Séance du
jeudi 14 mai 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
8e
session -
18e
séance
M 1199
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
vu les déclarations successives sur le prochain envol de Swiss World Airways faites par les responsables de cette nouvelle compagnie d'aviation ayant bénéficié d'un important apport financier de l'Etat de Genève et les reports répétés (et encore tout récent) de l'envol effectif de ses avions dont on ne connaît toujours pas les spécifications,
invite le Conseil d'Etat
à lui présenter un rapport sur :
- le financement de cette compagnie d'aviation, plus particulièrement la part du capital-actions de 50 millions souscrite, tant par des privés que par des collectivités publique, qui est effectivement libérée;
- les garanties fournies à l'Etat de Genève pour le montant de 4 millions avancé par le Conseil d'Etat;
- et les perspectives réelles de cette compagnie d'aviation de déployer des activités.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les fondateurs de la compagnie aérienne Swiss World Airways (SWA), bien que partisans du libéralisme économique et d'une déréglementation favorisant la concurrence à outrance entre transporteurs aériens, ont néanmoins sollicité prioritairement les pouvoirs publics pour financer leur entreprise à hauts risques, qui devait, selon eux, déployé ses activités début décembre 1997 au plus tard, selon les déclarations répétées faites par leurs porte-parole avec beaucoup d'assurance. Après avoir déclaré que celles-ci commenceraient finalement à fin mars, voilà qu'un nouveau report est annoncé et on ne connaît toujours pas quel aéronef sera utilisé par SWA, l'Office fédéral de l'aviation civile étant toujours dans l'attente que les spécifications nécessaires à cet effet lui soient communiquées pour pouvoir homologuer l'avion et garantir la sécurité des passagers !
Cette situation pour le moins curieuse et la désinvolture des responsables de SWA notamment face aux exigences totalement légitimes de l'Office fédéral de l‘aviation civile, nous amène à demander un rapport circonstancié au Conseil d'Etat sur les modalités de financement de cette compagnie aérienne et le montant souscrit du capital-actions qui a été fixé à 50 millions de francs. Le Grand Conseil doit être renseigné sur la part du capital-actions effectivement souscrite et quel est le montant des investissements des membres fondateurs. Enfin, quelles sont les garanties que le Conseil d'Etat a obtenues avant d'engager un montant de 4 millions dans cette affaire, sachant que le lancement d'une compagnie aérienne est une opération à haut risques et que les possibilités de succès sont limitées vu la concurrence terrible qui règne dans le domaine du transport aérien, qui vient encore de mettre faillite la célèbre compagnie PANAM pour la seconde fois.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion recevra bon accueil de votre part.
Débat
M. Christian Grobet (AdG). Lors de l'évocation dans la presse de la création d'une nouvelle compagnie d'aviation à Genève, le groupe de l'Alliance de gauche a manifesté un certain scepticisme. En effet, les différentes tentatives de créer des compagnies d'aviation en Suisse et à l'étranger ne sont pas toujours, et de loin, des réussites. Avec la déréglementation instaurée par les Américains dans le domaine des relations aéronautiques, nous nous trouvons dans une telle situation que la création d'une nouvelle compagnie devient un réel tour de force.
Cela étant, vu la conjoncture, il ne faudrait pas décourager ceux qui osent se jeter à l'eau. Cependant, certaines personnes ont voulu exploiter le choc émotionnel résultant de la façon maladroite d'agir de Swissair lors de la concentration à Zurich des départs des long-courriers. Les membres du Conseil d'Etat savaient depuis plusieurs années que cela était inéluctable. Personnellement, malgré les rapports succincts donnés au Conseil d'Etat, je n'ai pas du tout été étonné : la décision de Swissair s'inscrivait dans une stratégie européenne de regroupement des aéroports long-courriers dans un certain nombre de HUBS - pour employer cet épouvantable anglicisme.
Certaines personnes ont profité de la situation et déclaré vouloir sauver l'aéroport de Genève en créant une nouvelle compagnie d'aviation, une nouvelle base pour des vols long-courriers à partir de notre ville. Comme si elles pouvaient réussir là où Swissair avait échoué, dans une région de quatre à cinq cent mille habitants, sans aucune comparaison avec les grandes villes européennes qui sont des centres aéroportuaires.
