Séance du
jeudi 28 mai 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
9e
session -
23e
séance
PL 7835
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article unique
La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire(L 1 30), du 4 juin 1987, est modifiée comme suit :
Art. 15A, al. 2 (nouvelle teneur)
2 L'avant-projet est mis au point par le département, en collaboration avec la commune et la commission d'urbanisme avant qu'il ne soit soumis, sur décision du Conseil d'Etat, à la procédure prévue à l'article 16. Il doit indiquer les normes des zones, les taux d'utilisation du sol et les degrés de sensibilité au bruit qui seront applicables.
Art. 17A (nouvelle teneur)
Afin de favoriser des constructions bon marché et de prévenir des prises de bénéfice exagérés, les déclassements en zones à bâtir ou en zones sportives ou de loisirs de terrains situés hors des zones à bâtir doit porter, sous réserve de déclassements mineurs, sur des terrains propriété de l'Etat, de collectivités publiques ou d'institutions sans but lucratif dont le prix d'acquisition n'a pas dépassés 100 F le m2. La valeur des bâtiments ou installations situés sur ces terrains ne doit pas dépasser leur valeur de remplacement.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La loi générale sur les zones de développement et la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités spécifient les indications qui doivent figurer dans un plan localisé de quartier. Il devrait en être de même, en ce qui concerne les plans de zone, notamment en ce qui concerne les taux d'utilisation du sol qui seront amis. Tel est le but de la modification proposée à l'article 15 A La LAT.
Le présent projet de loi propose, par ailleurs, d'inscrire dans la loi, la valeur maximale qui devrait être admise pour un terrain situé hors des zones à bâtir, qui bénéficierait d'un déclassement dans une zone constructible. Rappelons, qu'il y a une dizaine d'années en arrière, le Grand Conseil avait considéré, lors d'un déclassement de terrains à Anières, que la valeur d'un terrain agricole déclassé en zone à bâtir ne devrait pas dépasser un montant situé entre Fr. 40.- à 70.- le m2, valeur pouvant être portée dans des cas très exceptionnels à Fr. 100.- le m2.
Pour qu'une telle valeur soit effectivement respectée et dans le but d'éviter des opérations spéculatives, il est proposé, sous réserve de déclassements mineurs, que les terrains bénéficiant d'une telle mesure soient propriété de l'Etat, de collectivités publiques ou d'institutions sans but lucratif.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.
Préconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). Ce projet de loi a été évoqué indirectement à l'occasion de certains projets de déclassement dont ce Grand Conseil a été saisi. La commune de Céligny nous demandait, il y a peu, dans le cadre d'un réaménagement global de son plan de zone, de prévoir un déclassement d'une parcelle agricole afin de permettre la construction de logements. Au sein de la commission de l'aménagement, tous partis confondus et de l'avis unanime, le problème était le suivant : il ne nous était pas possible, en tant que Grand Conseil, d'accepter un déclassement de cette zone agricole en une zone constructible de développement sans avoir au préalable la garantie que la vente de ce terrain ne ferait pas l'objet d'une opération spéculative et que la modification de zone permettrait effectivement la construction de logements sociaux.
Si nous avions ces deux éléments réunis : la garantie de la modification de la zone de parcelle non bâtie en parcelle à bâtir avec un prix au m2 qui soit limité et la garantie également que ce déclassement permette la construction de logements sociaux, tout le monde s'accordait à reconnaître que le déclassement pouvait être accordé et que le projet de modification de zone pourrait être poursuivi.
En fait, la loi ne contient pas actuellement d'éléments contraignants ou d'éléments qui stipulent les conditions d'un déclassement. Devant ce vide législatif, qu'avons-nous fait dans le cas de la commune de Céligny ? Nous l'avons laissé de côté afin que, dans l'ensemble du plan de modification de zone qui nous était soumis, nous puissions sortir la parcelle de la zone agricole car nous n'avions pas les moyens de fixer les deux conditions précitées. C'est un peu insatisfaisant et ce projet de loi permettra de fixer les conditions de façon définitive. Certains peuvent ne pas être d'accord; il y aura un débat à ce sujet sur le prix au m2 par exemple et sur les conditions arrêtées.
