Séance du
jeudi 28 mai 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
9e
session -
23e
séance
PL 7707-A
Le projet de loi 7707 a été déposé le 3 septembre 1997 et renvoyé à la Commission du logement par le Grand Conseil le 25 septembre 1997.
Il a été débattu en commission sous la présidence de M. David Hiler lors de la séance du 2 février 1998 lors de laquelle M. Georges Albert, directeur de l'Office du logement, a été auditionné.
M. Georges Albert a indiqué que pour bénéficier de l'allocation de logement, il faut que le loyer soit trop élevé par rapport au revenu et que le demandeur ait effectué des démarches pour trouver un appartement moins cher.
Dans la mise en application de ce principe, l'attention du Conseil d'Etat s'est portée sur le fait d'éviter le cumul des allocations et l'utilisation des allocations de manière ciblée pour les personnes qui en ont besoin et ne peuvent bénéficier d'une autre aide.
Le but visé est donc celui du non cumul des aides, ce principe s'est concrétisé par le règlement d'application sur le logement. Le non cumul vise les personnes au bénéfice de prestations complémentaires, telles celles versées par l'OCPA. Ce dernier dans ses prestations tient compte des niveaux de loyer, lorsque celui-ci est trop important, l'OCPA verse des prestations complémentaires.
Ainsi, l'objectif du non cumul souhaité par le Conseil d'Etat est que si un individu est au bénéfice des prestations de l'OCPA, il ne peut avoir droit à une allocation de logement.
Un autre type de cumul est également visé, celui concernant les prestations équivalentes.
La population visée est celle qui bénéfice d'un bail à la Gérance immobilière municipale et qui dans le calcul des loyers voit son revenu pris en compte pour une éventuelle baisse de son loyer.
Ainsi le Conseil d'Etat veut éviter qu'il y ait cumul entre les allocations de logement et les prestations de la Ville de Genève.
D'autres situations sont encore à envisager, notamment les coopératives de logement où les loyers sont adaptés au salaire. Là aussi, il faut éviter le cumul des prestations.
Cette pratique du non cumul existe depuis 1992 et fonctionne bien. La proposition de modification de la loi est survenue à la suite d'un arrêté du Tribunal administratif datant du 3 juin 1997. Le Tribunal a en effet jugé une demande d'allocation de logement pour le cas d'une fille touchant une rente d'orpheline. Il a conclu que la pratique du Conseil d'Etat n'avait pas de bases légales suffisantes pour la justifier.
A partir de là est née la nécessité de pouvoir concrétiser au sein de la loi la pratique du non cumul, proposition acceptée par le Conseil d'Etat. Ainsi le projet de loi 7707 est simple et permet de compléter la base légale. Finalement cet article vient appuyer une pratique administrative existant depuis 1992 et n'introduit pas de pratique nouvelle.
Au sein du Conseil d'Etat, deux visions se sont affrontées.
D'une part, le DIAE souhaitait concrétiser une pratique déjà en place à l'Office du Logement Social, à savoir la pratique du non cumul. D'autre part, le DASS proposait une ouverture.
C'est cette deuxième version qui a été adoptée par le Conseil d'Etat, elle crée une ouverture dans la notion de non cumul en laissant la possibilité au demandeur de pouvoir choisir quelle aide est la plus intéressante pour lui. C'est là que les choses se compliquent car l'ouverture pose des problèmes. Nous pouvons dès lors imaginer qu'un bénéficiaire de l'OCPA préfère obtenir une allocation de logement car le mode de calcul y est plus intéressant mais cela signifie également que cette solution est plus onéreuse pour l'Etat. Il n'y a pas encore eu d'évaluation faite concernant cette ouverture et il n'y a pas que les personnes bénéficiant des prestations de l'OCPA qui sont concernées mais également les détenteurs d'un bail à la Gérance immobilière municipale. Nous pourrions penser que la Ville en vienne à encourager les demandeurs à s'adresser plutôt à l'Etat opérant ainsi un transfert de charges.
Il faut de plus signaler que la proposition faite par le Département différait par trois mots de l'actuelle mouture, la première ligne était rédigée ainsi : "; Le locataire qui bénéfice ou peut bénéficier d'une prise en charge ... ". Cette version est d'ailleurs reprise dans le texte actuel du règlement à l'article 22 où cette mention de "; ... ou peuvent bénéficier ... " figure. Ce principe du non cumul est actuellement pratiqué par le Département et une seule personne est intervenue auprès du Tribunal Administratif et a ainsi pu bénéficier des prestations de l'OCPA et de l'allocation de logement.
Nous ne pouvons malheureusement à ce jour pas savoir quelles seraient les répercussions au niveau du cumul si la pratique se généralisait. Il s'agit cependant moins de la question du cumul que de celle du transfert des charges et de la complexité des dossiers à réinstruire qui se pose.
La Commission s'est d'autre part posé les questions suivantes à propos de ce projet de loi :
- quelle est la garantie qu'il n'y ait pas de collision de disposition d'exclusion, c'est-à-dire que des personnes ne pourraient plus bénéficier d'aucune prestation ?
- ne pourrait-on pas imaginer qu'avec l'ouverture proposée par ce projet de loi, l'OCPA pourrait retirer de son calcul du niveau de l'aide la question du loyer et que le logement serait l'objet d'une aide spécifique ? Le risque étant que l'allocation de logement ne concerne plus un problème de logement mais un problème de revenu.