Un fait nous a beaucoup inquiétés : les promoteurs de cette nouvelle compagnie, ces chantres du libéralisme et de l'anti-étatisme, sont venus frapper en premier lieu à la porte des collectivités publiques ! Avant même l'assemblée des actionnaires privés, il s'agissait pour eux de préciser quelle aide publique ils recevraient. C'est exactement l'inverse de la démarche qui consiste à se jeter à l'eau puis à s'adresser aux collectivités lorsqu'il manque un peu d'argent ! Là, au contraire, cette entreprise devait bénéficier d'abord de fonds publics pour obtenir des fonds privés.
Autre aspect franchement désagréable : les déclarations manifestement fausses des dirigeants de cette compagnie, de leur principal porte-parole surtout, qui travaille encore, semble-t-il, à la direction de l'aéroport et connaît donc bien les exigences de l'Office fédéral de l'air. Ils ont annoncé un début d'activité le 1er décembre tout en sachant que l'immatriculation d'un avion en Suisse demande un certain nombre de semaines pour des raisons évidentes de contrôle de sécurité. Il y a eu une campagne de pression et d'intoxication invraisemblable.
Au début de cette année, ces personnes ont reconnu leurs erreurs et annoncé les premiers vols pour fin mars, puis fin avril. Depuis quelque temps on ne les entend plus... Il vaut peut-être mieux qu'ils se taisent, mais ce silence nous amène à demander des explications au Conseil d'Etat sur les précautions prises avant de verser de l'argent ainsi que sur les conditions.
Il est tout à fait anormal que nous ayons été informés par la presse d'une opération de ce type. Je ne me souviens pas d'un quelconque rapport à ce Grand Conseil. La commission des finances a peut-être eu des informations verbales. Les quelques journalistes qui m'ont téléphoné à la suite du dépôt de cette motion étaient stupéfaits d'apprendre que le Grand Conseil n'avait rien voté.
Ne soyez pas étonnés de cette remarque : selon le producteur de l'émission télévisée, M. Lamprecht a reconnu qu'il ignorait si le Grand Conseil avait voté ou non un crédit. C'est tout à son honneur, mais cela démontre un manque d'information notoire. En tant que magistrat, il pensait que le Grand Conseil s'était prononcé sur cette question...
A partir du moment où des collectivités publiques ont mis de l'argent dans cette affaire, d'autres - plus sceptiques - aimeraient tout de même savoir ce qu'il en est advenu. Certes, la SWA, misant sur une clientèle de luxe, a déjà acheté dix mille pantoufles pour l'agrément de ses futurs passagers, pour garantir un confort que Swissair, lui, n'offre pas !
Le moment est venu pour le Conseil d'Etat de faire le point. J'aimerais savoir combien ces courageux capitaines d'industrie ont investi personnellement dans cette affaire. Je présume qu'ils ont touché des salaires, ces derniers mois, grâce à l'argent versé par la collectivité. Combien ont-ils eux-mêmes acquis d'actions et investi dans cette société ?
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, c'est très gênant de trouver comme porte-parole d'une entreprise de ce type une personne assumant des responsabilités importantes auprès de la direction de l'aéroport. Nous nous heurtons à un problème d'incompatibilité évident, on ne peut pas avoir deux casquettes. Le Conseil d'Etat devra s'expliquer, car cette situation n'est pas satisfaisante.
Je le sais, M. Lamprecht a hérité du bébé récemment, mais je souhaite obtenir ce soir déjà quelques explications.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Le groupe socialiste soutient cette motion et son renvoi en commission, tout en apportant quelques remarques.
SWA a obtenu plus rapidement la participation de l'Etat à son capital-actions que l'autorisation de faire décoller ses deux Boeing 767 ! Il n'est du reste pas certain que ces deux retards soient uniquement imputables à la seule assurance de sécurité exigée par l'Office fédéral de l'aviation civile...
