Séance du
vendredi 24 avril 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
7e
session -
16e
séance
No 16/II
Vendredi 24 avril 1998,
nuit
Présidence :
M. René Koechlin,président
La séance est ouverte à 20 h 50.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Régis de Battista, Christian de Saussure, Hervé Dessimoz, Mireille Gossauer-Zurcher, Claude Haegi, Armand Lombard, Pierre Marti, Pierre Meyll, Véronique Pürro, Françoise Schenk-Gottret et Micheline Spoerri, députés.
3. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Le président. Il n'y a pas de demandes d'interpellation
M. John Dupraz(R). J'en ai une de déposée, sous le titre :
Cosignataires: Bernard Lescaze, Claude Blanc, Hubert Dethurens, Pierre-François Unger, Olivier Lorenzini.
Le président. Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'aéroport international de Genève (H 3 25), du 10 juin 1993, est modifiée comme suit :
Art. 36 al 1 (nouvelle teneur)
En contrepartie de la mise à disposition par l'Etat des biens immobiliers et équipements lui appartenant en vue de l'exploitation de l'aéroport, l'établissement assure la charge des frais financiers, soit les intérêts et amortissements encourus par l'Etat à leur sujet, y compris - conformément aux obligations résultant de l'article 40 - les amortissements résultant d'indemnités que l'Etat serait appelé à payer à des riverains de l'aéroport en raison de nuisances qu'ils pourraient subir du fait de l'exploitation de ce dernier.
Art. 38 Compétences du Grand Conseil (nouvelle teneur)
1 Les budgets, approuvés par le conseil d'administration, sont transmis au Conseil d'Etat, avant le 15 septembre de chaque année. Les comptes rendus le sont avant le 15 juin suivant l'exercice clôturé. Ces documents sont accompagnés de rapports explicatifs. Le Conseil d'Etat, après s'être prononcé sur ces documents, les soumet pour approbation au Grand Conseil.
2 Tout projet de construction ou de transformation de bâtiments ou d'installations aéroportuaires portant sur un montant supérieur à 2 millions de francs est soumis à l'approbation du Grand Conseil sous forme d'un projet de loi répondant aux exigences d'une demande de crédit d'ouvrage soumis aux articles 51 à 57 de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Lors de l'adoption de la loi sur l'aéroport international de Genève, le problème de la prise en charge par le nouvel établissement autonome des indemnités que l'Etat pourrait être amené à payer en raison des nuisances résultant de l'exploitation de l'aéroport n'a pas été évoqué.
Bien que les charges financières que l'Etat pouvait être appelé à assumer de ce fait relèvent manifestement des charges financières répercutées par l'art. 36 de la loi sur le compte d'exploitation de l'aéroport, ce qui résulte également de l'art. 40 de la loi, mieux vaut le préciser dans celle-ci pour éviter toute ambiguïté à ce sujet.
Tel est le but des compléments que le présent projet de loi propose d'apporter à l'art. 36 précité.
Le projet de loi propose également une modification de l'article 38 de la loi, afin que le Grand Conseil approuve les budgets et les comptes de l'aéroport, ce qui se justifie non seulement en raison de l'importance de cet établissement, mais en raison de la part du bénéfice qui doit être rétrocédée à l'Etat et dont il s'agit de s'assurer qu'il est effectivement versé.
Par ailleurs, les constructions importantes doivent être soumises à l'approbation du Grand Conseil comme c'était le cas dans le passé et comme c'est le cas pour d'autres établissements publics autonomes.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.
Préconsultation
M. Bernard Clerc (AdG). Ce projet de loi vise trois objectifs. Premièrement : prévoir des dispositions permettant de mettre à la charge de l'aéroport les indemnisations éventuelles des riverains de l'aéroport selon le principe du pollueur payeur. Ces questions étaient déjà présentes lors du vote de la loi sur l'aéroport en 1993 et n'ont jamais été mentionnées dans les rapports concernant l'aéroport.
Deuxièmement : permettre l'approbation des comptes de l'aéroport par le Grand Conseil selon l'usage en cours pour d'autres établissement publics. Certains éléments comptables permettent à l'aéroport de minimiser les bénéfices réalisés. L'aéroport tient une comptabilité de type commercial et n'est pas soumis aux règles de la comptabilité publique. Nous avons appris, encore récemment que l'aéroport avait réalisé en fait, lors des trois derniers exercices, 50 millions de bénéfice et non pas §17 millions comme mentionné dans les rapports qui nous ont été communiqués.
Troisièmement : nous demandons que les investissements supérieurs à 2 millions soient soumis à l'approbation du Grand Conseil. Nous vous remercions de réserver bon accueil à ce projet de loi qui pourrait faire l'objet d'un renvoi en commission, compte tenu des nouveaux éléments portés à notre connaissance.
M. Daniel Ducommun (R). Le groupe radical émet de grandes réserves face au projet de loi présenté par l'Alliance de gauche et les écologistes sur l'aéroport international de Genève et son avenir. Cela nous paraît suspect ! (Exclamations.) Bien que nous soyons rassurés par l'absence de socialistes parmi les signataires, il n'en reste pas moins que notre scepticisme reste entier. D'autant plus que, sous le point 54 de l'ordre du jour, les mêmes ou une partie d'entre eux proposent une motion sur la nouvelle compagnie genevoise SWA. Cela reste suspect, Monsieur le conseiller d'Etat !
Serait-ce que les démons du passé qui militaient pour la croissance zéro et une vocation d'aéroport de province pour Genève resurgissent ?
Une voix. Exactement !
M. Daniel Ducommun. Nous avons peur de cela effectivement, Monsieur Dupraz ! Nous sommes résolument en faveur du développement d'une Genève économiquement forte, offrant des conditions cadres de qualité pour celles et ceux qui veulent produire, étudier ou tout simplement consommer.
L'aéroport de Genève est un instrument fondamental dans cette approche. La position politique du groupe radical est claire à ce sujet. Nous ne pouvons pas soutenir les actions d'affaiblissement ou de démantèlement de notre aéroport. L'argument développé dans le projet de loi est celui des indemnités de nuisances que l'Etat est ou sera appelé à payer aux riverains de l'aéroport définies selon la loi fédérale en la matière. La commission des finances a étudié consciencieusement ce dossier, juridiquement compliqué en raison des nombreuses appréciations, recours ou oppositions dont la plupart sont en cours de traitement au Tribunal fédéral. Nous ne jugeons pas pour l'heure les intentions curieuses du Conseil d'Etat de jouer la prescription. Nous reviendrons éventuellement sur ce sujet, Monsieur le conseiller d'Etat. Cela est aussi suspect.
Pour le surplus nous faisons référence au message du conseiller fédéral Adolf Ogi, lequel, lors du transfert de la concession pour l'exploitation de l'aéroport, a formellement écrit que les indemnités que l'exploitant de l'aéroport pourrait être condamné à verser à la suite des prétentions légitimes des riverains, sont à la charge de l'Etat de Genève.
D'autre part, s'il est vrai que le fonds environnement de l'aéroport alimenté par les surtaxes s'élève à près de 50 millions, il sera complètement utilisé ces cinq prochaines années, soit pour les équipements de protection contre le bruit, soit pour des améliorations d'insonorisation.
L'aéroport ne reste donc pas en retrait de toute participation. Quant à lui faire supporter la charge de toutes les indemnités liées aux expropriations formelles et matérielles, cela pourrait entraîner la cessation de l'exploitation de cette infrastructure... (Rires et exclamations.) ...même si cela fait rigoler Ferrazino et son équipe. Deux cent soixante demandes d'indemnités ont été déposées dans les délais. Un jugement favorable du Tribunal fédéral pourrait entraîner des versements de l'ordre du milliard de francs. Voilà les conséquences assassines du projet qui nous est présenté et que nous contestons. Ce qui n'écarte pas la possibilité d'en discuter sereinement en commission.
M. Nicolas Brunschwig (L). Le groupe libéral avait participé à l'élaboration de ce projet de loi sur l'autonomie de l'aéroport, qui nous paraît effectivement un élément essentiel pour lui garantir une réelle autonomie.
Nous considérons que ce projet de loi ne poursuit pas cet objectif et nous n'en sommes guère étonnés au vu de la liste des signataires, qui n'avaient pas participé de manière très positive à son élaboration. Ce projet de loi pose diverses questions dignes d'intérêt qui seront sans doute discutées à la commission des finances. En fonction des débats que nous avons déjà eus, en particulier sur les procédures juridiques qui sont au coeur même de certaines discussions, le Bureau préavise d'envoyer ce projet de loi à la commission des finances.
En tout état de cause, un élément me semble totalement faux, celui d'envisager que ce ne soit pas le canton mais l'aéroport - en tant que tel - qui assume les charges financières. C'est ce qui pourrait résulter, avec toutes les réserves que l'on peut émettre, des différentes attaques qui ont lieu devant les tribunaux et le Tribunal fédéral en particulier.
Lorsque l'accord sur cette autonomisation avait été acquis et conclu, l'Etat de Genève s'engageait à mettre à disposition les terrains nécessaires à l'accomplissement de l'objectif que doit remplir l'aéroport. Nous comprendrions mal que l'Etat mette à disposition le bien-fonds, mais que ce soit à l'aéroport d'assumer les frais liés à des procédures qui existaient déjà au moment où ces biens-fonds ont été mis au bénéfice de l'établissement aéroport. Nous sommes catégoriques sur ce point et nous sommes opposés à cette vision des choses.
De plus, ainsi que l'a rappelé le député Ducommun, un impératif fédéral oblige l'Etat à assumer les éventuels dédommagements financiers qui pourraient résulter de certaines décisions juridiques. Sur les aspects d'autonomie et de transparence, ceux-ci mériteraient peut-être plus de précisions dans les dispositions qui figurent dans la loi. Le rapport de l'inspectorat cantonal des finances donne quelques pistes qui avaient été évoquées lors de précédents débats. Nous sommes prêts à en discuter bien évidemment. L'autonomie implique le respect des règles qui sont supposées présider au fonctionnement des établissements. Le parti libéral restera ouvert sur ce point. Il est clair cependant que l'objectif principal de l'aéroport est d'être performant et de pouvoir continuer à s'adapter en investissant, le cas échéant, pour répondre aux besoins.
M. David Hiler (Ve). Si nous entendons avoir une discussion sereine, Monsieur Ducommun, vous allez être contraint d'utiliser un ton un peu plus mesuré et d'avancer des chiffres un peu plus crédibles. Personnellement, je n'ai jamais entendu parler d'un montant d'un milliard.
Une voix. Oui, plusieurs fois !
M. David Hiler. Je me réjouis de savoir de quelle manière nous allons le payer. Vous souhaitez que ce soit l'Etat de Genève qui paie ce milliard, le cas échéant. Je serais surpris que vous ayez quelque solution à nous proposer; compte tenu du contexte, cela nous paraît difficile.
Il faudrait remettre les choses en place : l'aéroport a accepté - et c'est normal - de payer effectivement tout ce qui concerne la lutte contre le bruit au niveau des bâtiments. Il reste maintenant une somme qui n'est à vrai dire pas connue puisque le Conseil d'Etat, et nous approuvons cette décision, a décidé de ne pas accepter comme telle toute demande qui pourrait lui être adressée au nom de la diminution de valeur de biens-fonds. Celle-ci n'est pas prouvée - et de loin - dans tous les cas. N'oublions pas que certaines personnes ont pu réaliser de bonnes opérations grâce à la proximité de l'aéroport. Il ne s'agit pas de livrer l'aéroport, poings et pieds liés, à ceux qui demandent des indemnités, mais bien de ne verser que celles qui seraient pleinement justifiées. A cet effet, le nouveau Conseil d'Etat a décidé d'utiliser toutes les méthodes juridiques pour le faire et nous le soutenons.
Pour le surplus, il est vrai que ces 50 millions vont être dépensés ces cinq prochaines années sans poser de problème de trésorerie car la taxe est toujours perçue. Par ailleurs, le ton dramatisant qui a été utilisé toujours par le député Ducommun est surprenant, est surprenant... (Remarques et rires.)
Une voix. C'est l'heure, Dupraz!
M. David Hiler. Monsieur le président, vous décompterez ceci de mon temps de parole... (Rires.) ...parce que je ne peux pas lutter à armes égales face aux errements de M. Dupraz!
Le président. Ne vous laissez pas troubler, Monsieur l'orateur !
M. David Hiler. Sur ce point précis, il y a matière à payer une partie de ces indemnités sur cette taxe ainsi que la part de bénéfice qui, selon le rapport de l'inspection cantonale des finances, n'est pas versée à l'Etat en raison de la constitution de réserves «généreuses». Celles-ci sont néanmoins admises dans un certain type de comptabilité. Nous serons bien obligés de résoudre ce problème. Peut-on parler de conséquences financières dramatiques pour l'aéroport ? Non, et vous le savez très bien ! La question est tout de même idéologique. En ce qui nous concerne, nous garderons la même position : celle du pollueur payeur. Ce n'est pas parce qu'il y a un bien-fonds qui s'appelle l'aéroport qu'il faut indemniser les gens mais bien, Monsieur Brunschwig, parce qu'il est en exploitation. Si celle-ci devait cesser, il n'y aurait aucune indemnité à verser !
M. Claude Blanc (PDC). Si l'exploitation cessait... car c'est de cela qu'il s'agit, Messieurs et Mesdames les députés ! (Exclamations.) Il est vrai que l'on peut argumenter à perte de vue pour savoir qui devrait payer les indemnités dues.
Ce projet de loi ne se borne pas, Monsieur Hiler, à la modification de l'article 36, alinéa 1); il y a aussi l'article 38 qui vise à remettre l'exploitation de l'aéroport international de Genève sous la tutelle du Grand Conseil.
C'est une démarche identique à celle qui a été tentée avec la BCG. (Exclamations. Le président agite la cloche.) C'est là que le bât blesse, Mesdames et Messieurs les députés ! Lorsque nous avons voté la loi constituant l'aéroport international de Genève comme société autonome, nous avons dû nous battre pied à pied contre la gauche de l'époque - minoritaire heureusement - qui ne voulait absolument pas que la gestion de l'aéroport international de Genève échappe au contrôle politique; elle voulait, lors de chaque projet d'investissement, pouvoir faire jouer les dispositifs normaux de la démocratie, en appeler au peuple en espérant que celui-ci la suivrait dans sa politique restrictive.
Aujourd'hui, je retourne la question : en ce qui concerne la Banque cantonale, la première loi votée, qui est à mon sens assez anodine, a entraîné un référendum qui va déjà vous faire comprendre jusqu'où vous pouvez aller trop loin. Quant au deuxième projet de loi que vous allez présenter, vous êtes clairement allés trop loin ! Il en va de même pour le cas qui nous occupe. S'il le faut et puisque vous avez une majorité, vous voterez ce que vous voudrez. Si vous voulez tuer l'aéroport international de Genève et par là même contribuer à la ruine de l'économie genevoise, continuez, Mesdames et Messieurs ! Nous en appellerons au peuple et le peuple jugera !
Compte tenu de la conjoncture de ce gouvernement et de ce parlement, l'arbitre, ce sera le peuple. Je suis convaincu que chaque séance du Grand Conseil sera suivie d'un référendum. Cela semble faire effet; nous vous suivrons dans cette voie. Durant la dernière législature, vous avez lancé deux ou trois référendums - pas davantage - que vous avez réussis. Il s'agit maintenant du deuxième ou troisième référendum; le suivant est déjà en préparation.
Continuez dans cette voie et vous verrez ce que le peuple pensera de votre politique qui consiste à étouffer l'économie genevoise et à dire ensuite que le gouvernement ne fait rien pour lutter contre le chômage !
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je constate que les débats sont beaucoup plus animés à partir de 20 h 30 et je m'en réjouis ! J'aimerais apporter un certain nombre de réponses à tout ce qui vient d'être dit ainsi que l'avis du Conseil d'Etat sur le projet qui vous est présenté.
Cet aéroport est en activité depuis plus de quatre ans sous son nouveau régime d'autonomie. L'aéroport international de Genève a atteint pratiquement tous les objectifs qui lui étaient assignés lors du vote du projet de loi 6927 qui est devenu depuis la loi H 3 25. L'aéroport est dirigé par un conseil d'administration lui-même placé sous la surveillance du Conseil d'Etat. Il est devenu non seulement l'aéroport de Genève mais celui de toute une région de la Suisse romande et de la France voisine. Dans son conseil d'administration siègent notamment les représentants de deux cantons romands, d'un département de la France voisine et, depuis peu, un représentant de chaque parti politique de cette enceinte, ce qui est logique et normal.
Les investissements ont été accélérés afin d'améliorer le confort des passagers et de donner à notre plate-forme la modernité qui sied à la Genève internationale et à son image. En raison de la situation financière de l'Etat de Genève, je doute que ces investissements aient pu être effectués à ce rythme et je me demande si l'Etat aurait été en mesure d'en assumer les charges financières.
Rappelons - pour mémoire - qu'il s'agit du dernier crédit cantonal pour l'extension latérale de l'aérogare qui a été à l'origine du référendum dont le résultat en septembre 1991 a été un véritable plébiscite de la population... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...genevoise : 73% des voix en faveur de l'aéroport. Cela dans le but de développer la desserte aérienne, essentielle pour satisfaire les besoins des acteurs économiques, diplomatiques et touristiques de la région, pour maintenir, voire développer notre activité pour le futur. Le système a fait ses preuves et malgré le retrait des longs courriers de Swissair, nous pouvons dire aujourd'hui que l'aéroport international de Genève a maintenu le niveau de ses prestations.
Examinons maintenant ce que nous propose le projet de loi 7836 : la nouvelle teneur de l'alinéa 1, article 36 exige et tend à mettre à la charge de l'AIG les frais encourus par l'Etat au titre d'indemnités pour nuisances sonores à verser aux riverains et fixées par le Tribunal fédéral. Il a été établi juridiquement que ces indemnités devaient être à la charge de l'Etat, selon une condition fixée par les autorités fédérales lors du transfert en 1993 de la concession fédérale d'exploitation de l'Etat à l'aéroport international de Genève. Bien que le Conseil d'Etat, s'appuyant sur un avis de droit du professeur Knapp, ait décidé de faire valoir son droit à la prescription, le conseil de direction de l'AIG a admis d'assumer les coûts entraînés par l'insonorisation des habitations proches de l'aéroport. Ces indemnisations sont prélevées sur le fonds de réserve pour nuisances sonores alimenté par les compagnies d'aviation dont les appareils polluent l'environnement sur le plan sonore. L'AIG a de ce fait participé à certaines obligations qui auraient pu être celles du canton.
La nouvelle teneur de l'alinéa 1 de l'article 38 consiste à transférer les compétences actuelles du Conseil d'Etat à celles du Grand Conseil; c'est un choix que vous devrez faire plus tard. A mon sens, c'est une manière de vider de toute sa substance le statut d'autonomie actuel de l'AIG. Quant à son conseil d'administration, dont les membres ne sont pas tous Genevois mais aussi issus d'autres cantons romands et de la région française, c'est le priver de toutes ses compétences, sans oublier les hôtes que nous avons accueillis au sein de ce conseil.
D'autres établissements publics autonomes cantonaux, tels que les établissements hospitaliers, les TPG, qui se trouvent être également sous la surveillance du Grand Conseil, reçoivent des sommes importantes du fait qu'ils sont largement déficitaires. Ces sommes sont versées annuellement sous forme de subventions en vertu des contrats de prestations que nous avons conclus. Cela n'est pas le cas de l'aéroport international de Genève qui, lui, est bénéficiaire. Une partie de ces bénéfices est rétrocédée à l'Etat à raison de 50%. Cette part a été effectivement versée, contrairement à ce que pourrait laisser entendre l'exposé des motifs tel qu'il est rédigé.
Rappelons que le bénéfice net est réalisé après le paiement par l'aéroport à l'Etat des charges financières, à savoir les intérêts et les amortissements des investissements faits par l'Etat à l'aéroport. Cela représente, uniquement pour 1997, respectivement 17,3 millions pour les intérêts et 16,3 millions pour les amortissements, soit 33 et quelque millions en plus. Les bénéfices raisonnables réalisés ces dernières années sont admis par l'autorité de surveillance fédérale. Ils doivent notamment permettre à l'aéroport international de Genève de financer de nouveaux investissements importants, pour lui permettre de rester compétitif sur le plan international et accueillant également pour les compagnies d'aviation ainsi que les six millions de passagers qui le fréquentent chaque année.
En ce qui concerne la teneur de l'alinéa 2 de l'article 38 qui nous est proposé et qui exige de soumettre au Grand Conseil, selon la procédure des grands travaux, tout investissement aéroportuaire supérieur à deux millions, il s'agit d'un retour au passé ainsi que vous l'avez cité dans l'exposé des motifs. Le Conseil d'Etat est d'avis que ce retour au passé, dans le système économique concurrentiel d'aujourd'hui, est préjudiciable pour la compétitivité et le développement de notre aéroport.
L'aéroport international de Genève, contrairement à d'autres établissements publics autonomes, n'est pas déficitaire. Il est à même d'assumer seul ses investissements sans avoir recours à aucune subvention des collectivités publiques; de surcroît il rétrocède à l'Etat 50 % de ses bénéfices. Ce projet de loi équivaut clairement à annihiler toutes les attributions de son conseil d'administration et le principe même de son autonomie.
Grâce à une gestion saine et dynamique, dépouillée au niveau de ses investissements des obstacles et lenteurs inhérents aux prises de décisions politiques (nous traitons encore dans cette salle des projets de lois et des motions qui datent et qui ont été présentés par des personnes qui ont disparu), l'aéroport international de Genève a trouvé aujourd'hui ses lettres de noblesse. Il vient d'être placé par une grande étude IATA au 5e rang des aéroports du monde au niveau de la qualité de son accueil et de son confort. Sa jeune équipe de marketing vient d'obtenir le prix «Marketing communication executive international» qui est un prix d'excellence décerné par un groupe d'experts des grandes firmes internationales de tous les pays du monde. Vous pourrez constater, lorsque nous annoncerons les résultats, que son bénéfice 1997 est excellent malgré le retrait de Swissair de la majorité de ses lignes intercontinentales en faveur de l'aéroport de Zurich.
Soulignons également que cet aéroport investit pour l'avenir; cela représente 110 millions, dans les nouvelles jetées frontales pour le rendre plus accueillant encore. Vous qui soutenez les travailleurs du bâtiment, ces 100 millions sont aujourd'hui nécessaires à l'économie de ce secteur largement sinistré.
L'aéroport doit être soutenu également au niveau de la révision de la loi sur l'aviation civile. Nous nous sommes battus auprès de nos élus aux Chambres fédérales; je suis personnellement monté au créneau à Berne pour faire en sorte d'influencer le Conseil des Etats, afin que la loi sur la multi-désignation soit votée. Avec la Suisse romande, tous ensemble, nous avons gagné cette loi qui permet aujourd'hui à l'aéroport de Genève d'être compétitif et de faire en sorte de pouvoir rester dans le coup; c'est très important aujourd'hui.
Dans un contexte extrêmement compétitif en constante évolution, notre aéroport ne doit pas être jugulé par des contraintes politiques supplémentaires de nature à étouffer son fonctionnement et son développement. L'aéroport de Genève représente 480 emplois directs et 6000 emplois qu'il assure au travers des 150 instances établies sur le site. C'est un atout incomparable, non seulement pour Genève, mais également pour toute la Suisse romande et pour la France voisine. C'est la raison pour laquelle, n'en déplaise à certains, le Conseil d'Etat n'est pas favorable à ce projet de loi et je tiens à l'exprimer ici très, très clairement. Toutefois pour mieux explorer les arguments de sa prise de position, pour mieux revoir peut-être certains aspects financiers de cet aéroport, je demande le renvoi en commission de ce projet. (Applaudissements, bravos.)
Mme Marianne Grobet-Wellner (S). Mon intention n'était pas d'intervenir après M. le conseiller d'Etat. J'ai tenté de demander la parole à quatre reprises, cela n'a pas été enregistré et je tiens quand même à donner... (Brouhaha. Exclamations.) Ce n'est pas grave !
Je tiens à donner la position du groupe socialiste sur ce projet. Nous considérons effectivement que le versement de telles indemnités, en raison de l'expropriation formelle causée par les nuisances résultant directement de l'exploitation de l'aéroport, doivent figurer dans les comptes de l'AIG, établissement public autonome depuis le 1er janvier 1994.