- l'assimilation du revenu adapté au loyer et l'exclusion de l'allocation de logement lors de toute aide personnalisée pourraient aboutir à des résultats imprévus. Citons par exemple l'aide versée par une commune qui n'est pas fonction du revenu, dans ce cas une personne pourrait se voir refuser l'allocation de logement, il en serait de même dans le cas des indemnités prévues par les conventions collectives qui sont fixées arbitrairement. A l'extrême, nous pourrions aboutir à ce qu'un employeur supprime des prestations parce que l'Etat prend le relais et que l'employé ne peut de toute façon pas toucher des deux côtés.
En conclusion, la Commission dans sa grande majorité refuse l'entrée en matière sur le projet de loi 7707 et propose de le renvoyer au Conseil d'Etat incorpore afin de clarifier sa vision des différents problèmes évoqués.
La Commission relève cependant les points suivants qu'elle souhaiterait voir traiter dans une nouvelle mouture :
- pas de cumul des aides ;
- coordination en matière sociale à améliorer ;
- pas de transfert de charges ;
- pas de coût supplémentaire.
Soumise au vote, l'entrée en matière du projet de loi 7707 a été refusée par l'ensemble de la Commission moins une abstention (L) et une voix pour (L).
La Commission du Logement vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser l'entrée en matière et renvoyer le projet de loi 7707 au Conseil d'Etat in corpore.
Projet de loi(7707)
modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires (I 4 05)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, est modifiée comme suit:
Art. 39A, al. 3 (nouveau)
3 Le locataire qui bénéficie d'une prise en charge (totale ou partielle) de son loyer en vertu d'autres dispositions légales ou réglementaires, d'un loyer fixé en fonction de son revenu ou d'une autre forme d'aide personnalisée ne peut prétendre à une allocation de logement au sens de la présente loi.
Premier débat
M. Alberto Velasco (S). Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du rapport de M. Béné. Il convient néanmoins de relever certains aspects de ce rapport. Il s'agit tout d'abord de la double exigence qui conditionne l'obtention de cette allocation, à savoir que le loyer soit trop élevé et que d'autre part le demandeur ait effectué des démarches pour trouver un appartement moins cher.
Quels sont les critères pour statuer sur la validité de ces démarches ? Prenons par exemple le cas d'un couple qui cherche un logement parce que la famille s'est agrandie. Doit-il faire ces démarches avant ou après avoir emménagé avec le risque, en cas de refus d'allocation, de devoir quitter le logement et, en cas d'une réponse tardive à sa demande, l'impossibilité de pouvoir emménager ? Il conviendrait de mieux définir ces critères.
La seconde remarque concerne la possibilité faite au demandeur de choisir l'allocation qui serait la plus intéressante compte tenu de sa situation. Or, il est mentionné dans le rapport que cette possibilité serait plus onéreuse pour l'Etat. Sachant que les personnes qui sollicitent une telle aide le font souvent parce qu'elles se trouvent dans une situation précaire, il ne s'agit pas de savoir si la solution est onéreuse ou pas pour l'Etat mais si elle est adaptée aux maux qu'elle souhaite pallier.
Enfin, pour nous les socialistes, les points mis en exergue et devant être pris en compte dans une nouvelle mouture amènent tout de même un certain nombre de commentaires. C'est le cas du non-cumul des aides qui devrait être traité non pas ainsi, mais comme une aide supplémentaire. Concernant le refus de coûts supplémentaires, je n'ai pas connaissance de cette demande de la part de la commission. Néanmoins, ces conditions auraient comme conséquence une diminution des aides au cas où la demande viendrait à augmenter. S'agissant du transfert des charges, les différents services sociaux ont tendance à dépasser leurs responsabilités afin de réduire leurs budgets. Pour éviter ce genre de pratique il faudra, comme le mentionne le rapport, améliorer la coordination en matière d'aide sociale. Par conséquent, le groupe socialiste ne votera pas l'entrée en matière de ce projet et propose, à l'instar de la commission, son renvoi au Conseil d'Etat.
Le président. Je ne comprends pas très bien votre démarche, Monsieur Velasco. Vous pouvez le renvoyer en commission ou le refuser, mais pas le renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Jacques Béné (L), rapporteur. Le problème rencontré au sein de la commission est que ce projet de loi ne semblait pas répondre à l'arrêt du Tribunal administratif qui avait, en fait, permis le cumul de deux aides. C'est justement ce que nous voulions en principe éviter. Il nous semblait également que les compétences de la commission du logement étaient dépassées dans le cadre de ce projet de loi et qu'il impliquait aussi une réflexion au niveau social, à propos de toutes les aides que peuvent octroyer les différentes institutions de notre canton, et notamment les aides cantonales, celles de la Gérance immobilière municipale, de l'OCPA, etc. Dans cette optique, nous aurions souhaité que le Conseil d'Etat reformule un projet de loi correspondant mieux à l'attente des membres de la commission. C'est dans ce but précis que la majorité de la commission propose de ne pas entrer en matière, dans l'objectif que le Conseil d'Etat nous propose une nouvelle mouture.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a pris note des critiques que vous avez apportées à son projet. Il prend note tout spécialement des critères que vous lui avez fixés pour présenter un nouveau projet de loi sur le même sujet, puisque nous sommes tous d'accord pour dire qu'il convient de légiférer afin d'éviter des cumuls d'aide ou des dysfonctionnements dans la distribution des allocations. Compte tenu des travaux de la commission, j'ai d'ores et déjà donné les instructions nécessaires pour élaborer un nouveau projet de loi au niveau interne auquel je ferai suivre la voie ordinaire. En revanche, je n'ai pas retiré ce projet de loi pour vous permettre d'en débattre aujourd'hui de manière que je puisse entendre tous les avis. Quand chacun se sera exprimé, je le retirerai.
Le président. Plus personne ne demande la parole. Le Conseil d'Etat retire donc son projet.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de ce projet de loi.