L'attitude monopolistique de Swissair et sa décision de rapatrier les vols long-courriers à Kloten obligent à redistribuer les vols outre-Atlantique à d'autres compagnies qui, moins puissantes, ont toutes un point commun : une politique d'engagement et salariale plus que discutable. Les salaires proposés aux pilotes, aux mécaniciens et au personnel volant sont tels qu'il devient impossible de recruter sur le marché local genevois. Un pilote ne gagne guère plus qu'un horloger. Le grand respect que j'éprouve envers les horlogers ne m'empêche pas de penser que la responsabilité endossée par les pilotes est plus importante que la fabrication d'une montre... (Remarque.) Même une Reverso, Monsieur Brunschwig, ou une Rolex !
Les hôtesses et les stewards sont recrutés sur une base salariale équivalente à celle du personnel de la vente. Or le personnel volant n'a pas pour unique mission de ravitailler les passagers; il doit aussi faire appliquer des consignes de sécurité et maîtriser plusieurs langues. Cette formation spécifique est d'ailleurs évoquée par ces compagnies pour justifier les demandes de personnel non résident à Genève.
Si l'Etat doit être incitatif concernant le lancement de nouvelles entreprises, il doit aussi veiller à ce que les conditions de travail ne soient pas détériorées, et les salaires baissés dans un seul but : offrir des prix concurrentiels aux clients.
Le lancement de SWA s'est fait à grand renfort médiatique, et pourtant des questions très concrètes mériteraient de recevoir une réponse, sur ce point - pour une fois - je rejoins le questionnement de M. Grobet.
Par exemple, M. Philippe Rochat, président de SWA et membre du conseil de direction de l'aéroport, consacre beaucoup de temps au lancement de la société. Par ailleurs, le personnel qui sera engagé par cette compagnie devra suivre une formation, probablement dispensée par le service de sécurité de l'aéroport. Ces coûts, le temps mis à disposition de M. Rochat, les cours dispensés par l'aéroport, sont-ils compris dans la participation financière de l'Etat ou feront-ils l'objet d'une facturation complémentaire de l'Etat à SWA ?
L'annonce de l'engagement des deux directeurs, MM. Leischman et Bromham, alors que l'acquisition par leasing des deux Boeing 767 n'est pas confirmée, est aussi inquiétante. Quid du paiement de ces deux salaires si le lancement échoue ?
Pour ces différentes raisons, le groupe socialiste soutient cette motion dans le but d'obtenir un rapport circonstancié sur le financement de cette compagnie, les garanties obtenues et les perspectives de développement, en tenant compte de conditions de travail et salariales décentes, ainsi que de la réelle participation de l'Etat à cette opération, déjà baptisée l'«Arlésienne Airlines» !
M. Claude Blanc (PDC). Sur le fond, nous voterons cette motion, car il est toujours bon d'avoir des renseignements pour savoir ce que deviennent les deniers publics.
Quant à la forme, j'avoue avoir dégusté l'intervention de notre collègue Christian Grobet. Selon lui, certaines personnes ont «profité de la situation» pour se faire valoir et sont allées ensuite frapper à la porte de l'Etat pour recevoir de l'argent... (Commentaires.) Je résume !
Il est assez piquant d'avoir ce débat après celui sur la presse : cela nous ramène à quelques mois ou années, quand M. Grobet et ses acolytes ont commencé par se faire «mousser» en voulant sauver «La Suisse» pour venir ensuite demander au Grand Conseil de financer une opération de toute manière «foireuse». Ce qui était bon pour «La Suisse» ne le serait pas pour une compagnie aérienne ? Je comprends que M. Grobet ait des préférences pour la presse, mais il compare des choses qui ne sont pas comparables et se met dans la situation de celui qui critique aujourd'hui ce que lui-même a fait hier.
Il est assez piquant également que ce débat ait lieu à la suite de l'interpellation d'un député socialiste au sujet de l'Arena. Parlons-en de l'Arena, Mesdames et Messieurs les députés ! M. Grobet en était le promoteur ! Il nous l'a enfilé avec toutes sortes d'arguments, mais maintenant c'est la faillite, et il faudra bien que l'Etat verse son obole pour éviter la fermeture de ce «machin». (Brouhaha.) J'aimerais rappeler un fait et M. Brunschwig ne démentira pas. Il suffit d'ailleurs de consulter le Mémorial : nous avons dit qu'un jour l'Etat devrait payer, car cette affaire était foireuse.