Le deuxième point concernant l'article 38 «Compétences du Grand Conseil» qui propose de soumettre à l'approbation de ce dernier tout projet de construction ou de transformation de bâtiments ou d'installations aéroportuaires pour un montant supérieur à 2 millions, ce deuxième point vise à instaurer un contrôle accru du Grand Conseil. Nous réservons notre position en attendant l'étude de ce projet en commission.
Nous attirons cependant votre attention sur le problème lié à la pratique actuelle de l'AIG visant à diminuer artificiellement, selon les termes de l'inspection cantonale des finances, son bénéfice comptable dont le 50% revient à l'Etat. Selon l'inspection cantonale des finances, cette diminution s'élève à une dizaine de millions chaque année depuis 1994, montants qui sont accumulés au bilan de l'AIG sous provisions et fonds d'investissements.
Les questions liées aux demandes d'indemnités étant actuellement traitées en commission des finances, dans le cadre du projet de loi 7610 ouvrant un crédit de 60 millions de francs pour l'indemnisation des riverains de l'aéroport international de Genève, nous proposons le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie, lorsque vous demandez la parole, de garder la main levée aussi longtemps que le vice-président qui est à ma gauche n'a pas enregistré votre demande et jusqu'au moment où il vous fait signe indiquant qu'il vous a inscrit sur la liste des intervenants. Dès lors, il n'y aura plus de malentendu ni de mécontentement de votre part, je l'espère.
Monsieur le député Blanc, il paraît que vous gesticulez, me dit-on ?
M. Claude Blanc (PDC). Oui, Monsieur le président, je gesticule car il faut gesticuler pour obtenir la parole dans ce parlement. (Rires.) Vous êtes six là-haut, c'est-à-dire un de plus que la constitution ne le prévoit et vous n'êtes pas «foutus » de regarder la salle ! (Rires.)
Cela étant dit, dans un débat de préconsultation, Monsieur le président, vous devez vous assurer que tous les groupes ont pris la parole avant de donner la parole à un conseiller d'Etat. Je vois là une intention malveillante de la part du Bureau d'avoir sauté... (Exclamations.)
Le président. Merci pour l'expression, Monsieur Blanc ! Vous en portez seul la responsabilité.
M. Claude Blanc. ...le parti socialiste - et personne en particulier, Monsieur le président ! - avant de donner la parole au Conseil d'Etat. C'est une façon déloyale de mener le débat. Vous en êtes tous responsables; maintenant il faudrait vous réveiller un peu !
Le président. Monsieur, il n'y a pas de façon déloyale. Les groupes ne sont pas tenus de prendre la parole en débat de préconsultation. Certains groupes prennent la parole, certains autres ne la prennent pas. Si le représentant d'un groupe ne lève pas clairement la main, il n'est pas enregistré et la parole ne lui est pas donnée. C'est la règle. Vous agissiez de la même façon, Monsieur le député...
M. Claude Blanc. Ce n'est pas vrai !
Le président. ...lorsque vous étiez président.
Nous passons aux points 58 et 59 de notre ordre du jour qui, comme nous en sommes convenus, sont traités ensemble, à savoir : projet de loi 7838 et motion 1205.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit extraordinaire d'investissement
Art. 2 Budget d'investissement
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Art. 4 Amortissement
Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève
Art. 6 Cas d'urgence pour une dépense nouvelle
Généralités
Tout traitement de l'information par des moyens informatiques comporte une gestion de dates. Le problème posé par l'an 2000 est universel, toute entreprise ou administration informatisée y est confrontée et sera amenée à le résoudre.
Ce problème trouve ses racines dans l'origine de l'informatisation :
• le nécessaire gain de place, sur les cartes perforées d'abord, puis sur les espaces disques ensuite ;
• la réduction des temps de saisie.
Cette double préoccupation a été amplifiée par l'état de l'art des systèmes informatiques qui délivrent le millésime sur deux positions. Ceci en conformité avec le phénomène culturel qui conduit à s'exprimer avec deux chiffres.
En outre, les responsables des systèmes informatiques ont sous-évalué la durée de vie des systèmes informatiques qu'ils ont mis en place. Plutôt que de reconstruire des systèmes entiers, les entreprises ont le plus souvent préféré ajouter des programmes supplémentaires aux programmes existants afin de répondre à meilleur compte à leurs besoins de traitements administratifs. Le coeur de nombreuses applications informatiques bat encore et toujours au rythme des programmes des années septante.
Dimension du problème
D'un point de vue purement technique, pris unitairement au niveau d'un programme, la mise à niveau consiste à changer un format de date de six à huit positions. C'est une tâche simple.
La dimension du problème provient du fait qu'un système informatique est un ensemble d'applications, que chaque application est un ensemble de programmes et qu'un programme est un ensemble de lignes de commandes. Au bout du compte, ce sont des millions de lignes qu'il faut vérifier et quelques-unes qu'il faut changer. Puis, il faut tester les systèmes et les mettre en production.
Toutes les catégories informatiques sont concernées : informatique de gestion, industrielle, médicale, moyens généraux et ce, aussi bien dans leur finalité applicative qu'au niveau des moyens de production (matériels et logiciels) et de développement. Il n'y a pas, dans l'histoire récente, de problème comparable.
Il faut également souligner le caractère "; électronique " de ce problème et non pas seulement sur les applications informatiques. L'analyse détaillée de la situation sur le terrain montre que les dates sont partout. Dans les ordinateurs et les programmes de gestion, mais également dans les robots, les automates industriels, les centraux téléphoniques, les systèmes de mesure et d'analyses médicales, les contrôles et systèmes de surveillance, les alarmes, les ascenseurs et également les magnétoscopes, les horloges, les agendas électroniques, ...
La date est stockée dans les composants électroniques puis distribuée aux différentes "; couches " des systèmes. Le champ couvert par le problème du passage est extrêmement vaste et large en technologie : matériels, logiciels, systèmes d'exploitation, les données, toute la technologie est concernée, mais ce qui ne veut pas nécessairement dire que rien ne fonctionnera au 1er janvier 2000. Cependant, de récents tests effectués sur des PC achetés en 1996 ont démontrés qu'ils ne sont pas totalement compatibles avec l'an 2000.
L'an 2000 n'est donc pas qu'un problème d'informatique. Il s'agit plutôt d'un problème de représentation technologique d'une donnée universelle dans les composants matériels (électroniques) et immatériels (logiciels).
Délais
Il est impératif de réussir les projets an 2000 dans les délais : cette date limite et l'avalanche des problèmes à régler est telle que la production informatique serait perturbée pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois si les tests préalables ne sont pas réalisés d'ici là. Ce projet est prioritaire sur tout autre projet. Il faut relever que pour certains domaines (souvent stratégiques), la date butoir n'est pas le 1er janvier 2000 mais largement avant.
Quelques caractéristiques
Par rapport à des projets classiques, le projet An 2000 comporte certaines particularités évidentes, mais qui méritent d'être rappelées :
• Οn ne peut pas repousser l'échéance, mais c'est probablement la toute première fois que les entreprises, et les administrations avec leurs informaticiens seront confrontées à une date butoir sur laquelle on ne peut réellement rien faire.
• Les corrections peuvent coûter très cher et le retour sur investissement est parfois nul. On ne gagne rien à passer l'an 2000, si ce n'est la pérennité du service au citoyen.
• Le temps est l'ennemi numéro 1. Chaque journée qui passe est une journée perdue qui n'est pas rattrapable. L'an 2000 est réellement une course contre la montre ; il reste 650 jours avant l'an 2000 dont environ 450 ouvrables.
• L'an 2000 est bissextile : il faut passer le 1er janvier 2000, mais aussi prévoir le 29 février 2000 et le 31 décembre 2000 qui représente donc le 366e jour de l'année.
La démarche
La résolution du problème an 2000 passe en grande partie par une optimisation du temps qui reste jusqu'au passage effectif au 01/01/2000. La démarche adoptée se décline en 6 étapes principales :
• lancement du projet d'entreprise qui comporte entre autre la prise en compte de la problématique; la sensibilisation des cadres des départements
• les inventaires (machines, matériels, logiciels, applications)
• définition des plans d'actions
• mise en oeuvre des plans d'actions (modifications, remplacement) et tests
• installation
• surveillance, plan de crise 31 décembre 1999, 29 février 2000, 31 décembre 2000.
Organisation du projet et objectifs
Compte tenu de l'importance de la tâche et des aspects stratégiques, il est important de piloter l'ensemble des travaux. Un comité an 2000 a été constitué. Ses objectifs et sa fonction sont :
• communication et information des instances administratives et politiques,
• plan de formations, de sensibilisation,
• coordination, déploiement,
• choix d'outils, orientations stratégiques,
• contrôle d'avancement,
• liaison avec les groupes opérationnels.
L'objectif du comité an 2000 peut se résumer en une phrase : "; faire le nécessaire pour que l'Etat de Genève puisse passer le cap de l'an 2000 en maintenant ses prestations ".
Le comité an 2000 a également cerné les limites de son action : applications informatiques, matériels et logiciels de base, réseaux et télécommunication. Par contre, chaque département, chaque service devra examiner les éventuels impacts de l'an 2000 pour tous les appareils et systèmes comprenant des composants électroniques.
Etat d'avancement du projet
Fin 1996 déjà, le centre des technologies de l'information a cherché à évaluer l'impact an 2000 dans le cadre de l'enquête de reprise des 40 sites informatiques de l'Etat. Cette enquête a été réalisée sur la base d'un questionnaire dans lequel figurait la question "; Votre application est-elle compatible avec l'an 2000 ? ".
Le projet an 2000 proprement dit de l'Etat de Genève a effectivement démarré en mars 1997 avec la mise sur pied d'une équipe de projet prenant en compte aussi bien les questions d'exploitation que les questions applicatives. Lors du démarrage du projet, une séance d'information a été faite à l'intention de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre.
Se fondant sur la première enquête de 1996, un inventaire systématique plus fouillé entièrement dédié à la problématique de l'an 2000 a été réalisé entre octobre 1997 et février 1998.
Pour la réalisation de cette étape, une assistance externe a été sollicitée. Un appel d'offres a été lancé début juillet 1997. Un consortium de deux entreprises a été choisi parmi 14 sociétés. Le choix de ce consortium a été basé sur ses bonnes connaissances de l'informatique de l'Etat, sa maîtrise des principales plates-formes, son approche et ses références an 2000.
L'inventaire a livré les résultats suivants :
• 23 systèmes d'exploitation différents ;
• environ 180 machines ;
• 430 applications ;
• 44 000 programmes ;
dont 15 000 ne sont pas compatibles avec l'an 2000.
Parmi les applications non compatibles dont la liste est jointe en annexe, figurent notamment :
• le paiement des prestations (OCPA)
• les paies (Office du personnel et DIP)
• le registre des entreprises (OCIRT)
• la gestion des horaires
• la production, la perception, la comptabilisation de l'impôt (AFC)
• les comptabilités des départements (dont la comptabilité intégrée) et la gestion de la trésorerie/caisse
• la gestion du personnel
• les applications des offices des poursuites (en raison du retard pris par le projet en cours)
• les applications du service des automobiles et de la navigation
• les applications de la protection civile
• certaines applications de la police.
Coût du projet
Pour cerner la charge de travail et le coût d'adaptation à l'an 2000, il n'y a pas d'autre démarche possible que d'utiliser les ratios observés par d'autres entreprises et administrations. Aidé dans ce travail par des spécialistes du consortium, le comité an 2000 est arrivé à la conclusion qu'il fallait compter une charge globale d'environ 30 000 jours / homme (dont 4000 pour l'AFC). Sur la base d'un coût journalier maximum de 1500 F (prix tenant compte de la surenchère prévue sur le marché de l'emploi dans le domaine de l'informatique à l'approche de l'an 2000), la dépense globale maximale est estimée entre 40 et 45 millions, y compris les équipements.
Cette fourchette est parfaitement dans la norme des grandes entreprises qui prévoient un investissement correspondant aux dépenses courantes en matières informatiques durant une année. La presse a cité par exemple les coûts que représente le passage à l'an 2000 pour quelques grandes entreprises suisses et pour la Confédération :
• SBS 400 millions ;
• Crédit Suisse 160 millions ;
• SAirGroup 130 millions ;
• UBS 100 millions ;
• Zürich plus de 100 millions ;
• Migros 40 millions ;
• Winterthur 30 millions ;
• Confédération 100 millions.
Cependant, tous les travaux d'adaptation des applications à l'an 2000 ne seront pas confiés à des entreprises externes. Elles disposent certes d'outils permettant d'automatiser une partie des adaptations, mais elles n'ont pas la connaissance des différentes applications qu'ont nos collaborateurs.
Le principal handicap que doit surmonter toute entreprise ou administration est d'absorber dans un délai relativement court un volume de travail considérable avec un effectif stable. Le personnel du centre des technologies de l'information ne comprend au plus que quatre-vingts collaborateurs dans le secteur développement et maintenance. Si par hypothèse, l'on décidait de suspendre tous les projets en cours et la maintenance quotidienne et d'affecter toutes les forces de travail au problème de l'an 2000, il faudrait près de 3 ans pour parvenir à adapter tous les programmes.
Dans le cas présent, le Conseil d'administration des technologies de l'information a décidé de réaliser parallèlement à l'adaptation des applications à l'an 2000, la plupart des projets en cours et les maintenances prévues afin de ne pas dégrader le niveau de prestations offertes par l'administration.
Le cas de l'administration fiscale (AFC)
Les tâches inhérentes à la mission de l'AFC et leur ampleur ont justifié un recours aux technologies de l'information dès leur apparition. Le système informatique de l'AFC a ainsi été constitué par des "; couches successives " à partir des années 60. L'origine du système actuel remonte, quant à lui, au milieu des années 70.
La totalité des activités de l'AFC fait aujourd'hui appel à l'informatique et la notion de "; temps " ou de "; date " est évidemment omniprésente. L'AFC est d'ailleurs déjà confrontée à la problématique de l'an 2000 car certaines tâches impliqueraient dès aujourd'hui la saisie de dates postérieures au 31 décembre 1999. Les premiers traitements relatifs à la période fiscale 2000 débuteront dès février 1999. L'adaptation du système revêt donc un caractère extrêmement urgent.
Les premières conclusions du groupe de travail "; Etude préalable An 2000 " mandaté par le Centre des technologies de l'information, chargé de l'analyse globale de la problématique pour l'ensemble de l'Etat, ont mis en évidence le caractère particulièrement critique de cet aspect pour l'AFC. L'impact d'un échec aurait en effet des conséquences dramatiques sur le fonctionnement global de l'Etat et le risque que cela se produise est malheureusement très élevé.
Actuellement les activités de l'AFC sont gérées par trois sous-systèmes informatiques. Le plus ancien, Unisys, qui traite la gestion des adresses, la production des personnes physiques, la perception et la comptabilité doit être intégralement adapté. Le sous-système Magic avec lequel ont été développés les rôles et quelques applications périphériques doit être partiellement adapté à l'an 2000. Le sous-système Oracle Unix utilisé pour développer le projet Impôts assistés par ordinateur est compatible avec l'an 2000, sous réserve des incidences sur les interfaces avec les autres sous-systèmes.
Pour des applications aussi complexes, sensibles et d'une conception en partie très ancienne, l'investissement est très important et le risque élevé. Le nombre de programmes, leur imbrication, les nombreuses interfaces rendent l'adaptation à l'an 2000 particulièrement délicate. A titre d'exemple, le sous-système Unisys est composé de 1348 programmes dont plus de la moitié devra être corrigée. Les analyses effectuées ont démontré que l'adaptation de tous ces programmes de l'administration fiscale correspond à environ 4000 jours/homme de travail. auxquels il faudra ajouter 500 jours/homme de ressources internes (essentiellement les utilisateurs pour la préparation et la conduite des tests). Toutes les phases du processus ont été prises en considération dans cette évaluation : l'analyse des changements, la définition d'une stratégie de test, le développement d'un plan d'implantation, la programmation, la préparation des tests, les tests de non-régression, les tests de l'an 2000, la mise en production, l'uniformisation des changements, etc.
Selon les estimations du groupe de travail, environ 73 % de la charge totale de travail informatique incombera à des ressources externes. Cela nous donne une estimation de 3,9 millions de F (2600 jours à 1500 F).
L'état précaire des applications de l'AFC et leur intégration réciproque nécessiteront encore la réalisation de nombreuses maintenances correctives délicates, non directement liées à l'an 2000. Cet aspect constituera un facteur de risque supplémentaire et absorbera une grande partie des compétences internes.
L'adaptation des programmes ne suffira pas à elle seule à garantir le passage à l'an 2000. Des actions de stabilisation technique des trois sous-systèmes seront d'autant plus nécessaires étant donné que le système actuel est, du moins dans sa grande partie, appelé à perdurer au moins jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) au premier janvier 2001.
La réalisation de ces mesures, sans ajouter de nouvelles fonctionnalités, permettra toutefois une stabilisation technique du système, une relative fiabilisation des traitements et des résultats ainsi qu'une amélioration de l'intégrité des données.
Parmi les mesures susceptibles de minimiser les risques, le groupe de travail a identifié la possibilité d'acquérir des outils ou des progiciels. Un travail de prospection est censé permettre de recenser les éventuelles opportunités.
Le coût de cette opération de stabilisation est chiffré à 6,2 millions de F.
Il s'agira aussi de conduire simultanément les travaux de développement, l'essentiel des tests et les grands traitements de masse. L'acquisition et l'exploitation d'une deuxième machine destinée au développement et aux tests s'avère incontournable en raison des contraintes liées à la production courante et par mesure de sécurité (séparation des environnements tests et développement de celui "; production ").
Le coût global du volet matériel pourra atteindre 1,6 million de F.
Dans le cas présent, la difficulté est accrue par le fait qu'une partie des équipements électroniques ne passera pas, elle non plus, l'an 2000. Il faut donc intégrer dans la démarche leur remplacement. L'objectif étant de doter l'ensemble des collaborateurs de l'AFC de matériel performant en mesure d'accueillir les nouveaux outils bureautiques et les futures applications nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches.
Le coût de cette opération, y compris l'adaptation des outils bureautiques et la formation des utilisateurs, se monte à 1,6 million de F.
L'ampleur des tâches, la situation relativement difficile à laquelle l'AFC est confrontée depuis quelques années ainsi que le fait que les moments cruciaux de l'exercice d'adaptation à l'an 2000 correspondront avec les périodes les plus chargées de l'année en ce qui concerne ses prestations habituelles, rendent impératif un renforcement de la structure d'assistance à la maîtrise d'ouvrage. La complexité du problème et tout particulièrement l'évaluation constante des risques, leur maîtrise et la coordination des éventuels "; plans catastrophe " nécessiteront une structure de pilotage très performante et réactive. Une attention particulière devra être apportée à la certification des applications compatibles ou adaptées à l'an 2000.
A cet effet, les mesures suivantes sont prises :
• 3 postes de haut niveau durant au moins deux ans affectés à la cellule de crise dépendant directement de Mme Calmy-Rey, présidente du département des finances. Dès le projet de budget 1999, ces collaborateurs seront introduits dans les effectifs du département des finances, car ils constitueront à terme l'assistance à la maîtrise d'ouvrage dédiée à l'ensemble du département cette fois. Pour le deuxième semestre 1998, il est donc prévu 200 000 F environ.
• 3 autres postes, issus du Centre des technologies de l'information et du département des finances, sont également temporairement affectés à ce projet tout en restant budgétairement rattachés à leur centre de responsabilité.
• 2 postes sont entre autre prévus pour pouvoir provisoirement remplacer 2 collaborateurs de l'AFC qui seront "; sortis " de leurs activités habituelles (120 000 F/an x 2 postes x 2 ans, soit 480 000 F).
• 2 consultants hautement qualifiés, un familier du système d'information de l'AFC, l'autre dans la définition de stratégies et d'élaboration de jeux de tests, pour un montant de 400 000 F.
• Enfin, il est prévu une enveloppe globale de 80 000 F pour l'équipement informatique, le mobilier, etc. nécessaires à ces personnes.
L'AFC est confrontée à une autre échéance rapprochée et incontournable: l'adaptation des dispositions relatives à l'imposition des personnes physiques à la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes. L'ultime délai pour l'adaptation des lois cantonales expire le 31 décembre 2000. Le Grand Conseil a déjà adopté le volet "; imposition dans le temps " (loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques) le 4 décembre 1997. Le Conseil d'Etat a ensuite reporté du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2001 son entrée en vigueur. L'intégralité de la future LIPP fait actuellement l'objet d'un examen par la commission fiscale et sera prochainement soumise au Grand Conseil.
Les modifications légales auront des incidences sur l'ensemble du processus d'imposition des personnes physiques et du système informatique car elles toucheront aux principes d'assujettissement, à la détermination de l'assiette fiscale, à la production, à la comptabilisation des bordereaux dans les comptes des contribuables et de l'Etat ainsi qu'à la procédure de recouvrement.
L'analyse des incidences revêt un caractère très urgent et doit être menée parallèlement aux autres actions.
L'AFC sera en parallèle engagée dans un projet de "; refonte ", démarche visant à la réorganisation de son système d'information et dont l'objectif est un système intégré, construit autour d'une base de données unique. L'étape préalable est représentée par la reconfiguration de ses processus, exercice qui sera mené au cours de l'année 1998 et qui aboutira à la définition de lignes directrices conformes à l'objectif final et cohérentes entre elles. Il s'agira ensuite de procéder à des analyses aboutissant à l'élaboration de cahiers des charges nécessaires à lancer la phase "; conception " des projets sectoriels: registre fiscal, taxation, perception et comptabilité. Les coûts de cette analyse se monteront à environ 1,2 million de F et sont essentiellement destinés à couvrir les frais d'intervention d'une société spécialisée dans la modélisation et la reconfiguration de processus administratifs.
Il serait trop risqué de viser une refonte intégrale immédiate du système d'information de l'AFC avec dans le même temps l'entrée en vigueur de la LIPP. Afin de permettre la transition, assurant la mise en oeuvre de la LIPP, entre le système actuel et le futur système intégré, il sera mis en production la première version, limitée aux fonctionnalités de base, d'une application. Il est donc prévu un montant de 2,5 millions de F.
La refonte totale du système d'information de l'AFC nécessitera au moins un investissement similaire. Un second projet de loi sera déposé vraisemblablement en l'an 2000 auprès du Grand Conseil.
Récapitulation des montants selon la nature :
• correction des programmes existants 3 900 000 F
• mesures de fiabilisation de l'existant 6 200 000 F
• équipement, matériel, exploitation 1 600 000 F
• renouvellement du parc, logiciels et formation 1 600 000 F
• assistance à la maîtrise d'ouvrage, consultants 1 200 000 F
• reconfiguration des processus 1 200 000 F
• première version des applications LIPP 2 500 000 F
Total : 18 200 000 F
L'estimation des différentes charges a été effectuée sur la base des indications communiquées par le Centre des technologies de l'information.
Portée du projet de loi et financement
Le présent projet de loi ouvre un crédit de 48,2 millions de francs, TVA comprise, mais sans le volume de travail interne. Ce montant devrait permettre la mise à jour des applications de l'administration. Ne sont pas concernés par ce projet de loi les systèmes de l'Université, ceux des établissements publics médicaux et autonomes.
Il va sans dire que les application stratégiques seront traitées en priorité absolue.
Comme le chiffrage des montants reste sommaire en raison des difficultés d'évaluation, il est prévu un niveau maximum par un crédit pouvant atteindre 48 200 000 F.
Ce montant permettra d'une part de recourir à des forces de travail externes pour adapter les programmes existants pour un montant estimé à 37,7 millions de francs, mais également de remplacer les équipements obsolètes qui ne sont pas compatibles avec l'an 2000 et dans certains cas d'acquérir des logiciels lorsqu'il est possible de répondre à des besoins standards avec des produits du marché pour environ 10,5 millions de francs. Quant aux collaborateurs de l'administration, le volume de travail qu'ils prendront en charge est évalué à environ 20 millions de francs.
Il ne devrait pas y avoir de nouveaux frais d'exploitation entraînés par cet investissement puisqu'il ne s'agit que d'adapter les applications existantes. Au contraire, dans certains cas, si le changement d'un équipement s'avère nécessaire, son coût d'entretien sera vraisemblablement revu à la baisse.
Par ailleurs, et en raison notamment de la situation particulière représentée par l'AFC, 18,2 millions F lui sont affectés spécifiquement.
Enfin, le contexte particulier de toute cette opération a rendu nécessaire l'engagement de dépenses et le lancement d'un appel d'offres (pour obtenir les forces externes indispensables) avant le dépôt et le vote par le Grand Conseil du présent projet de loi.
