprud'hommale, de la comparaison avec les solutions adoptées par les autres cantons et les remarques des personnes auditionnées.
Le texte du projet 7698, tel qu'il résulte des travaux de la commission judiciaire, a été voté à l'unanimité des dix commissaires présents (2 R, 2 Ve, 2 AdG, 2 S, 1 DC, 1 L). Vous constaterez, Mesdames et Messieurs les députés qu'il est fortement remanié. Les explications relatives à ces modifications figurent dans le commentaire par articles.
Commentaire article par article
Préambule :
La modification consiste à supprimer "; LEg " dans la parenthèse.
Article 1 (définition):
S'agissant de la définition du but, il a été décidé de reprendre le titre complet de la loi fédérale.
A l'étude des solutions adoptées par d'autres cantons, il est intéressant de relever que 11 cantons sur 22 ont choisi de traiter ensemble les litiges fondés sur le droit privé fédéral, public cantonal et communal.
Article 2 (mission et compétence):
alinéa 1 : inchangé
alinéa 2 :
En conformité avec les termes employés dans la loi fédérale, la dénomination "; autorité de conciliation " a été remplacée par "; office de conciliation ".
Le projet de loi initial ne précisait pas si la saisine de cet office de conciliation était facultative ou obligatoire et fixait la compétence de cette dernière pour les litiges de droit privé à l'alinéa 1er et pour ceux de droit public à l'alinéa 2.
Il ressort de l'exposé des motifs que les auteures du projet de loi ont voulu une commission de conciliation unique et il y a donc lieu de le faire figurer dans la loi. Par ailleurs, il fallait résoudre la délicate question de la délimitation de la compétence de cet office en relation des litiges qui ne sont pas uniquement fondés sur des motifs de discriminations en raison du sexe mais comprennent aussi d'autres problèmes résultant de la relation contractuelle de travail. Après une intense discussion et le précieux concours de M. Bernard Duport, la formule, qui vous est proposée, a paru adéquate pour répondre à tous les points soulevés pendant l'étude de ce texte sans s'écarter du but qu'il poursuit.
Ainsi les demandes fondées d'entrée de cause, exclusivement ou en partie sur la loi fédérale, seront obligatoirement et uniquement de la compétence de l'office de conciliation créé avec le présent projet de loi. Seuls les cas où la discrimination sexuelle était découverte au cours d'une conciliation ordinaire devant la juridiction des prud'hommes échapperait à cet office ; ceci devrait en conséquence inciter les personnes victimes de telles discriminations à les invoquer d'entrée de cause et sans crainte puisque les chances de préserver leur emploi sont plus grandes dans le cadre de la procédure prévue dans le projet de loi 7698.
L'essentiel étant contenu dans un seul alinéa, l'alinéa 3 du projet initial a été supprimé.
Alinéa 3 :
Il s'agit d'une harmonisation avec la pratique actuelle, qui donne la compétence à l'office d'élaborer son propre règlement, compétence qui n'était pas expressément mentionnée dans le texte proposé. Il y avait lieu de prévoir par souci de transparence la publication de ce règlement dans la Feuille d'avis officielle.
Alinéa 4 :
Il est apparu opportun de désigner le greffe de la juridiction des prud'hommes également comme greffe de l'office pour enregistrer les demandes par simplification de procédure pour les justiciables et par souci de limiter les coûts de fonctionnement.
Article 3 (composition)
alinéas 1 et 2
La composition prévue initialement n'a pas été retenue par la commission pour plusieurs raisons. La première critique a porté sur le vocabulaire employé, lequel ne correspondait pas toujours à une définition légale précise (par exemple : groupement des travailleurs, composition divisée en section. groupements intéressés).En tout cas il y avait divergence entre commissaires sur la signification de certains termes. Ensuite, la majorité de la commission était d'avis que la composition de l'office doit favoriser la conciliation et c'est pourquoi, vu les litiges qui lui seront soumis, il doit être paritaire, mixte et avoir un nombre pair de membres pour respecter cette parité. L'étude comparative avec le système appliqué dans les autres cantons n'a pas été d'une grande aide pour déterminer la composition idéale. La majorité des cantons respectent la double parité (femmes/hommes et employeurs/travailleurs) sans pour autant que l'on puisse déduire une relation stratégique avec le nombre de membres. De surcroît, la comparaison intercantonale a des limites, car le contentieux résultant des rapports de travail n'est pas réglé de manière identique dans tous les cantons. Aussi, la commission a été finalement convaincue du bien-fondé de limiter le nombre de membres à 2, sachant que l'office ne prend pas de décision autre que la constatation de conciliation ou non-conciliation (un nombre impair n'est donc pas nécessaire) et que, devant un nombre restreint de juges conciliateurs, la personne victime de discrimination sexuelle aura plus de facilité à s'exprimer, vu la nature des motifs invoqués.