Vous avez soutenu tellement d'affaires foireuses, Monsieur Grobet, que vous êtes mal placé pour parler de celle-ci ! (Rires.)
M. Armand Lombard (L). Ce qui me frappe dans ce débat, ce sont les objectifs à long terme que chacun défend ou propose.
Notre objectif économique est de réanimer et d'activer le tissu socio-économique genevois et régional par un partenariat entre l'Etat, les entreprises, la société civile, et de soutenir par notre intervention soit politique soit «entrepreneuriale» des projets durables et rentables.
Cette motion pose des questions pas totalement inutiles, mais quand on en examine le sens et à la suite des propos de M. Grobet, on se demande, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, quel est votre projet de société économique à long terme. Quelle est votre idée de développement de notre société ? Où allez-vous créer des emplois et par quels moyens ?
Vos moyens d'évaluation me paraissent très sommaires : suivant vos critiques figurant à l'exposé des motifs, la concurrence ne peut être que «concurrence à outrance»; une opération, qu'une «opération à hauts risques»; quant au succès, il est toujours «limité»... Il n'y a ni plaisir ni espoir dans votre programme, mais uniquement une basse critique, du scepticisme, etc.
Quand on veut noyer un chien, on dit qu'il a la rage ! Vous affirmez que le projet de M. Rochat et de ses cadres est un projet «enragé». Voulez-vous vraiment des entreprises ? Quelque chose fonctionnant autrement qu'avec le soutien de l'Etat ? Dès que l'Etat soutient une entreprise, ferez-vous autre chose que des critiques ?
Vous avancez toutes sortes de choses intelligentes dans votre discours, Monsieur Grobet ! Pour laisser planer le doute, vous commencez par affirmer que la création d'une telle entreprise est un réel tour de force, qu'il ne faut pas décourager ces gens, mais - il y a une longue série de «mais» - ils ont profité d'un choc émotionnel. Tant mieux ! S'ils se proposaient de monter une entreprise quand il n'y a plus rien à vendre ou que le marché est déjà occupé, ce serait ridicule. Il est vrai que le choc émotionnel a baissé et que cela finit par durer un peu, mais l'idée de départ était bonne.
Les promoteurs du projet n'avaient-ils pas une idée derrière la tête en prenant des actions ? Je peux vous répondre que c'était bien évidemment pour gagner de l'argent, mais cela créera de nouveaux impôts et de nouveaux emplois. Vous n'allez tout de même pas chaque fois les en empêcher et ne soutenir que des opérations semblables à celles que nous venons d'évoquer ! (Brouhaha.)
Depuis longtemps, vos objectifs à long terme sur le plan économique ne sont pas clairs. Vous avez souvent déclaré penser à un autre type de société ou d'entreprise que celui proposé par un système socio-libéral-capitaliste. Le temps est venu de préciser lequel.
M. David Hiler (Ve). Notre regret est le suivant : lorsque l'Etat a pris sa décision, la commission... (Le président s'adresse à une députée.) Pardon ?
Le président. Je répondais à une députée. Continuez, Monsieur Hiler, ne vous laissez pas impressionner par mes interruptions !
M. David Hiler. Mais je le suis, Monsieur le président ! Je suis tétanisé !
Lorsque ce projet a été soumis à la commission des finances pour une approbation de principe, si je me souviens bien, il n'y avait aucun dossier, cela m'a frappé. Il s'agissait à l'évidence d'un acte de foi ! Aucun document n'a été distribué, et aucun renseignement relatif à la solidité de cette société n'a été fourni aux commissaires.