Par conséquent, il a été fait usage de la clause prévue à l'art. 6 de la loi établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'année 1998 (comme chaque année) "; cas d'urgence pour une dépense nouvelle " :
"; A titre exceptionnel, si des circonstances particulières empêchent absolument le Conseil d'Etat de consulter le Grand Conseil avant d'engager une dépense nouvelle, le gouvernement doit immédiatement après avoir engager la dépense transmettre au Grand Conseil un projet de loi la sanctionnant ".
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.
Annexe: applications recensées non compatibles avec l'an 2 000 et devant faire l'objet d'une priorisation ultérieure
Dep
Service
Nom de l'application
DF
Administration fiscale
Comptabilité
DF
Administration fiscale
Perception
DF
Administration fiscale
Production
DF
Administration fiscale
Rôles (fichiers adresses)
DF
Administration fiscale
Comptabilité tourisme
DF
Administration fiscale
Gestion du personnel
DF
Administration fiscale
Rôle employeurs
DF
Administration fiscale
Saisie Magic
DF
Administration fiscale
Attestation LAMA
DF
Administration fiscale
Impôt source
DF
Administration fiscale
Gestion des comptes
DF
Administration fiscale
Mensualisation
DF
Administration fiscale
Traitement de fin d'années
DF
Administration fiscale
Statistiques
DF
Direction générale des finances de l'Etat
Comptabilité intégrée (utilisée par 7 départements et pour la consolidation)
DF
Direction générale des finances de l'Etat et Office du personnel
Docubase
DF
Economat cantonal
Economat cantonal
DF
Office du personnel
Assurances de l'Etat
DF
Office du personnel
Budget
DF
Office du personnel
Gestion des pensionnés
DF
Office du personnel
Paie
DF
Office du personnel
Service de santé
DF
Office du personnel
SigaGip Personnel
DF
Office du personnel
Evaluation des fonctions
DEP.
SERVICE
NOM DE L'APPLICATION
DF
Office du personnel
Gestion des cours du Centre de formation
DIP
Collège Calvin
ERSO
DIP
DGCO
Base de données élèves
DIP
DGCO
Classes d'accueil
DIP
DGCO
Service classes d'accueil et insertion
DIP
Division informatique et gestion
Budget
DIP
Division informatique et gestion
Comptabilité
DIP
Division informatique et gestion
SAEA
DIP
Division informatique et gestion
SSJ
DIP
Division informatique et gestion
Statistiques des absences
DIP
Division informatique et gestion
Gestion ressources humaines
DIP
OOFP
Notes
DIP
OOFP
Test d'orientation professionnel
DIP
OOFP
TOPMAN
DIP
Recherche en éducation
CRIEE
DIP
Recherche en éducation
Hypercard
DIP
SIPO
Inventaire
DIP
Centre horticole
Gestion de laboratoire
DJPT
Admin. pénitentiaire
Calitime
DJPT
Admin. pénitentiaire
WinWay Z
DJPT
Pouvoir judiciaire
Caisse et comptabilité
DEP
SERVICE
NOM DE L'APPLICATION
DJPT
Pouvoir judiciaire
Gestion des procédures civiles
DJPT
Pouvoir judiciaire
Gestion des procédures pénales
DJPT
Pouvoir judiciaire
JUR-All-in-One
DJPT
Bureau du quartier-maître
QMA
DJPT
OCP
Calvin
DJPT
OPF
Traitement des poursuites GIOP
DJPT
OPF
Faillites
DJPT
OPF
Hypsis (Comptabilité)
DJPT
OPF
Saint-Pierre
DJPT
OPF
Poursuites sur support informatique
DJPT
Pouvoir judiciaire
Gestion des Prud'hommes
DJPT
Police
Véhicules
DJPT
Police
SIT Généralisé
DJPT
Police
Gestion des accréditations
DJPT
Police
Affaires minimum
DJPT
Police
Bulletins d'hôtels
DJPT
Police
Contrôle des interrogations
DJPT
Police
Gestion des armes
DJPT
Police
Gestion des codes SPITAB
DJPT
Police
Véhicules volés
DJPT
Service cantonal des objets trouvés
Contrôle des entrées et sorties du SCOT
DJPT
Service des automobiles et de la navigation
RADA
DJPT
Votations et élections
VOTA
DAEL
Amarrages
Domaine public cantonal
DAEL
Dir. des bâtiments
Nicodemus
DEP.
SERVICE
NOM DE L'APPLICATION
DAEL
Dir. des bâtiments
Pibat
DAEL
Dir. des bâtiments
Messerli
DAEL
Direction de la police des constructions
S.A.D-II:
DAEL
Secrétariat général
Gestion d'adresses
DAEL
Service de la gérance
Gérance
DAEL
Services des amarrages
Amarrage
DAEL
Service des routes cantonales
Edition de soumissions
DAEL
Service financier
Routes nationales
DAEL
Service financier
Comptabilité
DAEL
Service voirie et nettoiement du canton
Véhicules
DAEL
Office cantonal du logement
Gestion des subventions
DAEL
Office cantonal du logement
Gestion logements
DAEL
Direction générale du logement
Subventions
DIAE
Protection civile
Gestion des astreints
DIAE
Protection de la nature et des paysages
Délivrance des permis de pêche
DIAE
STE
DATASTEP
DIAE
STE
DATAPOMP
DIAE
Surveillance des finances communales
Budget des communes
DIAE
Registre foncier
Historique des parcelles
DEEE
OCIRT
Application CCT
DEEE
OCIRT
Base AIIT
DEEE
OCIRT
Base CFST
DEEE
OCIRT
Base comptable
DEP.
SERVICE
NOM DE L'APPLICATION
DEEE
OCIRT
Base environnement
DEEE
OCIRT
Base inspection
DEEE
OCIRT
Base RELTRAV
DEEE
OCIRT
Gestion du courrier
DEEE
OCSTAT
Votations
DEEE
Office cantonal de l'emploi
Gestion du personnel
DEEE
Office cantonal de l'emploi
WinOce
DEEE
Office cantonal de l'emploi
Gestion des événements
DEEE
Office cantonal de l'emploi
Sécurité
DASS
CRAVS
Rôle : suivi des recours
DASS
Direction générale de l'action sociale
LORO
DASS
Direction générale de l'action sociale
Subventionnés
DASS
IUML
Dossiers UMPT
DASS
IUML
Gestion QCP
DASS
IUML
Médecine judiciaire
DASS
OCPA
Gestion des prestations OCPA
DASS
Secrétariat général et directions générales
Gestion d'adresses
DASS
Secrétariat général
Grand Conseil
DASS
Secrétariat général
LITAO
DEP.
SERVICE
NOM DE L'APPLICATION
DASS
Service du médecin cantonal
Vaccins
DASS
Service du pharmacien cantonal
Suivi des contrôles
DASS
SPD
STAT PERSI
DASS
SPD
Système CR
DAM
Recrutement
Conscrits
Proposition de motion
(1205)
sur les dysfonctionnements informatiques de l'Etat
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le récent rapport d'expertise sur l'informatique de l'administration fiscale, datant de septembre 97 mais publié en mars 98, qui révèle des disfonctionnements très graves ;
- l'échec avéré de la réforme symphonie, qui a coûté très cher et n'a servi à rien ;
- le fait que tout informaticien auquel on parle d'un problème informatique vous proposera aussitôt une solution… informatique, si possible très chère et longue à mettre en application ;
- le fait que les 300 programmeurs de l'Etat se sont souvent construit des châteaux-forts, entourés de fossés profonds, des petits royaumes dont ils sont les seuls maîtres et qui ne peuvent communiquer avec les royaumes voisins ;
- le fait qu'il faut aujourd'hui casser ces cloisonnements, en adoptant des normes et protocoles communs à tous les services, et ouverts sur le monde extérieur ;
invite le Conseil d'Etat
- à préciser l'état des lieux de l'informatique de l'Etat ;
- à publier celui-ci dans un langage compréhensible par les députés et le public ;
- à proposer des solutions dans un rapport, avec des protocoles et des moyens de communication communs, et à améliorer progressivement la communicabilité entre les services et l'ouverture de ceux-ci sur le monde extérieur (internet). Le rapport comprendra également un échéancier et des coûts prévisionnels sur 5 ans.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'informatique de l'Etat va mal, très mal même. Dans l'exposé des motifs ci-dessous, nous voudrions commencer par vous citer quelques passages explicites du dernier rapport sur l'informatique de l'administration fiscale, passages à notre avis illustratifs de la situation :
1. Etat des lieux : "; Il est important de relever qu'aucun lien dynamique n'est établi entre ces outils et les bases de données. Les utilisateurs recopient manuellement les informations. En plus de la perte de temps, il existe un risque non négligeable d'erreurs de transcription. " (p. 2)
Les problèmes d'intercommunicabilité dont nous parlions ci-dessus, dans les considérants, sont faciles à expliquer : Chaque informaticien s'est construit son trou dans le fromage de l'Etat, sans se préoccuper de communiquer ses données aux voisins. C'est ce que résume à merveille la phrase suivante :
2. "; Nous avons le sentiment que les diverses applications ont été développées indépendamment les unes des autres, souvent par des sociétés de service différentes et selon des normes et standards propres à chacune d'elles " (p. 3)
3. 3 systèmes différents sont employés :
- Unisys - utilisé pour la compta et la perception, est très vieux et obsolète, il marche en fait comme une imprimante non paramétrable, et ne peut passer l'an 2000 à cause du format des dates.
- Magic/Novell ne marche pas bien, il sert au rôle et aux services immobiliers, il est à refaire (v. p. 17 étude de ATAG)
- IAO marche sous Unix/Oracle, il est plus récent et on peut espérer qu'il passe l'an 2000. Il fait la taxation des PP et des PM.
Ces 3 systèmes ne communiquent pas bien, sont obsolètes pour partie, très chers et lourds et inefficients. On lit à la page 8, à propos de Magic :
"; Il faut savoir que l'espace disque disponible (5 Mb !) ne permettra pas d'initialiser le rôle du service des personnes physiques pour 1998.
M. Bossart signale depuis plusieurs mois les problèmes rencontrés, tant pour MAGIC qu'en ce qui concerne l'urgence des adaptations du hardware.
Pourquoi toutes ces demandes parfaitement motivées et documentées (cf recueil de messages et rapport établi par M Bossart) sont-elles restées sans réponse? ? ? "
4. Une brève expertise de la sécurité des données aboutit à la constatation suivante : "; dans l'ensemble, les auditeurs ont jugé le niveau de contrôle informatique comme faible, comparativement à d'autres organisations de taille similaire. En l'état actuel des choses, il existe des risques graves quant à la confidentialité et à la disponibilité des données. "
5. Motivation des utilisateurs : les utilisateurs sont démotivés par la lourdeur et l'inefficacité et l'incompétence du système. C'est en gros la conclusion du chapitre "; constat général " :
"; manque d'interactivité entre les divers systèmes (UNISYS / MAGIC / IAO). Le fait de devoir attendre une semaine pour qu'une information saisie dans une système soit répliquée dans l'autre, entraîne un sentiment d'insécurité et représente probablement la source de certains dysfonctionnements (saisie à double de la même information, par exemple). "
6. Pour pouvoir connaître la liste des contribuables, (un exercice aujourd'hui impossible, ce qui révèle si besoin était la profondeur du gouffre dans lequel nous nous trouvons : On n'est même pas sûr que tous les contribuables soient connus !), il faut que l'administration fiscale puisse communiquer avec le registre foncier (pour les propriétaires de villas) avec l'OCP (office cantonal de la population pour les résidents), avec le RC (pour les sociétés), or ceci est difficile, comme on le voit à la page 19, et entraîne des dysfonctionnements.
Passons sur les pages suivantes de ce rapport, pour nous concentrer sur le reste de l'informatique de l'Etat.
Posons quelques questions qui devront bien trouver réponse un jour :
7. Est-il vrai que la teradata, une machine à 6 millions, n'a jamais été utilisées et rouille dans une cave ? Qui avait pris la décision de commander cette machine ? Combien l'Etat a-t-il perdu dans cette affaire, en comptant les salaires des 30 informaticiens qui ont été envoyés en Angleterre pour se former pendant 2 ans ?
8. Pourquoi 2 responsables du CPIE (comité de pilotage de l'informatique de l'Etat) ont-ils démissionné ?
9. Pourquoi avoir choisi de séparer les 300 informaticiens de l'état en 2 structures rivales (CDTI et CETI), pour ensuite remarquer qu'on ne peut séparer développement et exploitation et tenter bien maladroitement et sans explications de les remettre ensemble ?
10. Quelles sont les tâches administratives que l'informatique peut résoudre facilement, à peu de frais et fiablement ? Et quelles sont celles qui doivent continuer à être faites à la main, parce qu'elles sont trop atomisées pour pouvoir être facilement informatisées ?
11. Pour faciliter la communication interservices nous proposons les protocoles de l'internet, TCP/IP, Win 95 et office-access pour les petites bases de données, et Unix / Oracle pour les grosses. Que propose le Conseil d'Etat ?
12. Faut-il regrouper tous les informaticiens de l'Etat dans une méga-structure, en les faisant tous déménager par exemple aux Acacias, ou bien faut-il au contraire les laisser dans les services, là où ils peuvent aider les utilisateurs, en leur imposant simplement des normes et protocoles fédérateurs ?
13. Certains responsables de l'informatique de l'Etat détestent l'internet, qu'ils décrivent comme plein de dangers et de virus. Ils se méfient de l'ouverture au monde. Le Conseil d'Etat partage-t-il cette prévention ? L'un de ces responsables vient de quitter son poste. Est-ce pour cette raison-là ?
Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette motion et à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Préconsultation
M. Chaïm Nissim (Ve). Il faut renvoyer à la commission des finances le projet de loi nous demandant un crédit extraordinaire de 48 millions pour adapter les équipements informatiques à l'an 2000 et la proposition de motion. La commission pourrait conclure que nos systèmes requièrent une adaptation au problème gigantesque du passage à l'an 2000. Le crédit de 48 millions renvoyé aujourd'hui en commission ne sera peut être pas suffisant; cette somme pourrait être supérieure : l'hôpital et l'université ne sont notamment pas compris dans ce projet de même que la refonte d'une grande partie de l'informatique de l'AFC. Cela ajouterait 18 millions aux 48 que nous votons ce soir. Il faut de toute façon renvoyer ce projet en commission; nous avons appris que le Conseil d'Etat a déjà commencé à dépenser l'argent...
Une voix. C'est très mal !
M. Chaïm Nissim. C'est mal dans un certain sens, Monsieur Dupraz, mais les projets doivent être commencés à temps afin de pouvoir adapter l'informatique à l'an 2000. Il faut en comprendre l'urgence. Cela est mon intervention sur le premier point.
M. Dupraz me glisse in petto qu'il y a deux mille ans que nous savons qu'il y aura l'an 2000. Il a raison... (Rires. Le président agite la cloche.) Il est certain que les informaticiens de l'Etat s'y sont pris un peu tard.
En ce qui concerne la motion déposée par un certain nombre d'entre nous, Madame Brunschwig Graf, nous recevons chaque année des échos alarmants sur l'informatique de l'Etat. Cela va en empirant et, cette année, les deux rapports qui nous ont été soumis, celui remis à la commission fiscale et celui de l'ICF, sont pires que tout ce qui pouvait être imaginé. J'ai franchement l'impression que nous sommes sur le Titanic, en train de couler alors que l'orchestre continue à jouer pour essayer de calmer la panique des passagers. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Madame Brunschwig Graf, depuis trois ans «Symphonie» a coûté cher et n'a servi à rien. Vous nous informez très peu de ce qui se passe dans ce système. Nous apprenons que les anciens sigles : le CPIE, Comité de pilotage de l'informatique de l'Etat; le CETI, Exploitation des technologies de l'information; le CDTI, Développement et technologie de l'information; l'OT, Observatoire technologique, ont changé mais les responsables demeurent. Il y a un CATI à la place du CPIE mais, en dehors de deux démissions importantes, les gens à l'intérieur sont les mêmes pour la plupart. J'ai bien peur que ces personnes ne soient pas capables de gouverner le bateau. M. Mabut est parti mais d'autres responsables sont restés.
Il me semble, Madame Brunschwig, que ce sont là des soubresauts frénétiques qui m'angoissent; vous n'arrivez pas à gérer la barque. Je ne suis que député, vous êtes conseillère d'Etat et je ne prétends pas avoir la solution. Franchement, il va falloir quelqu'un avec un peu plus - excusez l'expression - de poils au cul ! (Exclamations.)
Une voix. N'importe quoi !
M. Chaïm Nissim. Il va falloir oser prendre des décisions, secouer le cocotier. Il y a des responsables incompétents dans l'informatique de l'Etat; ces personnes devront être déplacées. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il faut pouvoir compter sur des informaticiens motivés qui soient bien dirigés; actuellement ils sont désespérés. Il va falloir leur fournir programme et bilan, nommer des chefs et que les directives soient suivies.
Depuis vingt ans, un des principaux problèmes est que chaque informaticien a développé un bastion, un château fort isolé des autres services informatiques qui ne communiquent pas entre eux. Cela a généré du travail exécuté à double, voire à triple ou à quadruple. Chaque fois qu'un sujet était repris par un autre service, il fallait ressaisir manuellement les données sur les clients de ces services. Cela doit changer. Il va falloir décloisonner ces bastions, abattre ces murs et faire que soient définis et imposés des normes et des standards communs. Il va falloir atteindre un bon équilibre entre ce qui va être confié en sous-traitance, ce qui va être fait «maison» et ce qui sera acheté tout fait...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !
M. Chaïm Nissim. Tout cela pourrait être fait à condition que la direction soit claire et j'ai peur de vous dire, Madame Brunschwig, qu'à mon avis ce n'est pas le cas. Vous nous deviez un rapport depuis six mois sur ce sujet, nous ne l'avons toujours pas reçu.
Le président. Ont demandé la parole successivement MM. et Mmes les députés Froidevaux, Bolay, Vaudroz, Brunier, Annen et Wenger.
M. Pierre Froidevaux (R). Notre groupe soutient un examen rapide mais attentif de ce projet de loi en commission. La facture semble considérable et à divers titres : elle l'est et à pure perte car elle ne sert qu'au passage de l'an 2000. L'informatique de l'Etat comporte vingt-trois systèmes d'exploitation différents avec quarante-quatre mille programmes dont quinze mille sont surannés; les investissements informatiques de l'Etat n'ont pas été conduits mais abandonnés à des initiatives éparses. En définitive notre exécutif, à l'image d'un grand nombre de gens, a eu peur de l'informatique. Ce n'est pas le propre de nos édiles. Nous en avons un exemple tout récent. Un président d'un pays voisin à qui il était demandé, lors d'une foire informatique, de prendre en main la souris, est allé la chercher sous la table pour voir où elle courait ! (Rires).
L'informatique étatique fait peur. Elle semble provoquer des psychoses comme celles initiées par les fiches de la police fédérale. Le pouvoir politique l'a donc laissée en mains subalternes, celles de fonctionnaires pleins de bonne volonté certes, mais servant aussi de verrou en cas de nécessité. Il n'a ainsi pas osé exprimer sa volonté de vouloir coordonner lui-même ce formidable outil de gestion que l'informatique aurait dû être aujourd'hui.
Nous ne pouvons que regretter la négligence du projet de loi 7036 qui se trouve toujours à la commission de la santé... (Rires.) ...des finances, pardon, déformation professionnelle !
Une voix. Aux soins intensifs !
M. Pierre Froidevaux. Aux soins intensifs au niveau de l'informatique cantonale, ce projet qui malheureusement aurait pu apporter des solutions car il date du 7 septembre 1993. Depuis cinq ans, il n'a fait l'objet d'aucune investigation. Pour l'ensemble de la société, l'informatique est devenue un lien privilégié de l'activité humaine. Même au sein de notre conseil, les plus récalcitrants, comme M. John Dupraz qui vient de s'exprimer, seront obligés de s'y soumettre pour obtenir les informations en son temps, car cet outil développe - et je vous prie de m'écouter, Monsieur Dupraz ! - le concept de l'information asynchrone. En vous parlant, seuls ceux qui veulent bien m'écouter pourront savoir ce que je dis. Mon mode d'information est synchrone. Pour devenir asynchrone, les députés de la buvette devront lire mon discours dans le Mémorial, soit bien après que ce projet de loi sera passé en commission, revenu dans ce parlement et voté, du moins je l'espère. Ils n'auront donc en fait jamais mon message. Si je voulais que tous les députés aient vraiment accès à mes dires, je devrais utiliser la messagerie du Grand Conseil... (Remarque de M. Claude Blanc.) ...ainsi chacun - s'il en a l'envie, Monsieur Blanc - pourrait connaître mes propos. Il le ferait de manière asynchrone.
Cette manière d'obtenir toute l'information au moment choisi est le privilège exclusif de l'informatique. Elle permet de faire circuler en tous sens, à tous les niveaux et en temps voulu l'information nécessaire à la prise de décision...
M. Claude Blanc. N'importe quoi!
M. Pierre Froidevaux. ...pas seulement les bêtises de M. Blanc. Elle permet aussi de pouvoir contrôler l'exécution des tâches...
M. Claude Blanc. On s'adresse au président!
M. Pierre Froidevaux. Je vois que M. Blanc est gêné lorsqu'on lui parle... surtout de l'informatique ! (Rires.) Elle constitue ainsi le lien entre tous les collaborateurs d'une entreprise publique ou privée, elle est d'une totale et absolue nécessité. N'avoir pas osé, n'avoir pas compris engendre aujourd'hui des coûts; ces investissements auraient rapporté à l'Etat, s'ils avaient été réalisés en temps opportun. L'absence de stratégie devient un cauchemar. Nous payerons une cinquantaine de millions seulement pour permettre le passage à l'an 2000 et ne pouvons espérer au mieux que 9 millions en retour sur ces investissements. Quel gâchis ! Alors qu'une informatisation conduite, réfléchie et mieux comprise aurait permis le passage que l'on sait et une gestion adéquate de l'Etat.
Nous attendons du travail en commission un soutien à ce projet de loi et espérons que son rapporteur pourra nous faire part alors de la future architecture de l'informatique de l'Etat qui ne peut avoir qu'un seul but : le guichet unique !
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). Le dysfonctionnement informatique de l'Etat et plus particulièrement celui du département des finances est quelque chose qui doit être dénoncé avec force dans ce parlement. Je ne citerai pourtant que quelques exemples : en ce qui concerne la 27e période de l'impôt fédéral direct touchant les personnes morales, tous les fichiers informatiques ont été détruits. Il a fallu faire des photocopies à la cave. Par ailleurs, de nombreux contribuables disparaissent régulièrement des systèmes informatiques à cause des différentes applications en vigueur. En effet, les interfaces ne sont pas compatibles. Combien de milliers voire de millions l'Etat perd-il ? La question reste posée.
Concernant les déclarations simplifiées pour les salariés et les personnes sans activité, dix fois plus de formulaires sont imprimés que nécessaire alors que le système informatique permet justement de cibler la demande. Un haut fonctionnaire, qui n'est d'ailleurs plus au département des finances, avait déclaré en son temps à la presse que l'on pouvait envoyer les déclarations fiscales par disquette alors que cela était impossible. Conséquence : des centaines de disquettes sont inutilisables. Lorsqu'un nouveau collaborateur est engagé, il lui faut au minimum deux voire trois semaines pour qu'il puisse être opérationnel. La lourdeur du système lui en interdit l'accès dans les 48 heures.
Par ailleurs, le manque de directives précises provoque la gué-guerre entre les différentes structures informatiques, le CDTI et le CETI. Au lieu de tout mettre en oeuvre pour avoir une meilleure collaboration, ils se déchirent entre eux, provoquant des dysfonctionnements quotidiens. Si le département des finances n'a pas chaviré, c'est surtout grâce à l'ensemble des chefs de service et au personnel dévoué qui contre vents et marées ont fait l'impossible pour éviter le naufrage. Pour remédier à l'incurie qui sévissait au sein de l'administration fiscale et pour lui permettre de faire face à ses échéances, le personnel a dû fournir de nombreuses heures supplémentaires. Ces dépenses viennent s'ajouter au coût d'un système informatique défaillant. Rappelons par ailleurs qu'une machine teradata a été achetée à l'époque et a coûté 6 millions de francs; elle dort toujours à la cave. Ce manque à gagner pour l'Etat a probablement contribué pour une grande part au déficit que nous connaissons maintenant et dont la charge devrait être portée par le contribuable.