alinéa 3 :
Le procédé de nomination des membres de cet office par le Conseil d'Etat est repris tel que proposé. A noter que 10 cantons sur les 21 qui ont prévu un office de conciliation en la matière ont choisi le même mode de nomination. Toutefois les termes "; groupements intéressés " ont été remplacés par "; groupements représentatifs des employeurs et des salariés " .
Aussi la composition retenue tient compte de tous ces critères et a été acceptée par 10 voix (1 AdG, 3 S, 1 Ve, 2 R, 2 DC, 1 L), 1 voix contre (Ve) et une abstention (AdG)
Article 4 (introduction de la demande)
alinéa 1 :
La teneur du texte est maintenue à savoir de rappeler qui a compétence pour agir, soit : les personnes victimes ou risquant d'être victimes de discrimination ainsi que les organisations, au sens de la loi fédérale, à savoir celles qui, en vertu de leurs statuts, ont pour tâche de promouvoir l'égalité et allèguent que l'issue d'un éventuel procès pourrait affecter un nombre considérable de rapports de travail.
alinéa 2 :
Sans changer l'esprit de la norme proposée, la commission a revu la rédaction en reprenant la formulation telle que prévue pour la juridiction des prud'hommes.
Alinéa 3 :
Même remarque que pour l'alinéa précédent.
Alinéa 4 :
La commission a préféré interrompre le délai de recours plutôt que le suspendre pour les litiges fondés sur des rapports de droit public, ce qui est favorable au justiciable qui voit le délai de recours repartir à zéro en cas de non-conciliation.
Vote : unanimité (2 R, 2 Ve, 2 S, 2 AdG, 1 DC)
Article 5 (comparution des parties)
alinéa 1 : sans changement
alinéa 2 :
Cet alinéa a suscité plusieurs remarques. La première relative à la possibilité pour les parties de se faire représenter, la seconde à la question de savoir si un membre d'une organisation au sens de l'article 7 de la loi fédérale peut assister une des parties alors que ces organisations peuvent elles-mêmes avoir la qualité pour agir. La loi fédérale ne prévoit la représentation qu'au stade de la procédure civile (art. 12) et non au stade de la conciliation (art.11).
La commission a supprimé la faculté de représentation pour les parties au motif qu'une conciliation se fait directement entre les personnes concernées. Elle a également écarté la possibilité aux organisations d'assister une partie puisqu'elles ont aussi la qualité pour agir.
Par ailleurs le débat a porté sur la question des personnes ayant le droit d'assister les parties et conclut au fait que la notion de mandataire professionnellement qualifié devait rester distincte de celle de la personne de confiance et celle d'avocat.
Alinéa 3 : inchangé
Alinéa 4 : il correspond à l'alinéa 5 du projet initial dont l'alinéa 4 a été transféré à l'article 6 relatif à la procédure puisqu'il s'agit des possibilités offertes à la commission de se renseigner dans le cadre de la conciliation.
Vote : unanimité (2 R, 2 Ve, 2 S, 2 AdG, 1 DC)
Article 6 ( procédure)
La note du projet initial "; conciliation " a été remplacée par "; procédure "
alinéa 1 : inchangé
alinéa 2 :
Le texte du projet de loi proposé initialement est repris à l'alinéa 3 et le présent alinéa résulte du déplacement de l'article 5 al. 4 (texte initial)
Vu la problématique des litiges que doit concilier si faire se peut cet office, il y a lieu de lui fournir un appui en matière d'information mais jusqu'où aller en phase de conciliation dans une procédure gratuite ? Cette information peut-elle générer des frais et à concurrence de quel montant ? Les commissaires ont fini par retenir une formule générale qui permettra de décider de cas en cas quelle est l'information la plus utile à solliciter. Ils ont ainsi renoncé à préciser expressément dans la loi la possibilité de solliciter des avis d'experts voire convoquer des tierces personnes comme proposé par les auteures.