C'est donc avec un grand plaisir que nous accueillons cette motion qui va procurer après coup les renseignements dont nous aurions dû disposer pour trancher. Les temps changent, on peut espérer que de tels procédés ne se reproduiront pas... Concernant le fond de la discussion, j'aimerais rappeler que pour les sociétés d'aviation la tendance est à la libéralisation, c'est du moins ce que j'avais cru comprendre. Ce secteur ayant été investi par l'économie de marché, le simple fait de vouloir créer une compagnie avec les deniers de l'Etat nous pose quelques problèmes.
Premièrement, nous risquons de tout perdre. C'est l'hypothèse la plus probable, tout le monde l'aura compris.
Deuxièmement, nous pourrions être amenés à investir de plus en plus pour soutenir le développement de cette société, car lorsqu'on a investi un capital, en principe, on l'augmente.
Le troisième danger, bien réel, est de voir se renouveler l'affaire Swissair, compagnie historiquement soutenue par les pouvoirs publics. La grande leçon à tirer de cette affaire est qu'il ne suffit pas de posséder du capital dans une entreprise pour forcer cette dernière à desservir un aéroport.
Il est surprenant qu'on ne nous ait pas soumis les chiffres nous permettant - à vue de nez - d'évaluer les chances de cette compagnie. Le débat politique déterminera s'il fait partie des tâches de l'Etat de développer une compagnie d'aviation, en tenant compte des convictions de chacun.
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). Le démarrage de SWA devait avoir lieu en novembre 1997, puis le 15 décembre, puis le 31 mars 1998. Depuis lors, silence radio de la part des dirigeants de cette compagnie. Pourtant, ce démarrage avait été annoncé à grands coups médiatiques par ces mêmes dirigeants, entre autres par un conseiller national bien connu.
Le 29 mars dernier, dans le cadre de l'émission «Mise au point», la Télévision suisse romande a réalisé un reportage sur SWA. Il est piquant de relever quelques éléments mis en évidence. Les responsables nous apprennent que la fiduciaire Arthur Andersen a fait un rapport de faisabilité dont les conclusions sont les suivantes : «Ceci n'est pas un rapport d'audit. Il ne doit pas être pris en compte comme une recommandation ou non pour investir dans ce projet.»
Par ailleurs, l'administrateur financier de SWA dit dans un article publié dans le journal «L'Hebdo» le 5 mars 1998, je cite : «Si rien ne se produit dans quelques semaines, il faudrait alors tout arrêter.» Or nous sommes dans la dixième semaine... On apprend avec étonnement que les dirigeants de SWA estiment pouvoir obtenir une rentabilité avec seulement 42,65% de taux d'occupation, alors que M. Gaillard, directeur de IATA, déclare en substance qu'aucune compagnie ne peut gagner de l'argent avec un taux d'occupation si faible et que ce projet est trop ambitieux. La compagnie prévoit des vols directs pour New York et Miami, marché extrêmement concurrentiel et difficile pour qu'une nouvelle compagnie puisse s'intégrer.
Voyons quels sont les atouts de SWA, soulignés par mon collègue Grobet : dix mille pantoufles avec un joli dessin, dix mille coffrets contenant un chausse-pied et une brosse à dent, à disposition de la future clientèle. Il ne manquerait plus que les avions ! Eh, oui, Mesdames et Messieurs ! Les dirigeants avertis de SWA ne cherchent pas désespérément Suzanne, mais deux Boeing du côté de Brunei !
Autre détail piquant : M. Rochat, président du conseil d'administration déclare en substance, qu'il est prévu sept vols par semaine, exercice difficile avec seulement deux avions - pour l'instant introuvables...
Selon M. Schild, syndic de Lausanne, le projet est trop faible pour y investir de l'argent public. Rappelons que par une décision prise à l'unanimité cette même municipalité a renoncé à investir 100 000 F, vu «le peu d'empressement des milieux économiques vaudois pour un tel projet».
Comme l'a relevé M. Christian Grobet, M. Rochat, président de SWA, a été directeur de l'aéroport et est encore salarié de cette entreprise, ce qui est pour le moins surprenant. Ce dernier déclare ne pas pouvoir fixer de délai, ni préciser à combien s'élèvent les dépenses de la compagnie; les dirigeants de SWA sont toujours en négociation avec la Royal Brunei.