La première erreur commise par l'ancien chef du département des finances a sans doute été de faire confiance à des hauts fonctionnaires dont l'incompétence en matière d'informatique était de notoriété publique. Ces erreurs ont causé les graves dysfonctionnements auxquels le département doit faire face aujourd'hui. Raison pour laquelle l'Alliance de gauche soutient cette motion et demande que des personnes compétentes et responsables soient mises aux postes clés afin de mettre un terme à ces problèmes.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Il est important de distinguer dans le projet de loi 7838 le passage à l'an 2000 et la problématique de l'administration fiscale cantonale. M. Nissim s'est très bien exprimé sur ce dernier point, malgré quelques propos excessifs. Même si M. Blanc pense que, depuis deux mille ans, nous savons que nous aurons ce passage à l'an 2000, cela fait à peu près vingt-cinq ans que l'informatique est en place. Il est vrai que c'est une problématique qui existe aussi bien au niveau de l'Etat que dans les secteurs privés. Il reste à l'Etat de Genève encore une année et demie pour résoudre l'ensemble de ces problèmes et j'ai totalement confiance en ses services.
Il y a deux aspects à mettre en évidence pour l'administration fiscale : le passage à l'an 2000 et un certain nombre de réformes conduisant à un outil informatique performant en matière de calcul fiscal. Là effectivement c'est quelque peu inquiétant; nous pouvons constater dans le projet de loi 7838 qu'entre 8 et 10 millions sont destinés à envisager une nouvelle application. Il est fait allusion assez clairement au fait qu'une somme probablement équivalente aux 18 millions déjà dans ce projet de loi sera à voter prochainement pour cette réforme fiscale.
Il faut éviter toute précipitation. Nous venons d'en faire l'expérience avec un certain nombre de projets informatiques - dont peut-être l'IAO - et nous constatons que cela ne fonctionne pas à satisfaction. La seule recommandation que j'aurais en matière de décision au niveau de la commission des finances, c'est que le délai accordé pour l'étude de ce projet soit suffisant pour pouvoir rendre un travail de qualité.
Il est important de faire toute la lumière sur l'ensemble des projets informatiques, comme demandé dans la motion, au niveau du management, au niveau de la stratégie à mettre en place pour l'ensemble de l'opération. Je pense également à l'ensemble de ces structures qui ont connu différentes réformes. Il serait important pour la commission des finances d'avoir les idées claires là-dessus, sur le plan financier également.
Compte tenu des finances publiques, il ne paraît pas acceptable au parti démocrate-chrétien, de travailler totalement dans le brouillard en considérant que l'Etat a toujours les moyens. Nous avons pu le constater, grâce à «radio-bistrot» tout à l'heure, qu'aux yeux de la population notre parlement donne véritablement l'impression de faire souvent n'importe quoi et en particulier en matière informatique. Nous attendons en commission des finances d'avoir un certain nombre d'informations sur l'ensemble de ces sujets. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien vous recommande de renvoyer ce projet de loi ainsi que la motion à la commission des finances.
M. Christian Brunier (S). Ouvrir un crédit extraordinaire d'investissement de 48,2 millions dont 18,2 millions pour l'administration fiscale afin d'adapter l'informatique et la technologie à l'an 2000 paraît justifié. L'exposé des motifs ne permet pas de distinguer ce qui est directement lié à l'an 2000 de ce qui est lié au mauvais fonctionnement de l'informatique de l'Etat. Il sera utile de clarifier cela en commission. Il est de plus fort inquiétant de traiter un tel crédit aujourd'hui seulement. Les entreprises et les administrations qui ont pris le bon virage pour amorcer le passage de l'an 2000, l'ont fait pour la plupart il y a deux, trois, voire quatre ou cinq ans. Certes, comme disait notre collègue Nissim, mieux vaut tard que jamais !
Si une partie du travail a heureusement commencé, il est tout de même regrettable que le précédent gouvernement n'ait pas su anticiper un tel défi pourtant largement connu du monde informatique. Aujourd'hui, malgré l'existence de ce projet de loi, nous sommes en droit de nous inquiéter surtout en connaissant l'atmosphère qui règne actuellement dans les instances informatiques de l'Etat. Dans ce contexte, et en attendant les détails certainement très intéressants que les travaux de commission nous fourniront, nous soutiendrons probablement ce crédit qui permettra - nous l'espérons - de sauver les meubles !
M. Bernard Annen (L). Aucun des orateurs entendus n'a proposé une solution aux maux évoqués. Un médecin a fait des propositions comparables à ce que l'alchimie est à la médecine, mais en définitive rien de raisonnable.
Dans un problème aussi délicat, il ne faut pas regarder ce qui se passe à l'Etat de Genève uniquement. Il faudrait également que les chantres du privé regardent aussi dans leur secteur. En toute objectivité, les plâtres essuyés dans le privé sont exactement les mêmes que ceux que nous essuyons aujourd'hui. Le passage à l'an 2000 coûte cher. Pour certaines entreprises, souvent citées en exemple, le coût d'une telle opération oscille entre 30 millions et 400 millions. L'Etat de Genève est dans une cible tout à fait raisonnable, ce qui ne veut pas dire qu'il faille investir sans discernement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Personne n'est capable de maîtriser globalement la problématique de l'informatique. M. Nissim, qui est l'un des spécialistes de notre parlement, a essayé de chercher quelqu'un mais il reconnaît lui-même s'être trompé sur son choix. Il manque effectivement à l'Etat de Genève un contrôle ou un audit permanent et indépendant des services. Toute entreprise a sa comptabilité contrôlée par une fiduciaire indépendante. Cela pourrait être appliqué en matière d'informatique. Il existe une profession dans ce domaine : l'audit informatique. Certains établissements, bancaires notamment, ont eu recours à ces spécialistes afin de pouvoir accréditer une application informatique.
M. Nissim critique le responsable du gouvernement en charge du programme Symphonie en déplorant que la situation n'ait pas été présentée telle qu'elle était. En tant que président de la commission des finances, je souligne que nous avons tenté de le faire - non pas parce que le conseiller d'Etat concerné ne pouvait pas s'en charger - mais que la commission des finances n'avait pas la compétence pour traiter cette question. Ce n'est pas aussi facile que cela paraît.
Tout le monde sait aujourd'hui que le matériel informatique a une durée de vie maximum de trois ans et que les programmes informatiques ont une durée de vie de cinq ans. Après le constat des problèmes de l'administration fiscale et sachant que les programmes datent des années 1970, faut-il encore se poser des questions ? Pourquoi ces problèmes n'ont-ils pas été traités auparavant ? L'objectivité commande de reconnaître qu'à l'intérieur même du système l'utilisateur est parfois réticent à l'introduction d'une nouvelle application.
Cela pourrait justifier un système de contrôle de l'informatique de l'Etat de manière à rassurer d'une part le Conseil d'Etat et, d'autre part, les hauts fonctionnaires, les chefs de service, les utilisateurs et à être certains que l'informatique répond aux besoins de la population. Un informaticien de métier, s'il ne connaît pas l'ensemble de la problématique, aura besoin de plusieurs mois, voire plusieurs années pour essayer de maîtriser les différentes données. J'invite les donneurs de leçons à se mettre à disposition de l'Etat pour les problèmes informatiques. Ce sont des compétences recherchées, difficiles à trouver. Par conséquent, je vous engage à davantage de compassion.
M. Bernard Annen (L). En premier lieu, je prie Mme Brunschwig Graf de bien vouloir accepter mes excuses.
Deuxièmement : M. Annen a évoqué le peu de solutions proposé au problème que nous traitons actuellement. Voici quelques propositions supplémentaires que j'aimerais vous soumettre : il faudrait travailler davantage en termes de système d'information, à savoir englober non seulement l'informatique mais également le fonctionnement psychologique des employés; c'est un point important.
Troisièmement : il serait important de mieux cerner les limites de l'informatique. Toutes les tâches ne sont pas informatisables; certaines se prêtent mieux à un traitement manuel.
M. Dominique Hausser (S). STAT PERSI, LITAO, LORO, DATAPOMP, S.A.D-II, RADA, Saint-Pierre, Hypsis, Calitime, CRIEE, TOPMAN...
Le président. Notre langue est le français, Monsieur le député !
M. Dominique Hausser. Cela figure en page 16 à 18 de l'exposé des motifs du projet de loi 7838. Ce sont quelques-unes des applications qui mériteraient, selon le Conseil d'Etat, d'être révisées pour répondre au problème de l'an 2000. M. Nissim a raison de souligner qu'en matière informatique les expressions sont parfois obscures. Nous n'avons pas besoin de ces noms d'oiseaux mais plutôt de la description de ces applications et leur utilité ainsi que leur éventuelle modification afin d'assurer le bon fonctionnement des services en l'an 2000.
Les socialistes n'ont pas signé cette motion car ils estimaient que ni les considérants, ni les invites ne répondaient à la véritable problématique des dysfonctionnements de l'informatique de l'Etat. Depuis plusieurs années, nous demandons des éclaircissements à ce sujet. L'inspection cantonale des finances a été saisie d'un mandat visant à examiner si les objectifs de la réforme Symphonie ont été atteints tant par l'entreprise GEMINI que par les autres organes chargés de coordonner l'informatique de l'Etat. Ce mandat devrait permettre de souligner le manque quasi total de satisfaction de la part des utilisateurs du système informatique.
Bien que nous saisissions le fond de la motion, nous estimons qu'elle devra être refondue et faire l'objet d'amendements en commission. Cela nous permettra d'obtenir les nouvelles informations dont nous avons besoin et non pas un nouveau rapport qui est déjà en cours d'exécution à l'inspection cantonale des finances et dont nous demanderons et obtiendrons certainement une copie. Il ne s'agira pas, en ce qui nous concerne, d'avoir des détails techniques sur les protocoles de communication mais bien de s'assurer que nous avons les outils nécessaires pour permettre à l'administration d'exécuter les tâches qui lui sont confiées.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Toute carrière politique implique des choix, Monsieur Nissim, quelle que soit la morphologie de la personne! (Rires.) J'ai accepté, il y a trois ans, d'entamer une réforme et de prendre des responsabilités dans un domaine périlleux. Celles et ceux qui auront regardé la télévision ces derniers jours auront pu apprécier ce véritable péril en voyant M. Bill Gates, dont on ne peut pas soupçonner qu'il n'emploie pas les meilleurs informaticiens, subir en public le bug de l'année en présentant un produit d'ailleurs fort attendu sur le marché. Cela n'excuse en rien ni les erreurs ni les difficultés qui peuvent survenir à l'Etat de Genève en matière informatique. Cela permet d'illustrer à quel point ce domaine est exposé à des difficultés de toutes sortes qui ne sont pas liées à l'incompétence mais à d'autres phénomènes propres à l'informatique.
M. le député Nissim a toujours reçu une écoute attentive de ma part lorsqu'il m'a présenté ses suggestions en matière d'informatique. Il m'avait entre autres recommandé, sauf erreur il y a deux ans, de m'entourer de conseils extérieurs. Le même député a fait preuve d'honnêteté en reconnaissant que la personne qu'il m'avait recommandée, et pour laquelle je n'avais pas donné suite, n'avait finalement pas les compétences requises.
Je ne vous raconte pas cela pour mettre au pilori le député Nissim; le pilori n'est pratiqué que par le Palais de justice... (Exclamations.) Il n'est parfois pas si simple de savoir à long terme en matière informatique ce qu'il convient de faire. Rappelons qu'en tant que politiciens nous avons un désavantage que les entreprises privées n'ont pas. Elle ne doivent pas rendre compte en public ni de leurs erreurs, ni de leurs choix, ni de leur gaspillage, ni de leur tromperie. Elles agissent dans la discrétion alors que l'Etat de Genève est tenu à la transparence. Cela implique les diverses attaques et remarques dont nous sommes la cible mais tout spécialiste en informatique vous dira aujourd'hui que l'histoire de l'Etat de Genève c'est celle de la majorité des entreprises qui ont commencé il y a quelque vingt ou trente ans dans l'informatique. Je crois même que le député Nissim est d'accord avec moi sur ce point.
Cela n'enlève en rien la nécessité de devoir s'adapter aujourd'hui à l'an 2000 ainsi que l'a fait - dans la discrétion - l'Etat de Genève pour deux tiers de ses applications. Vous aurez appris par les journaux que la Confédération allait devoir dépenser 100 millions pour la mise à jour de son informatique à l'an 2000. Ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il est indispensable de prendre encore un certain nombre de mesures qui ne peuvent entrer dans le cadre normal qui a déjà absorbé - sans bruit - les deux tiers de ce qu'il y avait à faire. Des mesures ont été prises dans différents départements pour pouvoir réaliser une partie du travail.
En ce qui concerne la motion, nous vous devons des comptes ainsi que nous l'avons déjà fait à diverses reprises avec les deux députés délégués. Nous vous devons la clarté et la modestie sur ce qui est réussi et sur ce qui ne l'est pas.
En revanche, je ne peux pas accepter d'entendre dire que Symphonie est une erreur ou un échec. Cette réforme a commencé progressivement il y a trois ans. Les différents collaborateurs travaillent ensemble depuis six mois seulement dans une nouvelle configuration.
Une transformation qui implique un changement d'organisation entraînant de nouvelles habitudes ne peut pas s'opérer en un jour. Il faut également faire face à la résistance au changement de la part de certains utilisateurs. Je suis d'accord avec les députés qu'un double contrôle est nécessaire dans l'accompagnement de notre besogne : celui des députés et un contrôle extérieur. Vous le savez mieux que moi, Monsieur le député Nissim, un avocat ou un informaticien égale un avis et l'addition de tous ces avis ne constitue pas toujours une politique.
Le problème majeur n'est pas dû à la configuration anatomique que vous avez décrite ! Gardons-nous de céder parfois à la rumeur et autres bruits de couloir et poursuivons notre travail ! La mise en oeuvre d'une réforme peut se solder par un échec sous la pression des uns et des autres. Je me réserve le droit à votre égard de vous fournir tous les renseignements nécessaires et je vous demanderais aussi de nous accompagner dans cette réforme. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain par égard pour les quelque trois cents informaticiens qui travaillent à l'Etat de Genève. Nous avons une longue histoire dont nous payons la transformation. Il ne s'agit pas d'un problème de courage mais bien plutôt d'obstination, de continuité et de contrôle. La collaboration de tous nous est nécessaire. J'ai été également députée dans ce parlement; j'ai vécu le moment où personne ne posait de questions et votait comme un seul homme toute une série de projets. Faites-nous au moins la grâce de reconnaître que, durant la dernière législature, vous avez reçu l'ensemble des projets accompagnés d'explications et de discussions comme vous n'en avez jamais eu. Cela doit continuer. Nous payons le prix de cette transparence dans la critique mais c'est la seule façon de maîtriser ensemble une informatique non pas pour l'an 2000 mais éventuellement pour l'an 2005 si les informaticiens nous y autorisent.
Ma collègue se joint à moi pour vous recommander de renvoyer ce projet de loi en commission, de dégager les moyens nécessaires pour la mise en oeuvre de l'administration fiscale et le passage à l'an 2000 dans des conditions acceptables pour l'ensemble de l'Etat et surtout pour les citoyens qui finalement sont nos véritables commanditaires.
En ce qui concerne la motion, vos suggestions seront les bienvenues mais nous déciderons ensemble des risques à prendre.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Ce projet de loi comporte deux volets. L'administration fiscale cantonale n'est en effet pas incluse dans le volet an 2000 de l'Etat de Genève et ceci pour diverses raisons.
La première : il ne s'agit pas simplement pour l'administration fiscale d'un passage à l'an 2000 mais elle doit également résoudre un certain nombre de dysfonctionnements apparus depuis quelques années. A savoir : un système d'information trop atomisé avec des sous-systèmes communiquant mal entre eux; une très mauvaise qualité des données entraînant une perte d'informations, des redondances ainsi qu'une saisie manuelle. Un système obsolète dont toute maintenance engendre à coup sûr des dysfonctionnements majeurs. Des applications inadaptées qui rendent problématiques la tenue et la mise à jour des dossiers des contribuables. Un service des rôles surchargé jusqu'aux limites de l'intolérable. Un sous-système IAO ne répondant pas aux besoins de la taxation et actuellement partiellement mis en veilleuse. Selon un rapport d'expertise, les applications de la comptabilité doivent être revues en profondeur. Depuis 1985, en effet, il y a divergence entre le total des soldes de comptes des contribuables et le compte débiteur de l'administration fiscale cantonale sans que l'on puisse en expliquer la raison. Il faut ajouter à cela des lacunes au niveau de l'organisation de l'administration fiscale cantonale et les problèmes propres au passage à l'an 2000.
L'autre raison du traitement particulier du volet administration fiscale est la loi sur l'imposition des personnes physiques. L'administration fiscale doit faire face à une échéance incontournable qui est celle de la modification des dispositions relatives à l'imposition des personnes physiques pour les rendre conformes à la loi fédérale d'harmonisation des impôts. L'ultime délai pour l'adaptation des lois cantonales expire le 31 décembre 2000. Ces modifications légales auront des incidences sur l'ensemble des processus d'imposition des personnes physiques, car elles toucheront au principe d'assujettissement, à la détermination de l'assiette fiscale, à la production, à la comptabilisation des bordereaux dans les comptes des contribuables et dans les comptes de l'Etat ainsi qu'à des procédures de recouvrement.
Actuellement chaque changement législatif pose des problèmes extrêmement graves au système informatique. Face à un changement aussi fondamental, la démarche de modernisation et de refonte est indispensable. Elle vise à la réorganisation du système d'information de l'AFC, l'objectif étant un système intégré.
Troisième raison à cette situation particulière : la maîtrise des ressources. Les investissements en matière informatique y compris les ressources humaines, comme l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, figurent sur les rubriques budgétaires de l'administration fiscale cantonale dans le but de garantir la cohérence du projet; d'éviter par exemple que le passage à l'an 2000 ne soit traité au détriment de la modernisation et pour permettre un travail très étroit avec les personnes de l'administration fiscale cantonale. Bien entendu, une collaboration est instaurée avec le CTI, Centre des technologies de l'information.
Mesdames et Messieurs, nous allons donc assurer le fonctionnement de ce qui existe, en réaliser la modernisation, faire passer l'an 2000 à tout ce système et engager une refonte parallèle, déjà commencée en 1998, qui sera étalée jusqu'en 2002.
Nous n'avons pas opté pour une stratégie du tout ou rien, ni pour une refonte complète et immédiate du système. Nous avons préféré une stratégie de minimisation des risques. Nous avons préféré assurer les rentrées fiscales de l'Etat sans lesquelles il ne peut y avoir de prestations. Nous avons été raisonnables dans la démarche qui nous a animés pour assurer une réforme et une refonte de l'ensemble du système informatique de l'administration fiscale cantonale.
Je vous remercie de bien vouloir renvoyer ce projet en commission et de le traiter avec une certaine urgence car, en ce qui concerne l'administration fiscale, le délai pour le passage à l'an 2000 échoit au 31 décembre 1998.
PL 7838
Ce projet est renvoyé à la commission des finances
M 1205
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des finances.
ExposÉ des motifs
Le 23 janvier 1998, les députés Ferrazino, Lescaze, Unger et Hiler ont déposé le projet de loi 7806 visant à assurer une représentativité égalitaire des partis au Grand Conseil au sein de la commission cantonale de recours en matière d'AVS-AI-APG-PCF-PCC-RMCAS.
En prenant connaissance du rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier ce projet de loi, déposé le 2 février 1998 déjà, la chancellerie d'Etat et le département de justice et police et des transports ont attiré l'attention des auteurs du projet de loi sur le fait que la version proposée, allant bien au-delà de l'intention probable tant de ces derniers que de la commission précitée, entraverait le fonctionnement même de la commission de recours considérée. En effet, en plus d'assurer la représentativité des partis au Grand Conseil, elle diminuerait le nombre total de ses membres (titulaires et suppléants) par rapport au nombre de ses membres actuels, et elle serait imprécise sur la composition dans laquelle ladite commission de recours devrait siéger.
Les auteurs du projet de loi ont alors présenté un amendement, qui a été admis le 20 février 1998 par le Grand Conseil lors du vote en trois débats sur le projet de loi 7806-A. La représentativité des partis au Grand Conseil est désormais ancrée dans la loi, avec un réservoir de membres suffisant pour faire face au nombre important de recours à traiter chaque année.
Il y a toutefois eu omission de régler la question de la composition dans laquelle la commission cantonale de recours en matière d'AVS-AI-APG-PCF-PCC-RMCAS devra siéger. La conséquence en est que, pour statuer dans une composition régulière, ladite commission devrait siéger à 19 membres (trois représentants pour chacun des six partis au Grand Conseil, en plus du président nommé par le Conseil d'Etat), alors que cette commission siège depuis longtemps dans des compositions de cinq membres à raison de deux audiences par semaine !
A l'évidence, ce résultat n'a pas été voulu par le Grand Conseil. Preuve en est que ce même 20 février 1998, en ancrant dans la loi l'exigence de représentativité des partis au Grand Conseil au sein de la commission cantonale de recours de police des étrangers, le Grand Conseil a précisé la composition dans laquelle cette autre commission de recours devra siéger (art. 4, al. 1, phr. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, dans sa teneur résultant de la loi 7804).
Le Conseil d'Etat vous soumet dès lors le présent projet de loi, qui vise à permettre à la commission cantonale de recours en matière d'AVS-AI-APG-PCF-PCC de continuer à siéger dans des compositions de cinq membres, dûment représentatives des forces politiques représentées au Grand Conseil.
Compte tenu du fait que l'inadvertance à corriger bloquerait à très bref délai le fonctionnement même de la commission de recours considérée, le Conseil d'Etat vous demande d'adopter ce projet de loi en discussion immédiate lors de votre session des 23 et 24 avril 1998 et de le munir de la clause d'urgence, en application de l'article 55 de la constitution genevoise, en sorte qu'il puisse entrer en vigueur en même temps que la loi 7806.
Il sied de rappeler à ce propos :
- que pour permettre au Grand Conseil de nommer les membres de cette commission selon la formule voulue par la loi 7806, le Conseil d'Etat a prolongé la durée du mandat des membres actuels de la commission de recours considérée jusqu'au 30 avril 1998 (cf. règlement du 18 février 1998, in FAO du 25 février 1998),
- qu'il devra publier l'arrêté de promulgation de la loi 7806 au plus tard dans la Feuille d'avis officielle du 29 avril 1998, si bien que cette loi entrera en vigueur le lendemain, jeudi 30 avril 1998,
- et que l'élection des membres de cette commission doit intervenir lors de la session de votre Conseil des 23 et 24 avril 1998.
Au bénéfice des explications qui précèdent, le Conseil d'Etat vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi en discussion immédiate.
Préconsultation
M. Bernard Lescaze (R). Ce projet de loi est la concrétisation de ce que nous avons modifié lors d'une précédente séance concernant la commission de recours, dont les membres ont été élus au début de la séance du 23 avril 1998. Nous devons maintenant procéder à la modification de la loi d'application, elle l'est dans le sens de ce qui a déjà été fait. Je vous propose la discussion immédiate de ce projet.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Le président. Nous sommes en premier débat. La parole n'est pas demandée... Un membre du Conseil d'Etat veut-il s'exprimer ?
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes face à un texte tout à fait clair, à une volonté unanime en commission. Je n'ai pas d'autres commentaires à apporter.
Le président. Il n'y a pas eu de travail en commission à ma connaissance, mais peu importe.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi
(7844)
modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (J 7 05)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1 Modification
Art. 17, al. 3 (nouveau, l'alinéa 3 actuel devenant l'alinéa 4)
3 La commission siège dans une composition de cinq membres, constituée d'un président titulaire ou suppléant et de quatre assesseurs, qui siègent à tour de rôle.
Art. 2 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 30 avril 1998.
Art. 3 Urgence
L'urgence est déclarée.
ExposÉ des motifs
Jean-Pierre Hocké, ancien haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, donne le titre suivant à son article-réquisitoire paru dans «Le Temps» de mardi dernier : «Il faut reconstruire la Bosnie avant de renvoyer les réfugiés.» Le volet civil des Accords de Dayton, signés le 14 décembre 1995, n'est en effet toujours pas appliqué, le retour dans la sécurité et la dignité des réfugiés n'est toujours pas possible, tout comme la libre circulation des personnes sur l'ensemble du territoire soi-disant unifié de la Bosnie-Herzégovine.
La guerre a provoqué la haine : loin d'encourager la tolérance et de créer les conditions d'une vie commune, la situation actuelle en Bosnie ne fait que raviver les animosités. Le retour de tant de réfugiés en même temps va créer des problèmes humains, sociaux et économiques énormes, qui risquent de mettre en danger une paix déjà trop fragile. Pour les personnes qui pourraient rentrer directement chez elles, les problèmes de réinstallation demeurent entiers en matière de logement, d'assistance et de travail. Pour les autres, qui devraient revenir dans une zone où leur «ethnie» est devenue minoritaire, le retour est quasiment impossible car il n'y a pas de garantie de sécurité.