Alinéa 3 :
La formulation retenue par les commissaires est plus générale et supprime la notion de président conformément à la modification de la composition de l'office (art.3 projet de loi)
Alinéa 4 :
Le procès-verbal doit avoir une force exécutoire et pouvoir s'imposer aux parties qui l'ont signé en cas de litige ultérieur ; c'est pourquoi une comparaison avec d'autres dispositions légales a été utile pour prendre la même formule et préciser que la qualification de "; jugement " vaut tant en procédure de droit privé qu'en procédure de droit public.
Alinéa 5 : inchangé
Alinéa 6 :
Bien que le principe soit conservé, une modification s'imposait pour tenir compte de l'interruption du délai et non plus la suspension.
Vote : unanimité (2 R, 2 Ve, 2 S, 2 AdG ) moins une abstention (DC)
Article 7 (déclaration en conciliation)
Inchangé. Les déclarations en conciliation n'ont pas de portée juridique en cas de non-conciliation et les parties ne peuvent s'en prévaloir pour la suite de la procédure, ceci dans le but de favoriser la discussion. Cette disposition ne concerne que les déclarations des parties. Les pièces produites, voire les informations utiles , au sens de l'article 6 al. 2 de la présente loi, ne sont pas visées par cette disposition et peuvent être produites ultérieurement.
Vote : unanimité (2 R, 2 Ve, 2 S, 2 AdG, 1 DC)
Article 8 (gratuité)
La question de la gratuité sans aucune limite s'est posée par rapport à la propension à multiplier les procédures au motif qu'elles ne coûtent rien aux parties. La loi fédérale prévoit que la procédure de conciliation dans les litiges de droit privé est gratuite alors que pour les litiges de droit public fédéral, elle est gratuite, sauf en cas de témérité. Bien que les cas de témérité paraissent plus théoriques que réels en phase de conciliation, un consensus a été trouvé pour admettre la gratuité sauf en cas de témérité.
Vote : unanimité (2 R, 2 Ve, 2 S, 2 AdG, 1 L, 1 DC)
Article 9 (huis-clos)
Le contenu initial de cette disposition a été transféré à l'article 6 al. 6 et remplacé par la définition du genre de l'audience (huis-clos ou public) qui n'avait pas été précisé. Bien que l'on puisse déduire par analogie avec la juridiction des prud'hommes que l'audience se déroule à huis-clos, il semble plus prudent de le mentionner.
Vote : unanimité (2 R, 2 Ve, 2 S, 2 AdG, 1 DC, 1 L)
Article 10 (modification à d'autres lois)
Il y a lieu d'indiquer dans la loi sur la juridiction des prud'hommes la procédure spécifique pour les litiges résultant de discriminations au sens de la loi fédérale. En ce qui concerne les rapports de travail fondés sur le droit public, après vérification, il n'y a pas de modification à faire.
Vote : unanimité (2 R, 2 Ve, 2 S, 2 AdG, 1 DC, 1 L)
Article 11 (entrée en vigueur)
La date du 14 juin rappelle celle, 17 ans plus tôt, de l'inscription du principe de l'égalité dans la Constitution fédérale. Ce petit clin d'oeil à l'histoire a été voté à l'unanimité.
Conclusions
Au fil des séances, l'égalité a fait un chemin intéressant pour finir par convaincre l'ensemble des commissaires qu'il fallait une procédure spécifique et un office autonome pour tenter de concilier les litiges relevant des problèmes de discrimination sexuelle. La commission a voulu que ce projet de loi s'intègre de manière harmonieuse dans notre système procédural tout en respectant les conditions de forme et de fonds de la délégation de compétence contenue dans la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes ainsi que l'essentiel du projet de loi déposé. C'est avec cet esprit qu'elle a procédé aux modifications proposées. Elle vous invite, par un vote unanime de ses commissaires, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi qui vous est présenté dans le texte tel qu'amendé au cours de ses travaux.