Nous pensons que, si nous devons accepter des déclassements de terrain agricole, il faudra s'assurer au préalable que ces déclassements ne seront pas l'objet d'opérations spéculatives et qu'ils favoriseront la construction de logements sociaux. A cet effet, nous prévoyons de stipuler que ces terrains doivent être propriété de collectivités publiques ou d'institutions sans but lucratif, et que le prix au m2 soit définitivement fixé par la loi. Je vous remercie de renvoyer ce projet à la commission de l'aménagement.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je souhaite faire deux remarques à propos de ce projet de loi au nom du groupe socialiste. La première concerne la modification de l'art. 15A, al. 2. Il nous semble en effet qu'il peut être utile de faire figurer dans les plans de zone des indications telles que les taux d'utilisation du sol et les degrés de sensibilité qui seront applicables, ceci par analogie aux plans localisés de quartier.
En revanche, c'est l'art. 17A (nouvelle teneur) proposé qui nous pose certains problèmes. Rappelons à cette occasion que les socialistes ne sont favorables à des déclassements de terrains situés hors de la zone à bâtir qu'à titre exceptionnel et à des conditions strictes et précises, notamment le contrôle du prix du sol. Cependant, le fait d'exiger que tout déclassement en zone à bâtir ne puisse concerner que des terrains propriété de l'Etat ou de collectivités publiques nous semble un peu trop drastique. De plus, est-il opportun de faire figurer le prix maximum des terrains dans la loi ? Ces dispositions méritent une discussion approfondie. C'est pourquoi nous proposons le renvoi en commission d'aménagement.
M. Olivier Vaucher (L). Nous ne souhaitons pas fixer le prix du terrain dans la loi, car celui-ci peut varier d'une opportunité à l'autre. Lorsqu'il s'agit de la construction de logements sociaux, il convient certes de limiter le prix du terrain. Dans le projet que nous avons étudié pour la commune de Céligny, il est important que celle-ci puisse négocier à des conditions normales qui lui permettent de construire des logements sociaux. Mais s'il faut préciser certains paramètres, fixer des limites, il ne nous appartient pas de fixer le prix du terrain par une disposition de la loi. Par contre, il ne faudra pas oublier, Monsieur Ferrazino, s'agissant de construire dans des zones agricoles, le problème du droit foncier rural auquel nous nous opposons. Il faudra concilier les deux éléments. Nous nous réjouissons de pouvoir rediscuter de ce projet de loi en commission d'aménagement.
M. Hubert Dethurens (PDC). En matière d'aménagement il y a une certitude : l'inextensibilité du territoire. C'est pourquoi il faut être très vigilant en matière de déclassement et éviter les erreurs commises il y a quelques dizaines d'années. Fixer dans la loi un prix plafond du m2 de terrain n'est pas acceptable et ne résoudra aucun problème lié à l'aménagement du territoire. Un prix volontairement bas encouragerait le déclassement plutôt que la réhabilitation ou la démolition. Il serait beaucoup plus judicieux de réajuster par un impôt approprié les avantages financiers dont un déclassement bénéficie. Lors de nouveaux déclassements, l'Etat encaisserait par ce biais des plus-values non négligeables. Ce n'est pas Mme Calmy-Rey qui s'en plaindrait.