Le rapport d'évaluation de l'Institut d'ethnologie de l'Université de Berne souligne que «45% des réfugiés ont rencontré des conditions d'intégration inacceptables. Que ce soit en ville ou à la campagne, les réfugiés sont en effet considérés comme des traîtres et rejetés. Une des questions les plus préoccupantes reste celle de l'emploi. Seules 4% des personnes qui sont rentrées ont trouvé un travail. Au bout de six mois, elles étaient 12%. Pour celles qui ne peuvent gagner un salaire, l'aide au retour ne représente qu'un petit pécule de survie temporaire.»
Il n'y a plus de jours sans nouveau témoignage dramatique dans la presse locale, provenant de jeunes collégiens, de familles monoparentales, ou autre, montrant à quel point l'angoisse et le désespoir sont revenus envahir toutes ces personnes menacées de renvoi dès le 30 avril prochain. Demain retour en Bosnie, mais aujourd'hui déjà retour des cauchemars, des insomnies, des maux de tête, parce que eux savent ce qui les attend là-bas.
Mais nous aussi nous savons, Mesdames et Messieurs les députés, et c'est pourquoi, à nouveau, nous demandons au Conseil d'Etat de ne pas appliquer les mesures de renvoi décidées par les autorités fédérales. Il serait en effet tout simplement intolérable que dans 50 ans nous devions présenter des excuses aux Bosniaques parce que nous avons aujourd'hui laissé nos autorités «nettoyer» la Suisse de ses Bosniaques.
Ces raisons évidentes nous amènent, Mesdames et Messieurs, à demander votre soutien à la présente motion.
Débat
Mme Jeannine de Haller (AdG). Nous sommes extrêmement inquiets quant à l'avenir de tous les Bosniaques menacés de renvoi dès le 30 avril prochain. Si ces personnes doivent partir, elles vont se retrouver dans une situation catastrophique du point de vue de la sécurité : le pays est infesté de mines antipersonnel; du point de vue de la répression sur les minorités; du point de vue du logement, des écoles et du travail. Il y a plus de 80 % de chômage là-bas.
La plupart des réfugiés bosniaques ne peuvent pas se rendre dans leur ville ou dans leur village car, ainsi que l'expliquent les délégués du Haut-Commissariat aux réfugiés qui sont sur place, l'ultra-nationalisme fait encore la loi sur une grande partie du territoire malgré les accords de Dayton. Il ne leur resterait qu'à reprendre là-bas une vie de réfugiés, vivre un nouveau déchirement avec son lot de risques et de drames. Leur renvoi ne ferait qu'ajouter au premier traumatisme de la guerre, celui de retourner dans un pays qui n'est plus le leur. Rien que la pression de la menace de renvoi exercée sur ces gens a suffi pour réveiller en eux des souvenirs terrifiants de meurtres, de viols, de privations, de terreur.
La situation des femmes veuves ou divorcées, seules ici avec leurs enfants, pose tout particulièrement problème. Nous savons de source sûre qu'elles se retrouveront complètement marginalisées, sans aucun soutien familial et sans aucune chance de retrouver du travail. Quant aux enfants, ils se sont intégrés de façon absolument remarquable à la vie genevoise. Ils appartiennent à divers groupes de musique, de sport, aux scouts. Leur scolarité est un réel succès que ce soit à l'école primaire, au collège ou à l'université. Ces enfants ont réussi à recommencer chez nous une vie que l'on peut qualifier de normale. Ils ont réussi à se retrouver, à redonner un sens à leur vie. Il faudrait que ces jeunes repartent en Bosnie où ils ne seraient pas les bienvenus, où ils seraient vus comme des étrangers, voire comme des intrus. Ils devraient revivre l'insécurité, la peur. En plus, ils trouveraient là-bas un système scolaire ségrégationniste où les classes sont constituées selon l'origine ethnique ou la croyance religieuse des élèves, où les manuels sont distincts et l'enseignement différent. Loin de professer la tolérance et de créer les conditions d'une vie commune, le système scolaire en Bosnie ravive les animosités. Laissons ces enfants terminer leurs études ici, laissons-les choisir de rester ou de rentrer dans leur pays lorsqu'ils se sentiront prêts et suffisamment en sécurité pour le faire.
Demandons au Conseil d'Etat par le biais de cette motion de renoncer au renvoi forcé de tous les Bosniaques.
Mme Esther Alder (Ve). Au nom des Verts, je vous demande de soutenir cette motion. Il ne vous est demandé qu'un peu d'humanité. Il n'y a pas d'urgence, nul n'est besoin d'agir dans la précipitation. Faisons en sorte que ces personnes, à leur retour en Bosnie, trouvent autre chose que haine, angoisse et désespoir.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'aimerais intervenir sur la question des mines antipersonnel, domaine dans lequel je crois avoir une certaine légitimité pour le faire. L'année dernière, le Grand Conseil avait voté à l'unanimité une résolution condamnant les affreux traumatismes causés par les mines antipersonnel et demandant leur interdiction.
La Suisse a signé au mois de décembre le traité d'Ottawa interdisant les mines antipersonnel. Le premier paragraphe de ce traité dit que les Etats parties sont - je cite - déterminés à faire cesser les souffrances et les pertes en vies humaines causées par les mines antipersonnel. Il y a en Bosnie environ 2 millions et demi de mines antipersonnel. Nous avons cherché à savoir si elles étaient situées dans des zones où allaient être renvoyés des réfugiés. Nous avons pointé toutes les situations genevoises pour avoir un échantillon de la Suisse. Le résultat révèle que 85 % des familles bosniaques domiciliées dans notre canton vont être renvoyées dans des zones minées. Les autorités suisses sont conscientes de ces dangers, puisque des cours de sensibilisation ont été proposés aux Bosniaques qui vont se trouver confrontés à des mines antipersonnel.
Nous avons signé le traité d'Ottawa, la Suisse soutient des projets de déminage en Bosnie et nous n'avons - pour l'heure - pas le droit de renvoyer des innocents sur des champs de mines. C'est pour cela que je vous invite à voter cette motion.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Selon ce qui vient d'être exposé, cela m'intéresserait de savoir si ce sera un jour le moment de procéder aux renvois précités. Il semblerait que ce ne soit jamais le cas; par conséquent il n'y a pas de renvois !
J'ai assisté ce matin à une conférence de presse à Berne donnée par M. le conseiller fédéral Koller sur la problématique de l'asile; je vous renvoie à ses propos.
Sans aucune envie de polémiquer, votre motion évoque uniquement les renvois forcés. Ne devriez-vous pas admettre l'ambiguïté avec laquelle vous décrivez la situation par rapport aux renvois qui ne sont pas forcés mais qui sont l'objet d'un consensus ? Est-ce qu'une attribution financière peut empêcher une mine de sauter ? Votre description de la situation sur place est apocalyptique; il n'en reste pas moins que certains Bosniaques retournent volontairement chez eux. La situation telle que vous la décrivez me laisse quelques doutes. Je suis tenu néanmoins de faire respecter les directives fédérales sans quoi nous courons le risque d'en supporter financièrement le coût. Il s'agit d'un problème humain pour lequel j'ai beaucoup de respect. Je pense avoir exprimé clairement mon opinion à ce sujet; je vous laisse à vos responsabilités.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
Motion
(1211)
Non au renvoi des Bosniaques
Le GRAND CONSEIL,
considérant:
1. le rapport de l'Institut d'ethnologie de l'Université de Berne, commandé par le Conseil fédéral lui-même;
2. la situation de détresse de nombreuses familles menacées par une décision de renvoi imminent en Bosnie;
3. l'urgence de surseoir à ces renvois,
invite le Conseil d'Etat
- à renoncer à tout renvoi forcé jusqu'à plus ample information sur la situation en Bosnie;
- à favoriser et soutenir, en lien avec le monde associatif, la mise en oeuvre d'un réseau de solidarité (communes, églises, écoles, etc.) assurant une partie de la prise en charge des Bosniaques menacés de renvoi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les signataires de cette résolution l'ont élaborée de concert avec les groupements représentés au sein de la Coordination Energie (v. liste en annexe 1). Ils ont étudié attentivement le projet de loi sur le marché de l'électricité (LME) du 18 février 1998, ainsi que le rapport explicatif. Ils tiennent à faire part au Conseil fédéral des observations suivantes :
1. La LME vise essentiellement à diminuer le prix du courant pour les gros consommateurs ("; consommateurs éligibles "). La première année les gros consommateurs sont définis comme ceux qui consomment plus de 20 GWh/an (à Genève l'hôpital p. ex., ou l'UBS aux Acacias). Ensuite tous les 3 ans ce seuil s'abaissera. Pour nous le critère essentiel c'est la qualité de sa production. (renouvelable ou pas) Nous partons d'un point de vue totalement différent.
En elle-même, cette idée de réduction des prix est totalement contradictoire avec l'idée, défendue par le même Conseil fédéral, de taxes incitatives, de taxes CO2, instruments essentiels d'une politique énergétique.
1. Comme les auteurs du projet de loi, l'OMC mesure le bien public au volume des échanges internationaux en dollars. Nous mesurons le bien public autrement, en termes qualitatifs plutôt que quantitatifs.
2. Le rapport qui accompagne le projet de loi est factuel et honnête. On en jugera à la lecture des extraits ci-dessous (points 4 et 5 ) :
3. Problématique des INA (investissements non amortissables, ou investissements échoués) : les barrages et les centrales nucléaires étant de gros investissements, leur amortissement était prévu à très long terme en prévoyant un marché captif. Dès lors que les gros clients peuvent se fournir librement à l'extérieur, à moindres frais, (gros clients : 20 % au début, 50 % après 6 ans), l'amortissement de certains barrages et de certaines centrales nucléaires n'est plus possible. Un fonds est prévu pour aider financièrement certaines installations, mais les consommateurs qui paieront les INA suisses seront les petits consommateurs captifs, les autres se fourniront librement sur le marché.
Citons la fin de la p. 29 du commentaire :
"; Pour influencer l'ampleur des INA, trois décisions jouent un rôle de première importance. Elles concernent la rapidité d'ouverture du marché et la possibilité de reporter les coûts sur les clients captifs. En raison de considérations de principe et à cause de l'état des finances fédérales, un dédommagement des INA par la caisse fédérale est exclu ; cela implique leur imputation aux consommateurs. A court terme, des augmentations de prix pour certains groupes de consommateurs ne sont donc pas exclues ; …… "
Nous refusons que les petits consommateurs soient les dindons de la farce, au nom de notre principe de solidarité (v. ci-dessous).
Nous proposons au contraire une augmentation des tarifs qui évite à certains amortissements d'être déclarés inamortissables. (voir ci-dessous notre proposition de pool du courant)
D'autre part, on apprend à la page 29 que les investissements suisses dans le parc nucléaire français se montent à 3 milliards (on ne l'avait jamais su !). Une partie est échouée mais les auteurs du projet de loi refusent de les amortir par un fonds spécial, contrairement à ce qu'ils proposent pour les INA suisses (nucléaires et barrages, dont l'actionnariat est majoritairement public). Ces 3 milliards seront donc en partie perdus pour ceux qui ont pris ce risque.
5. La baisse des prix pour les gros consommateurs va entraîner une augmentation de la consommation. C'est logique, c'est ce qu'on appelle l'élasticité-prix. Citons là encore la p. 31 :
"; Il apparaît que les effets sur l'environnement suite à l'augmentation de la demande d'électricité découlant de la baisse des prix devraient rester minimes. Par sa tendance, cette évolution va cependant à l'encontre des objectifs d'économies du programme Energie 2000, lesquels seront encore plus difficiles à atteindre. "
Nous n'accepterons jamais que tous les efforts investis dans le programme Energie 2000 soient réduits à néant.
6. A la page 33, on apprend que, faute d'argent :
"; Le renouvellement à long terme des centrales hydrauliques ne serait probablement plus assuré intégralement. Dans un marché volatil avec des recettes difficilement prévisibles, des délais d'amortissement de 70 ans constituent un risque considérable….. Une constatation similaire s'applique à l'extension du parc des centrales hydrauliques, ce qui devrait se traduire par une stagnation dans ce domaine dans les années à venir. "
Rappel : Notre projet de conception genevoise prévoit de rénover Chancy-Pougny et d'étudier Conflans… Allons-nous dire simplement tant pis… et renoncer à sortir du nucléaire ?
De plus, l'art 31, 4e alinéa, prévoit que la taxe pour "; l'indemnisation équitable d'investissements non amortissables " ne serait attribuée que pendant 10 ans au maximum. Cela pourrait signifier que certains investissements "; malencontreux " ne seraient pas indemnisés (v. p 59 de l'explication du texte). Si Cleuzon-Dixence devait faire partie de ces investissements "; malencontreux " (1400 millions !), EOS serait en faillite et ensuite en cascade tous les services industriels romands. Est-ce cela que nous voulons ? ? ? Nous constatons que la mise en place de cette loi mettrait en péril certains producteurs, dont les actionnaires sont des collectivités publiques, et dont les bailleurs de fonds sont des caisses de pension. En cas de faillite de ces sociétés, des multinationales pourraient les racheter à bas prix, et se rattraper ensuite en négligeant d'entretenir certains réseaux. Nous refusons de nous mettre nous-mêmes en péril parce que le Conseil fédéral va trop loin dans son projet de libéralisation, bien plus loin que ce qui est demandé dans la directive européenne.
7. A la page 34 on apprend que la baisse globale dans le domaine hydraulique aurait aussi des conséquences sur l'emploi :
"; Des quelque 2000 postes de travail aménagés jusqu'à présent dans les zones de montagne pour la production d'électricité, 20 à 30 pour cent risquent de disparaître au cours des 10 prochaines années par suite de ces mesures. Sur le plateau une évolution semblable et de même ordre pourrait se manifester. "
Ici aussi les organisations écologistes n'accepteront pas que l'emploi soit prétérité au nom d'une "; rationalité " pseudo-économique à court terme.
De plus, le nombre total d'emplois menacés par cette loi risque d'être bien supérieur aux 600 emplois mentionnés dans le texte, à la p. 34. En effet, le rapport de l'UCS, à la p.. 6, dit :
"; L'ouverture du marché aura également pour conséquence une forte baisse du nombre d'emplois, sans que de nouveaux postes soient créés dans un proche avenir. Il faut donc laisser suffisamment de temps aux collaborateurs concernés pour leur permettre de se réorienter. A l'étranger, la réduction du nombre d'emplois a été de 20 à 30 %. En Suisse, cela représenterait 5000 à 7000 emplois, sans compter les pertes des emplois induits qui peuvent être du même ordre de grandeur.
En conclusion, une alternative :
Ce projet de loi doit donc être retiré, et récrit. Il existe des alternatives simples qui ne contredisent pas la directive européenne. Un système d'acheteur unique (explicitement autorisé par la directive art 18), qui gérerait les achats et les ventes au niveau national en fonction de critères écologiques d'abord et commerciaux ensuite, est parfaitement autorisé par la directive. Le système ressemblerait à une bourse du courant, qui s'appuierait sur l'article 3 al 2 de la directive européenne:
"; En tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité, en particulier de son article 90, les Etats membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l'électricité des obligations de service public, dans l'intérêt économique général, qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d'approvisionnement, la régularité, la qualité et les prix de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement. ces obligations doivent être clairement définies, transparentes, non discriminations, et contrôlables. "
Le système que nous proposerons s'appuie aussi sur l'art 8 al 3 de la directive, ou sur l'art 11 al 3 :
"; Un état membre peut imposer au gestionnaire du réseau de distribution, lorsqu'il appelle les installations de production, de donner la priorité à celles qui utilisent des sources d'énergie renouvelables ou des déchets ou qui produisent de la chaleur et de l'électricité combinées. "
En résumé :
Nous souhaitons :
- Augmenter la part actuelle des énergies renouvelables dans la production d'électricité de 60 % à 65 % et plus. Ce courant doit être pris en charge par le réseau et réparti entre les clients éligibles et les clients captifs (règle de solidarité).
- Que la charge des investissements dits "; non amortissables " soit répartie entre les clients éligibles et les clients captifs (règle de solidarité).
- Que le courant produit par des centrales nucléaires soit découragé sur le réseau (règle de sécurité).
- Que des mesures soient prises pour que la libéralisation ne permette pas la mainmise des multinationales sur la production (règle de l'éthique).
- Que la transparence et la structure des tarifs - Taxe de raccordement - Taxe de puissance ou prime fixe - Prix du kWh soit claire et que les règles soient les mêmes pour tous les consommateurs (règle de la transparence).
- Que l'on envisage la création d'un pool national ou de plusieurs pools régionaux du courant, ayant pour mission d'acheter le courant distribué par les réseaux en prenant en compte, outre les questions économiques, son impact sur l'environnement et la sécurité (règle du développement durable).
- Que des dispositions transitoires soient prises afin d'atténuer les effets éventuels de la libéralisation sur l'économie suisse (règle économique et sociale).
- Que soit étudiée conjointement à la présente loi l'introduction d'écotaxes incitatives.
Nous craignons
- Que la baisse supposée des prix induite par la libéralisation incite à la consommation et anéantisse les mesures de rationalisation et d'économie prévues dans le programme Energie 2000.
- Que la libéralisation facilite le recours aux énergies fossiles ayant un impact sur l'effet de serre et, par l'élévation de la température et la fonte accélérée des glaciers, affecte la durabilité de nos installations hydrauliques.
- Que la libéralisation affecte le marché de l'emploi.
- Que le calcul des INA ne soit pas possible par le fait que les prix de l'électricité, après l'entrée en vigueur de la libéralisation, soient inconnus à long terme et incertains à court terme.
- Que la libéralisation soit un instrument destiné au blanchiment de l'électricité écologiquement douteuse.
- Que les régions excentrées soient défavorisées par rapport aux villes.
En conclusion :
Nous constatons que ce projet de loi soumis à consultation va bien au-delà de ce que demande la directive européenne. De plus il contredit les objectifs du développement durable.
C'est pourquoi sans l'étudier plus en détail article par article, nous en proposons le rejet.
Nous attendons un texte qui prenne en compte les objectifs du développement durable.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette résolution et à la renvoyer directement au Conseil fédéral.
ANNEXES
1. La Coordination énergie est un groupe de réflexion genevois, il regroupe des députés et des militants des organisations suivantes :
Associations:
APAG Association pour l'appel de Genève
ATE Association Transports et Environnement
CONTRATOM
SPE Sté suisse pour la Protection de l'Environnement
SSES Sté Suisse pour l'Energie Solaire
WWF World Wildlife Fund
Groupements politiques:
PEG Parti Ecologiste Genevois
PDT Parti Du Travail
PS Parti Socialiste genevois
Groupe chrétien social
SolidaritéS
Annexe 2 : Directive européenne sur la libéralisation des marchés de l'électricité, adoptée le 30.1.1997.
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Débat
M. Chaïm Nissim (Ve). Ce projet de loi proposé par le Conseil fédéral est une catastrophe sans précédent. S'il était accepté, et l'EOS s'y oppose fortement, ce serait extrêmement néfaste pour tous les barrages suisses et notamment pour les barrages romands. Les barrages produisent de l'électricité à un coût supérieur à celle produite à l'étranger, qui est moins chère mais plus polluante. Ce projet de loi entraînerait pour les gros clients la possibilité de se fournir en courant polluant bon marché à l'étranger. Cela impliquerait une baisse de rentrées pour les compagnies d'électricité qui auraient des difficultés à entretenir certains barrages et ne pourraient vraisemblablement plus amortir les investissements consentis à très long terme comme par exemple Cleuzon-Dixence. Si ce dernier est classé dans la catégorie des investissements manifestement malencontreux ainsi que le prévoit le projet de loi proposé par le Conseil fédéral, EOS serait en faillite. Derrière la faillite de EOS, par effet de dominos, toute une série de faillites pourrait avoir lieu dans les Services industriels de Suisse romande; les barrages ne pourraient plus être entretenus ainsi que certaines lignes à haute tension.
Il existe d'autres façons de libéraliser qui respectent complètement la directive européenne et qui sont parfaitement à la portée du Conseil fédéral. Ce dernier a été beaucoup trop loin dans son projet de libéralisation. Il a suivi des consignes d'experts qui - à mon sens - l'ont trompé et ont entraîné le pire de ce qui pouvait être imaginé dans ce projet de loi.
En tant que Grand Conseil, nous avons tenu à répondre par une résolution. Le délai de consultation ayant été fixé au 15 mai, il était impératif que la réponse du Grand Conseil parvienne au Conseil fédéral avant cette date, soit aujourd'hui.
M. Alberto Velasco (S). Pour les socialistes, il ne s'agit pas d'une loi sur la libéralisation du marché de l'énergie mais d'une loi sur la libéralité du marché de l'énergie. Certains reçoivent des avantages sans contrepartie, au détriment d'autres consommateurs, avec une générosité qui s'apparente à un bradage de notre patrimoine énergétique et au saccage d'un bien public. Les seuls à en tirer profit seront les gros consommateurs qui bénéficieront d'une réduction du prix de l'énergie incitant ainsi à la consommation au détriment de toute politique d'économique d'énergie. Ces avantages sont justifiés par le fait que ces consommateurs, rendus plus compétitifs, favoriseraient et préserveraient l'emploi. En dépit de ces mesures, les places de travail n'augmentent pas mais elles diminuent.
Dans le cas qui nous occupe, cette libéralisation va entraîner la perte de milliers d'emplois dans une proportion de 20 à 30 %, à l'instar des pays qui ont pratiqué cette politique tels la Norvège, la Grande-Bretagne. En Suisse, cela se traduit par une perte de cinq mille à sept mille emplois selon les données de l'Union des centrales suisses.
Il y a plus grave car les intérêts de notre canton sont directement affectés par cette loi : la baisse du prix de l'énergie aura comme conséquence une baisse des recettes des compagnies fournissant cette énergie. Cela mettra en danger leur politique d'amortissement d'installations construites selon le principe auquel elles étaient tenues, soit l'obligation d'assurer l'approvisionnement du pays en énergie à long terme. L'amortissement de ces installations s'étend sur cinquante à quatre-vingts ans. Ce sont les fameux investissements non amortissables que devra supporter le petit consommateur par une augmentation des tarifs, la Confédération ayant clairement affirmé qu'elle n'entendait pas les prendre à sa charge.
De plus, les compagnies auront dix ans pour amortir leur avoir en percevant un supplément de prix sur la vente au consommateur final. C'est le temps nécessaire à la mise en place de cette libéralisation. Au-delà de cette date, ainsi que le prévoit l'UCS, l'Union des centrales suisses, ces investissements seront considérés comme non amortissables; leur valeur est estimée à environ 5,5 milliards de francs. Sachant que les entreprises électriques sont à 75% propriété des collectivités publiques, que notre canton et ville - à travers les SIG - sont un des principaux actionnaires d'EOS et que les centrales sont financées à raison de 30 milliards par des emprunts dont 16 milliards sont la propriété des caisses de pension et des petits épargnants - soit dit en passant, il y a 3 milliards de tranches nucléaires contractées par ces entreprises qui sont déjà déclarées non amortissables - si tel était le cas, des équipements comme Cleuzon-Dixence seraient mis en faillite... Je m'excuse, Monsieur le président, on n'entend rien...
Le président. Je prie Mesdames et Messieurs les députés qui ont des conversations privées de bien vouloir les tenir en dehors de la salle. D'avance merci. Poursuivez, Monsieur l'orateur !
M. Alberto Velasco. Finalement, si d'aventure ces investissements étaient déclarés non amortissables... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...des équipements tels que Cleuzon-Dixence seraient rachetés par de grandes compagnies étrangères et, dépouillés de leurs créances, ces équipements produisant de l'énergie renouvelable deviendraient rentables.
Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en présence d'un véritable saccage de biens publics et du dépouillement des épargnants... (L'orateur est interrompu.)
Le président. Messieurs Froidevaux et Grobet, merci !
M. Alberto Velasco. Compte tenu de ceci, nous vous invitons à voter cette résolution et son renvoi au Conseil fédéral. D'autre part, cette résolution étant signée par un certain nombre de députés de différents partis, j'espère qu'elle sera approuvée par une majorité de ce parlement. Le canton de Genève, consulté par le Conseil fédéral, se doit de donner une réponse. Est-ce que le Conseil d'Etat compte s'inspirer du contenu de cette résolution pour formuler sa réponse ?