ANNEXE I
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mmes Fabienne Blanc-Kühn, Claire Torracinta-Pache, Micheline Calmy-Rey, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Anita Cuénod, Marie-Françoise de Tassigny et Nelly Guichard
Dépôt: 1er septembre 1997
Disquette
PL 7698
PROJET DE LOI
d'application de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes
(A 2 50)
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 4 de la constitution fédérale, du 29 mai 1874;
vu l'article 2 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847;
vu la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, du 24 mars 1995 (LEg, ci-après la loi fédérale),
Décrète ce qui suit:
CHAPITRE I
Organisation
Article 1
Au sens des articles 11 et 13 de la loi fédérale, il est institué une commission de conciliation en matière d'égalité entre femmes et hommes dans les rapports de travail. Elle est
chargée de concilier, dans la mesure du possible, les différends relatifs à des discriminations directes ou indirectes à raison du sexe, dans les rapports de travail régis par le code des obligations et le droit public cantonal et communal.
Art. 2
1 La commission a pour mission:
a) de conseiller les parties ;
b) de tenter de les amener à un accord.
2 Elle fonctionne comme autorité de conciliation dans les litiges qui sont de la compétence des prud'hommes. La loi sur la juridiction des prud'hommes s'applique dans la mesure où elle ne déroge pas à la loi fédérale.
3 Elle tente, dans les rapports de droit public, de concilier les parties. La commission est alors soumise à la procédure administrative dans la mesure où elle ne déroge pas à la loi fédérale.
4 L'organisation interne de la commission est définie par le règlement.
Art. 3
1 La commission se compose de 13 membres, soit:
a) un président ou une présidente;
b) deux assesseurs et leurs suppléants représentant le groupement des employeurs et le groupement des travailleurs du secteur privé;
c) deux assesseurs et leurs suppléants représentant l'administration cantonale et le groupement des travailleurs du secteur public;
d) deux assesseurs et leurs suppléants choisis dans les groupements représentatifs de l'administration communale.
2 Chaque groupement est représenté par 2 personnes, un assesseur et un suppléant, dont au moins une femme.
3 La composition se divise en sections composées du président ou de la présidente et de deux assesseurs, ou de leurs suppléants, désignés en fonction de la nature du litige. Le président ou la présidente constitue les sections et répartit les affaires entre elles.
4 Le président ou la présidente ainsi que les assesseurs et les suppléants sont nommés par le Conseil d'Etat, sur proposition des groupements intéressés, pour une durée de quatre ans, dès le 1er mars de l'année qui suit celle du renouvellement du Grand Conseil et du Conseil d'Etat.
CHAPITRE II
Organisation
Art. 4
1 Toute personne qui subit, ou risque de subir, une discrimination au sens des articles 3 et 4 de la loi fédérale, peut saisir la commission. Les organisations au sens de l'article 7 de la loi fédérale peuvent aussi saisir la commission.
2 Une formule de demande, dont l'usage n'est toutefois pas obligatoire, est délivrée gratuitement par le secrétariat de la commission.
3 La demande est introduite au jour de son dépôt ou de son envoi au secrétariat de la commission. Elle constitue l'introduction de la demande et lie l'instance.
4 Dans les rapports de droit public, l'introduction de la demande suspend le délai de recours pendant toute la durée de la procédure de conciliation.
Art. 5
1 La commission convoque les parties à bref délai.
2 Les parties comparaissent en personne. Toutefois, elles peuvent se faire représenter ou assister par un avocat, un mandataire professionnellement qualifié ou par une personne de confiance, notamment membre d'une organisation au sens de l'article 7 de la loi fédérale.
3 Si la commission estime qu'une telle mesure est de nature à favoriser une conciliation, elle peut reconvoquer les parties.
4 La commission peut solliciter toute information ou avis d'expert et convoquer des tierces personnes si nécessaire.
5 Lorsque l'une ou les parties ne comparaissent pas, la commission peut les reconvoquer. En cas de nouveau défaut d'une ou des parties, la commission déclare la cause non conciliée.
Art. 6
1 La commission s'efforce d'amener les parties à un accord.
2 Si un accord intervient, le président ou la présidente en dresse le procès-verbal qui est signé par les membres de la commission et par les parties.
3 Les procès-verbaux de la commission sont exécutoires.
4 En cas d'échec de la tentative de conciliation, l'affaire est transmise d'office auTribunal des prud'hommes pour les litiges dans des rapports de droit privé.
5 Dans les rapports de droit public, les parties doivent agir devant le Tribunal administratif dans le délai à nouveau en cours.
Art. 7
En cas de non conciliation, aucune des parties ne peut se prévaloir dans la suite du procès de ce qui a été déclaré à l'audience de conciliation, soit par les parties, soit par les membres de la commission.