Enfin, n'oublions pas la garantie accordée par l'Etat de Genève qui s'élève à 5 millions.
Face à ce flou artistique et au manque d'informations sérieuses de la part des dirigeants, nous demandons votre soutien à cette motion.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. L'interrogation du Grand Conseil est justifiée. Nous nous posons également des questions, car ce que nous attendions avec beaucoup d'espoir n'arrive pas.
J'ignore si l'on peut parler de désinvolture ou de légèreté, mais il est vrai que les affirmations des dirigeants de SWA au sujet des dates et de l'achat d'avions ont été pour le moins fantaisistes.
J'aimerais préciser que le Conseil d'Etat a souscrit à une somme de 5 millions et en a libéré 2,5. Par ailleurs, M. Rochat ne fait pas partie du conseil de direction de l'aéroport international de Genève; il est salarié.
La création de cette compagnie, le courage de ces gens face à une situation difficile, a suscité l'estime et l'admiration. Ils ont obtenu l'aide de l'Etat, c'est vrai, mais ce n'est pas la première fois que nous aidons une entreprise à démarrer. Le fait que Swissair nous quittait, déplaçait ses long-courriers à Zurich, pénalisait non seulement l'aéroport international de Genève - même si les résultats de cette année sont bons, comme vous aurez prochainement les moyens de le vérifier - mais toute une région et sa population. En effet, 40% des passagers proviennent du canton de Vaud, de la France voisine et d'autres cantons romands. Ce projet de création d'une compagnie romande avait bien évidemment suscité beaucoup de sympathie et d'espoir.
Les liaisons long-courriers sont importantes pour les institutions internationales installées à Genève et pour les multinationales qui créent un marché bien réel. Vous avez dit justement, Monsieur Grobet, que selon Swissair ce n'était pas rentable, mais ça peut l'être avec des avions plus petits, plus performants, offrant un service particulier. Tout cela a fait l'objet d'une étude de marché, jugée fantaisiste aujourd'hui. La critique est facile, mais vous, Mesdames et Messieurs les députés, que faites-vous pour créer une entreprise, une compagnie d'aviation ? J'ai de l'admiration pour des gens qui ont fait preuve de courage face à ce problème local, régional, concernant notre aéroport.
Des personnes de différentes communes genevoises et d'autres cantons ont fait confiance à cet important projet. Ces long-courriers suscitent un effet de levier sur les lignes européennes essentiel pour notre aéroport. On parle toujours de l'emploi dans cette enceinte, or cette entreprise en crée ! On peut donc considérer cela d'une façon plus positive, non comme une entreprise de démolition qui balaie le tout, parce que cela n'a pas marché.
Si ce projet marche - je crois que tel va être le cas, mais je n'en suis pas sûr, je ne le maîtrise pas, je ne peux faire que peu de choses - nous applaudirons fièrement ces hommes et ces femmes audacieux. Nous serons également fiers de notre contribution financière.
Certes, les gens en charge de ce projet ont fait preuve d'un optimisme exagéré et maîtrisent mal la politique de communication. S'ils avaient démarré en juillet après avoir annoncé comme délai octobre 1998, personne n'aurait critiqué... Aujourd'hui, on se rend compte des réelles difficultés que l'on rencontre lors de la création d'une compagnie d'aviation.
La motion proposée étant tout à fait justifiée, nous sommes d'accord de la renvoyer en commission ou directement au Conseil d'Etat. Vous pourrez ainsi recevoir davantage d'informations. A vous d'en décider ! Espérons que d'ici un mois on verra le premier avion voler ! Si ce n'est pas le cas, nous aurons au moins pris notre destin en main et fait le nécessaire pour aider ces gens à créer une compagnie. Nous ne serons pas restés inactifs, c'est une preuve de courage, nous vous en rendrons compte, lorsqu'il sera question de cette motion.
M. Olivier Vaucher (L). En conclusion des propos de M. Lamprecht, je proposerais de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat qui sera à même de lui donner un suivi et une réponse.
Le président. Plusieurs députés ont demandé le renvoi en commission, que je vais mettre aux voix.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.