En ce qui concerne l'impossibilité d'un déclassement pour des personnes privées, cela doit être le fruit d'une nostalgie d'un certain mois d'octobre. Les auteurs de ce projet se voient peut-être diriger le plus grand kolkhoze immobilier du monde occidental. Non, Mesdames et Messieurs les députés, en matière d'aménagement la maîtrise de nouveaux déclassements ne passe pas par un tout à l'Etat. C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien s'opposera fermement à ce projet de loi.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical trouve intéressante la proposition faite par l'Alliance de gauche avec les restrictions énoncées tant par le parti socialiste que par le parti libéral. Le fait que la maîtrise de ces terrains revienne exclusivement à l'Etat ou en mains de collectivités publiques pose un problème. Certains terrains dans les zones évoquées ont déjà été acquis par des collectivités publiques, ce fut le cas notamment pour la commune de Meyrin, à un prix supérieur avec l'accord d'un chef bien connu du département des travaux publics. Selon les nouvelles conditions la commune devrait, le cas échéant, accepter une perte. Tant au point de vue du plafond de 100 F que de la mainmise unique des collectivités publiques sur ces terrains, il y a des problèmes qui doivent être débattus en commission. En revanche, le fait que, pour des logements sociaux, il s'agit d'éviter qu'une plus-value spéculative puisse être prise, notamment par des mains privées - nous savons combien nous avons besoin de construire des HBM - et qu'effectivement le bas prix du terrain seul peut permettre de telles constructions, rend indispensable l'examen de ce projet par la commission d'aménagement.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le projet présenté par l'Alliance de gauche est d'autant plus intéressant qu'il arrive fréquemment que des initiatives communales et des projets communaux nous soient soumis. Vous savez que pour les Verts, au-delà du prix du terrain, le plus important est la compensation qui peut être admise en cas de déclassement de zone agricole. Ce dont nous nous apercevons dans la plupart de ces propositions, c'est que les communes qui proposent des déclassements de terrain en zone agricole pour des constructions n'ont pas de parcelle à mettre à disposition pour la compensation. Il faudra étudier ce problème; des compensations d'une commune à l'autre pourraient-elles être envisagées ? Quant à nous, nous n'accepterons plus de déclassements non soumis à compensation.
Plusieurs groupes se sont exprimés au sujet du prix au m2 en estimant que celui-ci ne pouvait pas apparaître dans une loi. Il est très important qu'il y figure pour plusieurs raisons. M. Lescaze vient d'en relever une importante relative à la commune de Meyrin où un terrain en zone agricole est en train de se négocier entre 120 et 130 F le m2 et va finalement être acquis par la commune à 127 F le m2. Ce prix est surfait et il est difficile d'imaginer que le terrain pourra permettre d'abriter à brève ou longue échéance des logements bon marché. Il n'est par conséquent pas inutile de se pencher sur ce blocage du prix et nous soutenons très fortement le renvoi de ce projet à la commission d'aménagement.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce projet de loi pose deux questions distinctes. La première : quelles sont les indications et les contraintes qu'il convient de faire figurer dans une loi portant sur une modification du régime des zones ? Sur le principe, il est légitime que figurent, lorsqu'un déclassement est voté, un nombre important d'indications, tel le degré de sensibilité au bruit notamment. Il ne faut pour autant pas arriver à une contrainte imposant que tous les paramètres soient fixés pour chaque situation. C'était l'une des critiques émises à l'égard de la notion de zone enrichie telle qu'elle figurait dans le projet de loi sur la simplification et l'accélération des procédures administratives en la matière. Le Conseil d'Etat étudiera avec bienveillance et favorablement le principe même de fixer davantage de paramètres dans les lois de déclassement.
La deuxième proposition traitée dans ce projet de loi est totalement différente. Elle vise un but fondamentalement juste : la maîtrise du coût du terrain lorsqu'il s'agit de déclassement. En revanche, le fait de réserver l'exclusivité des déclassements aux collectivités publiques est manifestement excessif dans notre système où l'économie privée joue un rôle ! D'autant plus qu'il faut être attentif à ne pas créer ainsi des ghettos. En se limitant à des collectivités de droit public et à des HBM, qui constituent l'objectif prioritaire de ce type de déclassement, le risque de créer des ghettos est réel. C'est un risque que les auteurs de ce projet de loi ne veulent certainement pas courir.
En ce qui concerne le contrôle des prix, il faut effectivement définir un régime qui éviterait toute spéculation. Il n'est pas certain que la proposition qui nous est faite satisfasse cet objectif. Mais je reste optimiste quant au fait que les discussions en commission permettront de trouver le moyen de résoudre ces différents problèmes.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.