M. Olivier Vaucher (L). Cette proposition de résolution tombe un peu comme la pluie après les vendanges.
Une voix. La grêle !
M. Olivier Vaucher. La grêle, merci, après les vendanges ! La loi fédérale sur la libéralisation des marchés publics, au même titre que d'autres lois nous permettant de nous rapprocher de l'Union européenne, a été largement mise en consultation publique. C'est lors de ces préconsultations, Messieurs les auteurs de la résolution, que vous auriez dû vous manifester. Certes, si l'on peut rejoindre certaines de vos préoccupations, il nous paraît cependant mal approprié d'intervenir à ce stade. Je relèverais d'autre part que vous affirmez n'avoir pas été au courant de la part des investissements suisses dans le parc nucléaire français. Permettez-moi de vous dire que cela est totalement erroné puisque la question a été posée par certains auteurs de la résolution à maintes reprises en commission, question à laquelle il leur a été largement répondu.
Les fondements et les objectifs de l'ouverture du marché sont entre autres la nécessité et la volonté politique de revitaliser la place économique suisse. Ce projet de loi fédérale permettrait d'amener les prix de l'électricité à un niveau compétitif sur le plan national et international. Nous approuvons cependant l'intention du Conseil fédéral de construire la loi sur la libéralisation des marchés d'électricité, sur des principes de coopération et de subsidiarité. L'élaboration de cette loi devrait renoncer aux dispositions de détails parfois trop approfondies. La Suisse dispose d'un système de distribution de courant de très haute qualité, conçu sur le long terme qui, grâce à la participation importante des collectivités publiques et des caisses de pension, est aujourd'hui déjà entièrement au service des entreprises de production et de service de toute la population du pays. Grâce à la part élevée de la force hydraulique, notre pays utilise de manière durable un important agent renouvelable. Par sa situation géographique, il constitue une plaque tournante importante pour l'approvisionnement en électricité, fort appréciée de tous les autres pays européens.
Pour cette résolution, vous vous appuyez sur le développement durable. Permettez-moi de vous rappeler que ce projet intègre trois notions : la société, l'économie et l'environnement qui doivent être présentes à parts égales ainsi que l'ont relevé certains spécialistes. Privilégier un de ces principes au détriment des autres conduirait à un sous-développement durable. Comme l'a dit le professeur Jean-François Dupont, une vision centrée sur l'homme, en négligeant la nature, comporte le risque de générer un développement non durable. A l'inverse, une vision focalisée sur la nature, en écartant l'homme, conduirait à maintenir un sous-développement durable.
Tel est le défi qui nous est soumis : trouver au-delà des grands idéaux théoriques des critères pratiques et concrets qui permettent à la civilisation de poursuivre son évolution en écartant le double risque. Nous comptons sur nos représentants au Conseil national pour défendre au mieux ce projet de loi et notre intérêt régional. (Remarque de M. John Dupraz.) J'espère que M. Dupraz le fera en étant sain d'esprit et de corps. Notre groupe s'opposera au dépôt de cette résolution pour les raisons évoquées plus haut.
M. Pierre Vanek (AdG). M. Vaucher a évoqué les prétendus «risques» d'une politique centrée sur l'homme. C'est effectivement une politique essentiellement démocratique qui permettra de développer des conditions économiques et environnementales satisfaisantes. Ce projet de loi a un fondement exclusivement économique qui s'inscrit dans une logique de libéralisation à tous crins, de dérégulation qui fait perdre une part de pouvoir concret à l'homme et au citoyen en matière de maîtrise de certaines conditions cadres de son existence sociale.
Ce projet de loi met en péril un certain nombre d'objectifs écologiques et antinucléaires que les citoyens de ce canton se sont donnés à travers la volonté résolue de soutenir une politique d'investissements des collectivités publiques en matière d'énergie. Aujourd'hui, on veut nous faire admettre que le paramètre essentiel en matière d'investissements serait la loi du marché. Le prix de l'électricité devrait offrir la possibilité d'investir de manière «rentable» sur une courte période. A Chancy-Pougny, par exemple, des investissements seraient nécessaires afin d'augmenter la production hydroélectrique. Eu égard aux conditions du marché, ces investissements seraient certainement refusés. Nous n'acceptons pas que cette règle nous soit imposée de cette manière et c'est pour cette raison que nous proposons le rejet de ce projet de loi.
Monsieur Vaucher, vous nous avez dit en début d'intervention que nous agissions «comme la grêle après les vendanges». (Exclamations.) Je dirais qu'au contraire nous intervenons de manière fort bienvenue. Il semblerait que vous suivez ce dossier avec une certaine distance puisque vous êtes d'avis qu'il aurait fallu intervenir au moment où ce projet de loi était mis en consultation. C'est précisément ce à quoi nous nous attachons aujourd'hui. La consultation fédérale prend fin le 15 mai. Nous intervenons précisément au bon moment. L'expérience nous montre que dans tous les débats concernant l'énergie, durant la dernière législature, l'argument avancé pour tout bloquer était qu'il fallait attendre la mise en oeuvre de la libéralisation. Toute la politique de ce Grand Conseil a été conditionnée par le spectre de cette libéralisation qui s'annonçait.
Il est vrai que nous devons nous prononcer aujourd'hui dans la précipitation; la mise en consultation a été extrêmement brève de la part du Conseil fédéral qui cherche à satisfaire des échéances très proches. Nous avons un débat public dans cette enceinte auquel les citoyens peuvent assister. La consultation n'a pas lieu dans des cénacles clos comme c'est souvent le cas lors de projets de lois fédérales d'une grande ampleur
En tant que député dans ce Grand Conseil, je me souviens avoir pris connaissance de documents fédéraux donnant la soi-disant position du canton sur le démantèlement des PTT, autre volet du programme libéral, alors que le Conseil d'Etat ne nous avait - à aucun moment - soumis son préavis en la matière.
Le mérite de cette proposition est qu'elle est soumise aux représentants des citoyens de ce canton qui peuvent ainsi exprimer, le cas échéant, la volonté de poursuivre une politique antinucléaire et de régulation en matière d'énergie indépendante des diktats du marché ou du fruit des inventions des théoriciens de l'ultra-libéralisme. Si nous voulons être cohérents de ce côté-ci de la salle voire même au-delà, il faut accepter cette résolution invitant le Conseil fédéral à retirer ce projet de loi et élaborer un nouveau projet allant dans le sens d'un certain nombre d'objectifs exprimés dans l'exposé des motifs.
M. John Dupraz (R). Je n'ai pas attendu les conseils de M. Vaucher pour agir au niveau fédéral au sujet des problèmes d'approvisionnement en énergie et de libéralisation du marché de l'électricité. Notre groupe estime que nous devrions taxer les énergies non renouvelables pour favoriser les énergies renouvelables et essayer de constituer un contre-projet indirect aux initiatives solaires.
Le problème de la libéralisation est dramatique. En Suisse, les investissements en matière de ressources hydroélectriques ont été prévus sur plusieurs dizaines d'années; ce sont des investissements non amortissables, des «investissements échoués». La logique cruelle du libéralisme économique et la loi du marché, telle que certains la préconisent, entraîneraient ces investissements vers une quasi-faillite et nous devrions les abandonner. Que deviendraient alors ces équipements ? Quels seraient les impacts sur le paysage ? Ce qui me paraît préoccupant ce sont les investissements engagés pour une énergie quasi naturelle, non polluante et renouvelable. C'est une énergie qui peut être utilisée au moment où le besoin se fait le plus ressentir (heures de pointe), une énergie très précieuse pour un pays comme le nôtre, contrairement à l'énergie nucléaire (énergie en ruban).
Le libéralisme qui se fait jour, ajouté à l'ouverture des frontières, nous encouragerait à acheter de l'électricité à des centrales nucléaires des pays de l'Est - qui sont prêtes à nous péter à la tête, je m'excuse du terme - en entraînant des conséquences dramatiques sur l'environnement et la santé publique. Va-t-on en arriver là au nom du libéralisme ? (Exclamations.) Je soutiens la résolution signée par notre parti car elle pose un problème de fond : jusqu'où le libéralisme va-t-il nous entraîner dans l'absurdité ? (Exclamations, applaudissements de la gauche.).
Vous savez, Monsieur Pagani, ce n'est pas nouveau chez moi ! J'étais un des seuls à me battre contre les accords du GATT alors que les syndicats ouvriers estimaient que c'était la panacée. Ils s'aperçoivent maintenant que c'est la catastrophe. La libéralisation du marché de l'électricité m'inquiète beaucoup par rapport aux investissements qui nous sont utiles et précieux pour l'avenir du pays et par rapport à l'attitude que nous aurons face au marché international. Certains de nos fournisseurs potentiels ont des installations qui ne correspondent pas aux normes minimales de sécurité. Une des conditions pour acheter de l'énergie à ces pays serait d'exiger qu'ils adaptent leurs équipements aux normes internationales de sécurité. Nous sommes confrontés à un problème grave et complexe. Au niveau fédéral, nous serons un certain nombre à être vigilants lorsqu'il s'agira d'examiner la libéralisation de ce marché de l'électricité. Il y va non seulement de l'avenir de l'homme mais de la santé de l'humanité. (Applaudissements.)
M. Michel Halpérin (L). Les déclarations entendues précédemment appellent quelques commentaires. Je n'ai pas la sagesse de M. Dupraz qui a compris les mécanismes de l'énergie ni celle décuplée de M. Vanek qui pourrait tous nous alimenter. Je constate simplement qu'aujourd'hui nous sommes court-circuités sur deux plans : le changement de l'ordre du jour en raison de l'urgence. Il y a toujours des urgences et d'un mois à l'autre nous continuons à laisser les vrais projets dans un coin pour nous occuper de ce qui est périphérique. C'est un peu ennuyeux car nous sommes mal préparés et cela donne une impression de désordre à nos travaux.
Les deux années précédentes, nous avions pris l'habitude de voir le programme un peu dérangé. C'était de bonne guerre lorsque c'était issu de la minorité dans l'opposition. Aujourd'hui quand cela émane de la majorité c'est un peu déconcertant. De quoi va-t-on parler au juste ? Etablissez l'ordre du jour que vous désirez mais veillez à vous y tenir !
La consultation proposée par le Conseil fédéral traitée ce soir sous point 81 a dû circuler très largement. L'élaboration de ce texte s'est faite avec le concours actif de la Coordination énergie composée visiblement de personnes très compétentes dont l'Association pour l'appel de Genève, Transports et environnement, Contratom, le WWF, la Société suisse pour l'énergie solaire, la Protection de l'environnement, plus le parti écologiste, le parti du travail, le parti socialiste, bref tous ceux qui connaissent l'énergie.
Vous avez dû prendre connaissance de la consultation. Probablement les auteurs du projet qui ne sont pas du parti écologiste mais des amis de M. Dupraz ou de M. Dessimoz l'ont-ils fait aussi. Ils peuvent s'exprimer, ils peuvent écrire directement au Conseil fédéral, ils peuvent s'adresser directement au Conseil d'Etat. Ce dernier, lorsqu'il répondra au nom des autorités genevoises, prendra en considération les éléments essentiels, soulignés par ceux qui savent !
Je refuse - excusez cette prétention - d'être instruit par vous qui vous présentez comme les porte-parole de ces associations qui sont, me semble-t-il, un peu monoculturelles. Je ne puis me déclarer convaincu simplement par les arguments présentés par M. Vanek ou M. Nissim. J'aimerais pouvoir me forger ma propre opinion et je ne le ferai pas sous les coups de marteau des autres; je garderai la position libérale qui m'est naturelle. Bien que je ne me fasse pas beaucoup d'illusions sur les rapports de force, je suggérerais que le Conseil d'Etat ne se sente nullement obligé par votre vote de ce soir de considérer que la République est d'un avis déterminé. Il s'agit simplement d'un petit détournement de démocratie... (Protestations.) ...au profit une fois de plus de quelques associations. (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Ma première remarque s'adresse à M. Vaucher : j'ai honte pour vous, Monsieur Vaucher ! Je crois que vous vous êtes trompé d'objet. Vous parliez du projet de loi sur la libéralisation des marchés publics qui proposait à un canton, lors de la construction d'un pont par exemple, de devoir ouvrir éventuellement son marché public à une entreprise de génie civil d'un autre canton.
Deuxième remarque : M. Halpérin nous dit que cette résolution est périphérique. Monsieur Halpérin, si l'avenir des barrages suisses est quelque chose de périphérique pour vous, j'ai le regret de vous dire que je ne comprends pas très bien ce qui est central.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat n'entendait pas intervenir dans ce débat. L'exposé de M. Halpérin m'incite à prendre la parole pour le rassurer, lui et le groupe libéral, sur la façon dont le Conseil d'Etat entend traiter cette résolution, pour autant qu'elle soit adoptée par ce Conseil.
Notre choix est le suivant : le point de vue du Conseil d'Etat concernant le projet de libéralisation des marchés de l'électricité sera exprimé dans le cadre d'une prise de position qui se fera au nom de l'Etat de Genève ainsi que nous procédons lors de chaque consultation. Nous allons également le faire pour la consultation sur cet objet.
Si vous entendez accepter cette résolution, nous l'annexerons à notre prise de position en indiquant qu'outre l'avis de l'Etat de Genève exprimé par le Conseil d'Etat il y a une autre prise de position, exprimée par le Grand Conseil, qui serait éventuellement celle que vous voterez.
Au yeux du Conseil d'Etat, le fait que le Grand Conseil vote cette résolution représente un document qui va enrichir le débat concernant la libéralisation du marché de l'électricité. Ce n'est pas une prise de position qui se substituera à la position de l'Etat de Genève.
M. Chaïm Nissim (Ve). Ma troisième remarque me revient en mémoire. Elle ne prend qu'une minute, je vous rassure ...
Le président. C'est votre troisième intervention!
M. Chaïm Nissim. Oui, tout à fait. C'est M. Dupraz qui m'a embarqué dans cette pensée. Je vous remercie, Monsieur Dupraz, de toutes vos remarques, parfaitement correctes, que je partage totalement. Il est extrêmement dangereux de libéraliser à outrance dans ce domaine-là. Je vous invite simplement à réfléchir sur un paradoxe assez intéressant : le conseiller fédéral qui nous propose ce projet de loi de libéralisation à outrance est membre du parti socialiste. J'invite les socialistes qui seraient éventuellement présents dans cette salle et qui pourraient avoir des contacts avec les socialistes au niveau national à insister et à propager la bonne parole. J'ai l'impression que le conseiller fédéral n'a même pas lu son propre projet de loi et je voudrais que vous vous joigniez à moi lorsque j'irai le voir dans quelques jours pour essayer de le convaincre de changer d'avis.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral.
Elle est ainsi conçue :
Résolution
(364)
Préavis genevois sur la loi fédérale sur la libéralisation des marchés de l'électricité
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- que le canton de Genève doit répondre à la consultation fédérale sur la nouvelle loi sur la libéralisation des marchés de l'électricité (LME) de manière consistante avec la constitution cantonale, ainsi qu'avec la conception de l'énergie en cours d'élaboration ;
- que le projet fédéral de LME s'oppose clairement aux principes du développement durable ;
- que cette loi mettrait en péril la santé financière des collectivités publiques ;
- que le risque de bradage des biens publics est réel ;
invite le Conseil fédéral
- à retirer son projet de loi mis en consultation en mars 98 ;
- à en élaborer un nouveau, allant dans le sens proposé par l'exposé des motifs de la présente résolution.
RAPPORT DE MAJORITÉ
Sous la présidence de Mme Janine Berberat, la commission a étudié la résolution R338 lors des séances du 29 août, 5 et 19 septembre, 10 et 17 octobre 1997. Assistaient à ces séances M. Ph. Joye, chef du DTPE, M. J.-P. Genoud, directeur le l'OCEN, ainsi que Mme L. Boissier et M. R. Beck du même service.
Préambule
La loi sur l'énergie du 7 novembre 1987 demande une révision de la conception au moins une fois par législature. Ceci fut fait en date du 26 août 1993 pour la législature 1989-1993. Celle qui fait l'objet de la présente résolution revient devant le Grand Conseil en dehors du délai imparti principalement pour des raisons de calendrier, son dépôt en plénière étant intervenu en date du 19 septembre 1997.
Technique
Une première version du texte de la conception cantonale de l'énergie a été élaborée en tenant compte des éléments actuels notamment en ce qui concerne la libéralisation des marchés, la politique tarifaire, l'aspect technique et les contraintes politiques liées aux achats d'énergie d'origine nucléaire.
Cette version a été soumise en consultation auprès des milieux concernés qui ont émis certaines critiques quant au manque de cohérence dans la concrétisation, remarques qui ont amené à modifier le projet.
Le texte final présenté par le Conseil d'Etat inclut les demandes formulées par les consultés à savoir les objectifs chiffrés sur les émissions CO2, une structure pour un fonds énergétique ainsi que la création d'une commission de surveillance des marchés de l'énergie. Concernant les énergies renouvelables, une réflexion sur les investissements de la collectivité est prise en compte de même que les options à prendre pour le partenariat public-privé.
Auditions
Association des communes genevoises (AGC). (MM. Hiltpold et Rütsche).
L'association approuve dans son ensemble le projet de conception cantonale de l'énergie. Cette audition qui fait suite à celle du 5 février 1997 sur le même sujet a été demandée par l'association afin de clarifier quelques points importants :
- Le fonds cantonal de politique énergétique pose un problème de gestion, les communes n'étant pas favorables à une entité cantonale unique si les communes y participent.
- Le projet prévoyant de supprimer le rabais aux collectivités publiques pour stopper le déficit des SIG et leur permettre de faire face aux défis du marché de l'électricité doit tenir compte de cet objectif en excluant qu'une partie des sommes dégagées puisse servir à la création d'un fonds.
- Les communes ne sont en général pas favorables à la création d'un fonds, estimant que le canton doit assumer lui-même les moyens de ses ambitions.
- Concernant le projet CADIUM, l'ACG y est favorable et souhaite que le financement soit couvert par les bénéficiaires afin qu'il n'y ait pas d'incidence financière sur le coût de destruction des ordures ménagères pour les communes.
Services Industriels de Genève (M. Fatio, Président).
Quelques remarques et modifications sont souhaitées par les SIG et qui portent sur les points suivants :
- L'objectif de réduction d'énergie nécessaire soit de 10 % en l'en 2005 est ambitieux. De plus, les éléments pris en compte pour le calcul à savoir base 1990 aggrave la réalité en tablant sur 15 à 20 %.
- La création d'une entité régionale n'est pas à prévoir car elle se développera par elle-même.
- Ce n'est pas au pouvoir politique de définir l'orientation des options d'achat et de vente d'énergie. Le contrat de prestations inclut déjà ces éléments.
- La création d'une commission cantonale de surveillance des marchés de l'énergie n'est pas souhaitée.
- La notion de combustible fossile dans le cadre des investissements dans des capacités de productions locales ne devrait faire référence qu'au gaz naturel ; (recommandation des l'an 2000).
- L'action tendant à la rénovation et augmentation de puissance de l'usine hydroélectrique de Chancy-Pougny doit inclure, non seulement la recherche des modalités de financement, mais aussi la diminution des coûts dans le projet.
Travaux de la commission
La commission étant saisie d'un projet de résolution portant le numéro R338, basée sur le texte de la conception cantonale de l'énergie, a choisi par sa majorité de travailler sur le contenu du texte.
Le rapporteur, conscient de la difficulté de reproduire une lecture facile des éléments du texte à la lumière d'amendements internes sur des fragments d'un projet de 57 pages plus les annexes, vous recommande de vous référer, Mesdames et Messieurs les députés à l'ouvrage de base.
Il faut néanmoins citer les amendements acceptés à savoir :
Page 3/ postulat 3
texte amendé : ...politique énergétique ne peut faire l'objet d'un surcoût sur les prix des énergies consommées, dans les respects du droit fédéral et ne trouvera sa solution que moyennant : une base légale...
Page 14
texte amendé : c'est-à-dire renchérir le coût de l'électricité ou libéraliser.(fin du texte)
Page 46
texte amendé : al.3/... dans les cas d'investissement utilisant des combustibles fossiles, le gaz naturel est recommandé dès la période 2000.
Conclusion
La commission de l'énergie et des SIG vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés d'accepter le texte de la conception cantonale de l'énergie et son pendant la résolution R338 par 7 oui( 3L,2 R,2 DC) contre 3 non (1 Ve)
Résolution
(338)
approuvant le projet de conception cantonale de l'énergie.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
vu l'article 10 de la loi sur l'énergie,
décrète
La conception cantonale de l'énergie est adoptée.
RAPPORT DE MINORITÉ
Bien que signé par un seul d'entre nous, le présent rapport reflète la position globale de la coordination- Energie, qui regroupe depuis 15 ans des députés et des militants qui cherchent à impulser une politique énergétique de développement durable. A ce jour WWF, SSES, SPE, PEG, PS, AdG, Chrétiens -sociaux viennent régulièrement.)
1. Politique énergétique genevoise
Quelques rappels historiques :
C'est en 1979 que le peuple genevois a montré pour la première fois par un vote son opposition au nucléaire. (initiative fédérale "; pour un contrôle démocratique du nucléaire "). Cette opposition ne s'est plus jamais démentie depuis. En décembre 1986, le peuple acceptait notre initiative cantonale "; l'énergie notre affaire " (par 57 % de oui), contre l'avis du Conseil d'Etat de l'époque, et contre l'avis de l'OCEN (Office Cantonal de l'Energie). Cette initiative "; l'énergie notre affaire " impose aux autorités cantonales de "; s'opposer par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires dans le canton et au voisinage de celui-ci ". Elle propose aussi toute une panoplie de mesures visant à économiser l'énergie dans tous les domaines, notamment dans le parc immobilier et le domaine des transports, en favorisant les transports publics. Le Conseil d'Etat et les partis de l'Entente ont recouru contre notre texte au TF, arguant entre autres que la politique nucléaire ne peut être que du domaine fédéral. Ils ont été déboutés. La loi actuelle L 2 18 découle en grande partie de notre texte, notamment son article 10 qui impose au Conseil d'Etat de proposer au Grand Conseil une Conception cantonale de l'énergie tous les 4 ans. (C'est cette conception que nous examinons aujourd'hui, elle est censée couvrir la législature précédente). En 1990 deux autres initiatives fédérales (moratoire nucléaire et abandon) furent acceptées par les Genevois à une forte majorité (66 % pour le moratoire). C'est ce premier texte sur le moratoire nucléaire, accepté aussi au niveau fédéral, qui détermine aujourd'hui la politique fédérale.
De plus, la libéralisation des marchés de l'électricité est venue confirmer, si besoin était, que l'ère nucléaire est bel et bien terminée. Ce que nous disions s'est donc confirmé, les investissements nucléaires se sont avérés trop lourds, impossibles à amortir. Les contrats nucléaires signés avec des centrales françaises se sont avérés de mauvaises affaires, et EOS cherche aujourd'hui à s'en dégager. 2.3 milliards investis à Leibstadt sont des investissements échoués, (inamortissables) et inutiles ! Nous demandons que ces contrats nucléaires, notamment ceux signés avec la France par l'intermédiaire de CNP - Centrales nucléaires en participation SA - soient rendus publics. Des milliards ont été gaspillés en pure perte, ces centrales nous coûtent cher et produisent de plus en plus de déchets radioactifs impossibles à gérer à long terme.
2. Processus d'élaboration de la CCE 96 (Conception Cantonale de l'Energie 96)
Le 1er mars 1994 la Coordination Energie publiait dans la presse une courte pré-étude d'évaluation, qui démontrait qu'on peut sortir de notre dépendance du nucléaire en 10 ans, sans augmentation notable du prix du courant. En effet, Genève consomme aujourd'hui en gros 28 % de courant d'origine nucléaire (la moyenne suisse est de 40 %). En substituant ces 28 % par des couplages chaleur-force, des barrages améliorés, des mesures de DSM (Demand Side Management, ou économies chez le consommateur), et des capteurs solaires, on pourrait réduire cette dépendance à zéro en 10 ans. Notre étude chiffrait les investissements nécessaires (ordre de grandeur : 350 mios), évaluait les emplois créés (850 emplois en 10 ans). Mais nous n'allions pas jusqu'à calculer le prix du courant qui résulterait de l'application de ces mesures. En effet, toutes les mesures décrites ci-dessus, à l'exception peut-être des CCF (couplages chaleur-force), produisent du courant à un coût supérieur à celui du nucléaire français (7 ct/kWh). Par exemple, la rénovation de Chancy-Pougny produirait de grandes quantités de courant (20 GWh/an supplémentaires), mais à un coût de 10 à 12 ct/kWh environ. La population genevoise acceptera-t-elle de payer la différence, par cohérence avec ses options antinucléaires ? La question reste posée.