Art. 8
La procédure devant la commission est gratuite.
Art. 9
La personne qui s'estime victime de discrimination au sens de la loi fédérale peut recourir ou déposer action:
a) devant la juridiction des prud'hommes pour les litiges de droit privé;
b) devant le Tribunal administratif pour les litiges relevant de droit public.
Art. 10
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1998.
Art. 11
1 La loi sur la juridiction des prud'hommes, du 21 juin 1990, est modifiée comme suit:
Art. 3 A (nouveau)
Les litiges en matière d'égalité entre femmes et hommes au plan de la loi fédérale sur l'égalité sont attribués à un groupe ad hoc.
*
* *
2 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:
Art. 8, al. 1, chiffre 0 (nouveau)
0 décisions de la commission de conciliation en matière d'égalité entre femmes et hommes concernant les rapports de travail (A 2 50, art. 6, al. 5, et art. 9, lettre b);
ANNEXE II
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ANNEXE III
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Premier débat
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), rapporteuse ad interim. Ce projet de loi a été voté à l'unanimité. Je résiste donc à ma tentation de rappeler les points de discorde ayant émaillé notre débat et je vous offre un petit cadeau qui, pour une fois, ne sera pas empoisonné.
Je souhaite rappeler à votre bon souvenir trois articles de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, élaborée en 1793 par Olympe de Gouges en réaction à la Déclaration des droits de l'homme. Ces articles sont brefs, mais ils méritent d'être cités.
A l'article 4, Olympe de Gouges écrivait : «La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui. Ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose. Ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.»
Olympe de Gouges écrivait encore, dans son article 6 : «La loi doit être l'expression de la volonté générale. Toutes les citoyennes et tous les citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous. Toutes les citoyennes et tous les citoyens étant égaux à ses yeux, ils doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leur vertu et de leur talent.»... (Brouhaha.) Je ne me décourage pas, j'ai l'habitude du brouhaha !
Je continue avec l'article 13 qui sera le dernier : «Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses de l'administration - c'est important, Messieurs, cet article parle de sous ! - les contributions de la femme et de l'homme sont égales. Elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles. Elle doit donc avoir, de même, part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie.»
Ces articles ont été rédigés en 1793. Olympe de Gouges a été guillotinée quelques mois plus tard.
Vous prendrez beaucoup moins de risques en votant ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Notre groupe se félicite de ce projet de loi qui tend à instaurer une commission en matière d'égalité entre femmes et hommes dans les rapports de travail.
Sur le fond, il s'agit d'une grande cause. Ce soir, il a été maintes fois question de l'égalité entre les sexes, preuve qu'elle n'est pas encore tout à fait atteinte.
Sur la forme, c'est un projet technique. Il traite de situations de droit privé et de droit public, de problèmes posés par la composition de cette commission, de la parité entre hommes et femmes, employeurs et travailleurs.
A ma grande surprise, tout le monde s'y est mis, même ceux - comme le relève le rapport - qui n'étaient guère enthousiastes au début des travaux. Il faut se féliciter de ce consensus. Cette belle émulation a abouti à ce projet de loi présidant à la création d'une commission de conciliation ad hoc.
Je suis persuadé que votre vote enthousiaste assurera le succès de ses travaux.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Mis aux voix, les articles 1 à 9 sont adoptés, de même que l'article 10 (souligné).
Article 11
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), rapporteuse ad interim. Mme Sayegh m'a chargée de déposer un amendement, issu des travaux de la commission, modifiant ainsi l'article 11 :
«La présente loi prend effet le 14 juin 1998.»
au lieu de «entre en vigueur».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 11 ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7698)
d'application de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes(A 2 50)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
vu l'art. 4 de la Constitution fédérale
vu l'art. 2 de la Constitution genevoise
vu la loi sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (ci-après la loi fédérale)
décrète ce qui suit :
Art. 1 Définition
Art. 2 Mission et compétence
Art. 3 Composition
Art. 4 Introduction de la demande
Art. 5 Comparution des parties
Art. 6 Procédure
Art. 7 Déclaration en conciliation
Art. 8 Gratuité
Art. 9 Huis-clos
Art. 10 Modification à une autre loi (E 3 10)
Art. 11A Egalité entre hommes et femmes (nouveau)
Art. 11 Entrée en vigueur