Sur ces entrefaites, M. Philippe Joye, conseiller d'Etat nouvellement élu, choisit de nous prendre au mot et de commander deux études plus complètes (et aussi beaucoup plus chères, ½ million de frs !) à deux instituts, le genevois Logilab et l'américain CERA. Ces deux études devaient vérifier nos calculs approximatifs et évaluer l'augmentation du prix du courant qui résulterait de telles mesures. Elles devaient aussi évaluer l'impact économique global de telles mesures, notamment sur l'emploi.
Les résultats de ces 2 études furent publiés par le DTPE en janvier 95. Il est difficile de résumer ici les conclusions de ces études, que nous tenons à la disposition des députés intéressés. En gros, ces 2 études concluaient qu'il faudrait investir 1.4 milliards et non pas seulement 350 millions pour sortir du nucléaire, et que ces milliards entraîneraient une augmentation du coût marginal du courant de 13 ct/kWh environ, soit une augmentation notable du prix de vente actuel, qui varie entre 7.4 et 29.15 ct/kWh selon les tarifs, l'heure et la saison. Mais il faut préciser ici que les prémisses de ces études ont été délibérément faussées. Par exemple, les SIG avaient indiqué aux 2 instituts concernés que leurs prévisions étaient que la consommation cantonale serait en 2007 supérieure de 29.3 % à celle de 1992. Ce qui fait qu'il fallait substituer non plus seulement 28 % (notre part actuelle de consommation nucléaire) mais 28 + 29.3 %, soit 57.3 %. Ce qui est évidemment beaucoup plus difficile et plus cher.
L'un des 2 instituts se distançait d'ailleurs explicitement de ces prévisions volontaristes et fantaisistes, citant un rapport de l'association faîtière des électriciens allemands, qui prévoyait une légère baisse de la consommation dans 15 ans. (CERA, pp. 26-29) On sait aujourd'hui, après 6 ans de consommation stationnaire, que les SIG eux-mêmes ont réduit leurs prévisions à la baisse, ce qui fait que les prémices des 2 études se sont aujourd'hui avérées fausses, comme nous l'avions dit à l'époque.
En août 1995, 3 membres de la Coordination-énergie (les mêmes que les signataires du présent rapport) déposaient une résolution (R285), qui proposait des objectifs politiques à inclure dans la conception. Nous voulions respecter la loi, qui nous impose de renouveler la conception à chaque législature. Or, il faut tenir compte des longs délais de consultation : Une commission consultative doit d'abord examiner le projet, qui doit aussi être discuté largement dans tous les milieux concernés. Ceci prend un certain temps. Ensuite la commission parlementaire reprend le projet, le discute et l'amende si nécessaire, et cela prend aussi du temps.
En déposant notre projet de conception en 1995, nous voulions d'une part avertir le Conseil d'Etat qu'il était en retard, d'autre part contribuer au débat en proposant un texte qui ajoutait au texte de la conception existante, datant des années J.-Ph. Maitre, des objectifs politiques, soit un ensemble d'actions visant à permettre une décroissance de notre consommation d'énergie brute de 1 à 2 % par an. La Ville de Genève, elle, a déjà pris des mesures qui lui permettent d'abaisser chaque année sa consommation de 2 %. Le canton a lui aussi fait un effort, mais insuffisant faute d'une orientation politique claire, qui devrait permettre par exemple d'améliorer aussi les bâtiments des fondations immobilières et des caisses de pensions gérées par l'état, et de mieux organiser des services aujourd'hui dispersés. Ce texte R285 n'a jamais été discuté en commission, parce que nous attendions la conception officielle du Conseil d'Etat.
A noter sur ce chapitre des longues attentes qu'un autre texte fondamental attend lui aussi sa réalisation: Le 29.9.1992 les mêmes députés, et Robert Cramer, déposaient un projet de motion (M820) pour créer un fonds pour les économies d'énergie et l'encouragement des énergies renouvelables. Bien que la commission de l'énergie en ait discuté durant de nombreuses séances, et ait proposé de nombreuses variantes pour la création de ce fonds, rien ne s'est jamais concrétisé depuis 5 ans. Sur ce point aussi, les SI des villes de Lausanne et de Zurich possèdent de tels fonds depuis des années; nous à Genève jusqu'ici on a pu que freiner et traîner, faute de volonté politique claire et clairement affirmée! (sur ce point un PL 7759 a été récemment déposé, les choses pourraient donc avancer)
3. La CCE 96 enfin déposée
En septembre 1996 le premier projet de CCE 96 fut enfin mis en consultation. Ce projet avait le mérite de chiffrer à 550 millions la somme des investissements nécessaires pour sortir du nucléaire. (p.56) Mais il ne disait pas où prendre ces 550 millions sur 15 ans. (pour mémoire et pour comparaison les SIG investissent 100 à 150 millions par an). De plus, ce premier projet oubliait complètement de se fixer des objectifs politiques, ce que faisait notre R285. Ce dernier reproche, que nous avons mis en évidence dans la consultation, a ensuite été corrigé dans le sens de nos demandes, puisque la version actuelle de la conception, datée d'avril 97 et résumée par la R 338 qui vous est soumise ce soir, propose à la p 6 des objectifs politiques tout à fait raisonnables, ressemblant en grande partie à ceux que la Ville de Genève avait mis au point il y a 5 ans. Mais... mais...
En récrivant cette dernière version de la conception, ses auteurs ont "; oublié " la p. 56 de leur version précédente, qui proposait de sortir du nucléaire en 15 ans, en investissant 550 millions. En fait, ils ne se situent plus dans cette perspective-là. Ils se contentent de sinuer, d'osciller longuement, sans prendre parti, entre 2 options politiques, très éloignées l'une de l'autre, et contradictoires en grande partie :
- D'une part la libéralisation des marchés de l'électricité, qui nous est peu ou prou imposée par l'Union européenne depuis juin 1996, nous propose une baisse des prix pour les gros consommateurs, qui pourront se fournir là où le courant est le moins cher, soit dans les centrales à charbon rouillées et polluantes de l'est européen. Dans cette perspective de libéralisation pure et dure, les nouveaux barrages suisses deviendraient des investissements échoués, les prix baisseraient, les petites entreprises électriques locales feraient faillite, (p. ex EOS, ou les Force Motrices Valaisannes !) le contrôle politique sur la production disparaîtrait, et l'éco-dumping deviendrait la règle. (Eco-dumping: On achète là où c'est moins cher, même si ça pollue)
- D'autre part l'idée que pour sortir de notre dépendance du nucléaire il nous faut un contrôle politique sur l'économie, quitte à accepter de payer plus cher un courant de meilleure qualité. C'est dans ce sens que vont les initiatives fédérales "; centime solaire " et "; énergie-environnement ", déposées en 1995, ainsi que celles des Verts ("; taxer l'énergie et pas le travail ", déposée en 1997) et de la CAN (coordination anti-nucléaire, récolte de signatures imminente: Pour participer, s'adresser à Contratom, cp 65, 1211 Genève 8, tél. 781 48 44)
Les auteurs de ces initiatives complémentaires observent que depuis 20 ans, les prix du pétrole ont chuté d'un tiers, constituant une désincitation massive à toute politique volontariste de l'énergie, à toute valorisation d'autres sources d'énergie. Des milliers d'emplois dans des innovations essentielles n'ont pu se créer; les incitations économiques vont ainsi à rebours du bon sens. Ce bas prix de l'énergie est aussi considéré comme coresponsable du chômage structurel, puisqu'il incite à substituer le travail par l'énergie. Le correctif à cette évolution négative est tout simple, à portée de main: revaloriser le prix de l'énergie.
D'où l'idée d'une taxe sur les énergies non-renouvelables. L'effet incitatif est double dans ce sens qu'en renchérissant le prix de l'énergie non renouvelable, la taxe (qui n'est pas un impôt) rend rentables le s économies et le remplacement par d'autres énergies, et que son produit peut précisément être affecté à cette tâche. Taxe dont les recettes diminueront à mesure que diminuera l'emploi des énergies non-renouvelables - mais dans cette mesure précisément on a aussi moins besoin de son produit.
Plusieurs possibilités sont ouvertes :
- Pour financer une autre politique énergétique ("; l'initiative solaire ": une redevance de 0.5 centimes au kWh sur les mêmes agents, destinée à favoriser l'énergie solaire et l'usage rationnel de l'énergie, redevance limitée à 20 ans)
- Pour rectifier les distorsions actuelles : (l'initiative "; énergie environnement ": une taxe d'incitation sur l'ensemble des agents énergétiques non-renouvelables, restituée aux entreprises et aux ménages, et comprenant une disposition prévoyant que 8 ans après son entrée en vigueur, la consommation sera stabilisée puis réduite de 25 % en 25 ans)
- Pour diminuer la charge pesant sur le travail
- Pour financer la sécurité sociale (initiative des verts)
Ces pistes sont complémentaires, et demandent une analyse plus approfondie. Mais des changements de ce type sont indispensables.
C'est dans ce sens que va la taxe de 0.6 ct/kWh votée dernièrement par le Conseil national, mais refusée par le Conseil des Etats, qui doit être prélevée sur toutes les énergies non-renouvelables, y compris les énergies non-renouvelables suisses, pour éviter la discrimination. Cette taxe doit aussi servir à aider les barrages suisses à amortir plus rapidement leurs installations, puisqu'ils produisent de l'énergie renouvelable.
Ce dilemme est au centre du débat aujourd'hui: Sommes-nous prêts à payer à un juste prix un courant plus propre ? A quel prix évaluer une politique énergétique durable ? Nous sommes quant à nous convaincus que s'il est bien informé le peuple répondra oui : C'est la seule solution praticable !
La CCE 96, dans sa nouvelle mouture, telle qu'elle ressort de la consultation, se présente dans 2 versions différentes: Une version courte, qui est l'exposé des motifs de la R338. Et une version plus complète, dans une brochure annexée. Les députés de la commission de l'énergie ont choisi de se prononcer sur la version plus complète. Qui oscille encore plus, sinue, entre 2 lignes contradictoires, sans jamais prendre clairement parti:
- Les impératifs du développement durable d'une part, qui constituent l'un des pôles de ce texte, commanderaient un meilleur contrôle politique sur la politique énergétique, donc une augmentation de certains tarifs au moins, le renouvelable coûtant plus cher que le polluant. En effet : "; Actuellement les coûts externes de l'énergie, ou coûts des impacts induits par sa production, sa distribution et son utilisation, ne sont pas imputés à ceux qui les suscitent ou directement aux utilisateurs mais à la collectivité et aux générations futures. Cette situation est de nature à fausser la concurrence entre les divers agents énergétiques, notamment renouvelables, compromet les investissements dans les économies d'énergie et impose des charges considérables aux générations à venir. Afin de progresser dans le sens du développement durable, il est aujourd'hui indispensable de développer des instruments fiables permettant l'internalisation de ces coûts. Celle-ci aura l'avantage de fournir une meilleure base économique aux décisions cruciales de l'économie et de la politique énergétique. " (p. 28 du texte long).
- Les impératifs d'une libéralisation pure et dure d'autre part. Si notre conception postule un prix du courant "; aussi bas qu'économiquement possible " (p. 31 du texte long), comment peut-elle à la fois proposer un prix bas et un prix qui englobe les coûts externes ? Comment peut-on dans la même conception proposer d'augmenter et de diminuer les prix ? Les chapitres 3, 4 et 5 sont pleins de ces contradictions, et de ces sinuosités. Certes, on peut argumenter que certaines de ces contradictions ne sont que des descriptions objectives des possibles.
Certes aussi, des comptabilités analytiques permettront un meilleur contrôle et une meilleure visibilité des subventions croisées et des coûts cachés. Certes enfin, il existe des variantes atténuées de libéralisation qui permettent à la fois une meilleure transparence et un contrôle politique des coûts, intégrant les coûts externes dans les prix!
La minorité "; alternative " de la commission, devenue entre-temps la majorité du Grand Conseil, à la faveur des élections, proposera le refus de la CCE 96, trop complexe, contradictoire et illisible pour être amendée en plénière. (ou même en commission, d'ailleurs !)
Ensuite la minorité proposera dans une motion, ci-jointe, les lignes directrices d'une conception amincie, qui ont du moins le mérite d'aller clairement dans le sens du développement durable, dans le sens que demandent une majorité de genevoises et de genevois, comme ils l'ont montré dans 4 votes populaires successifs. Ces lignes directrices nous permettront d'attendre sereinement le dépôt par le nouveau conseil d'état d'une véritable conception complète.
4. CCE 96 : 2 lettres qui changent tout !
La commission de l'énergie et des SIG a consacré 4 séances à l'examen de la nouvelle mouture de la CCE 96. (Avec les délais de consultation cette CCE 96 aurait dû s'appeler désormais CCE 98 !) Elle a choisi de n'étudier que le texte long, comme déjà dit plus haut. Les commissaires de l'entente ont d'autre part choisi d'affaiblir encore le texte déjà très contradictoire proposé, profitant de leur très provisoire majorité en commission. C'est ainsi que le député Hervé Burdet se crut autorisé à rajouter un "; NE " dans la formulation du 3e postulat, qui devenait ainsi : "; le financement des mesures de politique énergétique NE peut faire l'objet d'un surcoût sur le prix des énergies consommées... "
Amendement approuvé par l'ancienne majorité néo-libérale, qui a au moins le mérite de la clarté, et qui révèle à quel point les chantres du néo-libéralisme sont contradictoires : Comment en effet approuver une politique énergétique quelle qu'elle soit en refusant en même temps de lui donner les moyens financiers nécessaires ?
Débat
M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Il convient de rappeler ici que, selon la loi sur l'énergie du 7 novembre 1987, il y a une obligation d'une révision de la conception cantonale de l'énergie au moins une fois par législature. La première révision a eu lieu pendant la législature 1989-1993. La seconde fait l'objet de la présente résolution en dehors du délai imparti pour la législature. Cela pour différentes raisons essentielles. Premièrement : la libéralisation des marchés au 1er janvier 1998 qui a demandé au Conseil d'Etat une étude et une concertation plus larges de ce rapport.
Deuxièmement : les retards pris dans cette enceinte font que ce rapport arrive ce soir. Monsieur Nissim, j'ai été fort surpris en lisant votre rapport de minorité. Vous êtes un grand innovateur. J'ai vainement cherché dans ce document un BVR pour payer ma quote-part à la publicité que vous faites pour un groupuscule qui soi-disant défend l'énergie. A la page 10, il est mentionné qu'il faut s'adresser à Contratom, C. P. p 65, 1211 Genève 8, tél. 781 48 44.
D'autre part, je savais que dans ce Grand Conseil certains lobbies agissaient par député interposé. Mais vous, vous allez plus loin puisque les rapports de minorité sont faits directement par ces lobbies. Vous avez la sagesse de l'indiquer de même que vous parlez dans votre rapport des trois mains qui ont signé celui-ci. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il s'agit là d'une trilogie, bien sûr ce n'est pas l'Orestie, mais ce serait dans votre cas plutôt du Pagnol. Monsieur Nissim, vous êtes l'Escartefigue de l'électron, le M. Brun du neutron et le César de la cellule photovoltaïque ! Néanmoins, vous ne me fendez pas le coeur car vous avez, sur quelques pages du rapport, réussi à proposer une dizaine de fois les mots redevance, taxe et impôt. De même dans la motion le mot taxe est mentionné une dizaine de fois. Les managers de l'industrie genevoise doivent frémir en écoutant ou lisant vos propos quand l'outil de travail est déjà menacé par la conjoncture actuelle. Néanmoins la donne est différente. Le Conseil d'Etat qui a bien étudié son rapport n'a malheureusement pas pu mener à bien la finalité de celui-ci en raison des délais. Dès lors la commission, par sa majorité, avait demandé d'accepter ce rapport. Nous sommes au mois d'avril, soit environ six mois après le début de la nouvelle législature. Il faudrait à mon sens faire une autre proposition : celle de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat afin qu'il peaufine celui-ci avec les données nouvelles et non pas l'accepter tel quel.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je vais vous expliquer, Monsieur Ducrest, ainsi qu'à vos collègues du parti libéral le problème de cette conception et celui du point précédent sur la libéralisation des marchés. Nous avons grosso modo deux grands choix en matière d'énergie. Prenons l'exemple de Chancy-Pougny ou celui de la rénovation de Verbois. Nous pourrions rénover Chancy-Pougny qui est une usine relativement ancienne d'environ cinquante ans. Le coût s'élèverait approximativement à 80 millions, ce qui mettrait le prix kWh supplémentaire produit aux alentours de 11-12 centimes. Nous pourrions envisager cet investissement qui serait rentabilisé à très long terme, soit un amortissement d'environ soixante ans. Ce courant propre à 11 centimes se trouverait en concurrence avec du courant nucléaire français à 7 centimes. Si la libéralisation a lieu ainsi que la loi fédérale le propose, les gros consommateurs seraient encouragés à se fournir au prix les plus bas, c'est-à-dire au nucléaire français à 7 centimes plutôt qu'à l'hydraulique suisse à 11 centimes.
Voilà le dilemme qui est le nôtre aujourd'hui et qui entraîne d'autres inconvénients. Le problème est le même pour un barrage à Rheinfelden sur le Rhin, pour Cleuzon-Dixence ainsi qu'à divers autres endroits. Il existe encore du courant bien moins cher que le courant nucléaire français à 7 centimes. Il est question aujourd'hui de courant charbon tchèque à 3 centimes, de l'énergie nucléaire de Tchernobyl à 2 centimes. Notre choix est le suivant : du courant sale bon marché avec tous les risques que cela inclut (déchets radioactifs, troubles respiratoires, forêts de Bohème qui dépérissent) ou préférez-vous du courant propre local à un prix un peu plus élevé ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Au niveau du consommateur, cette redevance sur les énergies non renouvelables représenterait le prix d'une tasse de café par mois et par famille, selon un calcul fait par M. Blondon, nouveau président-directeur de EOS. Pour environ 99 % des entreprises, les coûts de l'électricité représentent aujourd'hui environ 1 à 1,5 % (dans le cas des banques) de la charge salariale. La taxe de 0,6 centime par kWh, prévue par le Conseil national et refusée par le Conseil des Etats, représenterait encore un supplément de 2 % par rapport au 1 % actuel. C'est «peanuts», Monsieur Ducrest ! En revanche pour quelques entreprises grosses consommatrices, tel Kugler qui fabrique des robinets et utilise des fours électriques, de même que pour cinq autres entreprises du canton de Genève, l'augmentation serait plus importante. Pour ces entreprises, nous devrions trouver un moyen de les aider soit en les détaxant, soit en leur accordant un tarif préférentiel, soit en les aidant par d'autres moyens.
En agissant ainsi, nous assurerions la sauvegarde de nos barrages : Cleuzon-Dixence, Chancy-Pougny et Verbois. Voilà le dilemme auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.
Deuxième partie : la conception qui nous avait été proposée par le Conseil d'Etat. Elle sinuait, oscillait sans jamais rien décider entre les deux alternatives décrites plus haut : le courant un peu plus cher avec une taxe ou le courant un peu moins cher mais polluant. La conception ne résolvait rien car Philippe Joye n'avait pas non plus le courage de faire un choix clair. Il parlait beaucoup de développement durable, il en parlait beaucoup pour nous faire plaisir à nous et il parlait tout autant de courant le moins cher possible. Il y a toute une série de phrases, que je ne veux pas vous infliger ici, que j'avais découpées concernant la conception de Philippe Joye. Celles-ci étaient totalement contradictoires; parfois à l'intérieur du même paragraphe les deux options restaient ouvertes et Philippe Joye ne parvenait jamais à choisir.
C'est la raison pour laquelle nous avons complètement réécrit l'essentiel des points de la conception, soit environ 14 ou 15 points. Nous avons repris le projet de loi existant que nous avons pratiquement refondu en choisissant clairement la voie du développement durable, la voie d'un courant un peu plus cher mais propre.
Je proposerais de refuser la résolution 338 et de renvoyer la motion 1181 au Conseil d'Etat qui pourra s'en inspirer pour préparer la future conception qui sera celle de l'an 2000. J'espère que cette dernière respectera l'essentiel des propositions que nous faisons concernant les différents barrages.
Une voix. Bravo !
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Le rapporteur de l'ex-majorité défend un rapport indiquant que le Grand Conseil accepte l'ancienne conception cantonale de l'énergie; il conclut néanmoins son intervention en disant qu'il serait préférable de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat pour qu'il le peaufine. Il ne défend donc plus les conclusions de son rapport. Je le remercie d'avoir partiellement du moins rejoint notre camp. Il serait effectivement absurde de voter aujourd'hui cette ancienne conception cantonale de l'énergie. Le rapporteur de majorité l'a admis. Vous n'êtes pas obligés de me croire, moi, sur parole, vous pouvez le croire, lui, si vous avez des affinités plus particulières de ce côté-là de la salle.
Cette conception contient certes beaucoup d'excellentes choses. M. Nissim a indiqué des aspects négatifs. Elle est politiquement extrêmement sinueuse, extrêmement contradictoire. Nous ne pouvons donc pas l'accepter.
Quoi qu'il en soit, nous devons une fois par législature réviser la conception cantonale de l'énergie. Adopter post hoc une conception qui aurait dû être acceptée lors de la dernière législature, ne peut que retarder une remise sur le métier qui est urgente et nécessaire. Nous vous proposons de rejeter la résolution qui approuve la conception cantonale de l'énergie. M. Joye et l'ancienne majorité ont eu quatre ans pour réviser et faire adopter une conception qui aurait pu être la vôtre ou une conception de compromis de l'énergie. Cela n'a pas été possible. Je me rappelle que M. Joye en mars 1994, sauf erreur, nous assurait que «dans trois mois» il aurait une conception cantonale qui satisferait tout le monde. C'était du bluff; c'était bidon. Il n'a pas réussi à en accoucher. M. Nissim dit que cette politique était nulle; effectivement tirons un trait d'un commun accord sur cet aspect-là des choses. Cela ne veut pas dire - pour autant - que l'ensemble des travaux engagés et les réflexions dans le cadre de l'élaboration de cette ancienne conception sont à mettre au panier. Cela signifie que ce document n'est pas bon en tant que texte politique d'orientation générale pour ce canton.
Nous avons à vous proposer une motion qui ne prétend pas être elle-même LA nouvelle conception cantonale de l'énergie. Elle tente de résumer un certain nombre d'orientations que nous avons développées au cours de la dernière législature. C'est une motion qui n'a pas d'aspects contraignants. Elle invite le Conseil d'Etat à élaborer une conception cantonale de l'énergie avec une orientation claire qui est celle que nous donnons. Le Conseil d'Etat prendra ses responsabilités. Il tiendra compte de ces indications et il devra nous expliquer son choix dans un délai de six mois d'après la loi. Nous avons perdu la précédente législature en la matière car nous n'avons pas eu une conception avec des objectifs. Nous devrions être en mesure maintenant, dans un délai de six mois, d'avoir une conception cantonale de l'énergie qui incarne réellement les objectifs que les citoyens désirent voir appliquer tels qu'ils figurent dans l'article 160 C de la Constitution.
Je vous propose de rejeter la résolution 338 et je souligne que, s'il y avait quelques velléités de l'accepter, ce n'est pas la conception proposée par le Conseil d'Etat qui vous est soumise mais bien une conception amendée. Je ne citerai qu'un point : le postulat N° 3 qui est l'un des postulats essentiels des premiers principes généraux figurant déjà dans la précédente conception du temps de M. Jean-Philippe Maitre. Ce postulat dit que, dans le respect du droit fédéral et pour financer la politique énergétique, le coût de l'énergie peut faire l'objet d'un surcoût appliqué sur le prix des énergies consommées. En commission, l'ancienne majorité a découvert soudain que ce postulat n'était pas conforme aux accords de l'OMC et à l'esprit libéral qui devait prétendument souffler sur cette République; elle a conçu l'amendement le plus économe - pas d'énergie mais de lettres - dans l'histoire de ce parlement... (Protestations.) ...en rajoutant un «ne» et en disant : le prix des énergies ne peut faire l'objet d'un surcoût, et c'est cet amendement qui a été rajouté. Ce qui signifie que même si vous aviez des velléités d'accepter l'ancienne conception, ainsi qu'amendée par la majorité libéralo-quelque chose de l'ancienne législature, ce ne serait même pas celle-là que vous accepteriez, mais ce serait une conception qui incarne vraiment un esprit que nous venons de rejeter tout à l'heure en votant la résolution concernant le marché de l'électricité. Je vous invite par conséquent à suivre ma proposition.
Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît !
Mme Janine Berberat (L). Genève est sans doute le seul canton à s'imposer tous les quatre ans l'élaboration d'une conception cantonale de l'énergie. Cela est-il bien nécessaire ? Est-ce le bon outil ? Est-ce le moment le plus approprié, en fin de législature, pour voter cette conception ? A l'heure de la mondialisation où le plus petit dénominateur commun devient la région, où la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz est imminente, où les clients dits éligibles pourront en toute liberté économique s'approvisionner où bon leur semble, Genève peut-elle réellement concevoir sa politique en énergie à la dimension du canton ? Est-ce une utopie ou un défi ? Sans doute les deux à la fois. Les Genevois ont voté, il est vrai, en 1986 «énergie, notre affaire». Mais aujourd'hui sont-ils vraiment d'accord d'en payer le coût réel ?
En ce sens, la conception cantonale qui nous est soumise a toute sa raison d'être car elle ose prononcer un chiffre pour le coût du renoncement au nucléaire. Elle a aussi le mérite d'être réaliste car elle pose objectivement toutes les contraintes extérieures auxquelles notre politique genevoise est confrontée. Les aspects économiques sont pris en compte, notre interdépendance énergétique est admise, la fragilité de l'approvisionnement genevois est reconnue. Elle répond même au-delà aux objectifs Energie 2000. Elle a aussi le grand mérite d'une large concertation. Les milieux les plus divers ont été consultés et nous avons pu lire leurs avis consignés dans une brochure que vous avez tous reçue. Enfin elle intègre les principes du développement durable qui s'appuie sur les trois notions fondamentales que sont la société, l'économie et l'environnement.
Le décor est bien planté mais l'essentiel demeure dans l'éclairage qui devra être apporté. C'est peut-être là qu'il faut prendre le temps d'une nouvelle réflexion. L'organisation des travaux fait que la conception arrive en fin de législature. Elle a deux chances sur trois que le conseiller d'Etat qui la conçoit ne l'applique pas. Soit parce qu'il ne se représente pas, soit parce qu'il n'est pas réélu. Il serait raisonnablement possible d'envisager qu'elle soit élaborée en début de mandat. Alors pourquoi ne pas renvoyer celle-ci au nouveau conseiller d'Etat à charge pour lui de la revoir, de la remanier selon la politique énergétique qu'il entend mener ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Nous ne souhaitons pas, ainsi que le demande la motion 1181, considérer cette conception 96 comme nulle et non avenue. Ainsi que je l'ai commenté plus haut, elle n'est pas à jeter aux orties. Elle est le fruit d'un gros travail. Un travail de concertation pris au sérieux par de nombreuses personnes, groupements et associations, tant dans les milieux économiques qu'écologistes et des utilisateurs. Elle peut très bien rester une base de travail ou tout au moins une référence pour comparaison.
Je vous demande, Messieurs et Mesdames des bancs d'en face, de ne pas voir la conception selon la Coordination énergie, mais de la voir aussi avec les milieux économiques qui ont été consultés; c'est un tout. Le développement durable comprend aussi l'économie. Vous ne pouvez pas en faire abstraction. C'est pourquoi le groupe libéral vous propose de retourner cette conception au Conseil d'Etat pour qu'il en ait d'abord une nouvelle version que nous réexaminerons en commission de l'énergie avec beaucoup d'intérêt. Nous pourrons aussi examiner votre motion.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés. J'ai procédé à un constat tout à fait provisoire, bien sûr. Nous sommes soixante-douze dans la salle et j'ai dénombré trente-deux personnes qui, outre l'orateur, parlaient en même temps. Je veux bien que nous soyons un parlement et que nous soyons enclins à parler mais si possible, Mesdames et Messieurs, à tour de rôle. Cela pour la meilleure compréhension et le meilleur déroulement de nos débats. D'avance, je vous en remercie.
M. René Longet (S). J'aimerais vous citer deux chiffres. Celui de la relation entre les énergies renouvelables et les énergies non renouvelables. En Suisse, nous dépendons à 85 % d'énergies non renouvelables; seuls 15 % sont renouvelables. Le deuxième chiffre : dans le monde 25 % de la population consomme 75 % des ressources énergétiques.
Ces deux chiffres à mon avis résument tout le débat et l'ensemble de la problématique. D'aucuns se demandent ici pourquoi faire cet exercice. Pourquoi s'astreindre à ce travail ? Nous sommes dans une situation où nous ne pouvons pas accepter que notre économie ou notre société soient fondées sur une structure énergétique aussi instable que cela. Les chiffres peuvent être contestés; cela serait assez vain, car ce sont toujours les mêmes chiffres cités lorsque ce débat est abordé. Nous avons l'obligation, non pas juridique mais factuelle, d'arriver à changer ces chiffres et ces rapports, et de pouvoir nous fonder de plus en plus sur les seules énergies raisonnablement possibles, celles qui sont renouvelables. Il s'agit d'inverser le pourcentage qui est factuel; il n'est pas durable de dépendre à 85 % de ressources non renouvelables.
C'est pour cette raison que des politiques de l'énergie se sont développées depuis vingt ans. Depuis 1986 nous avons un article constitutionnel à Genève. Depuis 1990, il y a le moratoire et l'article énergétique. Quel combat, Mesdames et Messieurs, pour en arriver à une politique à peu près cohérente et efficace ! Depuis quinze ans nous avons, sur le plan cantonal, davantage hésité, tergiversé, tourné en rond, essayé de faire tout et son contraire : quinze ans d'hésitations ! De bonnes choses ont été réalisées mais sur une base politiquement insuffisante. La base constitutionnelle est excellente, les techniciens sont excellents; mais la volonté politique qui devait faire le lien entre les deux était insuffisante. Une option politique, qui était celle de la majorité, laquelle pendant quinze ans n'a pas voulu respecter le vote populaire d'«énergie, notre affaire», n'a pas donné des missions claires aux techniciens, si bien que nous n'avons effectué que la moitié, voire le tiers du chemin.
Il nous faut aujourd'hui mettre les bouchées doubles pour rattraper ces quinze ans en choisissant une politique forte, ferme, cohérente. C'est pour cela que nous refusons que ces deux textes soient traités à égalité, qu'ils soient renvoyés au Conseil d'Etat en lui laissant en quelque sorte le soin de faire les arbitrages à notre place. C'est nous, et je m'adresse au rapporteur de l'ancienne majorité, c'est nous qui ce soir devons faire le choix de la base à partir de laquelle, Madame Berberat, nous allons ensuite voir les consultations ordinaires se faire, y compris celles des milieux concernés. Cela ne doit pas avoir lieu dans la confusion, ni dans le rapiéçage de toutes sortes de textes contradictoires mais sur une base claire. Celle non seulement de nos options constitutionnelles mais de la réalité factuelle de notre monde.
Nous vous demandons de voter le rapport de M. Nissim; la résolution qui a été proposée n'est plus opérationnelle. Il faut voter la motion 1181 pour assainir la situation et faire enfin ce que le constituant nous demande de faire.
R 338
Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée.
M 1181
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
Motion
(1181)
refusant la conception cantonale de l'énergie
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
- l'article 10 de la loi sur l'énergie
- la résolution 338 (CCE 96) proposée par le Conseil d'Etat en 96
décrète
1. La CCE 96 est refusée.
2. Le Conseil d'Etat est mandaté pour proposer une CCE 98, après les consultations d'usage, prenant en compte les principes suivants:
1. Introduction générale :
Les autorités cantonales basent leur politique énergétique sur le développement durable. Elles s'efforcent de sortir de notre dépendance des énergies non renouvelables et polluantes. Pour créer de la qualité de vie, et des emplois locaux.
En particulier, les autorités cantonales respectent la volonté populaire de sortir du nucléaire, y compris importé de l'étranger. Elles informeront la population des inconvénients du nucléaire, et des avantages du développement durable, de façon que celle - ci soit en mesure de décider du rythme et du coût à payer pour sortir progressivement de notre dépendance du nucléaire. L'art 160 C Cst est la base de la présente conception.
(Rappel : Un développement est défini comme durable s'il satisfait aux besoins des générations présentes sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de subvenir à leurs propres besoins.)
2. Objectifs sectoriels :
Dans ce cadre, les autorités cantonales se fixent au moins les objectifs suivants :
Electricité :
- Augmenter, par rapport à l'état 1990, l'efficacité globale de la consommation - c'est-à-dire diminuer les consommations dans les proportions citées ci-après : - de 10 % à l'horizon 2005 et de 20 % à l'horizon 2015.
Les productions alternatives et décentralisées d'électricité seront encouragées. Citons à ce sujet la M 1114, qui propose la création d'une "; bourse du solaire photovoltaïque ", destinée à encourager la construction, par les SIG, de capteurs solaires à l'intention des citoyens concernés, qui sont prêts à payer une part de leurs achats au prix de revient du photovoltaïque, soit environ 4 fois plus cher que le prix de vente)
La rénovation de Chancy-Pougny, source de kWh abondants, renou-velables et indigène, est une priorité.
Combustibles :
Genève adopte les objectifs d'Energie 2000 mais les reformule de la façon suivante : les consommations de combustibles à population constante doivent diminuer de 15 % en l'an 2000 (objectif Energie 2000) et de 45 % d'ici 2025 par rapport à l'année de référence 1990.
Pour ce qui est du solaire thermique, l'objectif est d'installer ½ m2 de capteurs par habitant, partout où c'est possible.
Carburants :
Les autorités influenceront la constitution du parc automobile vers les véhicules à plus faible consommation par des mesures fiscales, et vers l'encouragement accru des transports publics. (lien avec les concepts circulation, transfert modal vers les TPG)
La limitation des émissions de CO2
Genève adopte les objectifs du programme Energie 2000, à savoir une stabilisation des émissions de CO2 au niveau de 1990, puis une réduction progressive. (v. ACF du 30.10.90 lors de la conférence de Genève sur le climat; v. aussi l'initiative énergie-environnement qui propose 1 % d'amélioration par an) Au delà de ces objectifs, toute diminution de 3 tonnes de CO2 dans l'atmosphère, due à des mesures de rationalisation, autorise une production fossile complémentaire d'électricité émettant 1 tonne de CO2 supplémentaire.
3. Liste d'actions :
Au niveau fédéral, l'Etat de Genève encourage la création de toutes mesures permettant de fixer les prix et tarifs, en fonction de critères écologiques et politiques, évitant ainsi l'éco-dumping.
Dans ce cadre, les responsabilités de l'Etat et des sociétés de production-transport-distribution seront précisées par :
Action 1 La définition d'un contrat de prestations pour les SIG
Ce contrat de prestations définira :
1. La mission des SIG et leur rôle dans la politique énergétique
2. La compensation des manques à gagner financiers qui pourraient résulter de l'accomplissement de cette tâche.
3. La structure des tarifs en fonction des points précédents
4. Les conditions incitatives de rachat du courant issu de sources renouvelables.
5. Les modes de collaboration régionale.
Pour travailler sur ces questions, il est indispensable :
- de connaître dans le détail les coûts aujourd'hui payés par les SIG pour le transport et la distribution d'énergie. Cela implique une comptabilité analytique complète et efficace, telle qu'elle est programmée par les SIG;
- d'étudier l'introduction de tarifs différenciés, qui permettraient de moduler l'augmentation pour certains clients.
3.1. Production hydroélectrique
La production hydraulique du canton est actuellement assurée par les ouvrages hydroélectriques de Verbois, du Seujet et de Chancy-Pougny.
L'usine hydroélectrique de Chancy-Pougny (dont les installations ont 80 ans) doit impérativement être rénovée ces prochaines années. Parallèlement à cette rénovation, des travaux d'augmentation de puissance (11 MW, soit 20 GWh / an ou 3 % de la consommation nucléaire du canton) pourraient être effectués pour des investissements d'environ 100 millions de francs.
Cette action doit être analysée en regard des incertitudes sur le long terme concernant les marchés de l'énergie. Elle s'inscrit dans le plan d'action de la conception cantonale de l'énergie pour les motifs suivants :
- il s'agit d'une production renouvelable et sans émissions;
- le coût de l'électricité produite doit être réévalué. En effet, un démantèlement de l'ouvrage coûterait lui aussi très cher !
Action 2 Rénovation et augmentation de puissance de l'usine hydroélectrique de Chancy-Pougny. Poursuite des études pour les 2 autres sites (Conflan et Vessy) afin d'avancer les dossiers de construction et de résoudre les problèmes écologiques.
Les SIG ont répertorié deux autres sites potentiels de production hydroélectrique: Conflan et Vessy. Conflan pourrait produire 135 GWh/an, soit 5 % de la demande cantonale. Vessy pourrait produire 15 GWh/an. Ces 2 ouvrages seront étudiés.
3.2. Gestion de la demande d'électricité (DSM)
(DSM : Demande Side Management ou gestion des économies possibles chez le client)
Quoique souvent comptabilisés comme des coûts, les montants consacrés à inciter les consommateurs à réduire leur consommation par différents moyens relèvent d'une logique d'investissement concurrente de celle des moyens de production et peuvent largement bénéficier au distributeur. C'est dans ce sens qu'on parle parfois de "; production de négawatts ".
Les actions de DSM peuvent être de plusieurs types: le remplacement des technologies d'usage par des technologies plus efficaces présentant le plus faible coût marginal à long terme; le changement de comportement des utilisateurs, l'ajustement de la fourniture de prestation au besoin. Elles peuvent être promues de diverses manières : signaux tarifaires, information, aides à l'investissement, audits, actions systématiques, etc. Toutes les mesures efficaces ont leur pleine valeur, quelle que soit l'évolution des marchés de la fourniture et de la distribution d'électricité.
On distingue deux trains de mesures DSM: les mesures dites primaires sont celles dont le potentiel est presque certain et le temps de retour bref (potentiel d'économies : 1 à 2 % par an. Coût des kWh économisés: 2 - 8 ct). Les mesures de DSM secondaires ont des temps de retour plus longs, et un potentiel théorique plus important (potentiel d'économies : 10 % de notre consommation actuelle, soit 240 GWh/an. Ou encore 30 % de notre consommation d'origine nucléaire. Coût 20 ct/kWh).
Les opérations de DSM primaires, actuellement conduites dans le canton de Genève, se sont révélées être performantes et doivent être multipliées (programme OGURE). Sur la base des enseignements de ce programme, les coûts des mesures de DSM peuvent être mieux calibrées en vue de conduire des opérations de DSM secondaires à haute performance.
Action 3 Développement des mesures de DSM primaires et secondaires.
3.3. Cogénération
Les technologies de cogénération, ou couplage chaleur force (CCF) produisent simultanément de la chaleur et de l'électricité. On distingue les installations connectées à un réseau de distribution de la chaleur à l'échelle d'un quartier au moins (CCF centralisé) de celles desservant des îlots d'immeubles (CCF décentralisé).
Ces techniques peuvent être cohérentes dans la perspective d'une future internalisation des coûts externes, dans la mesure ou elles produisent moins de CO2 supplémentaire que les diminutions obtenues dans les secteurs combustibles et carburants. (v. ci-dessus)
Action 4 Réalisation d'une turbine à gaz à cycle combiné avec récupération de chaleur sur le réseau de chaleur à distance actuel, éventuellement étendu.
Plusieurs sites réunissant les conditions pour l'implantation de CCF décentralisés ont d'ores et déjà été identifiés par l'OCEN. Ces installations s'inscrivent dans le plan d'action de la conception cantonale de l'énergie pour les motifs suivants :
- elles assurent une production électrique à haut rendement pour un rapport émission de CO2 par kWh très favorable ;
- elles constituent des opérations économiquement rentables à condition d'être réalisées dans le cadre de conditions de rachat de l'électricité correctes et de véritables partenariats entre les SIG et les autoproducteurs.
Action 5 Mise en place d'installations de cogénération exploitées en fonction des besoins de chaleur sur les sites actuellement répertoriés.
La pile à combustible pourrait pénétrer sur le marché dans un délai de4 à 5 ans. Le rapport élevé de production d'électricité/chaleur permet de produire plus d'électricité que les autres formes de cogénération et avec un taux d'émissions favorable.
Action 6 Encouragement au développement de la pile à combustible.
3.4. Consommation de combustibles
CADIOM
Le projet CADIOM (chaleur à distance par l'incinération des ordures ménagères) est destiné à valoriser de l'énergie thermique dégagée lors de l'incinération des ordures ménagères à l'UIOM des Cheneviers par un réseau de chauffage à distance sur la Cité Nouvelle d'Onex.
Cependant l'étude strictement énergétique concernant Cadiom doit impérativement être complétée par une étude concernant les déchets. Il serait en effet inacceptable que le tonnage des déchets à incinérer augmente, ou même qu'il ne diminue pas aussi vite que le recyclage le permet, à cause de Cadiom.
Action 7 Conditionner la réalisation du projet CADIOM au résultat des 2 études demandées, sur l'énergie et les déchets.
(v. à ce sujet la motion M 1169 acceptée par le GC le 23 janv. 98)
3.5. Actions techniques à développer dans le secteur immobilier
Les actions techniques déjà en cours et à développer sont la mise en application de la loi sur le DIFC, la maîtrise de la consommation de combustibles dans les bâtiments de l'Etat, le développement de l'énergie solaire thermique, la valorisation du bois d'entretien des forêts genevoises et la valorisation des rejets de chaleur (par exemple : rejets de chaleur produits dans le secteur tertiaire pouvant être valorisés pour le préchauffage de l'eau sanitaire dans l'habitat collectif voisin; déchets de papier dont le recyclage permet la production à moindre coût énergétique et environnemental; les déchets de restaurants qui peuvent être valorisés par bio-méthanisation avec l'effet secondaire d'en réduire l'encombrement et, par là, des nuisances de stockage et transport, ou éventuellement par incinération à proximité de preneurs de chaleur).
Ces divers types de valorisations offrent un potentiel intéressant et doivent être exploités, comme le mentionne explicitement l'article constitutionnel 160C.
En résumé, toute expérience pilote sérieuse dans ce domaine devra être encouragée.
Action 8 Poursuite des programmes en cours:
Mise en place du décompte individuel des frais de chauffage conditionné à la performance. Introduction d'une limite perfor-mentielle pour les bâtiments existant de 500 MJ/m2.an
Programme de réduction de la consommation dans les bâtiments publics et des organismes qui en dépendent dans le cadre d'un système de management environnemental.
Développement des installations solaires thermiques et photovoltaïques à Genève.
Développement du recours aux sources indigènes et renouvelables de chaleur par le bois.
Valorisation des rejets de chaleur: Etablissement d'un inventaire des sites potentiels regroupant offre et demande de chaleur.
3.6. Consommation de carburants
La réduction de la pollution automobile sera obtenue principalement par le transfert modal vers les transports publics.
Cependant, une modification de la fiscalité automobile est aussi une des voies à explorer dans l'objectif de réduction de la consommation de carburants. Plutôt que d'être imposés selon leur cylindrée, les véhicules seront, par exemple, imposés selon leur consommation normalisée. Le but de cette action est d'inciter les utilisateurs à prendre en compte la consommation au moment décisif de l'achat.
Les voitures électriques qui utilisent du courant nucléaire sont à proscrire.
Action 9 Poursuite des travaux en vue de l'adoption d'une disposition encourageant l'achat de véhicules de faible consommation.
Action 10 (nouvelle) : Le Conseil d'Etat s'efforce, par tous les moyens politiques et juridiques à sa disposition, de proposer réaliser ou promouvoir une taxe sur les ventes d'énergies non renouvelables (combustibles, carburants, nucléaire et gaz). Le produit de cette taxe servira à encourager les productions indigènes et renouvelables.
Cette action 10 se justifie pour les raisons suivantes :
Dans le contexte de la libéralisation envisagée des marchés de l'électricité, les prix risquent de subir des pressions vers le bas. Les compagnies d'électricité risquent d'aller au devant de difficultés financières parce qu'elles n'auront pas la possibilité d'amortir leurs investissements, notamment les investissements dans le renouvelable et l'indigène. Il s'avère dès lors indispensable de soutenir les centrales "; propres " et indigènes, en taxant les autres (nucléaires, charbon, fuel, gaz) et en redistribuant l'argent aux centrales "; propres ". Cette taxe est aujourd'hui indispensable pour qui veut conduire une quelconque politique énergétique. Le Conseil National l'a déjà proposée au niveau fédéral, (0.6 ct/kWh, soit 500 millions par an) mais le Conseil des Etats l'a refusée. Au niveau européen également une telle taxe redistributrice est à l'étude. Au niveau cantonal cette taxe doit être coordonnée avec les niveaux supérieurs, tout en précisant que Genève ira aussi loin que possible dans cette voie. Elle poussera les gens au civisme écologique, et créera de nombreuses places de travail dans le solaire et les économies d'énergie. Le postulat No 3 de la conception de 93 laisse la porte ouverte à cette taxe, mais cette formulation "; le financement des mesures de politique énergétique PEUT faire l'objet d'un surcoût... " ne suffit plus dans la situation actuelle, il faut une certitude.
4. Financement des mesures techniques :
Diverses études aux résultats convergeants chiffrent la dépendance de Genève par rapport au nucléaire, suisse et importé, à 28%. Pour substituer partiellement ces kWh, les investissements nécessaires se monteront à 550 millions en 15 ans. (En plus des 100 millions env. investis annuellement par les SIG). Ces investissements auront un coût marginal moyen de 12-16 ct/kWh, ils auront un impact sur les prix du courant de 10-15 % environ, soit quelques francs par mois pour un ménage moyen. Pour les 5 gros industriels que cette augmentation mettrait en péril, des accommodements seront mis au point.
L'action de l'Etat dans ce domaine doit se renforcer et s'élargir à l'encouragement de tiers opérateurs
Action 11 Au niveau local et intercantonal, il faudra favoriser les synergies entre les compétences existantes, et développer de nouvelles compétences
Si le canton de Genève décide de s'équiper en moyens de production indigènes afin d'assurer son autonomie, il est nécessaire de décider qui finance la volonté d'autonomie, laquelle résulte d'une décision politique. Cela est important si ces équipements produisent de l'électricité à un coût supérieur à celui auquel les SIG ou les entreprises genevoises, dans le cadre de la libéralisation, pourraient s'approvisionner dans le marché européen.
La libéralisation va imposer aux SIG un nouveau défi: Comment réaliser des ouvrages produisant de l'électricité chère - faisant ainsi diverger les coûts de l'énergie genevoise de ceux offerts sur le marché extérieur - pendant que leurs clients importants vont pouvoir s'approvisionner à bon marché hors du canton?
La nécessité d'une taxe sur les énergies non renouvelables prend ici tout son sens.
4.1. Fonds de politique énergétique
Le fonds est destiné à soutenir le financement, de tous projets locaux ou la partie genevoise de projets régionaux conduits par les collectivités et établissement de droit public et le secteur privé, s'inscrivant dans les objectifs de la politique énergétique cantonale.
Le fonds doit être créé par une disposition légale qui en définit le principe et les modalités de fonctionnement.
Le fonds est géré par un conseil du fonds composé de représentants de l'Etat et de techniciens aux compétences reconnues.
Action 12 Constitution d'un fonds de politique énergétique cantonale.
Voir à ce sujet le projet de loi 7759 déjà déposé.
4.2. Les effets des actions techniques sur l'emploi
Les diverses actions de maîtrise des consommations de même que les actions qui substituent des productions locales à des achats extérieurs favorisent le développement de l'emploi. Les retombées économiques d'un programme d'investissement dans des technologies CCF CAD et DSM (Demand Side Management) pourraient être à l'origine de la création d'environ 3000 emplois pendant l'ensemble de la période quinquennale centrée en 2000. (Extrapolation de documents en provenance d'Energie 2000) Ces actions sont un support important à l'économie locale, aspect qui doit être également pris en compte lors des calculs économiques (coûts épargnés sur la politique sociale et économique).
Au-delà de la recherche de solutions dans une stricte vision énergétique, Genève peut saisir l'occasion extraordinaire que constitue la réforme de son système énergétique pour devenir un pôle de compétences en matière de technologies énergétiques. Dans cette perspective, l'Etat devient également un générateur de projets au service de son économie.
En conclusion nous vous présentons la courbe de charge annuelle du canton, avec la forme qu'elle pourrait prendre si les mesures proposées étaient réalisées. Il va de soi que dans la courbe ci-dessus les importations sont de sources renouvelables, de sorte que les importations nucléaires ont été réduites à zéro.
La séance est levée à 23 h 25.